Archives de catégorie : Chroniques

La toile et l’enclos

La revue ArMen propose, dans sa dernière livraison, un dossier fort instructif sur la Bretagne toilière. La Bretagne connut en effet à la Renaissance une période de relative prospérité grâce à la culture et à la transformation du lin et du chanvre.  Les voiles et les cordages de chanvre breton s’exportaient dans toute l’Europe, notamment en Espagne pour équiper les navires partant sillonner les mers du globe. ArMen nous apprend à cette occasion que les enclos paroissiaux sont une forme d’expression de la richesse apportée par les toiles.

scene-du-calvaire-de-saint-thegonnec_large_rwd

Le calvaire de Saint-Thégonnec, détail. (info-bretagne)

C’est, somme toute, assez logique. Les périodes correspondant bien (XVIe et XVIIe) tout comme la répartition géographique des cultures. “Les zones littorales du Léon et du Trégor, avec leurs terres recouvertes d’un loess de qualité, un peu acides et suffisamment humides, sont celles qui ont fait la part belle au lin.” Et les plus beaux enclos paroissiaux, à l’image de Saint-Thégonnec (photo) ou de Guimiliau,  sont situés dans le nord-Finistère. Rappelons pour les étourdis qu’un enclos paroissial est un ensemble architectural élevé autour d’une église. C’est un domaine sacré constitué, outre l’église, de trois éléments : une entrée monumentale, un calvaire et un ossuaire. Il est souvent orné d’un chapelet de statues de pierre assez baroque (photo) reflétant le goût et l’art populaire de l’époque. Il est dit aussi que les enclos avaient pour vocation de réenchanter le catholicisme à l’époque de la contre-réforme.

toile-olonne

Toile de lin, fil d’Arz

Cette affaire de toile me renvoie à une histoire fabuleuse, celle de Pierre Malherbe, fils de négociant toilier de Vitré, auteur du premier tour du monde par voie terrestre au XVIe siècle.
Ce Pierre Malherbe croisé pour la première fois à Pondichéry dans un récit sur l’aventure des Français en Inde publié par les éditions Kailash et retrouvé quelques années plus tard sous la plume de Roger Faligot. Les sept portes du monde (Plon) retracent l’incroyable itinéraire de ce Marco Polo breton, envoyé comme apprenti négociant en Espagne, qui commence son périple au Mexique et l’achève en Inde dans les palais du grand Moghol Akbar après une traversée épique du Pacifique. Le marchand de toiles bretonnes s’était au fil du voyage transformé en négociant en pierres précieuses, se garantissant ainsi les moyens du voyage et s’assurant le commerce des princes.

Datés du jour de ponte

 

dates

Couverture : monotype de Jeanne Frère

 

 

Jules est venu

dans sa quatre-vingt-deuxième année si je ne me trompe pas

déjeuner à la maison aujourd’hui

En arrivant il a offert à Reine

un bouquet de fleurs et «un cadeau pour Pauline »

La femme de Jules est morte il y a dix mois et Pauline

aura bientôt deux ans et demi. Jules dit que le pyjama

doit être à présent trop petit

que sa femme l’avait choisi quelques jours avant de mourir

que c’est même

en allant l’acheter qu’elle a ressenti son premier vertige

et Jules demande qu’on l’excuse

de ne pas avoir eu la force de nous l’envoyer à temps

Aujourd’hui Jules apporte le pyjama trop petit :

« Je me doute qu’il est trop petit mais

je ne pouvais vraiment pas le donner

à quelqu’un d’autre voilà

c’est ma femme qui l’avait choisi

pour Pauline ».

 

Ce poème, daté du 26 octobre, est extrait de Datés du jour de ponte, un recueil de textes de Bernard Bretonnière, que viennent de publier les Carnets du Dessert de Lune, de Bruxelles.

J’ai commandé et reçu deux exemplaires – un pour moi, un pour offrir – de cet ouvrage simple et beau comme un jour de ponte.

 

 

 

 

La carabine à “du coup”

J’avais l’intention, cette semaine, de sortir ma carabine à « du coup » lors de la conférence de rédaction quotidienne du journal du festival des 3 Continents, réalisé par les étudiants de l’université de Nantes. Mais j’y ai renoncé dès le premier jour, tant la tâche s’est révélée ambitieuse et, pour tout dire, irréalisable. L’affaire aurait tourné à la pétarade ou au carnage, ce qui n’était pas le but de l’opération.

