de la cruauté des textes

L’occasion est belle en cette fin d’année, à l’heure de changer d’agenda, d’inviter quelques personnalités absentes de la bibliothèque. Mahomet s’impose. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour lui.

le coranJ’ai essayé Dieu cette année, et ce n’est pas une réussite. Il m’est tombé des mains. Pourtant bon public, motivé, je n’ai pas dépassé le Lévitique. Question mythe, c’est un peu étriqué, un peu familial. C’est en permanence pollué par des énumérations sans substance. Non décevant, décevant. Les Evangiles ont un peu plus de tenue.
Nous partons aussi bon public pour Mahomet, mais inquiet pour lui, avec ses enfants mal élevés. La traduction de la pléiade est bonne, semble-t-il, en tout cas elle est souvent citée en référence. Les obscurantistes n’aiment pas que l’on revienne au texte. Qu’on ait une autre lecture. Et au bout du compte ce peut être cruel. On verra bien.
Il y a pourtant des textes qui tiennent la route. J’aurais bien repris Les philosophes taoïstes pourbilleter être un client honorable et avoir mon agenda sans passe-droit. Mais Jean-François Billeter dit que la traduction de la Pléiade (du temps à régnait Etiemble) n’est pas satisfaisante. Et j’ai déjà celle de Gallimard. Une recommandation au passage, le délicieux petit livre « Leçons sur Tchouang Tseu », chez Arlea. C’est mon cadeau fétiche. Du bonheur en tube. C’est fin, malin, mesuré, très humain. Les Chinois le disputent au Grecs dans l’antiquité, et ils ne s’en sortent pas mal.

 

Mais bon, le deuxième invité n’est pas encore désigné. Pour l’heure ce sont Les historiens et chroniqueurs de moyen-âge qui tiennent la corde. Mais il va falloir s’assurer de pouvoir lire la langue. Avant le XVIe c’est difficile.
Et puis, bien au-delà du plaisir d’entomologiste, il va y avoir les cadeaux à débusquer, des tas de bouquins à trouver (je suis la terreur de mes neveux et nièces). Cela augure de quelques bons moments en librairie. Et puis il n’est pas idiot d’occuper les lieux de culture en ce moment, d’exister tout simplement.

10 réflexions sur « de la cruauté des textes »

  1. Court

    Vulgate 18-11
    Avant l’entrée à Jérusalem
    “Comme il était près de Jérusalem, d’aucuns s’imaginaient que l’avènement du Royaume de Dieu était imminent :il ajouta donc cette parabole :un personnage de haute naissance s’en alla dans un pays lointain pour etre investi de la Royauté et revenir ensuite…..
    Mais les gens de son pays le détestaient. ils envoyèrent une ambassade pour dire: “Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous.”
    Le serviteur qui ne fait pas fructifier son talent à un argument qui vaut attention:
    Je vous redoutais, car vous etes un homme dur. Vous prenez là ou vous n’avez rien déposé, et vous voulez moissonner ou vous n’avez pas semé”
    Argument repris par le nouveau Roi
    “Tu savais que je suis un homme dur, etc.”
    Qui aboutit au chatiment du serviteur, et, par élargissement, des contestataires:
    “Otez-lui la mine qu’il a et donnez à celui qui en a dix”….”A celui qui a, on donnera, mais à celui qui n’a pas, on otera meme ce qu’il a
    Ici prend place le verset qui nous occupe
    “Au reste, ces gens qui me haissent, qui n’ont pas voulu m’avoir pour Roi, amenez-les et massacrez-les en ma présence”
    Après ce discours, Jésus prit les devants sur le chemin qui monte à Jérusalem.

    La parabole joue sur l’analogie théologico-politique du Roi et du Messie, et confère au Christ les prérogatives du Roi de justice et celles du Dieu-Roi mélées. Elle est dans la lignée du “Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive” qu’on aurait tort d’oublier.
    Mais tout le travail e contextualisation et de critique, qui dépasserait de beaucoup ces lignes, on ne peut pas compter sur le duo Priat Mordilleur pour l’effectuer!

  2. PMB

    ” Faites venir mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne, et égorgez les en ma présence ”

    Jamais lu ça… Alors que s’il y a bien un truc que j’ai bouffé chez les curés pendant des années, c’est de l’évangile matin midi et soir. C’est tiré, si j’en crois ma source, de l’évangile sur la parabole des talents, que je connais “par cœur”. Et je n’ai jamais lu ça.. Alors, censure ?

    Surtout que c’est en contradiction avec “mon royaume n’est pas de ce monde”, avec “remets ton épée au fourreau, celui qui tue par l’épée périra par l’épée”. Avec un texte majeur, le Sermon sur la montagne “heureux les doux”. Avec “Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi la gauche ” (Matthieu).

