Un hiver avec Compagnon

Je viens d’achever “Un été avec Baudelaire” d’Antoine Compagnon, attrapé au vol cet été sur l’étal d’une jolie librairie de L’Isle-sur-la-Sorgue. Il semble que la série demandée à France Inter au professeur du Collège de France soit achevée. C’est bien, cela aurait pu finir par faire système.

un été avecCette ravissante petite collection – Montaigne, Proust et Baudelaire – n’en constitue pas moins une précieuse introduction à trois monuments de la littérature française. Et en refermant le Baudelaire, je me suis pris à penser que l’ensemble ferait un parfait cadeau pour les lecteurs, notamment les ados, qui sont effrayés par ces monuments de la littérature française (surtout Proust et Montaigne).

Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, réussit un bel exploit à travers ces trois recueils de chroniques : approcher les oeuvres sous une multitude d’angles en s’adressant à un large public avec le niveau d’exigence qui est le sien. Il ne s’agit pas d’ouvrages de vulgarisation mais d’approches thématiques, le plus souvent inédites, toujours nourries par des citations, remettant l’oeuvre et l’auteur dans leur contexte historique, social, et bien sûr littéraire.

La conversation selon Montaigne, l’éreintage chez Baudelaire ou l’amour chez Proust, autant de chroniques qui peuvent se lire indépendamment les unes des autres, mais qui donnent envie de poursuivre le chemin.  Proust  fait l’objet d’une “recherche” plus fouillée qui fait appel à une pléiade de spécialistes. C’est d’ailleurs l’ouvrage le plus copieux.

On me permettra ici un clin d’oeil à Pascale, qui m’avait sauvé la vie lors de rencontres littéraires au cours desquelles nous recevions Antoine Compagnon et qui m’avait offert un précieux décryptage des Antimodernes, l’ouvrage pour lequel il était invité. C’est un garçon charmant, pas du tout imbu de sa personne, avec lequel nous avions passé un moment délicieux. Comme quoi la notoriété n’est pas toujours synonyme de suffisance.

 

17 réflexions sur « Un hiver avec Compagnon »

  1. PMB

    // Quant à la croix des profs, je compatis évidemment. Mais je n’en reste pas moins désarmé devant cette armée de gens intelligents qui ne parviennent pas à inventer un système moins con. //

    Si les généraux foutaient un peu la paix aux soldats, ceux-ci seraient plus efficaces. Tout ce que j’ai pu faire de bon dans ma carrière est né de moi, de mes collègues et de mes élèves.

  2. Court

    L Age de l’Eloquence, surement. Il a été le premier à s ‘intéresser aux structures du discours, quitte à susciter un fumarolisme caricatural de baccalauréat. (repérez les figures de style!)
    Quand l’Europe parlait français, si vous voulez. Bon, le Dix-huitième siècle…
    Je préfère, parce que plus varié , le récent De Rabelais à Valéry, en regrettant de ne pas avoir vu sortir ce séminaire sur le Parnasse de la Renaissance au classicisme, qui fut une très grande chose, et vraiment européenne par les œuvres et les chercheurs qui y planchèrent. (non, je n’y étais pas!)
    Enfin, “l’Etat Culturel.” dont on n’est pas sorti, malgré quelques phrases dures sur Malraux.
    Je ne dis pas que Compagnon est sans mérite, je suis plutôt content qu’il soit là. Mais je dis que sa thèse ne m’apprend pas grand’ chose. C’est de la critique classique à la Thibaudet. Mais pour ce qui est du pourquoi de ces mentalités et des événements traumatisants, très divers, qui ont amené ces évolutions, je suis désolé , mais c’est minimal. La grande histoire littéraire anthropologique pressentie par de Certeau et entreprise par Denis Crouzet pour la fin XVIeme début XVIIeme, on ne la trouve pas ici.
    Je n’ai pas lu les opuscules incriminés.
    Bien à vous.
    MC

  3. p.