Il semble en effet que pas une phrase ne puisse aujourd’hui être prononcée en public sans un salvateur « du coup ». « Du coup, on a choisi tel sujet… Du coup on a refait le montage… Du coup la critique passera sur le web… » Bref, sans « du coup » point de salut. La malheureux « pas de souci » qui a cannibalisé les conversations pendant plusieurs années peut aller se rhabiller. Il est sera bientôt relégué au rang de curiosité linguistique de tic de langage ringard et désuet.

winchester-3030-1894-z

Le problème, comme le relève Claudine Chollet dans une excellente chronique intitulée « Tordons le cou à l’expression du coup » est que « du coup » est un syllogisme qui se prévaut de l’accord implicite de l’interlocuteur. Exemple : ces articles étaient en solde, du coup j’en ai pris trois. L’expression, note-t-elle, permet de faire l’économie d’un raisonnement, et de se prévaloir d’une légitimité à penser et à agir.

Du coup, je vois des du coup partout. Dans la bouche de mes proches, à la ville, au téléphone et – horreur, malheur –  j’en surprends à sortir de mon propre gosier. Je ne sais pas s’il existe des études sérieuses sur les tics de langage qui occupent ainsi la sphère de l’échange oral pendant quelques années, vont, viennent, disparaissent ou mutent. Mais, du coup, celui-ci me semble justifier une attention particulière, comme c’est le cas pour les plantes invasives qui colonisent l’espace et menacent la végétation indigène.

Feuillet d’automne

L’arrière-saison se dilate chaque année un peu plus. Début novembre, les feuilles se décident à tomber doucement, et le surplus de bois qui refuse d’entrer dans le bûcher se réchauffe tranquillement au soleil durant la journée. On peut donc fendre et couper les bûches à mesure.

louis-xivLa campagne a toutefois quelques inconvénients : “La mort de Louis XIV”, n’est pas donnée dans le cinéma le plus proche  – même si nous avons désormais un petit multiplexe à Savenay – Il faudra donc courir à Nantes, pas avant la fin de la semaine. Les commentaires d’éventuels premiers spectateurs sont les bienvenus.

Quelques Bordelais bien intentionnés ont déposé, à la faveur des vacances scolaires, les documents de présentation autourdelexpo_11de l’exposition Montaigne Superstar, actuellement en place autour de l’exemplaire de Bordeaux.  Pour être honnête, cette présentation qui se veut décalée et ludique m’inspire assez peu.  Uen carte postale donnée avec le programme attire toutefois l’attention. au dessus du portrait de Montaigne, on lit la mention #premierblogueur.

Le parallèle n’est pas complètement idiot, si l’on se souvient que Les Essais étaient écrits au jour le jour, sans souci de cohérence, selon l’inspiration du moment.  Des billets d’humeur en quelque sorte, nourris par l’expérience et prolongés par la réflexion des Anciens. Même si, évidemment, peu de blogueurs peuvent revendiquer la hauteur de vue et la profondeur de champ du Gascon. Et il n’est pas certain que beaucoup de textes tiennent encore debout dans un demi-millénaire, comme c’est le cas pour les Essais.

Côté lecture, la boussole du moment reste Le Ciel & la Carte  d’Alain Borer qui ne cesse de renvoyer à d’autre textes, telle L‘Histoire universelle des explorations, quatre précieux volumes que les étagères du bureau ont la bonne idée de porter. Ce qui permet de prendre un peu de vent des mers du Sud, quand le narrateur tourne un peu trop en rond dans sa cabine.

