Archives de catégorie : Humeurs

La carabine à “du coup”

J’avais l’intention, cette semaine, de sortir ma carabine à « du coup » lors de la conférence de rédaction quotidienne du journal du festival des 3 Continents, réalisé par les étudiants de l’université de Nantes. Mais j’y ai renoncé dès le premier jour, tant la tâche s’est révélée ambitieuse et, pour tout dire, irréalisable. L’affaire aurait tourné à la pétarade ou au carnage, ce qui n’était pas le but de l’opération.

Il semble en effet que pas une phrase ne puisse aujourd’hui être prononcée en public sans un salvateur « du coup ». « Du coup, on a choisi tel sujet… Du coup on a refait le montage… Du coup la critique passera sur le web… » Bref, sans « du coup » point de salut. La malheureux « pas de souci » qui a cannibalisé les conversations pendant plusieurs années peut aller se rhabiller. Il est sera bientôt relégué au rang de curiosité linguistique de tic de langage ringard et désuet.

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Le problème, comme le relève Claudine Chollet dans une excellente chronique intitulée « Tordons le cou à l’expression du coup » est que « du coup » est un syllogisme qui se prévaut de l’accord implicite de l’interlocuteur. Exemple : ces articles étaient en solde, du coup j’en ai pris trois. L’expression, note-t-elle, permet de faire l’économie d’un raisonnement, et de se prévaloir d’une légitimité à penser et à agir.

Du coup, je vois des du coup partout. Dans la bouche de mes proches, à la ville, au téléphone et – horreur, malheur –  j’en surprends à sortir de mon propre gosier. Je ne sais pas s’il existe des études sérieuses sur les tics de langage qui occupent ainsi la sphère de l’échange oral pendant quelques années, vont, viennent, disparaissent ou mutent. Mais, du coup, celui-ci me semble justifier une attention particulière, comme c’est le cas pour les plantes invasives qui colonisent l’espace et menacent la végétation indigène.

Feuillet d’automne

L’arrière-saison se dilate chaque année un peu plus. Début novembre, les feuilles se décident à tomber doucement, et le surplus de bois qui refuse d’entrer dans le bûcher se réchauffe tranquillement au soleil durant la journée. On peut donc fendre et couper les bûches à mesure.

louis-xivLa campagne a toutefois quelques inconvénients : “La mort de Louis XIV”, n’est pas donnée dans le cinéma le plus proche  – même si nous avons désormais un petit multiplexe à Savenay – Il faudra donc courir à Nantes, pas avant la fin de la semaine. Les commentaires d’éventuels premiers spectateurs sont les bienvenus.

Quelques Bordelais bien intentionnés ont déposé, à la faveur des vacances scolaires, les documents de présentation autourdelexpo_11de l’exposition Montaigne Superstar, actuellement en place autour de l’exemplaire de Bordeaux.  Pour être honnête, cette présentation qui se veut décalée et ludique m’inspire assez peu.  Uen carte postale donnée avec le programme attire toutefois l’attention. au dessus du portrait de Montaigne, on lit la mention #premierblogueur.

Le parallèle n’est pas complètement idiot, si l’on se souvient que Les Essais étaient écrits au jour le jour, sans souci de cohérence, selon l’inspiration du moment.  Des billets d’humeur en quelque sorte, nourris par l’expérience et prolongés par la réflexion des Anciens. Même si, évidemment, peu de blogueurs peuvent revendiquer la hauteur de vue et la profondeur de champ du Gascon. Et il n’est pas certain que beaucoup de textes tiennent encore debout dans un demi-millénaire, comme c’est le cas pour les Essais.

Côté lecture, la boussole du moment reste Le Ciel & la Carte  d’Alain Borer qui ne cesse de renvoyer à d’autre textes, telle L‘Histoire universelle des explorations, quatre précieux volumes que les étagères du bureau ont la bonne idée de porter. Ce qui permet de prendre un peu de vent des mers du Sud, quand le narrateur tourne un peu trop en rond dans sa cabine.

