Une rentrée de papier

Si l’ordinateur remplace avantageusement  la machine à écrire – nous n’en disconviendrons pas – le stylo et le papier n’en restent pas moins des outils nécessaires aux forçats de l’écriture. Les jeunes gens qui enregistrent un entretien d’une heure sur un smartphone ont tôt fait de comprendre que rien ne remplace une bonne prise de notes. Et l’on est autorisé à sourire lorsqu’un ami annonce avoir perdu l’ensemble de ses contacts, engloutis corps et biens dans le naufrage d’un téléphone ou d’un micro-ordinateur, faute de disposer d’un bon vieux carnet d’adresses. J’adore les moments où il faut renouveler la panoplie et se doter de nouveaux outils pour l’année à venir. La mise à contribution de quelques boutiques indiennes aura décuplé le plaisir cette année. Petite revue de détail.

rentrée

Il y a pour commencer le cahier du dehors, sur la gauche de la photo. Un cahier anglais, solide, bien relié et payé assez cher confessons-le, destiné à la prise de notes lors de rendez-vous extérieurs. Un cahier un peu habillé, pour sortir en ville. Au centre, une super trouvaille, débusquée dans une minuscule papeterie de Guruvayoor : un note book fabriqué en Inde, solide, également, ligné mais non daté. C’est le pense-bête où s’inscrivent chaque matin les tâches à effectuer dans la journée, où quelques idées sont notées à la volée.

Les idées plus construites, les projets, les notes appelées à être retrouvées plus facilement sont elles destinées au cahier qui se tient debout. C’est l’acquisition majeure de cette rentrée, un superbe cahier relié toilé, divisé en cinq parties séparées par des intercalaires colorés, lui aussi débusqué en Inde pour quelques roupies. La principale difficulté lorsque l’on conduit plusieurs chantiers de front est de ne pas retrouver ses petits lorsqu’on les recherche. Entre le programme du festival des 3 continents, la préparation d’un débat sur la mobilité connectée ou l’implantation d’une fnac à Saint-Nazaire, il vaut mieux éviter la confusion. Entre deux s’est discrètement glissé l’agenda de la pléiade, avec son répertoire amovible que l’on récupère chaque année. Pas de commentaire, c’est le classique des classiques avec sa reliure de cuir qui s’assouplit au fil de l’an.

Magnifique trouvaille aussi que celle des stylos billes indiens placés au centre (la plume est exclusivement attachée au bureau, Waterman n’oublions pas). Ce sont des genres de Bic qui auraient été croisés avec des feutres à pointe fine. D’un confort d’écriture absolu pour un prix dérisoire… moins d’un euro les dix, j’en ai pris deux pochettes étant un incorrigible paumeur de stylos devant l’éternel.

Enfin, le bricolage de l’année pour les prises de notes lors d’entretiens au téléphone, grandes consommatrices de papier. C’est le rayon recyclage du dispositif. Sur un support de bloc acquis à, Barcelone (en cuir, un petit peu chic c’est vrai), je recycle les feuilles imprimées sur une face, stockées dans un tiroir du bureau, je les coupe en deux et les relie avec une barrette servant à solidariser les dossiers. Il suffit de renouveler le blocs toutes les semaines. C’est du papier recyclé gratuit, qui n’a pas vocation à être conservé.

Notons enfin le dernier petit carnet, indien lui aussi, dévolu aux notes de lecture. Lesquelles se retrouvent parfois reportées ici. Pour l’heure il y a un peu de travail : la biographie de Levi-Strauss par Emmanuelle Loyer est passionnante, mais quel pavé.

Bonne semaine

11 réflexions sur « Une rentrée de papier »

  1. Court

    Qui connaît François Georges Picot?
    Vous y allez fort! Une certaine Olga Georges Picot n’eut pas été flattée….

  2. p.

    Je revois à la baisse mon jugement “plutôt bien” sur Le cas d’Annunzio, car les dernières pages m’ont profondément ennuyée, et je les ai trouvées vraiment foutraques. Est-ce un défaut de vigilance et d’attention de ma part? mais, justement, pourquoi n’ai-je pas tenu?
    Tant que Fabrizio était dans la cellule, involontairement, c’était léger, inédit, nonobstant un style parfois bien trop ramassé. Mais pas après.
    Bon, elles sont un peu superficielles mes remarques, mais je n’ai rien de mieux en cette fin d’après-midi de dimanche…

  3. p.

