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Retour à Tchekhov

Un homme qui meurt en buvant une coupe de champagne ne peut être tout à fait mauvais. La vie d’Anton Tchekhov est un roman, et cet homme qui s’est « arraché à l’esclavage » sans jamais renier ses origines est un écrivain né. De ces hommes qui écrivent « comme l’herbe pousse » ainsi que le disait Conrad.

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La postérité a surtout retenu le théâtre de Tchekhov, portant une ombre coupable sur ses nouvelles. Ses courts récits sont pourtant des bijoux absolus. Hors Maupassant, il n’est pas d’écrivain qui soit capable en un paragraphe d’installer une atmosphère, de peindre un décor et d’entrer dans l’intimité d’un personnage.

L’intelligence, la sensibilité, la profonde connaissance de la nature humaine – Tchekhov était médecin – transpirent à toutes les lignes des dizaines de courts récits, écrits au cours de sa courte vie (il est mort à quarante-quatre ans). Tchekhov n’est pas l’écrivain des grands espaces comme son contemporain Stevenson, mais le peintre de la Russie domestique, pré révolutionnaire. Une Russie où l’on se sent à la maison, dans la peau de personnages souvent aux frontières de deux mondes, aristocrates déchus ou paysans parvenus.

Mais avec Tchekhov on n’est jamais dans le jugement, toujours dans l’observation. Il n’y a d’ailleurs pas de chute à ses nouvelles. C’est assez déstabilisant au début, mais on y prend vite goût. Tchekhov tire les lignes, dresse les perspectives, construit un univers et puis d’un coup lâche son lecteur dans la nature. A chacun de se débrouiller pour imaginer la suite de l’histoire.

maison tchekhovA quoi tient le charme si singulier de cet auteur profond et élégant ? On serait bien en peine de le dire. Mais une chose est sûre. Lorsque tout est épuisé, lorsque la bibliothèque ne parle plus, lorsque les essais fatiguent, les romans déçoivent, il est toujours un refuge précieux, un coin de chaleur assuré : le retour à Tchékhov.

Illustrations : Anton Tchékhov, Datcha natale en Crimée, d.r.