Bonne semaine

 

Une rentrée de papier

Si l’ordinateur remplace avantageusement  la machine à écrire – nous n’en disconviendrons pas – le stylo et le papier n’en restent pas moins des outils nécessaires aux forçats de l’écriture. Les jeunes gens qui enregistrent un entretien d’une heure sur un smartphone ont tôt fait de comprendre que rien ne remplace une bonne prise de notes. Et l’on est autorisé à sourire lorsqu’un ami annonce avoir perdu l’ensemble de ses contacts, engloutis corps et biens dans le naufrage d’un téléphone ou d’un micro-ordinateur, faute de disposer d’un bon vieux carnet d’adresses. J’adore les moments où il faut renouveler la panoplie et se doter de nouveaux outils pour l’année à venir. La mise à contribution de quelques boutiques indiennes aura décuplé le plaisir cette année. Petite revue de détail.

rentrée

Il y a pour commencer le cahier du dehors, sur la gauche de la photo. Un cahier anglais, solide, bien relié et payé assez cher confessons-le, destiné à la prise de notes lors de rendez-vous extérieurs. Un cahier un peu habillé, pour sortir en ville. Au centre, une super trouvaille, débusquée dans une minuscule papeterie de Guruvayoor : un note book fabriqué en Inde, solide, également, ligné mais non daté. C’est le pense-bête où s’inscrivent chaque matin les tâches à effectuer dans la journée, où quelques idées sont notées à la volée.

Les idées plus construites, les projets, les notes appelées à être retrouvées plus facilement sont elles destinées au cahier qui se tient debout. C’est l’acquisition majeure de cette rentrée, un superbe cahier relié toilé, divisé en cinq parties séparées par des intercalaires colorés, lui aussi débusqué en Inde pour quelques roupies. La principale difficulté lorsque l’on conduit plusieurs chantiers de front est de ne pas retrouver ses petits lorsqu’on les recherche. Entre le programme du festival des 3 continents, la préparation d’un débat sur la mobilité connectée ou l’implantation d’une fnac à Saint-Nazaire, il vaut mieux éviter la confusion. Entre deux s’est discrètement glissé l’agenda de la pléiade, avec son répertoire amovible que l’on récupère chaque année. Pas de commentaire, c’est le classique des classiques avec sa reliure de cuir qui s’assouplit au fil de l’an.

Magnifique trouvaille aussi que celle des stylos billes indiens placés au centre (la plume est exclusivement attachée au bureau, Waterman n’oublions pas). Ce sont des genres de Bic qui auraient été croisés avec des feutres à pointe fine. D’un confort d’écriture absolu pour un prix dérisoire… moins d’un euro les dix, j’en ai pris deux pochettes étant un incorrigible paumeur de stylos devant l’éternel.

Enfin, le bricolage de l’année pour les prises de notes lors d’entretiens au téléphone, grandes consommatrices de papier. C’est le rayon recyclage du dispositif. Sur un support de bloc acquis à, Barcelone (en cuir, un petit peu chic c’est vrai), je recycle les feuilles imprimées sur une face, stockées dans un tiroir du bureau, je les coupe en deux et les relie avec une barrette servant à solidariser les dossiers. Il suffit de renouveler le blocs toutes les semaines. C’est du papier recyclé gratuit, qui n’a pas vocation à être conservé.

Notons enfin le dernier petit carnet, indien lui aussi, dévolu aux notes de lecture. Lesquelles se retrouvent parfois reportées ici. Pour l’heure il y a un peu de travail : la biographie de Levi-Strauss par Emmanuelle Loyer est passionnante, mais quel pavé.

Bonne semaine

Le petit sac

C’est un exercice à contrainte de plus en plus difficile : comment composer son petit sac quand on part pour un périple lointain sans garantie de trouver son bagage sur le tapis roulant de la destination finale ? On doit en théorie y caser un nécessaire de survie complet avec des exceptions de plus en plus nombreuses : pas d’objet en métal, pas de denrée périssable, pas de flacon de plus de plus 20 ml, pas de document compromettant au regard des autorités locales…

