La guerre des mots

Sommes-nous en guerre comme l’affirme le Président de la République ? La question n’est pas accessoire parce que, comme le disait Albert Camus « mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ». Mais ce n’est pas la seule question qui se pose : islamisme, radicalisation, terrorisme sont autant de termes qui posent problème dans la terminologie en vogue et qui ajoutent à la confusion des esprits.

guerre

Commençons par la guerre. Un officier de police s’insurgeait contre ce terme mardi midi sur France Inter, considérant que nous ne sommes pas en guerre mais confrontés à une guérilla. Pour ce qui concerne les attentats de Paris,  le Robert lui donnerait plutôt raison puisqu’il définit une guerre comme une lutte armée entre groupes sociaux, entre Etats, alors qu’une guérilla est une déclinaison très particulière de la guerre, une lutte armée de harcèlement, de coups de mains, menée par des groupes de partisans, de clandestins. Le choix du terme par l’Etat n’est pas innocent, il est inclusif. Alors que dans les faits les choses sont un peu différentes : tout le monde est une victime potentielle d’un acte de guérilla mais tout le monde n’est pas en guerre. Nuance.

Radicalisation, islamistes radicaux ensuite. Un sociologue contestait ces termes lundi soir, toujours sur France Inter. A ses yeux, ils ont une dimension trop psychologisante. Les supposés radicaux ne sont pas, comme on les présente souvent, de simples individus décervelés et embrigadés, mais bien souvent, des individus « raisonnables », souvent cultivés, bien formés, animés par un projet politique clair : mettre un terme à l’hégémonie de l’Occident au profit d’un régime islamique. Ce qui nous amène à la question de l’Etat Islamique, que les français baptisent Daech, ou Daesh et que les anglo-saxons désignent par l’acronyme Isis (Islamic state of Irak and Syria).

Les protagonistes préfèrent eux parler de Califat, parce que le projet n’est pas territorial limité au sens où on l’entend habituellement mais culturel, politique et religieux. C’est un projet impérialiste qui se réfère à l’expansion de l’islam au cours de ses premiers siècles, sans géographie définie mais avec un projet affiché de domination universelle. Le terme d’Etat n’est donc pas parfaitement adapté. Il s’agirait plutôt d’une théocratie, dont le patron serait dieu. Ce qui ne simplifie pas la désignation de l’ennemi.

Islamisme pose également problème, même si on comprend que l’on n’ait pas trouvé mieux pour le moment. La proximité des deux termes islam et islamisme est évidemment redoutable pour l’islam modéré. Notamment en raison de la construction apparemment semblable des termes catholicisme et islamisme. Cela n’exonère pas les tenants d’un islam pacifique de toute responsabilité (je suis de ceux qui considèrent que l’islam européen risque de payer cher son actuelle léthargie, ce qui n’est pas le cas, par exemple, de l’islam indien, qui a bien compris le danger et manifeste bruyamment sa condamnation du salafisme).

On pourrait terminer par Terrorisme. Rappelons-nous que la signification du terme dépend du côté duquel on se trouve. Les Résistants ont été considérés, nommés, désignés comme « terroristes » tout au long de la seconde guerre mondiale, ce qu’ils étaient au regard du pouvoir en place. Un renversement de sens en a fait des héros au lendemain de la victoire.

Mais de toute cette déclinaison, c’est le mot guerre qui me gêne le plus. Qui est en guerre contre qui ? Qui a déclenché les hostilités ? Quelles en sont les causes ? Autant de questions qu’il semble opportun de se poser aujourd’hui. Quitte à prendre le temps de la réflexion. Une guerre c’est grave et c’est un processus incontrôlable une fois enclenché. Le fer et le feu sont-ils la solution ? Ne serait-ce pas plutôt le nerf de cette guerre qu’il faudrait couper, et en premier lieu les vivres, en l’occurrence le robinet de pétrole ? Je n’en sais rien. Mais quelque chose me dit que l’on doit commencer par mettre les bons mots sur les choses pour ne pas ajouter au malheur du monde.

38 réflexions sur « La guerre des mots »

  1. Court

    Soheib Bencheikh fit illusion. Il a peut étre publié Marianne et Le Prophète, mais aussi, il s’en est moins vanté, un traité de théologie musulmane des plus étroits. Imam à Géométrie variable et, sur certains points, guère différents de certains de vos chers frères…
    MC

  2. PMB

    * Chauve-souris, non par ce qu’il est (demi)chauve et qu’il sourit toujours quand il y a des caméras, mais parce que c’est une adepte du double langage.

  3. PMB

    Comme abonné à Médiapart, je peux parler de celui j’appelle familièrement “l’anguille à moustaches” (on n’arrive jamais à le coincer).

    Disons-le sans détour : c’est un pro-islamiste, qui préfère parler avec Ramadan la chauve-souris* plutôt qu’avec Tarek Obrou, Soheil Bencheick et de façon générale, avec les musulmans modérés.

  4. Court (complément)

    III, 114-15, Kasimirski
    extrait “O croyants! ne formez de liaisons intimes qu’entre vous;
    Les infidèles ne manqueraient pas de vous corrompre: ils désirent votre perte.Leur haine perce dans leur parole; mais ce que leur coeur recèle est pire encore…..”

    III, 126 “Craignez le feu préparé aux Infidèles….”

    134 -135 “Si les blessures vous atteignent, eh! n’en ont-elles pas atteint bien d’autres ? Nous alternons les revers et les succès parmi les hommes, afin que Dieu connaisse les croyants, qu’il choisisse parmi vous ses témoins.” il hait les méchants.
    Afin d’éprouver les croyants et de DETRUIRE LES INFIDELES.
    (Le dernier mot au sens de martyr, note de Kasimirski)

    142 ” O Croyants ! si vous écoutez les infidèles, ils vous feront revenir à vos erreurs, et vous serez renversés et défaits.”
    “Nous jetterons l’épouvante dans le cœur des idolatres parce qu’ils ont associé à Dieu des divinités sans que Dieu leur ait donné aucun pouvoir à ce sujet. Le Feu sera leur demeure. Qu’il est affreux le séjour des impies.”
    (Vise probablement chrétiens et cultes pré-islamiques rendus à la Beka qualifié de “plus ancien temple du monde”)
    (à Rapprocher de 88:)
    “Quiconque forge des mensonges sur le compte de Dieu est du nombre des impies”
    (On comprend qu’il y ait crise des vocations quant à une critique textuelle sérieuse du Coran!)