    Petit hors sujet, mais pas trop.
    Un bouquiniste passionné (pléonasme) aujourd’hui au Marché de ma bonne ville….
    Sera là chaque 1er dimanche du mois. Trouvé, “Les de Corday au Pays d’Argentan” (réimpression de l’édition de 1938) de Xavier Rousseau. Doublement pensé à vous, Philippe.
    J’ai pu laisser quelques albums Pléiade. Ce n’est pas la fortune, mais ça paiera toujours une bouteille de bon vin!
    Suis en train de lire les dernières pages du Cas Annunziato. C’est plutôt bien. Je ferai un effort pour développer quelques phrases, peut-être.

  4. Court

    Eh oui, les feuilles volantes s’envolent, les fiches s’égarent ou sont déchirées, quand elles ne sont pas mangées par la poubelle de table à pattes familiale, un Lhassa-Apso aux longues quenottes

    J’écris sur des cahiers Clairefontaine à lignes parallèles, sans marque apparente, avant toute saisie informatique. Ces cahiers portent invariablement le sommaire du contenu ou le titre du Ms résumé. Comme ils sont assez longs , et que plusieurs nuances de couleur existent, ils restent d’un repérage facile dans le bordel organisé qui me tient lieu d’appartement.
    De mauvaises langues prétendent que j’ai mon bureau dans toutes les pièces, c’est exagéré mais pas totalement faux. Règle d’ensemble: ne rien déplacer, SVP; Je m’y repère, meme si pas vous!
    C’est en Italie qu’ outre le papier,il y a encore des Ex-Libris, à Florence, notamment. Je reve d’une ligne directe pour m’en procurer. entretemps, je fais avec mes modestes réserves florentines…
    Bien à vous

  5. Al Ceste

    Le plus beau papier de bureau que je connaisse est celui que j’avais vu à Venise, à la Legatoria Piazzesi (elle existe toujours). Vouée au papier marbré, et doté d’un service “à l’ancienne” comme en témoigne cet article de blogue :

    http://bricablog.net/dotclear/index.php/post/2012/05/10/Si-madame-Anne-Laure-Lafaye-lit-ce-message

    Il y a même, en commentaire, un texte de votre serviteur

    (On peut rester en Italie avec mon article-blogue de ce jour…)

  6. p.

    Je souscris à tout, y compris au danger des “petits papiers” qui disparaissent, mais toujours momentanément. Bien d’accord avec ce que vous décrivez, Philippe, même si je ne me résous pas à l’épure en matière de livres. Et pour les photos, suis très raisonnable, je n’en fais quasiment pas, ou occasion exceptionnelle (de lieu notamment) et ne garde que celles envoyées par les tout proches, avec coefficient d’œil aiguisé… Suis atterrée par les milliards de milliards de photos qui se prennent de nos jours! sans commentaire, vous vous doutez bien, je risquerais le manquement à la charité! faut pas commencer la semaine trop sévèrement, on ne sait jamais ce qui peut arriver ensuite…
    L’inorganisation administrative ne semble un défaut qu’à ceux pour qui ce genre de préoccupation occupe une place de choix par désoccupation pour le reste…. défaut de littéraire allons-nous dire? là aussi, suis étonnée que ce soit aux administrés de se débrouiller avec les renseignements qui le concernent alors que c’est justement le job des administrations que de l’en soulager… Je crois que je raisonne à l’envers de la plupart et du sens commun qui ne s’en émeut guère et trouve quasi normal de devoir rechercher ce qui le concerne et que l’Administration (ah la belle abstraction majuscule!) lui a fourni, donc dont elle dispose! qui plus est, informatisé.
    Allez, l’air est respirable aujourd’hui, profitons-en pour lire sans transpirer!

  7. Philippe Auteur de l’article

    Le problème, Pascale, avec les post-it ou les bouts de papiers qui trainent ici ou là, c’est qu’il y a beaucoup d’envols, de pertes. J’ai aussi, longtemps, allégrement mélangé notes de lectures, horaires de trains et listes de courses sur des supports indifférenciés, et j’en paie le prix aujourd’hui, contraint d’extraire la substance de mes premiers carnets, devenus illisibles et inexploitables avec le temps.
    Pour être complet je dois toutefois nuancer cette image d’organisation : je suis nul pour tout ce qui concerne l’administration (deux tiroirs fourre-tout que je n’ouvre que pour y jeter les documents) et c’est une véritable catastrophe : je sais à peine de quel régime je dépends (j’ai quatre statuts parallèles) étant une espèce d’Ovni pour la sécu. Ce qui pourrait me valoir quelques surprises désagréables au moment de faire les comptes. Je vais tâcher de regarder tout ça cet hiver.
    Une remarque plus générale : opérer un tri, devenir de plus en plus précis dans le choix des documents que l’on souhaite conserver (livres compris, j’ai entamé un nettoyage des différentes bibliothèques de la maison, à commencer par le bureau), bref aller vers l’épure, est un chantier intéressant. Cela vaut également pour le numérique. Qu’est-il important de conserver, sous quelle forme ? Commence par exemple à se poser le problème des photos. La production est devenue pléthorique mais la conservation indigente.