P1030390Proscrits donc les outils basiques du castor junior, le couteau suisse ou le leatherman. Interdits la petite bouteille d’eau  (que l’on devra acheter à prix d’or dans la salle d’embarquement) ou le vaporisateur anti-moustiques. Pourtant il faut bien se doter de quelques ustensiles nécessaires à quelques jours d’autonomie dans bagage. Pas simple : le PQ arrive en tête, suivi par la trousse de toilette réduite à sa substantifique moelle. Nous ajouterons pour le gros du chargement un change complet (le plus léger possible) comprenant éventuellement un Kway pour les pays sensibles à la mousson (le mini-parapluie pourrait ne pas passer la rampe). Un paréo peut être utile pour faire office de serviette de bain, de toilette ou même de torchon le cas échéant. Un pourra ajouter une casquette ou un chapeau roulé (un panama pour les plus riches) ainsi que des lunettes de soleil. L’idée générale restant, lorsqu’on se dirige vers les zones tropicales, de porter un maximum de choses sur soi  – chaussures fermées, veste, pantalon – pour gagner un maximum de place.

Outre un guide, l’idée peut être d’emporter un ouvrage instructif mais divertissant pour leschier attentes nocturnes dans les aéroports. Les oeuvres sérieuses demandant un peu plus de concentration peuvent rester dans la bagage en soute. Reste maintenant le dilemme le plus délicat : faut-il emporter des objets connectés ?  Téléphone, tablette ou ordinateur portable ? Pour ma part le choix est fait. Le téléphone restera dans un tiroir. La question de la tablette ne se pose pas. J’emporterai, pour la première fois, mon ordinateur portable. Il est assez vieux pour accepter de mourir dans un pays exotique (toujours considérer qu’un objet emporté peut ne pas revenir) et il pourrait me prendre des envies d’écrire, avec ou sans connexion, peu importe.

Le risque : arborer, même si la machine est a priori invisible, des signes extérieurs de richesse. Très mauvais. Mais le plus à craindre ne proviendra vraisemblablement pas de l’environnement mais du sentiment intime d’avoir quelque chose à cacher. Nous sommes assez doués pour nous compliquer l’existence tous seuls, non ?

Le goût des autres (éloge de la cocotte en fonte)

Un bel exemple des effets délétères de notre perte progressive de culture technique au profit de produits prêts à l’emploi, est notre dépendance grandissante à l’alimentation industrielle. On le mesure régulièrement en consultant les étiquettes des emballages de plats préparés. On s’en scandalise rituellement en lisant les enquêtes de magazines à grand tirage qui détaillent les horreurs parvenant dans nos assiettes.

Mais comment faire ? Peut-être en réinventant l’eau tiède tout simplement. Je viens, pour ma part, d’adopter une solution qui ne cesse de m’épater : la cocotte en fonte de grand-maman. Certes c’est un investissement important (une véritable cocotte made in France coûte autour de 250€), mais un investissement durable comme on dit maintenant et surtout un outil magique pour préparer d’authentiques petits plats avec des produits simples et peu chers.

1332356-staub-cocotte-round-aLa technique est d’une simplicité biblique : il suffit de laisser mijoter tranquillement une préparation sommaire à feu doux, de sorte que viandes et légumes s’imprègnent lentement du goût des autres, des herbes et des épices que l’on a pris soin d’ajouter à la composition. Avantage notable : cette technique permet de mettre en valeur des légumes basiques, non cuisinés et des viandes peu courues et donc peu chères. Inconvénient majeur : une préparation très en amont du repas, qui demande une disponibilité que tout le monde n’a pas. L’alibi du temps proprement dit n’en est pas un puisque vingt minutes suffisent pour réaliser une préparation courante.

Rassurez-vous, votre serviteur n’a aucune prétention, mais vraiment aucune, en matière de cuisine. Pour l’heure il se contente de tester différentes formules, du petit salé aux lentilles à la jardinière de légumes aux pois cassés (achetés secs c’est l’avantage). Mais il a, pour la première fois, l’impression de disposer d’un outil simple, docile et intelligent, qui ne brusque pas les aliments mais leur donne l’occasion de s’exprimer. Une vraie découverte.