    (172) Que les infidèles ne regardent point comme un bonheur de vivre longtemps. Si nous prolongeons leurs jours, c’est afin qu’ils mettent le comble à leurs iniquités. Une peine ignominieuse les attend.”

    A noter, en III, 2, la contradiction: quand tout musulman vous dit que l’Evangile est un texte fabriqué ou truqué, le début de la III place les trois textes sur le meme plan: tous envoyés par Dieu. ” il t’a envoyé le livre….Avant lui, il fit descendre le Pentateuque et l’Evangile.
    Ce que cette conception doit à l’hellénisme et parfois au gnosticisme-le passage sur Marie, non cité- est trop long pour pouvoir etre développé ici.
    Bien à vous.
    MC

  5. p.

    Gilles Kepel est ce prof dont je parlais il y a peu, sans le nommer, qui dénonçait l’abandon par l’université des filières d’études spécialisées dans le monde arabe, langue, histoire, civilisation. Il n’est pas un de ces experts autoproclamés qui pullulent aujourd’hui, mais c’est un véritable spécialiste de ces questions. Bien que prof à Sciences Po, (le “bien que” est une forme de désolation eu égard à une institution qui a formé l’essentiel de la classe politique de ces 20/30 dernières années) il expliquait, récemment sur un plateau-télé de n’avoir plus aucun étudiant en thèse, aucun doctorant, le département “arabisant” ayant été fermé. Rentabilité insuffisante (euphémisme). On peut le dire autrement et élargir à d’autres spécialités : la génération actuelle sera sans outils pour comprendre le monde dans lequel elle devra pourtant vivre. Toutes spécialités confondues. Priorités étant données à la communication, aux nouvelles “technologies” (?) à l’empilement des info, aux dépends de la réflexion, du temps de la construction des savoirs, de l’explication rationnelle et raisonnée, du savoir constitué. Au moins des gens de la dimension de Kepel ont-ils encore, parfois, un peu la parole, modestement, quand d’autres (MO?) aboient pour se plaindre du sort qu’ils se sont fait à eux-mêmes, prétendant, par exemple, connaître le Coran sans lire un seul caractère arabe. Kepel parle et lit l’arabe. Il sait de quoi il parle. Je suis toujours très attentive quand il parle et écrit, très consciente qu’il ne peut que synthétiser pour être efficace, à la dimension d’un article, d’une interview, d’une intervention télé. Bon, on ne va pas cracher dans la soupe. Dans quelques années nous n’aurons plus que des regrets.

  6. Philippe Auteur de l’article

    Nous sommes d’accord, Elena, Onfray fait l’objet d’une misérable manipulation. Mais, comment dire, il pourrait tourner sa langue dans sa bouche de temps en temps.
    Oui, nous avons forcément une grille de lecture qui nous est propre. Même si là, elle est mise à rude épreuve.
    Bon papier Pascale, intelligente analyse. Un peu juridique comme approche mais bien pesée. C’est vrai que l’émotion publique passée (de l’ordre de trois semaines pour un évènement de ce calibre), on va se trouver en Etat d’urgence à Noël. Hollande pousse l’opportunisme un peu loin. Voudrait-il faire un peu de ménage à la rentrée ? J’habiterais un squatt ou une zone de “non-droit”, je me méfierais.

  7. Elena

    Désolée si je vs ai ts les deux compris de travers.
    Reste le pbl qu’une fois la célébrité atteinte, tt lui profite …
    Reste aussi celui du montage des citations (décontextualisées puis re-contextualisées) auxquelles on peut faire dire ce que l’on veut (& cela vaut quelle que soit la valeur intrinsèque de la pensée ou du discours). On pourrait objecter que les contemporains vivants peuvent (à la différence des auteurs du passé victimes de détournement) protester, rectifier — sauf que la même logique prévaut : on nourrit le buzz & pis encore le public (ds une logique inquisitoire de psychologie de bazar) y verra une dénégation, un indice de mauvaise foi & une forme perverse d’aveu.
    Faut-il s’auto-censurer préventivement ? Mais alors nul désaccord, nulle diversité de pt de vue (caractéristiques supposées de notre mode de vie qui sont censées faire partie de ce qui ns différencie de l’adversaire) ne seraient possibles.
    Vs avez parfaitement raison Philippe sur la difficulté de fixer un pt de départ qui ne soit pas arbitraire ; je n’étais pas remontée assez loin (ou bien à la suite de Sapir ou bien parce que pour des raisons familiales ns avons été amenés à ns intéresser de plus près à l’Iran). Et il y a aussi the Great Game autour de la Mésopotamie & la Perse, le traité du Golestan, etc. — “Grand Jeu” qu’il faudrait sans doute lui-même rattacher à la colonisation britannique de l’Inde. C’est “organiquement” (si l’on peut s’exprimer ainsi) sans fin, & nos segmentations (inévitables) reflètent surtout notre grille de lecture préalable.

  8. p.

    “le cas Onfray”, Elena ne nous intéresserait pas plus que cela si nous ne connaissions l’animal comme dit Philippe parfois. C’est l’évolution du personnage, sa posture, ses impostures philosophiques, son évolution depuis une vingtaine d’années, que, pour ma part, je pointe en signalant ces articles, sans pour autant, d’accord avec le patron des lieux, envisager “que sa prise de position suffise à elle seule à discréditer en bloc toute opposition au seul discours qui semble recevable aujourd’hui. ” Ce serait même lui faire bien trop d’honneur!
    Les deux liens que j’ai indiqués sont une double illustration, une de plus, mais rien de plus, de comportements devenus, si on a un peu suivi son parcours en amont de son hystérique médiatisation, totalement ahurissants et qui finissent même par lui échapper. Il s’est quasi rendu incontrôlable à lui même….
    Il n’y avait rien d’autre.