    L’évangile dit de Luc a été écrit au moins 80 ans après la mort du Christ. Comme témoignage de première main, on a vu mieux…

  3. PMB

    Dieu vous est tombé des mains ? Essayez alors la Genèse !
    (C’est un enfant qui parle)

    O Dieu,

    Merci pour le jour et la nuit, pour le soleil se levant nouveau chaque fois, pour la lune inquiétante et sereine, pour les étoiles mystérieuses et si lointaines que jamais je ne pourrai aller jusque là. Pour la nuit, surtout, qui me permet de rêver à des vies que je n’aurai pas.

    Grand merci pour les eaux d’en haut et celles d’en bas. J’aime quand il pleut à travers ma fenêtre bien au chaud, que les grosses gouttes de l’orage dansent dans ma cour en jupe transparente. Mais j’aime moins l’eau des mares, des lacs et des mers quand elle m’appelle vers ses fonds inconnus.

    Merci beaucoup pour toutes les plantes, toutes. Même la digitale pourprée et son poison minute, même l’ortie et son fichu caractère, même la ronce et ses bras accrocheurs. Mais ma préférée c’est le chêne, qui envoie sa puissance de la Terre si solide au Soleil si léger.

    Mille mercis pour les animaux terrestres, de la vache paisible et un peu niaise au tigre violent et mélancolique, du chien le doux au chat le souple, ce roi des paresseux. C’est vrai, tu aurais pu éviter le serpent, qui me fait toujours aussi peur. Mais va pour une fois !

    Merci bien pour les animaux des eaux et pour les oiseaux. Il y a même des poissons qui volent et des oiseaux qui nagent. Ce sont les plus heureux, ils connaissent tout du monde.

    Et enfin, et surtout, merci pour l’Homme et la Femme, c’est grâce à eux si je suis là qui te parle. Quand même, tu aurais pu les faire se tenir un peu mieux, se battre un peu moins, et laisser l’endroit aussi propre en partant qu’ils l’ont trouvé en entrant.

  4. Court (complément)

    Evidemment, si l’on aime les discours tronqués, Corpus Christi peut passer pour une grande émission, et messieurs Mordillat et Prieur pour des spécialistes en matière d’exégèse.il serait plus honnete qu’ils avouent leur chapelle antichrétienne, d’autant qu’elle n’est un secret pour personne.
    Le problème de la chronologie des Sourates ne se pose pas en terre d’Islam, et ce que j’ai cité de la 3 devrait suffire à neutraliser ces comparaisons biblico-coraniques, faites au mépris de la tradition patristique, qui informe tout de meme encore toute lecture un tant soit peu chrétienne en Orient.Les Mordillat et Prieur, bien mal nommés;, ne valent pas plus que le pitoyable Messadié, qui eut son heure de gloire.
    Enfin, si cela vous suffit…
    MC

  5. Philippe Auteur de l’article

    Merci Pascale, pour les références de ce dictionnaire du français médiéval, je pourrais être tenté.
    Pour en revenir au Coran, entretien intéressant cette semaine dans l’Obs avec Gérard Mordillat et Jérôme Prieur qui proposent début décembre une série “Jesus selon Mahomet”, sur Arte (j’avais beaucoup aimé Corpus Christi).

    Extraits : “Le Coran est sans nul doute un texte rébarbatif, du moins si on ne lit pas l’arabe. C’est un texte qui n’est pas fait pour être lu en continu d’ailleurs. Pourquoi ? C’est un texte qui a été reclassé. Il obéait à un ordre qui sans doute existe, mais que ce soit les savants occidentaux ou les savants musulmans dès l’époque médiévale, personne n’arrive encore aujourd’hui à se mettre d’accord sur la chronologie de ce que les croyants appellent “la révélation” sur l’ordre de la mise par écrit des différentes sourates. D’une part c’est un livre qui est peu narratif, à la différence des Evangiles, d’autre part il y a le désordre total du texte. Donc c’est très difficile de voir ce qui à l’intérieur de lui se rectifie, se complète, même ce qui est polémique…”

    “Le texte du Coran, évidemment, porte des anathèmes, des condamnations, des menaces. Mais dans le Nouveau Testament, les écrits chrétiens les plus orthodoxes, lorsque vous lisez dans l’Evangile de Luc, par exemple, la parabole des talents : “Faites venir mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne, et égorgez les en ma présence”, eh bien comme discours d’amour on fait mieux.