Enfin, n’exagérons pas. Tout le monde a une mère ou une grand-mère qui a l’intelligence pratique d’utiliser les bons outils au bon moment. Et de réussir des préparations divines, l’air de rien, avec quelques légumes qui traînent au frigo.  Il suffit d’observer et de retrouver ce plaisir créatif qui consiste à laisser vagabonder son imagination au moment de choisir les ingrédients ou de faire marcher son intuition en goûtant la préparation.

A ce propos, le tenancier est preneur d’idées simples pour élargir sa palette de possibilités qui épatent jusqu’aux ados, pourtant d’ordinaires assez bégueules et peu aventuriers en matière de préparations culinaires.

Les avions ne tombent pas du ciel

mis à jour le 24/04/16 à 16h40

Il y a une forme de romantisme, d’attachement à la culture technique et scientifique que les opposants à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes semblent ne pas comprendre, préférant réduire le conflit à une bataille entre défenseurs de la nature et bétonneurs. L’invention, l’innovation, la résolution de problèmes techniques apparemment insolubles sont consubstantiels d’un bassin industriel où l’on a conçu les premiers vapeurs, fabriqué les premiers avions. Où l’on planche aujourd’hui sur les EMR (énergies marines renouvelables).  Le supposé aveuglement des populations ne suffit pas à expliquer l’attachement à ce projet, redouté par des opposants qui multiplient les obstacles pour que les électeurs soient consultés.

affiche snOn n’échappe pas à l’histoire pour comprendre cet attachement. Et le travail sur le guide « S’installer à Saint-Nazaire » m’en donne l’occasion. L’aventure industrielle de cette ville passe en effet, très tôt, par la construction aéronautique. Dès 1923 les Chantiers de Penhoët débutent la fabrication d’un premier hydravion. Le Richard-Penhoët, un pentamoteur, n’aura pas un grand avenir – le prototype explose en vol – mais enclenchera une mécanique qui, depuis lors, n’a cessé de tourner et de marquer l’imaginaire local. Une de grandes questions à Saint-Nazaire est de savoir si l’hydravion jaune qui emporte Tintin et le capitaine Haddock dans « Les 7 boules de Cristal » a été fabriqué sur les bords de la Loire ou non.

La suite sera plus convaincante, les Ateliers et Chantiers de la Loire mettent au point un monoplan, le Gourdou-Lesseure 32. Cet avion, à structure bois recouverte de toile, est assemblé près de l’aérodrome d’Escoublac à La Baule. Il en sera fabriqué 257 exemplaires. Quelques années plus tard, la décision est prise de construire un aérodrome sur la commune Montoir. Il s’agit notamment de répondre à la demande d’une compagnie aérienne britannique qui choisit Saint-Nazaire comme escale sur une ligne régulière desservant l’Afrique et les Indes. Les grands espaces n’ont jamais fait peur aux Nazairiens, c’est une ville de pionniers.london

En 1934 Louis Bréguet reprend la société Wibault-Penhoët, issue de Chantiers, et s’installe à Bouguenais, près d’un champ d’aviation créé en 1928, où est aujourd’hui installée l’une des deux usines Airbus du département. L’autre étant naturellement située à Montoir près de la piste de Gron.

Autre histoire facétieuse déjà évoquée ici, c’est Notre-Dame-des-Landes que les Américains choisissent en 1944 pour installer un petit aérodrome de campagne d’où décollent leurs avions d’observation qui surveillent la poche de Saint-Nazaire jusqu’en mai 1945. La ligne de démarcation se situe à quelques kilomètres entre Fay-de-Bretagne et Bouvron. Il s’agit de Piper, vraisemblablement du modèle Grassshoper.

On pourrait ainsi dérouler l’aventure jusqu’à nos jours et notamment évoquer le Beluga, familier des habitants du département, ce gros nounours qui transporte les pièces des Airbus entre les différentes usines. Mais là n’est pas la question. Allez dire à cette région d’inventeurs, qui a toujours cherché des solutions pour adapter, améliorer ses productions – Nantes a allégé les Airbus avec ses caissons centraux de voilure en carbone, dotés d’une structure en nid d’abeille – allez dire que le transport aérien est condamné.

