Très chère université

Cela doit faire une bonne vingtaine années que j’interviens auprès de tes étudiants en licence et désormais en master Information Communication. Au départ il s’agissait de former des « rédacteurs concepteurs multimedia ». Aujourd’hui le diplôme prépare aux « métiers de l’information et du numérique ». Cela ne change pas grand-chose à l’affaire mais c’est peut-être plus chic. Je ne sais pas.

ordinateur-du-bunker

L’une des curiosités de ta maison est qu’il est impossible de se connecter au réseau internet dans la plupart des salles de cours. Les murs sont trop épais paraît-il. Ce qui fait toujours rire les étudiants étrangers. Un peu moins les chargés d’enseignement dont je fais partie. Pas forcément facile de familiariser une promotion de cinquante étudiants avec la toile en disposant d’un malheureux tableau noir, enfin blanc.

Mais ce que je trouve le plus merveilleux est ton site internet. J’y dispose depuis quelques années d’une adresse et d’un espace qui permet, dit-on, de communiquer avec les étudiants. Ce qui est plus simple que de les contacter à l’unité lorsque je souhaite leur transmettre une offre de stage ou d’emploi.

J’ai réussi, il y a quatre ou cinq ans, à pénétrer dans ce site, enfin dans ce bunker. Et j’ai pu constater qu’une centaine de mails m’attendaient, paisibles et endormis, sur l’adresse de messagerie qui m’est dévolue. La fois suivante je me suis fait retoquer. Tu m’avais changé mon mot de passe. Sans me demander évidemment. En fait pour pénétrer dans cette messagerie, il faut être très gentil faire une demande au secrétariat du département, qui se renseigne auprès de l’administration, qui accorde un mot de passe provisoire sans lequel il n’est pas envisageable de passer la page d’accueil.

N’ayant pas l’intention de suivre une formation d’ingénieur centralien pour lire mes mails j’ai donc renoncé depuis bien longtemps à consulter cette messagerie, qui est pourtant publique, et où des étudiants m’écrivent parfois par mégarde. Nous communiquons donc par mail ou par le biais des réseaux sociaux.

Pour autant, en cette heure de recherche de stages, il aurait pu être utile que je puisse diffuser les annonces qui me parviennent. J’ai donc pris ma plus belle plume et demandé que l’on me donne mon mot de passe de la saison. Que j’ai obtenu. J’ai donc pris mon courage à deux mains, prévenu mon entourage que mon taux d’irritabilité pourrait monter dans la journée, et essayé de franchir la page 2 du site, tapant scrupuleusement ce mot de passe infernal et voici la réponse qui m’a été faite :

Utilisateur dossal-p inconnu dans l’application, mais connu auprès de CAS.<br /><br /><a href=”https://cas-ha.univ-nantes.fr/esup-cas-server/logout?service=https%3A%2F%2Fwww.univ-nantes.fr%2Fservlet%2Fcom.jsbsoft.jtf.core.SG%3FPROC%3DIDENTIFICATION_FRONT%26ACTION%3DDECONNECTER”>Veuillez vous déconnecter de CAS.</a>

Gasp. Apparemment je suis inconnu dans l’application mais connu auprès de CAS br br. Ce qui me fait une belle jambe. Depuis lors ce message m’est renvoyé à la figure à chaque tentative de connexion. Avoue que c’est vexant. Surtout pour un formateur en « métiers de l’information et du numérique ».

Que dois-je faire. J’hésite. Une immolation par le feu devant les locaux de la présidence serait peut-être exagérée. J’opte donc pour ce petit mot, qui ne risque pas de polluer ton site. C’est déjà ça.

Bien à toi,

Philippe

Illustration : l’ordinateur du bunker de Lost