    Fumaroli : l’Age de l’éloquence et Quand l’Europe parlait français sont pour moi deux livres de référence. Est-ce que j’ai raison là, Monsieur Court?
    Quand vous parlez, Philippe, d’une “armée de gens intelligents” vous parlez bien des administratifs des cabinets de la République? intelligents, intelligents… comme vous y allez!!!
    Et puis je voudrais les y voir enseigner ce qu’ils préconisent.
    La messe est dite. Rendez-vous dans deux générations.

  4. Philippe Auteur de l’article

    Fumaroli, il faudra lire son Chateaubriand qui, paraît-il, est remarquable. Vous semblez bégueule, M. Court, pour Compagnon.
    Ces petits bouquins sont assez rafraîchissants, Pascale, et proposent des angles inédits. Sur Baudelaire, j’ai beaucoup appris, moins sur Montaigne, certes.
    Quant à la croix des profs, je compatis évidemment. Mais je n’en reste pas moins désarmé devant cette armée de gens intelligents qui ne parviennent pas à inventer un système moins con.

  5. Court

    On suggère de rebaptiser le Ministère de l’Education Nationale -un titre qui est déjà tout en nuances et ou les mots ne sont pas neutres- en ministère de l’Hypocrisie Nationale.

    Je connais peut etre trop bien (?) les AntiModernes, mais j n’ai jamais senti l’ardente obligation de l’acheter. C’est un survol beaucoup plus qu’une analyse.
    Quant à la vulgarisation, c’est le BA BA quand on est au Collège de France. Souvenirs d’excellents cours de Marc Fumaroli….Sur la fin de Byzance!
    Bien à vous.
    MC

  6. PMB

    // Dans la loi d’orientation de 1989, le législateur voulait mettre l’élève au centre //

    L’élève au centre : formule ambiguë. S’il s’agit de mettre l’élève au centre de nos préoccupations, accord total : on n’enseigne pas sa matière pour elle ou pour soi, mais pour lui. Mais s’il s’agit de lui laisser croire qu’il est au centre du monde comme il l’était dans son berceau, non. Pour moi, la pédagogie (je ne parle pas des cuistres qui font un dogme des sciences de l’éducation) doit aider à l’enfant à faire le deuil de son égocentrisme initial, le pousser à connaître autre chose que son nombril. Et donc, pour en revenir au texte de notre hôte, lui apprendre qu’à côté de son magazine
    de djeuns il y a Montaigne, à côté de son rap il y a Allegri*, à côté de ses grafs il y a Bellini, à côté de lui il y a le monde entier. Et que c’est un monde où il a toute sa place, et qu’il l’occupera bien s’il se connaît et s’il connaît les autres.

    *Un jour, à la surprenante, j’ai réussi à passer à mes Sixièmes son Miserere. Quatorze minutes de silence absolu dans les rangs, fascinés par les rigueurs et les arabesque d’A Sei Voci. Mon secret ? Je ne leur avais rien dit de ce qu’ils allaient écouter, juste donné une seule consigne : vous aurez le droit de ne pas aimer, je veux seulement que vous respectiez l’écoute des autres.

  7. PMB

    // La paie et la planque….
    Vous rigolez ou vous êtes sérieux ? //

    J’ai fait toute ma carrière de prof dans un gros collège-lycée, j’ai eu mes enfants dans sept établissements, je sais donc que ces gens existent, et que c’est une petite minorité.

    Donc, je reconnais que ma formule “ne resteront que les médiocres” peut laisser croire que je vise tous ceux qui restent sur le bateau ivre. C’est faux, et j’avoue m’être mal exprimé !

  8. p.