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Cette peur de l’avenir ne lui ressemble pas. Les ingénieurs préfèrent inventer les hydroliennes et les avions du futur, qui mangeront moins d’énergie évidemment. Et si la régression qui consiste à refuser un équipement plus adapté aux contraintes du jour les étonne, ils ne la cautionneront vraisemblablement pas, comme le montrent toutes les enquêtes d’opinion. Même s’ils ne se déplacent pas en foule. C’est ce qui fait peur aux opposants, pour la plupart venus d’ailleurs, de régions où ne construit pas d’avions, et prisonniers de représentations bucoliques. Souhaitons malgré tout que la population puisse s’exprimer et que son vote soit respecté.

Images : DR

de la résistance low cost

« Nddl c’est la résistance low-cost d’une gauche défaillante sur les vrais sujets ». Parfois la contrainte a du bon. Cette phrase, extraite du fil twitter consacré à Nddl résume en quelques mots judicieusement choisis l’étrange emballement auquel nous assistons dans la lutte délirante contre le transfert d’un équipement public. Ce diagnostic n’en mérite pas mois d’être explicité.

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Manif 27 février. Photo La Manche libre.

C’est une lutte low-cost en premier lieu dans son objet. Alors que de véritables problèmes se posent à la société – la question des réfugiés pour ne citer qu’elle, autrement plus sérieuse – des milliers de personnes sont capables de dépenser une énergie folle, de couvrir des centaines de kilomètres pour protester contre… un choix d’aménagement urbain, qui ne concerne que des nantis (agriculteurs compris dans ce cas de figure). Les militants anti-Nddl ont un vrai problème de hiérarchie des indignations.

manif 4Certes, répondront certains, mais il s’agit d’une lutte globale, contre un projet « climaticide ». On croit rêver, alors qu’à deux pas, à Nantes et Saint-Nazaire, on construit des centaines d’Airbus, comment peut-on se laisser bercer par la fable selon laquelle empêcher la construction d’un aéroport va jouer un rôle dans le développement du trafic aérien, qui est justement global ? Les avions iront tout simplement voler ailleurs.

moutonsLow-cost cette lutte l’est aussi dans sa forme. Pas très difficile de s’indigner contre des responsables politiques discrédités, aux abois, tétanisés à l’idée de prendre une décision. D’autant que cette lutte, cette « Résistance » est extrêmement généreuse en bonne conscience à peu de frais. Je lutte contre les méchants bétonneurs, les gros capitalistes, avec plein de copains. On est tous d’accords, c’est la teuf. La grégarité a un bénéfice psychologique patent, elle conforte le sentiment d’appartenance à un groupe. On a raison puisqu’on est nombreux.

Low-cost enfin sur les moyens. Une louche d’intimidation, une dose de bons sentiments, un brin d’approximation technique et des médias qui accourent comme des toutous. Que demande le peuple ? Rien de plus simple que de faire monter une mayonnaise quand on a les bons ingrédients. Ne soyons pas injuste, la gauche low-cost a au moins compris une chose : le fonctionnement de la Société du Spectacle.

NB  pour les habitués : je m’autorise à publier ce billet sur le fil général, parce que cette humeur dépasse me semble-t-il le cadre du dossier proprement dit.

Un peu d’air

L’atelier a connu, ces derniers jours, une effervescence inédite. Un sujet de société a monopolisé l’attention du tenancier et provoqué une fréquentation inégalée. C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Le lieu n’a pas a priori vocation à traiter d’un sujet unique et récurrent.

photo : DR

Après réflexion et quelques tâtonnements techniques, nous allons donc modifier légèrement l’ergonomie de la maison, de sorte que chacun puisse y circuler à son aise, sans être pollué par un débat qui ne l’intéresse ou ne le concerne pas. Une fenêtre, sur la colonne de droite, baptisée le feuilleton va permettre de suivre les développements de cette affaire. Mais ces informations, contributions ou billets n’apparaîtront plus en tête du fil général, lequel va progressivement retrouver ses thématiques habituelles.*

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plage des Jaunais, Saint-Nazaire, DR

Ceci pour donner un peu d’air à la maison, et éviter les télescopages inutiles. Cette semaine retour à la table de travail pour avancer le guide sur Saint-Nazaire, après une délicieuse balade sur la côte sauvage pour repérer les plages les plus sympas.