Bonne semaine

 

Sauve qui peut (la rentrée littéraire)

On a beau se tenir à distance de l’étal des nouveautés chez les libraires, détourner le regard devant les critiques de rentrée, fuir tout ce qui ressemble au prêt-à-porter littéraire du moment, il y a toujours un ou deux ouvrages récents qui finissent par entrer par la fenêtre et s’installer près du feu. C’est encore le cas cette année, avec deux romans publiés ces dernières semaines Un enfant plein d’angoisse et très sage de Stéphane Hoffmann et Sauve qui peut (la révolution) de Thierry Froger. J’ai dévoré le premier et n’en finis pas de déguster le second.

hoffmannUn enfant plein d’angoisse et très sage est un livre léger, hors sol, flottant à quelques centimètres du réel, qui hésite entre le conte et la fable contemporaine. C’est l’aventure d’un gosse de riches, élevé par une grand-mère fantasque, qui se joue de ses parents avec un cynisme et un détachement déroutants mais au bout du compte assez jouissifs. On se laisse volontiers emporter par ce scénario loufoque, piqueté de traits d’esprits, qui fait du père – Britannique – un désinvolte collectionneur de chaussettes et de la mère une ambitieuse entrepreneuse de travaux publics dont le rêve est de devenir ministre. L’apparente désinvolture dans la conduite de ce récit foutraque, masque en fait un chapelet de réflexions, de pépites semées ici ou là –  “Baladine a négligé la femme qui était en elle jusqu’à en ronfler – Il ne nous prendrait pas un peu pour des demeurés le Saint-Ex avec son nom d’eau minérale et de soutien-gorge“- pensées habillées par le regard de l’enfant, le dialogue muet avec son chien. Un enfant plein d’angoisse et très sage vient de remporter le prix Jean Freustié. C’est une bonne nouvelle pour Stéphane Hoffmann, par ailleurs grand ordonnateur des Rendez-vous de La Baule. Chapeau bas, mon cher Stéphane.

sauve-qui-peutLe second ouvrage est une montagne au sommet de laquelle je ne suis pas encore parvenu. Un objet non identifié dont l’argument est aussi inattendu que casse-gueule : le déroulé parallèle de deux récits, l’un contant les efforts du cinéaste Jean-Luc Godard pour monter un film sur la Révolution française à l’occasion du bicentenaire, l’autre l’exil de Danton – épargné par Robespierre à la dernière minute – sur une île de Loire… où JLG rejoint régulièrement un historien de ses amis, spécialiste de la Révolution, qui écrit justement… un ouvrage sur Danton. Ajoutant pour le piquant la présence d’une troublante jeune fille sur cette île et nous voilà partis. C’est diablement érudit, assez malin, plutôt drôle. Honnêtement je ne pensais pas tenir cent pages la lecture de ce pavé au prétexte aussi fumeux. Eh bien, j’y parviens et je vais sans doute aller au bout de cet ouvrage étonnant. Pour le plus grand plaisir de Marie, qui me l’a recommandé. L’auteur Thierry Froger est professeur d’arts plastiques, formé à l’école des Beaux-Arts de Nantes, nous dit la quatrième de couverture de Sauve qui peut (la révolution). C’est un bon début.

Un enfant plein d’angoisse et très sage, Stéphane Hoffmann, Albin Michel. Sauve qui peut (la révolution), Thierry Froger, Actes Sud.

 

Nao Victoria

magellan-2Il faut se pincer pour y croire. C’est sur une coque de noix de la dimension d’un gros chalutier qu’une vingtaine d’équipiers de Magellan a bouclé en 1522 le premier tour du globe terrestre, réalisé la première circumnavigation de l’histoire. La réplique du Nao Victoria, rescapé de la flottille ayant quitté Séville en août 1519 pour prendre possession des Moluques au nom de la couronne d’Espagne, s’est amarrée durant quelques jours au ponton Belem dans le port de Nantes. Votre serviteur n’aurait manqué pour rien au monde la visite de ce navire mythique dont il a suivi les péripéties jour après jour à travers le récit des survivants – dont le chroniqueur Antonio Pigafetta – réunis dans le magnifique ouvrage réalisé par les éditions Chandeigne, évoqué ici dans une chronique intitulée Quand l’Eglise distribuait le monde.