  9. Philippe Auteur de l’article

    Au calme pour relire attentivement le papier de Jacques Sapir, Elena. Pas mal, même si la question du souverainisme me passe un peu au dessus de la tête.
    Une lacune historique, à mon avis : “le fruit d’un processus historique qui a commencé avec le coup d’Etat contre Mossadegh en Iran dans les années 1950 et qui s’est répété dans de multiples pays et occasions, voilà qui constitue une vérité qui est largement oubliée.”
    Il oublie le découpage de la région par les Anglais et les Français après 1916. Rien pour les Kurdes, on voit le résultat. Un droit Syrien d’inspiration française, basé sur le communautarisme. Bref un découpage à la serpe (regardez les frontières) sur lequel il va falloir revenir, mais en douleur c’est évident.
    Pour le reste : “Il est alors triste de voir une partie de la gauche suivre en réalité les fondamentalistes religieux sur le chemin de la réduction d’un homme à ses croyances et épouser le chemin qui mène au communautarisme.” on peut partager. Mais je vais quand même me piquer d’interroger le Coran. Parce que quelque chose m’échappe dans cette affaire. Il semble que la traduction en pléiade soit bonne. Avec les chroniques médiévales, ça pourrait faire un paquet cadeau. On n’est jamais mieux servi.

  10. Philippe

    Nous nous sommes sans doute mal compris Elena. Mettre en cause la posture de MO ne signifie pas nécessairement adhérer aux positions de ses détracteurs (les liens postés, sont pour ma part, des illustrations, des compléments, des contrechamps, mais je n’adhère pas forcément à ce qui est avancé. C’est une manie de journaliste que de croiser les sources, multiplier les points de vue). Il me semble que l’on essaie ici de s’extraire de la pensée binaire. Le billet en témoigne, avec maladresse certes, mais il essaie justement d’interroger le vocabulaire, les présupposés.
    Je ne suis malheureusement pas en position de développer une longue réponse (avec mes étudiants sur le Festival des 3 Continents pour la semaine).

  11. Elena

    Chers P. & Philippe, qq ch me dérange et m’inquiète ds votre conversation & j’aimerais que l’on puisse ne pas se focaliser ainsi sur le cas M. O.
    Je trouve dangereux pour notre capacité de penser que sa prise de position suffise à elle seule à discréditer en bloc toute opposition au seul discours qui semble recevable aujourd’hui. N’est-ce pas en faire une sorte de “boussole inversée” qui ns indiquerait le Nord là où il place le Sud ?
    N’est-ce pas à la fois lui donner bcp trop d’importance (autant qu’il s’en donne lui-même) & renoncer tout autant à réfléchir que ceux qui le suivent aveuglément ?
    N’est-ce pas commettre un mauvais coup vis-à-vis de ceux qui rappellent aussi le contexte des guerres qui jusque là n’avaient pas touché notre territoire mais auxquelles nous avons apporté notre soutien ou que nous avons organisées ns-mêmes ds l’urgence (je pense à la Libye) ? Tte interrogation de ce côté-là devient-elle tabou parce que “contaminée” par l’adhésion (plus ou moins éclairée) de M. O. ?
    [Oui le “notre” est gênant ; je sais bien que l’on ne ns a pas demandé notre avis, à ns citoyens, ni même à nos représentants pour ces interventions — si ce n’est sous la forme de sondages, ce qui n’est pas, jusqu’à plus ample informé, un processus démocratique en bonne & due forme. Mais n’est-ce pas justement un pbl ? Certains se sont exprimés à ces occasions, mais je ne me souviens pas d’une “mobilisation générale”, si j’ose dire, des protestataires brandissant des banderoles du style “not in my name” — je pense aux manifestations d’opposants en GB lors de l’intervention en Irak — pour faire savoir qu’ils ne cautionnaient pas].
    Je ne sais pas si j’ai particulièrement mauvais esprit, ou un esprit de contradiction trop développé qui m’aveuglerait (car cela vaut évidemment pour moi, il ne suffit pas de s’opposer au discours ambiant pour penser juste), mais je ne suis pas convaincue par les “réponses” ds les 2 articles donnés en lien. Peut-être parce que j’ai mes doute vis-à-vis de leurs auteurs, pas plus “neutres” que M.O. & pas plus “impressionnants” intellectuellement), qui manient eux aussi l’argument d’autorité & jouent d’une connivence entre gens sensés & sensibles (pour mieux décrédibiliser tt désaccord avec leur vision des ch sous prétexte qu’interroger le bain d’émotion obligatoire & ce qu’il permet ne peut qu’être la preuve que l’on est “sans cœur”, dépourvu de tte compassion).
    Remonter à l’Iran, fort bien — mais en prenant soin de ne pas mentionner l’épisode Mossadegh, ce n’est pas neutre. Simplifier les appartenances sous l’appellation de “musulman” (ceux auxquels on applique le terme formeraient donc une masse parfaitement homogène ? ) permet aussi de s’interdire tte analyse profane & notamment géo-politique des conflits (cf. Georges Corm cité ici il y a longtemps).
    Faut-il croire sur parole tous ceux, de ts les camps, qui s’efforcent de ns manipuler & de ns faire croire qu’il s’agirait d’une nouvelle guerre de religion — en camouflant ainsi leurs intérêts (le même travestissement pouvant d’ailleurs être employé vis-à-vis de l’adversaire à terroriser & de ses propres troupes) ? N’est-ce pas annoncer par là que l’on renonce à notre conception française (& émancipatrice) de la laïcité qui consisterait à tt refuser aux musulmans en tant que communauté & tt leur accorder en tant que citoyens ? (C’est à ce propos que j’avais mis le lien avec le texte de Sapir). Personne ne prétend qu’il est facile aujourd’hui de faire respecter les droits & plus encore les devoirs des citoyens, mais y renoncer d’emblée (sous prétexte de “liberté”) pour plaire est une facilité qui se paye tr cher.
    [Devoir, entre autres, de solidarité — devoir de payer ses impôts.
    Qui permettront de financer par ex. les hôpitaux où sont soignés les gds blessés des attentats.
    Communication contreproductive qd un ministre annonce que les victimes seront soignées gratuitement — si l’on veut dire par là “les victimes étrangères”, soit ; mais il ne serait pas mauvais de parler de tps en tps de la Sécurité Sociale autrement que comme un “trou”, un poids pour le budget du pays : c’était l’occasion de rappeler aux français l’existence de la prise en charge à 100 % (qui n’existe pas ds ces eldorados supposés qui font rêver nos jeunes, diplômés ou non, où l’on se retrouve souvent en “faillite personnelle” après un cancer ou qd on est atteint d’une maladie chronique handicapante), ds les meilleurs services, par ex de chirurgie orthopédique, sans distinction de mutuelle & donc d’employeur & de statut professionnel. Un “archaïsme” que d’autres ns envient mais que ns concitoyens n’apprécient pas tjs à sa juste valeur, au moment où les gouvernements successifs s’alignent de plus en plus, mais discrètement, par une politique de petits pas, sur une médecine conçue “à l’américaine”.
    C’est une autre façon de penser aux victimes & à ts ces blessés par armes de guerre]

  12. p.