Bonne semaine à tous

 

*comme c’est la règle ici, les billets d’humeur liés à une actualité précise n’ont pas vocation à rester en ligne. Ils restent toutefois consultables sur demande.

démocratie à géométrie variable

Il se produit un phénomène étrange au lendemain de l’annonce par François Hollande de le tenue d’un referendum sur Notre-Dame-des-Landes. Tous les démocrates d’hier, opposants et soutiens au transfert à quelques exception près, crient à la manoeuvre dilatoire.

Ce n’est pas foncièrement surprenant de la part des opposants, conscients du fait qu’il ne suffit pas nécessairement de crier le plus fort pour être le plus crédible, et qui s’inquiètent légitimement de la position de certaine majorité silencieuse, notamment les 600 000 habitants de l’agglomération nantaise qui subissent le survol de la ville à basse altitude. Ce l’est plus du côté des soutiens au transfert, qui se targuent d’avoir toujours bénéficié de la légitimité démocratique, un candidat hostile au projet n’ayant jamais gagné une élection. Est-ce à dire que dans les deux camps on se méfie du verdict populaire  ? On n’ose y croire.

non aCertes, il faut attendre les modalités de la consultation pour mesurer la sincérité du pouvoir dans cette affaire. La question ne pose pas vraiment de problème : le choix est binaire : oui ou non au transfert. En revanche le périmètre de la consultation est plus délicat à établir. Doit-il être départemental comme le suggère implicitement le mot “local”, doit-il être régional ou interrégional ? Dans ce second cas de figure la question est délicate parce que si le sud de la Bretagne (Morbihan, Ille et Vilaine), fait partie de la zone d’attraction du futur équipement, le nord l’est beaucoup moins. Brest disposant d’un aéroport bien dimensionné qu’il est nécessaire de conserver. Mais est-il possible institutionnellement de découper une région administrative ? Ce n’est pas certain. La Commission du débat public va pouvoir s’arracher les cheveux sur la question.

Quoi qu’il en soit, je partage sur ce coup là, la position de Ronan Dantec (sénateur EELV) et de François de Rugy (Député Ecolo) : l’arbitrage populaire est désormais la seule solution pour sortir du bourbier “par le haut”. On peut certes redouter la virulence de la campagne, le projet-daeroport-dame-landes-pourrait-etre-il-L-GVlOQNconcours de mauvaise foi qui se dessine, la foire aux  expertises en chambre, qui ne vont pas manquer de se multiplier, mais après tout, c’est bien aux populations concernées de s’exprimer sur le sujet et pas nécessairement aux activistes de Strasbourg, de Grenoble ou d’ailleurs. Cela permettra sans doute à la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) de sortir du bois, et de faire enfin valoir ses arguments. Après tout c’est quand même l’aviation civile qui organise, régule, dispatche le trafic sur le territoire. Il est possible qu’elle sache de quoi elle parle.

Et puis cela va permettre de clarifier les positions des uns et des autres. Ainsi l’extrême-gauche va-t-elle devoir gérer publiquement son alliance contre-nature avec le Front National sur le sujet. Reste maintenant à poser calmement les termes du débat et il n’est plus certain que, cette fois, les opposants bénéficient du boulevard médiatique dont ils ont disposé jusqu’alors. La partie commence. il est vraisemblable que nous en suivrons quelques épisodes.

Nddl : Paris et le désert nantais

L’armature urbaine de l’Hexagone était, à la fin du XVIIIe, comparable à celle des autres pays européens, composée de grandes villes, lieux d’échanges, places de marché ou grands ports. Lyon pesait plus lourd que Barcelone, En 1800, Nantes était plus peuplée que Rotterdam ou Munich.* L’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne ont aujourd’hui conservé de grandes villes, qui se sont logiquement développées avec le temps, sans pour autant faire d’ombre à leur capitale.

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Les premiers échanges avec la Chine ont débuté à Nantes en 1700. Affiche de l’expo du musée du Château des ducs.