    Suite :
    En vrac, voici à quoi peut s’employer aujourd’hui le professeur sur son temps de préparation, de correction et de reconstitution de son enthousiasme pédagogique. Liste non exhaustive… On attend avec impatience les réunions pour mettre au point les EPI en 2016 !
    – Conseils de classe (douze par an, pour un prof certifié de lettres modernes en charge de 4 classes, neuf pour un agrégé).
    – Pré-conseils (très souvent ils ne sont pas inclus dans le conseil de classe, il y en a donc autant que de conseils).
    – Réunions parents/professeurs (deux par an).
    – Réunions pour accompagnement personnalisé.
    – Réunion de rentrée pour chaque niveau.
    – Réunions remise de bulletins.
    – Réunion préparation d’un « forum des métiers » en troisième.
    – Réunion de concertation pour choix des sujets en commun.
    – Réunion liaison CM2/6ème (tous les ans).
    – Réunion sur le projet d’établissement (tous les ans).
    – Réunion pour l’HDA (l’Histoire des arts).
    – Réunion sur les voyages.
    – Réunion mise en œuvre du socle commun.
    – Réunion validation des compétences avec le logiciel.
    – Réunion sur la validation du B2i.
    – Réunion pour l’oral de l’HDA en 3ème.
    – Réunion sur la DHG (Dotation horaire globale de l’établissement).
    – Réunions du conseil pédagogique.
    – Réunions CA.
    – Réunions commission permanente.
    – Réunion rattrapage Pentecôte (deux jours).
    – Assemblée générale de rentrée.
    – Conseils d’enseignement (deux fois par an).
    – Réunion sur la remédiation et le soutien ou sur les cours de « méthodologie ».
    – Réunion sur l’environnement numérique de travail.
    – Réunion sur le cahier de textes électronique.
    – Réunion choix des sujets du brevet blanc.
    – Commissions d’appel en fin d’année.
    (On reprend sa respiration…)
    – Commissions éducatives.
    – Réunion prise en compte du handicap spécifique d’un élève.
    – Réunions préparation des jurys pour le rapport de stage en entreprise et soutenance orale (classe de 3ème).
    – Réunion de bassin avec l’Inspecteur régional (IPR) pour la mise en œuvre des nouveaux programmes.
    – Conseils de discipline.
    – Réunion des modérateurs du brevet.
    – Commission de choix des sujets.
    – Commission d’harmonisation du brevet.
    – Réunion du Comité de pilotage du projet d’établissement.
    – Réunion pour les PAI (Projet d’action individualisé) ou les PPS (Projet personnalisé de scolarisation).
    – Réunion constitution des classes de l’an prochain, etc.

  9. p.

    Philippe me pardonnera. Le joli clin d’oeil in memoriam d’A.Compagnon vient de prendre un coup dans l’aile. Mais, soit on ne répond pas, soit on fonce. Vous me connaissez. Donc, je copie-colle, en deux fois, un article (rageur) sur le métier d’enseignant aujourd’hui, qui est doublement le contraire d’une planque, puisque 1) on ne fait qu’accessoirement ce pour quoi on a été formé, et on le fait mal et 2) on est sollicité en permanence….

    (Publié dans Marianne le 28 Mai 2015)
    Antoine Desjardins, Professeur de Lettres, membre du collectif “Sauver les lettres”, co-auteur de “Sauver les lettres – Des professeurs accusent”