    Je crains, hélas, que cela ne lui donne une occasion supplémentaire de se lamenter publiquement sur son sort. Mais surtout, il est piégé, car s’il nie, les terroristes vont l’avoir dans le collimateur, ou même simplement si, par des circonvolutions dont il a le secret, il cherche à nier… Et s’il insiste, confirme et signe, il est définitivement grillé. Un titre de journal disait : Onfray s’est fait exploser! Bien dit!
    D’ici à ce qu’il demande une protection rapprochée… comme les stars ou les politiques.
    Pourquoi je pense qu’il n’adoptera pas la discrète attitude, c’est parce qu’il a déjà entamé ce qu’il adore le plus, être le micro à la main, devant une caméra, au lieu de se rendre un peu plus silencieux et moins visible. Ce qui est, pour le coup, la condition du vrai “travail du philosophe” dont il ne cesse de dire que là est son métier.
    Entièrement d’accord avec vous, Philippe, s’agissant de Camus.
    Au cœur des “guerres de religions” pour une question de travail, mon esprit est distrait (détourné) plus souvent qu’à son tour par des signaux, de toute sorte, venus des temps présents.

  13. Philippe Auteur de l’article

    On peut effectivement craindre que notre philosophe se soit durablement discrédité. Pour être instrumentalisé il faut donner prise à l’instrumentalisation. Camus ne l’a jamais été parce que ses propos étaient clairs et mesurés.
    Circonstance aggravante, il n’est plus désormais possible d’échapper à la mémoire collective, internet inscrit tout dans le marbre et cette video, traduite en arabe et diffusée dans le monde entier, restera une tache indélébile sur son cv.
    Espérons que ce redoutable épisode va l’inciter un peu plus de retenue.

  14. p.

    Suis allée voir la “réponse” d’Onfray sur itélé. Il commence par botter en touche (je n’ai pas regardé cela de près, je ne connais pas les détails…) puis il tourne en boucle dans un longue plainte pro domo à laquelle nous sommes habitués depuis des années, au point que la présentatrice l’arrête en lui disant : mais tout cela c’est ce que vous pensez (sous entendu vous ne parlez que de vous), ça ne vous embête pas que vos propos aient été instrumentalisés? et là, reprise des formules rodées et élimées jusqu’à la corde : je sais ce que j’ai dit, je suis logique, je fais des propositions diplomatiques, politiques, géostratégiques (il a quand même un culot monstre!) je dis que la guerre n’est pas la solution, et je dis que, et je dis que, et je dis que…
    Je me souviens, quant à moi, il y a, il est vrai, bien des années, une époque où Onfray ne se prenait pas trop encore pour ce qu’il est (mais peut-être s’y voyait-il déjà) affirmer qu’il y a des guerres utiles et conséquemment critiquer le pacifisme qui ne mène à rien. Mais l’éclat des projecteurs des plateaux télé et des salles de “conférences” ont dû le rendre amnésique….

  15. Philippe Auteur de l’article

    Merci M. Court. Revenir au texte, c’est évidemment ce qu’il faut faire.
    En revanche il me semble qu’il sera difficile de faire voler en éclats “le stéréotype du berger illettré à qui Dieu dicte le Livre qui contient tout” parce que c’est le fondement même de l’Islam. Tout comme il serait difficile de priver les chrétiens ou les juifs de la Bible au prétexte que c’est une compilation de fables.
    Nous avons tous besoin de mythes fondateurs comme dirait Lévi Strauss. Que chacun aille chercher sa spiritualité là où il veut, ou plutôt la où il la trouve, grand bien lui fasse. Je suis Chrétien comme on est Périgourdin disait Montaigne.
    Non ce qui me gênerait le plus, et cela mérite vérification, serait que le texte sacré encourage explicitement la chasse à l’autre, à l’infidèle, au mécréant. Ce qu’on ne trouve, à ma connaissance, dans aucune autre religion. Dans cette hypothèse, c’est une question qu’il faut évidemment mettre sur la table.

  16. Court

    Remis la main sur le Kasimirski dans l’édition de 1846, constamment reprise depui.
    1) Elle est parue dans un ensemble intitulé Textes Sacrés de l’Orient à la suite du Chou King, des 4 livres de Confucius, et des Védas. Dans cet amas, G Pauthier œuvre pour les livres chinois, mais se contente de l’édition anglaise pour les Védas.
    Kasimirski n’utilise pas au moins dans cette édition , le terme de sourate. La phrase incriminée devrait se trouver dans le “chapitre” 3, comme il le titre. Je ne l’y ai pas vue. Elle s’y trouve selon d’autres références.
    Et revanche on peut y lire: “quand vous vous alliez, que ce soit entre vous, et non avec les infidèles”.
    Il faudrait d’ailleurs savoir, Philippe, si les termes choisis pour rendre mécréants et infidèles sont synonymes , comme je le pense, ou pas. J’ai du mal à penser l’existence d’un scepticisme à Médine…
    Bien à vous.
    MC

  17. Court

    Lire évidemment: Je me suis toujours méfié de l’Histoire telle qu’elle se raconte en faculté. C’est parti avant correction!
    MC