    Cet entretien conforte le point de vue selon lequel il est très difficile de lire les textes sacrés sans recourir à un solide appareil critique. Je crois que je vais me résoudre à passer par l’introduction qui m’a été recommandée : http://www.babelio.com/livres/Seddik-Nous-navons-jamais-lu-le-Coran/29438

  6. Court

    Les Historiettes, oui, mais elles sont épuisées !
    Vive le père Zink! c’est à force de l’écouter en Sorbonne que je ne me débrouille pas trop mal en Ancien et Moyen Français. et un homme qui s’intéresse à Arsène Lupin au point de lui imaginer quelques aventures ne peut pas etre totalement mauvais.
    Le pire texte que je connaisse: le Beowulf.
    Villehardouin n’est pas mal non plus…..
    Que vaut le du Guesclin fraichement paru chez Perrin? (Thierry de Sabbatère, Sorbonne) On peut toujours recommander le Minois sur le sujet ( Breizinfo Une nouvelle biographie de Du Guesclin..) Le hasard a voulu que je ne puisse pas acheter le Cuvelier de Philippe Ménard, qui surpasse de très haut l’édition procurée au XIXememe siècle sous Louis Philippe sur ce qui demeure la seule biographie d’époque de notre Connétable national. L’emporter aurait signifié
    prendre deux autres valises….
    Un hommage attendri à Gustave Georges Toudouze, dont le du Guesclin à la Michelet a bercé mes années d’enfance, dans la bibliothèque de mon grand-oncle. Le fait qu’on ait pu publier pendant la guerre l’apologie d’un Connétable connu par ses actions de guérilla au service d’un Roi nommé Charles prouve que la censure ne pouvait tout controler, sauf à privilégier la vision de l’anglas comme ennemi héréditaire. Une biographie de Guébriant aurait sans doute eu plus de mal à sortir! (Du Guesclin Clisson Richemont, ou la Fin de la Guerre de Cent Ans, chez Floury.)
    Je crois avoir beaucoup plus calé sur le Coran que sur la Bible. se souvenir toujours du précepte tridentin: “Ne jamais lire la Bible, sauf avec un commentaire. C’est toujours vrai.Qu’on y croie ou pas!
    Bien à vous.
    MC

  7. p.

    juste pour dire : Onfray a décidé de clore son compte twitter, et son éditeur (Grasset) annonce que la sortie de son prochain bouquin (sur l’Islam!) prévue pour Janvier est annulée (seulement pour la France). Notre normand annonce qu’il retourne à son bureau. Il l’avait donc bien abandonné! on s’en doutait un peu!

  8. p.

    ” Pour l’heure ce sont Les historiens et chroniqueurs de moyen-âge qui tiennent la corde. Mais il va falloir s’assurer de pouvoir lire la langue. Avant le XVIe c’est difficile.”
    Voici qui tombe à pic, Philippe, pour vous encourager dans votre choix. Aux excellentissimes Editions Les Belles Lettres :

    Takeshi Matsumura
    Dictionnaire du français médiéval
    Sous la direction de Michel Zink.

    “Avec ses 56 212 entrées, ce dictionnaire de l’ancien et du moyen français s’adresse à tous ceux intéressés par l’histoire de la langue et la littérature du Moyen Âge. Il a pour objectif d’aider les lecteurs à comprendre les textes français du Moyen Âge, depuis les Serments de Strasbourg en 842 jusqu’à la fin du XVe siècle, en leur offrant une nomenclature assez étendue des mots, munie d’indications étymologiques et éventuellement géographiques, de définitions fiables, et de citations dûment contrôlées.
    Takeshi Matsumura, professeur à l’université nationale de Tokyo, est un des meilleurs lexicographes mondiaux du français. Ses travaux font autorité. Nombreux sont les articles de son dictionnaire qui apportent du nouveau ou corrigent des erreurs (première attestation ou sens d’un mot). Pour la première fois, l’auteur précise l’origine régionale et le genre littéraire des exemples donnés, exemples qu’il choisit et traite avec une grande intelligence, de sorte qu’ils éclairent le sens des mots sans alourdir ni allonger à l’excès l’ouvrage.”

    85€ pour disposer ad vitam æternam d’un travail d’érudition considérable, résultat d’heures, de jours, d’années d’études, certainement loin de la fureur du monde… franchement ce n’est pas exagéré, c’est même dérisoire, rapporté à tant d’autres parutions à l’intérêt plus que discutable. Évidemment, je ne peux que pointer ce qui est un peu ma marotte : les meilleurs spécialistes et les meilleurs travaux de ce qui faisait (imparfait de rigueur) nos fleurons universitaires, sont hors France, hors Europe! au moins M.Zinc, un “pro” du Moyen-Age, est-il encore dans nos murs.

  9. Philippe Auteur de l’article

    Je l’ai déjà, en deux éditions (avec la compil du Club français du livre, reliée toilée, pas mal non plus). Et Lu. Ne sais trop ce que vaut Rétif de La Bretonne, mais pourrais être tenté.

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