    Enseigner est devenu impossible mais ce n’est pas encore tout à fait suffisamment impossible : ceux qui chargent notre barque devraient songer à rajouter encore quelques réunions et astreintes supplémentaires à la liste déjà un peu fournie des réunions et activités diverses (1), hélas souvent débilitantes et improductives, qui empêchent très bien d’enseigner correctement…
    Merveilleux ! Ils y ont songé puisque la réforme du collège de Mme Vallaud-Belkacem va probablement exiger à nouveau des réunions interdisciplinaires entre collègues.
    Enseigner, c’est en effet instruire les élèves et donc préparer des cours, corriger des copies, et (ceci n’est pas un détail) reconstituer ses forces après une dépense nerveuse et une tension physique et psychique dont chacun s’accorde à reconnaître qu’elle n’est pas minime dans ce métier. Venez vous frotter une heure à nos « nouveaux publics »…
    Avoir le temps de respirer, c’est aussi avoir un cours qui respire. Actuellement le professeur n’a plus le droit de respirer. Ce n’est plus l’élève qui est au centre, ni l’instruction, ni la culture. Encore moins la pédagogie. Mais le blabla improductif et les faux semblants, les réunions, les cases à cocher : le vent !
    Bienvenue dans la « pédagogie » post-humaniste
    Mécaniquement, les enseignants vont être amenés à rogner et rognent déjà, sur la qualité des cours (une trop grande fatigue engendrant un moindre tonus pédagogique), à rogner sur les préparations et le renouvellement du contenu des cours, à rogner sur le nombre des contrôles, leur qualité, leur régularité. A rogner aussi sur l’attention portée à chacun de ses élèves : presque cent-vingt, par exemple, pour un enseignant de français.

    Vive les QCM à venir ! Qui ne va pas finir, c’est logique, par les souhaiter ardemment ? Une taylorisation sournoise est à l’œuvre qui va transformer l’enseignant en simple exécutant, faisant fi de sa liberté pédagogique. Pourquoi rogner ? Pour survivre… Nous sommes la seule catégorie de fonctionnaires qui n’a pas vu diminuer son temps de service depuis 1950.
    Je l’ai dit, c’est mécanique. Sauf à terminer broyé comme le Chaplin des Temps Modernes, entre deux réunions absurdes. La variable d’ajustement se porte en effet le plus souvent sur le cours : le prof, pour rester un bon prof aux yeux de la communauté, pourra toujours lever le pied en classe ou à la maison, mais louper une réunion débilitante est le plus souvent impossible car il en va de son image et au royaume des faux-semblants, chacun est jugé sur son image.
    Le « cours » s’est complètement démonétisé au profit de l’investissement dans la vie de l’établissement, notion vague à l’aune de laquelle tout désormais se mesure. L’avancement de chacun en dépend ! Comme si, finalement, ces dix-huit heures de cours en présence des élèves n’étaient plus qu’une bagatelle, un ornement presque inutile et parasite, un accessoire.
    Qui fait cours, le plus convenablement qu’il le peut (tâche très prenante et, exactement, herculéenne), est réputé ne rien faire car il a choisi de privilégier son enseignement plutôt que plastronner dans les réunions ou jeter de la poudre aux yeux dans des activités péri-disciplinaires ou parascolaires pourtant nettement moins fatigantes. Le voilà à présent suspect de ne pas vouloir « travailler en équipe » et de récuser les bienfaits démontrés scientifiquement de l’interdisciplinarité !
    La « séquence didactique » fast-food, avec ses horaires en peau de chagrin, sa note unique de fin de séquence, son refus des apprentissages systématiques et cohérents, son apologie du saupoudrage, sa haine de la durée, anticipait déjà cette mécanique de la fuite en avant, cette logique d’économie sur la qualité. Le « cours de français », le vrai, il a déjà « pris cher » comme diraient nos élèves avec les pédagogies en vogue. Mais il est vrai que les élèves n’ont plus besoin de français. Ils maîtrisent parfaitement leur langue maternelle à l’écrit comme à l’oral depuis l’école primaire, le vocabulaire, la grammaire et surtout l’orthographe n’ont plus de secret pour eux.
