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Un hiver avec Compagnon

Je viens d’achever “Un été avec Baudelaire” d’Antoine Compagnon, attrapé au vol cet été sur l’étal d’une jolie librairie de L’Isle-sur-la-Sorgue. Il semble que la série demandée à France Inter au professeur du Collège de France soit achevée. C’est bien, cela aurait pu finir par faire système.

un été avecCette ravissante petite collection – Montaigne, Proust et Baudelaire – n’en constitue pas moins une précieuse introduction à trois monuments de la littérature française. Et en refermant le Baudelaire, je me suis pris à penser que l’ensemble ferait un parfait cadeau pour les lecteurs, notamment les ados, qui sont effrayés par ces monuments de la littérature française (surtout Proust et Montaigne).

Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, réussit un bel exploit à travers ces trois recueils de chroniques : approcher les oeuvres sous une multitude d’angles en s’adressant à un large public avec le niveau d’exigence qui est le sien. Il ne s’agit pas d’ouvrages de vulgarisation mais d’approches thématiques, le plus souvent inédites, toujours nourries par des citations, remettant l’oeuvre et l’auteur dans leur contexte historique, social, et bien sûr littéraire.

La conversation selon Montaigne, l’éreintage chez Baudelaire ou l’amour chez Proust, autant de chroniques qui peuvent se lire indépendamment les unes des autres, mais qui donnent envie de poursuivre le chemin.  Proust  fait l’objet d’une “recherche” plus fouillée qui fait appel à une pléiade de spécialistes. C’est d’ailleurs l’ouvrage le plus copieux.

On me permettra ici un clin d’oeil à Pascale, qui m’avait sauvé la vie lors de rencontres littéraires au cours desquelles nous recevions Antoine Compagnon et qui m’avait offert un précieux décryptage des Antimodernes, l’ouvrage pour lequel il était invité. C’est un garçon charmant, pas du tout imbu de sa personne, avec lequel nous avions passé un moment délicieux. Comme quoi la notoriété n’est pas toujours synonyme de suffisance.

 

Un hiver sans Montaigne, mais avec qui ?

Le succès de librairie du petit ouvrage d’Antoine Compagnon sur Montaigne est un de ces beaux mystères qui auront marqué l’année. C’est, qu’elle qu’en soit l’explication, une excellente nouvelle, et invite à ne pas désespérer de nos contemporains, en cette période de catastrophisme ambiant et de volatilité de la pensée. Montaigne était confronté à une situation autrement plus redoutable que la nôtre – les guerres de religion – ce qui ne l’a pas empêché de déployer une pensée ayant allégrement résisté aux siècles.  Cet homme qui en une formule lapidaire « on mesure sa fortune à l’aune de ses besoins » vous cloue au sol tous les pleurnichards de la terre.

compagnonLes Essais restent le cadeau redouté de tous mes amis, qui savent mon admiration pour cette bible du savoir vivre, au sens premier. Cela n’affaiblit pas, pour autant, le désarroi que l’on peut ressentir face à la vacuité de la pensée contemporaine, à la terrible absence de regard panoramique sur l’existence que propose un « honnête homme » de cette trempe. On aimerait pourtant, découvrir un type de cette épaisseur : simple, pas bêcheur, pas sectaire, posant une distance amusée sur les peurs du moment, parlant sans prévention de la vie et de la mort, dont la pensée serait éclairée par les découvertes de la psychologie et de la science contemporaines.

Bref, existe-t-il un Montaigne discret, caché dans les rayons des librairies, dont l’existence nous serait masquée par les sunlights de l’actualité ? Les lecteurs, de passage régulier ou non dans cet atelier ont-ils des auteurs, des ouvrages qui leur semblent poser un peu sérieusement, une lecture fine, solide et pourquoi pas joyeuse de l’humaine condition en ces temps de confusion généralisée et de pensée jetable ?

 Les timides, toujours aussi nombreux, peuvent se contenter d’une référence.