  8. p.

    ” reportée faute de surveillance bancaire drastique”
    C’est quand même formidable! je viens de faire un lapsus calamae balbutiant! certes, la surveillance de ma banque sur mon compte est drastique, mais le défaut de surveillance du niveau m’est imputable. Autant dire que je me suis mélangée les pinceaux, bien que tout le monde ait compris que c’est parce qu’acheter trop de livres met à mal le solde bancaire, qu’il faut contenir ses pulsions d’achat…

  9. p.

    J’admire ce sens aigu de l’organisation auquel je ne suis jamais parvenue, et ce n’est pas faute de m’y être exercée avec d’autant plus d’application et de sérieux que j’accumule les échecs.
    On ne discutera pas en effet de la nette supériorité du papier sur les engins qui tombent en panne, que l’on vous dérobe, ou sur la touche “enregistrer” desquels vous n’avez pas cliqué…
    J’ai assisté pourtant, il y a peu, à une opération assez spectaculaire en la matière : un “téléphone” -désolée je ne connais pas la nomenclature car la fonction téléphonique ne semble plus prioritaire sur ces engins…- qui, mis dos à dos avec celui qu’il doit remplacer, a absorbé d’un coup d’un seul et en une seconde toutes les données, et elles se comptaient en centaines, que dis-je en milliers…. en l’espèce.
    Pour ma part, je m’en tiens, après avoir tout essayé, aux bons vieux post-it (pas si vieux que ça quand même…) qui reçoivent un mot, une référence, un titre, un mot de passe….ou la liste des courses…. bien sûr. Ils s’entassent globalement dans la zone réservée “travail” et font l’objet d’un nettoyage aléatoire qui tranche, un jour, brutalement entre les “devenus inutiles” et les “à conserver”. Dans cette dernière catégorie, ceux qui mentionnent une référence (livresque toujours) indispensable mais reportée faute de surveillance bancaire drastique, vont se retrouver dans un petit carnet au fond de mon sac, on ne sait jamais, en passant devant la librairie… une pulsion…
    J’ai fini par inscrire tout ce qu’il vaut mieux ne pas oublier dont la liste est totalement hors hiérarchie pour le sens commun, dans un agenda des plus ordinaires, sauf pour la dimension, obligatoirement non inférieure à celle d’un cahier. Se trouvent ainsi cohabiter le rendez-vous chez le coiffeur et le titre d’un colloque ou autre rencontre universitaire auxquels je compte bien me rendre….
    Mais depuis peu, j’ouvre fréquemment des “dossiers” dans l’ordinateur, dont je choisis le titre avec grand soin, pour y noter des développements, des idées, y reporter des passages de livres en raison de leur intérêt pour le travail ou les recherches en cours :”écrire” ; “métaplasmes et vidimus” ; “ruminer encore” pour exemples….La dimension des écrans et des claviers des téléphones sont si étriqués qu’ils ne peuvent recevoir que des mots, des noms, rien de plus. Mes “dossiers” sont un peu l’équivalent de vos cahiers, Philippe, avec l’avantage de les avoir au même endroit et l’inconvénient de la sédentarité (qui n’en est pas un pour moi) car je ne suis pas du genre à me déplacer avec l’ordi sous le bras…
    J’éprouve assez souvent, vu mon absence totale de sens du rangement -tout ce que je note me paraissant également nécessaire, indispensable, évidemment déterminant… un plaisir inqualifiable, doux et nostalgique à la fois? quand je retrouve un de ces morceaux de papier, vieilli, passé, qui réapparaît au détour du déplacement d’une pile de livres ou de documents. Je l’avoue sans honte, ce sont de vrais petits trésors… ça, c’est sûr, l’ordi ne peut pas rivaliser… C’est sûr aussi que les non forçats de l’écriture, pour reprendre vos termes, et ceux pour qui les mots ne sont pas le coeur vivant de leur raison d’être, vont trouver ces propos grotesques…

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