    Voué à la surchauffe et à la panne, le professeur est désormais une mauvaise machine dont l’énergie se dissipe à 80 % en vaine chaleur perdue dans l’air quand 20 % à peine de cette énergie contribue à éclairer les élèves et actionner les durs pistons de l’enseignement et de la transmission des savoirs. Les élèves font les frais de cette déperdition programmée.
    Il faut redire ici, que 18 heures d’enseignement ou même 15 heures, et nous parlons de vrai enseignement et non d’animation, suffisent très bien à occuper pleinement cet être humain (normalement constitué physiquement et nécessairement beaucoup plus résistant nerveusement…) qu’on appelle un prof. Il est vrai qu’avec les nouveaux publics, la hausse constante du nombre d’élèves par classe, la baisse du volume horaire dans l’enseignement des fondamentaux, les injonctions contradictoires auxquelles nous soumettent des circulaires perverses et confuses qui donnent des gages tantôt aux « pédagogistes » tantôt aux « républicains », la mission est devenue impossible.
    Une institution devenue folle
    Mais alors, pourquoi vouloir rendre cette mission impossible… encore un peu plus impossible, en dévoyant complètement l’énergie des enseignants ? Pourquoi ces bâtons dans les roues, d’une institution devenue littéralement folle ?
    Pourquoi laisser prospérer les officines privées appelées à compléter ce que l’école ne fait plus. L’une d’entre elles, Complétude, la bien nommée abreuve les parents de brochures luxueuses qui proposent…cours systématiques, exercices, révisions, travaux, méthodes, programmes ! Pratiquement des gros-mots ou des mots douteux dans notre chère Éducation nationale…
    Bon, s’il y a Complétude ici, c’est qu’il y a Incomplétude là !
    On a entrepris sciemment d’en finir avec l’Ecole de la transmission républicaine pour tous : c’est vu ! Notre système économique libéral exige cette fuite en avant et ce désengagement de l’Etat. L’école coûte trop cher. Mais même une usine à apprenant chargée de fabriquer de l’« employabilité » n’utiliserait pas une gestion du personnel aussi désastreuse et contreproductive et redirigerait les efforts des acteurs sur les apprenants au lieu de mouliner de l’air. On ne peut pas être libéral et bureaucratique.
    Je vous le dis, en vérité, parce que je les connais un peu, les enseignants ont pour beaucoup épuisé leur enthousiasme.
    Même dans le système capitaliste décrit par Marx, le prolétaire obtient le minimum vital par lequel il peut reconstituer sa force de travail pour retourner à son aliénation… Nos maîtres, cyniques et brutaux, n’auraient-ils donc pas pensé à conserver la nôtre pour faire perdurer ce qui ressemble de plus en plus à une exploitation ? Ou le « système » est-il devenu tellement pervers (comme dans certaines entreprises privées où les nouvelles techniques de management font rage…) qu’il n’anticipe même pas son autodestruction à long terme ? Qui (s’il y a encore derrière ce procès ahurissant un « qui ») laisse faire ou fomente ce saccage des esprits : institution scolaire, enseignants, élèves ?
    Dans la loi d’orientation de 1989, le législateur voulait mettre l’élève au centre. Certains d’entre nous pensaient qu’il valait mieux y mettre la transmission des savoirs. De nos jours plus rien ni personne n’est au centre que le vide et le vent. Les inégalités s’accroissent dans l’indifférence, l’illettrisme galope, les marchands d’école prospèrent pendant qu’on empêche les enseignants d’enseigner.