Le centralisme, initié par la monarchie, conforté par la Révolution française et consolidé par la révolution des transports, a bouleversé cet équilibre en France, laissant des villes « de province » atrophiées. Certaines cités ont même été punies par Paris, Lyon privée d’un véritable département, ou Nantes privée d’université (fermée de 1793 à 1962) pour cause de rébellion envers le pouvoir central**. Les réseaux ferroviaires et routiers participent de l’étrange cartographie en étoile qui s’est dessinée au fil du temps, qui fait que pour aller de Nantes à Lyon en train, il faut encore aujourd’hui passer par Paris.

Ce centralisme outrancier qui produit des distorsions remarquables à l’égard des provinciaux (il fut en temps, pas si lointain, où 90% du budget du ministère de la culture était dépensé dans une aire desservie par un ticket de métro), a produit un pays hydrocéphale, qui ne sait plus réfléchir en termes d’équilibre bien compris. L’exemple des médias est de ce point de vue intéressant à observer. Les journaux parisiens, dits nationaux, ne pèsent pas grand-chose en termes de diffusion, mais disposent d’une remarquable chambre d’écho grâce à la centralisation des agences et des médias audiovisuels à Paris.

Pour en venir à notre sujet, il n’est pas foncièrement surprenant que les médias parisiens aient pris fait et cause contre le déplacement de l’aéroport de Nantes. Il y a tout d’abord une projection bucolique sur l’espace rural, (même si, notons-le au passage, la plupart d’entre eux ont bien du mal à comprendre la crise de l’élevage), et la vision caricaturale du village gaulois contre l’Empire du mal. Un conte facile à dérouler, à suivre, avec des gentils et des méchants. Mais il y a surtout, me semble-t-il, une condescendance inconsciente à l’égard de la province, qui fait bien de rester où elle est, réserve naturelle et lieu de villégiature.

Pourquoi les Nantais voudraient-ils un aéroport correctement dimensionné, alors qu’il est si simple de venir à Paris ? Les écologistes avaient bien compris cette nécessité d’équilibrer les trafics, pour qu’un ingénieur allemand puisse accéder en une heure à Nantes ou un chercheur espagnol éviter une correspondance à Charles-de-Gaulle, au bilan carbone redoutable. Dominique Voynet, quand elle était ministre, s’était d’ailleurs prononcée pour le projet : Vous serez d’accord avec moi pour reconnaître que nous avons un effort particulier à réaliser en faveur du rééquilibrage de la localisation des équipements vers l’ouest de notre pays. C’est pourquoi il a semblé nécessaire, compte tenu des nuisances qui pesaient sur les habitants de Nantes, de déplacer l’aéroport actuel sur le nouveau site de Notre-Dame-des-Landes, à une douzaine de kilomètres au nord de la ville.

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La répartition du trafic aérien en 2013

Depuis, par un curieux changement de posture, pour des raisons d’opportunité médiatique et politique, s’appuyant sur la pression des éleveurs de la Confédération paysanne, et jouant avec le romantisme de certains défenseurs de l’environnement (de bonne foi), les écologistes ont opéré un virage à 180°. Ce qui ne les honore pas mais c’est ainsi. La Confédération paysanne a dans cette affaire des intérêts beaucoup plus clairs (il sera intéressant un jour ou l’autre de décrypter le bras de fer qui se joue en sous-main entre la Conf et le gouvernement). Mais le plus étonnant est que les rebelles du jour, qui se sont auto-intoxiqués en croyant s’opposer au pouvoir central, se sont mis au service du centralisme historique. En ce sens il y a un côté réactionnaire, au sens premier du terme, dans cette lutte.

Il est vraisemblable que ce pouvoir central, qui n’a pas grand-chose à faire de Nantes, finira par choisir de développer un peu plus les plates-formes parisiennes. En contradiction avec le bon sens le plus élémentaire et au détriment de cette chère province, qui ne comprend décidément rien à rien, et sort les fourches dès que l’on veut déplacer une clôture.

Ainsi soit-il.

*voir l’excellent blog de Michel François “Les ravages urbains de la centralisation française”.

** l’argument est contesté. Une chose est sûre, l’université a été fermée en août 1793 par décret de la Convention, à l’exception de la faculté de médecine, où oeuvrait Guillaume-François Laënnec.