  18. Court

    Je n’ai pas le Kasimirski sous la main, mais cela parait très logique, Philippe, de la part d’une religion fondée sur le Littéral et le dogme ‘un livre intangible qui font dire à tout Mahometan que nos livres saints sont “truqués” .J’ai en mémoire une discussion récente et assommante -elle dura quatre heures, la nuit,- avec le sujet féal d’une importante pétro-monarchie ou il y avait d’un coté un déferlement de traditions Hadditho-Coraniques ou le récit raconté tient lieu d’argument par lui -meme Ex le nombre de jours passé par Gabriel avec Marie je ne sais plus ou,de l’autre, une tentative désespérée de replacer ces traditions, ou le récit raconté tient lieu d’argument, dans le droit fil d’apocryphes plus ou moins bien compris, assortis de légendes pieuses, piétistes, ou gnostiques.
    Rien ne sera possible tant que le stéréotype du berger illettré à qui Dieu dicte le Livre qui contient tout n’aura pas volé en éclats, et je crains que c ne soit pas demain la veille. Les crétins antichrétiens peuvent se réjouir, qui n’ont pas lu Chateaubriand : “Otez le Christianisme en France, vous y verrez l’Islam…”
    Bien à vous.
    MC
    PS
    Merci à vous,, Pascale. Et je vois que nous sommes d’accord sur l’essentiel. 5je me uis toujpours un peu méfié de l’Histoire telle qu’elle se racointe en Faculté, mais ici, ces soupçons n’ont pas lieu d’etre!

  19. Philippe Auteur de l’article

    Merci, Pascale, d’essayer de sauver le billet, qui n’est pas le meilleur. Mais l’exercice n’est pas facile, disons qu’il ouvre la conversation. Bon public, je vais devoir concéder que les faits son en train de me contredire. Il n’est pas scandaleux de dire que nous sommes en guerre. Une guerre médiévale, c’est étonnant.
    Il y a peut-être un côté “chant du cygne” de ces méchants de séries américaines, mais ce n’est pas certain. Même s’ils ont perdu d’avance, ils peuvent nous pourrir l’existence un moment. C’est un nid de frelons incontrôlable.

    Le sentiment est différent de celui de Charlie, parce que là c’est aveugle. C’est la différence entre un meurtre et un assassinat. Et on comprend M. Court que la coupe déborde. Vous aurez toutefois remarqué qu’il y a eu un authentique mouvement patriotique dans le pays.

    Une chose m’intrigue (j’ai un coran, mais en turc et en arabe, acheté à Istanbul en 1977 !) et je ne peux pas le lire, c’est une lacune. Je vais tâcher de me l’offrir. Cette chose donc, est la suivante : j’ai lu à plusieurs reprises que, la lecture piétiste proposée dans les mosquées de France et de Navarre incluait un vers (ou une sourate je ne sais pas) que j’ai notée en ces termes :”donne-nous la victoire sur le peuple mécréant”. Pas cool si c’est vrai. Ca mérite d’être vérifié. Si quelqu’un a des infos, j’achète.

  20. p.

    Bien sûr, M.Court, l’intention et l’esprit n’est pas au chipotage. Juste l’échange que le post de Philippe “guerre des mots” permet, dans une dimension paradoxalement “déconnectée”, hors influence des affects, de l’émotion, de la submersion, de la tristesse, de la révolte, que sais-je. Je crois pouvoir dire, mais Philippe s’exprimera, qu’il a volontairement choisi cet axe, non pour nier les émotions, mais parce qu’elles débordent, les mettre un peu de côté. Cela est sans commune mesure à l’aune de vos dernières lignes, mais ce “chipotage” n’est qu’un décollement. Je comprends ce que vous avez voulu (me) dire, soyez sans crainte. Il y a plusieurs manières de se protéger. Pour nous qui l’avons été de fait, parce que géographiquement loin des lieux de mort, écrire dans la blancheur de l’échange est peut-être une ruse de la raison…
    D’accord avec vous pour la “mystique” et l’aspect “sacré” de la royauté. Mais là encore, j’étais dans une réaction très précise quant à l’usage du terme de “souveraineté” dans une partie d’un article proposé à la lecture. Il faudrait toujours avoir à l’esprit que le développement d’une réponse est risque d’être étonnamment insuffisant, parce qu’il y manque une masse de justifications et de références, mais qu’une réponse à la va vite est tout aussi insatisfaisante. Pour ma part, j’ai tenté de réagir à un terme. C’est pourquoi, la citation de Bodin, infiniment brève pour l’ensemble de son œuvre, se voulait juste être l’écho de cette idée qui m’est assez chère : qu’ils soient élus (J. B formule même l’hypothèse d’une élection pour un an) ou non (pouvoir de droit divin et héréditaire en France) le gouvernant ne tient sa “souveraineté” que de ceux qui veulent bien la lui donner… ou faire ce qu’il faut (y compris la servitude) pour qu’il la garde.
    Bien à vous.
    (lu la lettre que vous avez communiquée chez Paul Edel)
    P.

  21. Court

    Bodin, je veux bien, mais aussi Coquille, car il ne faudrait pas oublier, malgré l’épisode des Monarcomaques, l’aspect sacré de la Royauté catholique en France totalement éclipsé dans ce que vous citez., L’institution tombe à Paris lorsque les parisiens n’y croient plus. Mais sa mystique est encore présente dans la majorité du pays au moment du Sacre de Charles Dix. Seul un De Gaulle pourra la réveiller.
    Pour ne pas chipoter sur le terme de guerre, chère Pascale, il vous faudrait habiter du coté de la Fontaine au Roi, ou je demeure, avoir vu cinq cadavres fauchés au café du coin, et avoir perdu, à l’age de 29 ans, foudroyé sous les yeux de sa femme , un ami professeur d’architecture et plein d’avenir comme Amine Ibnelmobarak. Je me calme.
    MC

  22. p.