  10. p.

    Je n’avais pas lu, désolée, mais la “paie et la planque”…. m’ont fait m’étrangler, la suite sur la classe de l’instituteur!
    On a quand même droit à tous les poncifs, là. Non seulement l’enseignant doit être polyvalent, mais il doit réussir avec 25 ou 30 garnements ce que les parents n’arrivent pas à faire avec 1 ou 2. Je crois qu’il vaut mieux ne pas répondre.
    J’ai tort de m’énerver. Mais c’est quand même un peu fort de café. Café? tiens, je vais en prendre un. Costaud. Italien. Stretto. Avant de retourner, pour la gloire de moi-même, le désintéressement de la pensée spéculative, le non avancement du CAC 40 par mes soins, à la comparaison du Prince et des Discorsi de Machiavel. D’où, stretto, le café…..

  11. p.

    La paie et la planque….
    Vous rigolez ou vous êtes sérieux?
    Pour la paie, renseignez-vous de près sur le salaire des débutants. Cela suffira. Je ne rentre même plus dans ce débat. Mais je précise, chaque fois que je le peux, qu’après des décennies de mythe sur le salaire des profs, les études chiffrées ont enfin montré qu’ils sont parmi les plus mal rémunérés de l’UE (à niveau d’études supérieur.), mais surtout qu’on ignore que la règle n’a pas changé depuis le début du XXème siècle, le salaire annuel -même s’il a augmenté, of course- est divisé par 10 et payé 12 fois. Comme avant les congés payés obligatoires….
    Et puis, marre d’entendre parler des “enseignants”. Quand on dit “médecin” de qui parle-t-on? des urgentistes, des généralistes, des spécialistes, de ceux qui exercent en campagne, en ville, de l’ORL, du chirurgien…. L’enseignant c’est pareil. Il y a l’instit de maternelle, le prof de math de Terminale de série S, il peut avoir 35 élèves devant lui, pareil pour les collègues de la même classe -je connais des profs de prépa qui comptent 49 à 55 élèves -je parle d’aujourd’hui hein! Il y a l’instit de classe unique de campagne. Le prof de sport de collège, le prof de français, le prof de 3ème langue facultative qui peut avoir, en Term 7 ou 8 élèves….. Il faut faire face à tout. A tout. Je renonce à reprendre la description de ce boulot. Je ne m’étonne plus, depuis longtemps, de l’état d’esprit anti-prof typiquement français quand je lis -et sous la plume de qqn de la “maison” si j’ai bien compris,- que l’enseignement c’est la paie et la planque!
    Je vais essayer de retrouver un article d’il y a quelques mois qui expliquait très bien aux profanes -mais s’il faut l’expliquer aux concernés aussi…! ce qu’est (devenu) le métier, en grande partie en tout cas. Tout n’avait pas été abordé.
    Alors si ce à quoi les enseignants sont tenus n’est pas ce pourquoi ils ont “signé” comme je dis souvent, et s’ils n’enseignent plus exactement parlant, cela n’a rien d’une planque…. et c’est peut-être même en raison de cela. Insupportable.
    Tous ces gens qui pensent encore qu’enseigner, en France, c’est bon pour “la paie et la planque”… on vous invite. Venez, ça recrute. Passez les concours puis soyez envoyés au gré des arcanes de l’administration dans n’importe quel coin de France (des néocapétiens de La Réunion, l’an dernier, ont été envoyés en région parisienne. Au dernier moment, je précise!), puis essayez de faire cours, (vous ne choisissez pas hein, le niveau, les classes etc…..) bien sûr vous préparerez consciencieusement (vous pouvez d’ailleurs être changé de séries l’année d’après, ou de niveau), et que la fête commence. La fête? ben oui! bon, je ne décris pas. C’est un texte à soi seul.

  12. PMB

    // C’est bien pour cela qu’elle est si motivée qu’elle est en voie d’abandonner //

    Et ne resteront que les médiocres, ceux qui sont là seulement pour la paie et la planque.

    Le pire du jargon pédagogiste est “professeur des écoles”. On a tout dans cette appellation : l’enflure de type paonnesque ; la sottise d’employer trois mots là où un suffit, et cela à notre époque qui vénère la vitesse ; la fausseté (sauf cas des remplaçants, un instituteur non seulement n’a qu’une école mais qu’une classe) brandie en étendard devant des enfants qu’on est supposé ouvrir à la vérité !

  13. p.

    Oh! PMB, vous n’imaginez même pas comme je sais tout cela, et au-delà…
    Ma jeune collègue est justement dûment titularisée et diplômée…. et développe des stratégies remarquables, mais épuisantes. C’est bien pour cela qu’elle est si motivée qu’elle est en voie d’abandonner. Quant aux inspections, elles sont devenues bien plus fréquentes qu’il y a quelques années, y compris pour les titulaires. Forcément, il y a toujours une réformette, ou réformation, ou refondation, ou je ne sais quoi encore à mettre en application, scions, scions…

    Faute d’accord plus haut : c’est (et non ce sont) plutôt la génération….