On comprend en posant le pied sur le pont de cette “caraque” que l’on est à peine sorti du Moyen-Âge lorsqu’on se lance à la découverte de la planète. Il n’y a pas même une barre à roue pour diriger le navire, à la conception et aux équipements extrêmement sommaires, qui devaient rendre les manœuvres particulièrement difficiles et périlleuses. La nef disposait d’une seule cabine, réservée au capitaine, et d’un seul réduit fermé pour se mettre à l’abri pendant les tempêtes. On a peine à imaginer les conditions de vie des dizaines de marins qui cohabitaient sur ces petits navires, pourris d’humidité – l’un des bateaux a dû rebrousser chemin aux Moluques tans ses bordés étaient vermoulus – qui se réchauffaient aux feux de cuisine allumés sur le pont.

magellan-1Les visiteurs de l’atelier me pardonneront, je l’espère, la médiocrité des images prises à la volée lors de ce passage, qui s’explique sans doute par l’émotion et la fascination provoquées par cette visite.  Je n’avais pas l’intention de me voler le présent à moi-même comme le font trop souvent les visiteurs de lieux remarquables, privilégiant la photographie à la jouissance de l’instant présent.

Il faudrait évidemment revenir plus avant sur cette incroyable équipée, qui se déroule à la charnière de deux époques, au moment de la construction effective d’un monde nouveau.  Mais il faudrait pour cela proposer un livre entier. Ce que Chandeigne a fort bien fait dans un ouvrage que je ne cesse de recommander. Allez encore une petite louche :  Le voyage de Magellan, la relation d’Antonio Pigafetta et autres témoignages.

Bonnes semaine

Flohic : un aventurier de l’édition

A quelques jours des journées du patrimoine il n’est pas incongru de saluer l’une des aventures éditoriales les plus folles de ces dernières années : l’inventaire du patrimoine remarquable de France et de Navarre décliné par commune en une collection de dictionnaires illustrés. Un projet monstrueux, envisagé sous l’angle de la singularité. Chaque clocher, maison, pressoir, vitrail, manoir, calvaire, phare… retenu fait l’objet d’une notice dans cet ensemble d’ouvrages aujourd’hui épuisés et très recherchés. commune-double-light

Ce projet, qui n’a pas pu être conduit à son terme  – on le comprend lorsque l’on feuillette l’un des ouvrages réalisés (un peu sur le mode des guides Gallimard, avec beaucoup de photos détourées), cela a dû coûter une fortune – est celui d’un personnage étonnant, Jean-Luc Flohic qui a laissé peu de traces au lendemain de la faillitte de sa maison. Voici ce qu’en disait Edouard Launet dans Libé en 2003 :

« Cet éditeur monomaniaque est en train de recenser le patrimoine de chaque commune de chaque département français (…) Une trentaine de départements ont déjà été passés à la moulinette (…) Jean-Luc Flohic, 56 ans, est un homme d’une grande gourmandise intellectuelle, avec de la suite dans les idées. Voilà vingt ans, il commence par éditer des revues d’art contemporain. Puis édite de la littérature qui s’intéresse à l’art. Puis regarde sous les pieds des écrivains et des peintres, pour y découvrir des racines d’un beau diamètre : un terroir toujours irrigue les artistes. (…) Un département est ratissé en six mois : recensement du patrimoine (artistique, agricole, technique, administratif, religieux) avec des érudits locaux, puis analyse, tri et envoi de photographes. Ensuite encore huit mois pour les textes et la fabrication de l’ouvrage. Au total, une centaine de personnes contribuent au chantier. “Jamais auparavant il n’y a avait eu un tel travail systématique dans chaque commune, dans chaque canton”, affirme Jean-Luc Flohic. Mais l’opération ne prétend pas être un inventaire exhaustif. »

institution-double-light

Outre les départements, Jean-Luc Flohic s’était attaqué au patrimoine des grandes institutions françaises. Mais au lendemain de la faillite de sa maison, aux alentours de 2005, tout ce patrimoine livresque a dû être cédé à vil prix, par palettes entières, pour payer les dettes sans doute. Certains bouquinistes ne s’y sont pas trompés, qui ont acheté des stocks entiers de ce précieux “Patrimoine des communes de France”, lequel se vend aujourd’hui à prix d’or. Difficile de trouver un “Flohic” (pour la plupart en deux volumes) à moins de 200 €. Le Flohic est devenu une référence, à défaut d’avoir été un succès éditorial.