    Hors sujet, bien que toute proposition pour souffler un peu me paraît bienvenue….
    Pour contrecarrer intelligemment, finement et drôlatiquement la pesanteur, allez voir The Lobster.
    Certes, l’incroyable capacité des humains à se dominer les uns les autres au nom d’une cause que quelques-uns pensent justes pour tous, peut bien nous rappeler des choses….. mais ce monde -deux en l’occurrence, je n’en dis pas plus- hyper-organisé et hyper-justifié fait rire, malgré tout (je n’en dis pas plus non plus), ce “malgré tout” n’est pas anodin.
    C’est un conte? un conte noir? ça existe? une allégorie? une immense métaphore en cascade? laissez vous aller dans cette illustration délirante et glaçante des relations et des liens amoureux. Le porc-épic de Schopenhauer n’est pas loin.
    Objet filmique inattendu. Qui fait beaucoup de bien, alors que l’idée sous-tendue est plutôt du genre sérieuse. Bref, comme on dit, j’ai adoré!
    Ne vous laissez pas abuser, si d’aventure vous trouviez, comme moi, la formule “film de science-fiction”…. non, non. Bien que, tout ce qui s’y passe ne soit réel…. ça n’en est pas moins “vrai”, au sens où bien des “vérités” sur les rapports privés humains y ont été bonnes à dire.
    ah! l’amour… a-t-on envie de psalmodier en sortant…

  23. p.

    Quant à l’hétérogénéité du “peuple”, je crois pas que la France des XV, XVI siècles et suivant ait été plus homogène que de nos jours…. Ce qui donne raison à ces penseurs politiques de la modernité, seul un accord, tacite, implicite, d’un autre ordre que la réalité empirique des habitants d’un pays, d’un état, peut rendre compte de la légitimité de l’exercice du pouvoir, concédé par ce même peuple, et parfois contre ses intérêts. Rousseau, en héritier comme lecteur et connaisseur implacable de tous ces auteurs, mais en contradicteur, ira bien plus loin dans l’analyse, jusqu’à formuler des propositions qui ont inspiré les principes sur lesquels repose notre Constitution (qui chavire!) elle-même montée sur les épaules de la Déclaration de 89.

  24. p.

    Merci Elena pour ce lien. La question de la souveraineté m’intéresse au plus haut point. J’en ai fait le sujet de mon cours au second semestre à la fac. Aussi, j’ai été quelque peu dérangée par le début de l’article. A la fin, je trouve l’auteur plus clair, plus convaincant, plus précis, puisqu’il entre dans des faits, des dates.
    La question de la Souveraineté, en effet, est posée par Jean Bodin au XVIème siècle, (la référence donnée en collection de poche, n’est qu’un choix de textes, car l’œuvre majeure intitulée les Six Livres de la République en version intégrale, court sur plusieurs volumes en collection fort onéreuse). Le chapitre “La Souveraineté” est l’un des plus connus. Pour autant, de Bodin à Rousseau, passant par Spinoza et Hobbes (sans oublier Grotius, Pufendorf et les autres….) on ne peut pas dire que le terme de Souveraineté s’apparente à “la liberté de décider” sauf à prendre l’expression dans une signification fort éloignée du sens commun, ce qui est sûrement le cas de l’auteur, mais pas de tous ses lecteurs. Est Souverain (la majuscule est le seul moyen de matérialiser la conceptualisation) celui, ou ceux qui détien(nen)t et exerce(nt) le pouvoir. En ce sens, la Souveraineté adhère au(x) souverain(s), dont on aurait grand tort de croire qu’il est seulement une personne, ou un groupe de personnes. Car pour exercer une puissance publique, encore faut-il des gouvernés dans une relation particulière, et très protéiforme avec le “gouvernant”, qui peut être de droit divin, de pouvoir héréditaire, un groupe, élu(s), de représentation directe, indirecte….. Sont concernés par la Souveraineté, absolument tous ceux qui permettent l’exercice de cette puissance, c’est-à-dire, au bout du bout du compte, le peuple.
    Et c’est tout l’intérêt et la subtilité de l’analyse de Bodin, qu’à mon sens, on trouve déjà chez Machiavel, de manière implicite, et bien évidemment chez La Boétie (étonnant rapprochement non ?) qui ont parfaitement compris, qu’aucun souverain (comme personne, comme gouvernant) ne se maintient hors d’un contrat, d’un pacte, mot qui n’apparaît jamais chez ces deux auteurs. On le lira sous la plume de Hobbes, Locke…. Quand Machiavel explique que le Prince (celui qui est à la tête du Principat, de la Principauté, de la province, de la ville….) doit tout faire pour demeurer, il montre très clairement, qu’il doit trouver les mesures, voir les astuces, les opportunités pour y parvenir. Et que si morale, religion, justice, n’y entrent pas, occasionnellement, il faudra bien s’en passer. Cela demanderait un très long développement. C’est très intéressant. L’autre intérêt est de poser, implicitement une fois de plus, la question de la légitimité du pouvoir, ce que La Boétie, un peu plus tard, analysera si finement : aucun, aucun pouvoir ne peut s’exercer sans une forme ou une autre (c’est toute la question) d’adhésion des gouvernés. Ainsi la souveraineté, le pouvoir, la puissance, qu’elle soit de droit ou de force, qu’elle soit de droit divin, d’opportunité, d’hérédité… ne sont rien si, ou dès que, le “peuple” n’y donne plus son aval, même passivement, même contre ses intérêts. On pourrait dire, en quelque sorte que “qui ne dit mot consent“, servitude volontaire… Dit autrement, la souveraineté est garantie, ou non, par les gouvernés, qui ont toujours le dernier mot, non pas nécessairement dans le temps court de l’évènement, des évènements, malheureusement le seul qui compte aujourd’hui –échéances électorales, reportages et analyses à chaud, oxymore !- mais bien sûr, à la mesure de l’Histoire.
    “Posons le cas qu’on élise un, ou plusieurs citoyens, auxquels on donne puissance absolue de manier l’État, et gouverner entièrement, sans déférer aux oppositions ou appellations en sorte quelconque, et que cela se fasse tous les ans, dirons nous pas que ceux-là auront la souveraineté ? car celui est absolument souverain, qui ne reconnait rien de plus grand que soi après Dieu. Je dis néanmoins que ceux-là n’ont pas souveraineté, attendu qu’ils ne sont rien que dépositaires de la puissance qu’on leur a baillée à certain temps. Aussi le peuple ne se dessaisit point de la souveraineté, quand il établit un ou plusieurs lieutenants, avec puissance absolue à certain temps limité : qui est beaucoup plus, que si la puissance était révocable au plaisir du peuple, sans préfixion de temps : car l’un et l’autre n’a rien à soi, et demeure comptable de sa charge, à celui duquel il tient la puissance de commander : ce qui n’est pas au Prince souverain […]” J.Bodin, repiquée sur un bout de papier, comme devant être retrouvée, je n’ai pas, sous les yeux, la réf. précise. C’est bien sûr, dans les Six Livres de la République. Je parierais bien pour le premier, et, de mémoire, le chap. 8. A confirmer.
    (j’ai juste “traduit” l’orthographe, mais quel texte ! tout est dit !et de quelle manière, car habilement il nous embarque sur la voie de l’opinion partagée communément, pour montrer que celle-ci se fourvoie.)