  14. p.

    Oui, Philippe, belles rencontres. J’écris le mot au pluriel car je me souviens aussi, avec émotion, de François Vallejo, venu, lui aussi, avec tant de modestie et générosité. Depuis Ouest, à l’époque, j’ai lu d’autres romans, très différents d’ailleurs, de cet auteur qui me réjouit. Avec Compagnon (qui enseigne aussi la Littérature française aux US,ouf! A.C n’est pas un “écrivain”, bien qu’il écrive très bien, je me suis ennuyée avec sa Classe de Rhéto), en voilà deux qui ont foulé l’herbe de la prairie de la France hors télé, qui ne se sont pas poussés du col… C’était sympa, pour parler d’jeune!
    [Les Antimodernes de Compagnon…. ah oui, un bouquin touffu comme une forêt équatoriale, surabondant, mais paradoxalement très clair dans l’exposition et la démonstration de sa thèse. Beau souvenir de travail passionnant, ce devrait être un pléonasme]

  15. PMB

    ” PMB, les enseignants -qui ont le dos large et les épaules solides- ne portent pas toutes les responsabilités ”

    C’est bien pourquoi j’ai écrit certains

    Le drame de votre jeune collègue, c’est qu’elle n’est sans doute pas titularisée, et donc tenue de passer sous les fourches caudines des idéologues fous de l’EN. Quand notre ID (aux idées tordues) a voulu nous interdire les cours dédiés de grammaire, nous enjoignant de ne plus faire que picorer, si je me suis fait des papillotes avec ça c’est parce que je n’aurais plus à la voir venir perturber mes cours.

    Accord avec le reste de votre constat sur le bisounoursisme pervers du ministère et de ses irresponsables.

    PS Savez-vous qu’il ne faut plus dire “élèves” mais “apprenant” ? Bah oui, un élève par définition s’élève, grandit, et ce n’est pas l’objectif de ces joueurs de flute de Hamelin : séduire pour détruire.

  16. p.

    PMB, les enseignants -qui ont le dos large et les épaules solides- ne portent pas toutes les responsabilités comme vous semblez le laisser entendre, sans évoquer l’immense part, pour ne pas dire l’impulsion, le suivi, et l’inspection, dans tous les sens du terme, que leur ministère de tutelle leur impose. Hier soir encore, une jeune collègue de Lettres Classiques -espèce en voie d’extinction rapide- me disait, en bord des larmes, son ras-le-bol d’être soumise à des aberrations qu’elle ne peut détourner. Et être en limite de rupture, rendue incapable de faire, par exemple, mais il y a mille exemples, de la grammaire en bonne et due forme.
    Paradoxalement, certains programmes officiels, ou certaines parties de programme, sont si ambitieux, si prétentieux qu’on se demande si, les mêmes instances ministérielles, se rendent compte de ce qu’elles demandent à des publics qu’elles ont tout fait pour ne pas les y préparer.
    Dans le Point ce matin, un article qui vient casser le bel enthousiasme de NVB, en montrant, étude à l’appui, que l’enseignement du latin “agit comme un accélérateur de réussite pour les élèves défavorisés.” D’abord, il faut user de l’imparfait, et passer outre le terme d’ “accélérateur”…. L’idée n’est pas de former de futur latinistes professionnels, et autres étudiants de compétition, mais de former tout court. A la maitrise de la langue. De la syntaxe, de la construction des phrases, du sens des mots, de la précision sémantique, de la logique… l’affaire est entendue, sauf par NVB et ses sbires, pour lesquels l’école et le travail qui s’y fait -qui devrait s’y faire- doit devenir une grande cour de récréation pour tous. On s’amuserait à faire un peu de ceci, de cela, il ne faut surtout pas approfondir, se donner un peu de mal, sécher -alors qu’on suait sang et eau- sur un texte, ni en français, ni en langue étrangère, surtout si elle est ancienne.
    Alors, les petits livres d’A .Compagnon?
    Suis étonnée, Philippe, que vous ayez eu envie du Montaigne et du Baudelaire, deux auteurs que vous pratiquez sans avoir eu besoin de cette collection. Je lis bien que vous pensez, avant tout, à la jeune génération, celle qu’il faut réparer, ou ac-compagner (vous avez dit ?) par la grâce et la complicité et les ruses d’aînés concernés, vers ce dont ils ont été, soit privés, soit “dégoûtés” comme ils disent, par un enseignement effroyable, “entrelardé” pour le dire comme Montaigne, de termes épouvantables inconnus des vieux que nous sommes. J’entendais par exemple, de la bouche de ma gentille et (dé)motivée collègue, l’expression “proposition participiale”, qui m’a mis la frite en travers de la gorge.

