Le succès de librairie du petit ouvrage d’Antoine Compagnon sur Montaigne est un de ces beaux mystères qui auront marqué l’année. C’est, qu’elle qu’en soit l’explication, une excellente nouvelle, et invite à ne pas désespérer de nos contemporains, en cette période de catastrophisme ambiant et de volatilité de la pensée. Montaigne était confronté à une situation autrement plus redoutable que la nôtre – les guerres de religion – ce qui ne l’a pas empêché de déployer une pensée ayant allégrement résisté aux siècles. Cet homme qui en une formule lapidaire « on mesure sa fortune à l’aune de ses besoins » vous cloue au sol tous les pleurnichards de la terre.
Les Essais restent le cadeau redouté de tous mes amis, qui savent mon admiration pour cette bible du savoir vivre, au sens premier. Cela n’affaiblit pas, pour autant, le désarroi que l’on peut ressentir face à la vacuité de la pensée contemporaine, à la terrible absence de regard panoramique sur l’existence que propose un « honnête homme » de cette trempe. On aimerait pourtant, découvrir un type de cette épaisseur : simple, pas bêcheur, pas sectaire, posant une distance amusée sur les peurs du moment, parlant sans prévention de la vie et de la mort, dont la pensée serait éclairée par les découvertes de la psychologie et de la science contemporaines.
Bref, existe-t-il un Montaigne discret, caché dans les rayons des librairies, dont l’existence nous serait masquée par les sunlights de l’actualité ? Les lecteurs, de passage régulier ou non dans cet atelier ont-ils des auteurs, des ouvrages qui leur semblent poser un peu sérieusement, une lecture fine, solide et pourquoi pas joyeuse de l’humaine condition en ces temps de confusion généralisée et de pensée jetable ?
Les timides, toujours aussi nombreux, peuvent se contenter d’une référence.