  25. Elena

    À propos d’autres mots :
    “Nous sommes confrontés aujourd’hui à un défi absolu : la République ou la guerre civile. Nous voyons bien, à l’occasion des ces tragiques attentats du 13 novembre qui font écho à ceux de janvier dernier, que se profile la guerre de tous contre tous. Il nous faut comprendre ce défi si nous voulons le relever et éviter le scénario du pire. Mais, pour cela, il nous faut mesurer l’importance et saisir la signification de ces mots que sont la Souveraineté, la Légitimité, la Légalité et la Laïcité. S’impose à nous tel un nouvel impératif catégorique de comprendre et percevoir pourquoi et comment ces notions sont indissolublement liées. Il faut aussi comprendre comment elles s’articulent dans une société qui est historiquement hétérogène.”

    Article de Jacques Sapir
    http://russeurope.hypotheses.org/4478

  26. Philippe Auteur de l’article

    “Mais je suis de plus en plus convaincue que la rhétorique guerrière du gouvernement est un choix de communication politique, et que ce choix n’est pas le bon. Et qu’en disant “on est en guerre” il se donne le droit de l’état d’urgence, et croit pouvoir en tirer des bénéfices électoraux”. Je partage, Pascale. C’est ce qui s’appelle de l’opportunisme politique. C’est une bonne occasion de se refaire une légitimité.
    D’autant qu’il semble se confirmer qu’il s’agit d’une bande pieds nickelés, certes armés comme des porte-avions.

    Je ne suis ma mécontent, toutefois, d’avoir été entendu (je plaisante) : les Américains ont détruit une centaine de camions citernes dimanche, les Russes annoncent tirer à vue sur ces camions, qui franchissent éhontément la frontière turque. On semble, enfin, s’attaquer au nerf de la guerre.

  27. p.

    Bernard, pas de réponses, mais des formulations prudentes….
    “Mais les terroristes ressemblent à des soldats, non ?”
    Non! un soldat ne frappe pas les civils! C’est un principe du “droit de la guerre”.( Ce qui ne veut pas dire que tous les soldats de toutes les armées du monde s’y conforment ) mais il y a, oui, en quelque sorte, des règles du jeu. On ne cible pas, par exemple, les monuments (cf la 2ème guerre mondiale, où même les villes les plus détruites, ont vu leurs églises et leurs châteaux ne pas être bombardés). Un soldat représente (pour le meilleur et pour le pire) un Etat, et non, Daesch -qui est un acronyme- ne représente pas un Etat, mais un groupe d’hommes qui se sont installés à cheval sur les frontières de deux autres (fondamentale la notion de frontière!!! puisque justement on peut faire la guerre en son nom), s’appropriant les richesses pétrolifères, et semant la terreur.
    C’est bien trop rapide, bien trop.
    Mais je suis de plus en plus convaincue que la rhétorique guerrière du gouvernement est un choix de communication politique, et que ce choix n’est pas le bon. Et qu’en disant “on est en guerre” il se donne le droit de l’état d’urgence, et croit pouvoir en tirer des bénéfices électoraux, les opposants de droite ne jouant que sur ce registre pour engranger des voix.
    Certes, la situation est plus que sérieuse, et je ne crois pas qu’il faille relativiser, ni minimiser, ni banaliser, je crois que la part des erreurs, des responsabilités, du manque d’analyse est immense, mais si complexe. Je me demande si ce gouvernement sait s’entourer de vraies compétences. Science Po, par exemple, -on ne peut plus “conforme” à l’esprit de nos gouvernants toutes tendances confondues,- Sciences Po s’est vu fermer, il y a peu, son département “études d’arabe”. Plus d’étudiants, c’est-à-dire, pas assez (rentable?) pour travailler sur cette réalité linguistique, culturelle, religieuse, philosophique, géo-politique -cela couvrait beaucoup de choses- plus de doctorants, plus de spécialistes. Ce n’est pas avec une meute de députés vociférant honteusement dans l’hémicycle comme hier qu’on va s’en sortir…

  28. Bernard

    Des questions, plutôt…

    Est-ce qu’on chipote en reprochant à François Hollande et à Manuel Valls d’employer le mot de “guerre” (comme l’avait fait avant eux George Bush, de triste mémoire) ?

    Certes, le terrorisme n’est pas la guerre : il n’y a ni déclaration, ni négociations, il n’y aura pas d’armistice et pas de victoire. Ou, disons que ce n’est pas la guerre “classique”, ou “traditionnelle”, encore moins “propre” (s’il en est). Mais ça ressemble à la guerre, avec ces armes (de guerre), ces blessures (de guerre), non ? Dire plutôt “guérilla” (que le Petit Robert définit comme “une guerre”…) ?

    Bon, on peut mieux comprendre le refus d’entrer dans une “rhétorique guerrière”, ça, d’accord.

    Daesh n’est pas une “armée”, c’est une organisation terroriste, une main invisible (et aveugle), sans foi ni loi. Mais les terroristes ressemblent à des soldats, non ? Et les armées en guerre, sont-elles avec foi et loi ? Et une guerre (serait-elle donc un jeu autorisé ?) respecte-t-elle des règles du jeu (genre Conventions de Genève) ? Dire une “armée terroriste”, serait-ce faire un oxymore ?

    Daesh peut-il se prétendre “état” ? Y a-t-il des règles pour gagner le droit à cette appellation, à un statut officiel et reconnu ? Un état ne peut-il être que géo-politique ?