    Merci pour le clin d’oeil! je pardonnerai(s) volontiers à Antoine Compagnon de s’être commis dans cette aventure, car, entre laisser le terrain en friches, et/ou planter quelques graines, il n’y a pas d’hésitation. D’autant qu’il est un excellent jardinier. Mais, aucun auteur, et nous parlons des très grands, n’a écrit comme on le(s) présente. Une œuvre, telle que les Essais, c’est juste une part de vie, une vie, les mots d’une vie…. excusez du peu! et quelle connaissance pointue de ces œuvres et de ces auteurs faut-il avoir justement, pour les “livrer” sous cette forme. Je soupçonne la générosité qu’A.Compagnon a très grande, d’avoir préféré quelque chose à rien, et il a bien fait. Mais pourquoi donc en arrive-t-on à ce que des bacheliers non seulement n’ont jamais lu Baudelaire, Montaigne, Proust…. -sauf et rarement, quelques dizaines de lignes bachotées pour le “bac de français” aux risques et périls d’un prof inconscient- tiens, ajoutons Stendhal pour faire bon poids- mais aient le culot des ignares, l’audace des ignorants, d’en juger. L’inflation (je ne parle pas d’A.Compagnon là) des productions réparatrices, dans le genre “la littérature pour les nuls” ne joue d’ailleurs pas forcément le rôle qu’on croit, car je pense que ce sont plutôt la génération de ceux qui ont rencontré ces grands auteurs à l’école, les ont un peu oubliés, en ont développé un certain et sincère regret, qui tendent la main, aux étals des librairies….

  17. PMB

    je me suis pris à penser que l’ensemble ferait un parfait cadeau pour les lecteurs, notamment les ados, qui sont effrayés par ces monuments de la littérature française (surtout Proust et Montaigne).

    Cet effroi n’est pas combattu par tous les enseignants, notamment certains pédagogistes qui, par démagogie (passer pour « cool ») et l’idée que les djeuns d’asteure n’ont pas à être enquiquinés avec ces vieilles barbes (je n’ose pas les soupçonner de vouloir garder ces trésors pour eux), préfèrent cantonner ces « ilotes » à une sous-culture à base d’Hervé Vilar. On peut parfaitement initier les élèves aux monuments, il y faut juste du temps, de la pédagogie, de la passion et du respect pour des ignorants qui demandent à ne plus l’être. Se souvenir de ce collègue qui avait réussi à monter, avec des Secondes de técis, L’île aux esclaves de Marivaux. Pas Riton ni Stan ni Loulou, non : un quelconque Pablo Neruda d’un quelconque 9-3.

    En me renseignant sur le défunt de frais Jean Joubert (Les enfants de Noé, de la qualité pour 7 à 77 ans) je suis tombé sur un forum où postaient de jeunes lecteurs. L’un d’eux n’aimait pas car il l’avait trouvé trop long. Avec cette génération dopée au fast, au zap et au clip, peut-on le lui reprocher cet avis négatif ?

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