Les plus perspicaces d’entre vous peuvent apercevoir sur la photo de bandeau deux têtes de dictionnaires jaune(s), c’est le Flohic de Loire-Atlantique.

 

géographie de l’orthographe

Qui se souvient de François Georges-Picot ? Pas grand monde et c’est bien dommage. Ce diplomate français est l’un des deux auteurs de l’actuel tracé des frontières entre le Liban, la Syrie, l’Irak et la Turquie – du temps où l’on découpait les pays avec une règle et un crayon sur une carte dans un bureau. François Georges-Picot est avec avec sir Mark Sykes, son homologue britannique, le créateur du Proche-Orient contemporain, imaginé il y  a précisément 100 ans, en 1916 à Londres, en vertu d’un accord franco-britannique qui prévoyait le partage des dépouilles de l’Empire Ottoman entre les deux grandes puissances de l’époque.

corto

illustr. Hugo Pratt

Il n’est pas question ici de porter un jugement sur le bien-fondé ou la pertinence de cet accord, validé par la Société des Nations quelques mois plus tard, qui a modelè le Proche-Orient pendant plus d’un siècle. On peut simplement constater que l’architecture institutionnelle imaginée par la France pour ses protectorats de Syrie et du Liban (basée sur des équilibres très complexes entre communautés) a désormais volé en éclat et que le tracé des frontières aura bien du mal à résister au conflit en cours. Ne serait-ce qu’en raison de l’oubli coupable du peuple Kurde, qui s’est retrouvé écartelé entre quatre pays : Turquie, Syrie, Irak et Iran. Il n’est pas non plus question en un billet lapidaire de démêler cet imbroglio qui se complexifie de jour en jour mais à tout le moins de pointer le fait qu’il est impossible de comprendre cette affaire sans un minimum de recul historique. Illusion dans laquelle tentent de nous entretenir la plupart des médias qui s’exonèrent allègrement de cette profondeur de champ.

Outre l’histoire, la littérature peut être précieuse dans ce genre de circonstances. en syrieIl a déjà été question des sept piliers de la sagesse de T.E. Lawrence, qui donne la version du démantèlement de l’empire Ottoman côté péninsule arabique par un officier britannique. Je découvre à l’occasion de la rédaction de cette note qu’il existe un témoignage postérieur au découpage côté Syrie, rédigé par un jeune journaliste français de 28 ans, en 1926, Jospeh Kessel, dont voici l’argument  «La Syrie? Que savons-nous d’elle? Avouons-le sans faux orgueil : quelques réminiscences historiques sur les croisades, quelques pages célèbres, les beaux noms de Damas, de Palmyre, de l’Euphrate, voilà tout notre bagage pour une grande et féconde contrée placée sous Mandat français. Mais qui discerne l’importance de ce Mandat? Qui – à part de très rares spécialistes – pourrait tracer la physionomie politique de ce pays? Qui expliquerait pourquoi l’on s’y bat et qui se bat? Ce berceau des civilisations, ce lieu de passage prédestiné, dont la richesse et la beauté ont retenu, sans les mêler, tant de peuples, cette terre où poussent avec une force ardente les croyances et les hérésies, déroute et confond.»

Tout un programme. Je tâcherai de le trouver un jour ou l’autre. Mais je dois revenir auparavant au prétexte de cette note. Il s’agit d’une question d’orthographe. Une amie, journaliste à l’Agence France Presse, de passage à la maison, relevait dernièrement à la lecture d’Ouest-France que le quotidien écrivait djiahistes alors que l’agence avait opté pour jihadistes.  “C’est une question de culture” expliquait-elle “l’agence est historiquement présente au Proche-Orient, et notamment au Liban, et plus influencée par la transcription libanaise de l’arabe. En France c’est plutôt la graphie algérienne qui s’impose. Ce qui est d’ailleurs assez logique.” Quelle est la graphie qui s’imposera à terme ? C’est l’usage qui en décidera et probablement les typographes de l’édition qui trancheront. Et c’est en cherchant ce qu’en disait google, que j’ai trouvé la citation qui nous ramène à l’ouverture du billet. Les djihadistes ne reconnaissent pas l’accord Sykes-Picot, datant de 1916. (Le Devoir, 16 août 2014). Le tour est fait.

Bonne semaine