    Dire “islamisme”, c’est prononcer le mot islam et ouvrir une voie royale à l’amalgame le plus odieux. Car qu’est-ce que Daesh a à voir avec la religion appelée islam ? Quel autre terme lui substituer ?

    Et encore : faut-il écrire Daech ou Daesh ? Existe-t-il une nuance entre les deux orthographes, et une nuance de quel ordre – une nuance idéologique ?“

    Nous n’avons pas peur”. Hum ! Alors, pourquoi l’état d’urgence, et toutes ces précautions ? N’a-t-on pas le droit d’avoir peur ?

    Des questions, plutôt…

    [Sur France Inter, un savant observateur, un rien donneur de leçons, se scandalisait mardi que nos gouvernants emploient ce mot de “guerre”. Mais, dans le long commentaire qu’il donna ensuite, oubliant sans doute de se surveiller lui-même, il utilisa à plusieurs reprises ce même mot pour qualifier les attaques de Daesh contre la France aussi bien que les ripostes de l’État français… Sa leçon en prenait alors un coup…]

  29. p.

    Bien sûr que stricto sensu, il ne s’agit pas de “guerre” dont la désignation dépend moins du dictionnaire que de conditions politico-juridiques, comme par exemple, une déclaration en “bonne et due forme” si je peux m’exprimer ainsi, et, en France, un passage par la représentation nationale.
    Mais, ne soyons pas dupes de cette à peine métaphore -car c’est une métaphore- comme on peut “être en guerre” contre la poussière, les mauvaises herbes ou ses voisins. C’est-à-dire en lutte, et bien décidé d’en découdre et de vaincre.
    La métaphore est en elle-même signifiante. Jouant sur le registre martial, elle est gonflée comme une outre de la volonté d’installer les esprits dans une logique militaire, dans une intention de faire prévaloir la force sur tout autre solution.
    En même temps qu’elle demande l’adhésion à ce choix de la force “légitime” (M.Weber parle de violence légitime pour désigner l’État, qui en a, précise-t-il le “monopole”), cette expression, mieux qu’une autre, a l’avantage de commencer par “frapper” les esprits. Dans la représentation que tous s’en font, à commencer par les plus jeunes -les maîtres d’école depuis hier ont du souvent répondre à la question suivante : “est-ce que mon papa va partir à la guerre?”- le mot “guerre” concentre en lui tout ce que notre imaginaire (qui n’est pas notre imagination) collectif et individuel a pu entasser. Et tout ce avec quoi il a dû se débrouiller. Ça mouline fort dans nos cerveaux, toutes générations confondues, pour des raisons différentes. Seconde guerre mondiale, guerre dite d’Indochine, puis d’Algérie… et ceux qui se sont nourris des récits de celles-ci, et ceux à qui on a dit, et répété, et ce sont les plus nombreux, quelle chance ils ont de n’avoir jamais connu aucune guerre, du moins de près. Sans oublier l’enseignement scolaire de l’histoire, qui place les conflits en bonne place, et les archives dont le XXème siècle nous a doté, que tous connaissent, et les guerres (les autres) en direct au JT de 20h.
    Etre en guerre, et le répéter sur tous les tons à longueur de journée depuis vendredi, c’est ravageur, et vient fracasser les efforts de la société civile (je n’ai pas d’autres termes) pour dépasser le traumatisme.
    Le “nous sommes en guerre” du Président, est la pire des formules aussi, parce qu’elle procède d’un mensonge en son énonciation. Non, Monsieur le Président, à moins que Versailles ne vous inspire un Nous de majesté, “vous” avez prononcé une affirmation dont le caractère apodictique suffit pour approbation des citoyens. Et ça marche! Et sera de nature à justifier toutes les mesures prises en son nom. J’ai quelque part un petit livre dont le titre est « quand dire, c’est faire ! » qui montre que le langage a cette capacité d’être coexistant à l’action. Quand on dit, par exemple, « je te baptise », ou « Feu! ». C’est exactement ce qui se passe ici : la “déclaration” de guerre est verbale, et fait exister ce qu’elle nomme. Et le tour est joué, si je peux dire !
    Pas si sûre, Philippe, que les “radicaux” soient des individus cultivés et bien formés…. Qu’ils aient pu évoluer dans un tel milieu (familial notamment), oui, sûrement, mais ce n’est pas la même chose. D’autant que les “combattants” de l’extrême sont aussi soumis à des lavages de cerveaux et à des prises de drogues qui en font de vrais petits robots. Mais, là je crois que le profilage est plus difficile à établir.
    Mais s’il y a bien une expression qui m’énerve, et que pourtant j’emploie souvent pour être sûre de ne pas semer la confusion chez un interlocuteur, c’est l’expression d’ “islam modéré”, car elle induit l’idée que l’islam “radical” n’en serait qu’une émanation, virale et empoisonnée certes, mais qu’il y aurait une filiation, serait-elle de l’ordre du reniement. Comme si la modération de l’islam était une sorte de tension à l’envers, une inversion dans l’effort, pour se maintenir à un niveau acceptable. Ça me gêne beaucoup. D’autant qu’être “radical”, c’est étymologiquement procéder de la “racine”, donc de la source. C’est bien en ce sens que l’entendent les islamistes radicaux (pléonasme ?) : ils sont à la source, à la racine, ou prétendent y être, mais surtout y amener le monde entier (et sur ce point en effet, leur projet est expansionniste, il y a du souci à se faire) et les autres sont tièdes, modérés, insuffisants, superficiels dans leur foi et leurs pratiques. Sans parler des hérétiques et autres croisés. Mais, entièrement d’accord aussi, Philippe, pour dire qu’il y a une part de responsabilité non négligeable, comme on dit pudiquement, des responsables religieux pour n’avoir pas vu, ou n’avoir pas voulu voir, que l’islam a engendré un monstre. Un des liens que vous avez mis sous l’image précédente le dit excellemment dans une forme épistolaire, en posant aussi une autre question : pourquoi cette religion en particulier, pourquoi ? qui fera cette analyse, ou plutôt ferez-vous, vous les musulmans, cette analyse, ce travail de retour sur soi, ce qui s’appelle, une réflexion, au sens le plus strict, demande instamment et désespérément l’auteur de la lettre.

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