La retraite d’un grand éléphant

crédit photo : Le voyage à Nantes

Pierre Oréfice prend sa retraite. A 69 ans, Le directeur des Machines de l’île et créateur avec François Delarozière du Grand Eléphant de Nantes passe la main à Hélène Madec ainsi qu’à Laurent Mareschal pour la programmation des nefs (ce qui est bonne nouvelle).

Il est de bon ton, ces dernières années, dans les couloirs de l’Empire du Bien, de dénoncer la folie des grandeurs de ces créateurs qui ont joué depuis trente ans avec la ville, en ont fait une scène de théâtre permanent. Jean Blaise, François Delarozière, Pierre Oréfice, Jean-Luc Courcoult, les Machines, Royal de Luxe, sont devenus les punching-balls préférés de certaine gauche bien-pensante, prompte à brûler ce qu’elle a adoré. Au point d’acculer Johanna Rolland à abandonner L’arbre aux hérons, pour éviter d’être sacrifiée en place publique. 

C’est sans doute une forme de rançon du succès. Mais il n’est pas interdit d’avoir de la mémoire. De se souvenir du Water clash, de La véritable histoire de France, de la déambulation du Géant, de la catapulte à pianos, de la machine à croquer les pommes… Et de quelques explosions de scènes absurdes et sidérantes en pleine rue. Des folles émotions ressenties, dans les endroits, aux moments les plus inattendus. 

Il ne s’agit pas ici d’entamer un morceau de violon sur les Machines de l’île, chacun se fait bien l’idée qu’il en veut, tout en ne manquant pas d’y conduire ses amis de passage à Nantes, mais de saluer Pierre Oréfice. Administrateur historique du Royal de luxe, à l’époque où la troupe n’était qu’une bande de saltimbanques infréquentables. “Le tout n’est pas d’avoir des idées, encore faut-il les mettre en oeuvre” dit volontiers François Delarozière. C’est à cela que Pierre Oréfice s’est employé tout au long de son parcours (il est possible que lui-même n’en revienne pas). N’ayant pas nécessairement le beau rôle, mais assurant avec une constance et une détermination remarquables la faisabilité des projets, en construisant leur architecture.  

L’histoire rendra évidemment justice à ces créateurs, qui ont fait sortir la culture de ses boîtes noires, pour l’installer dans la rue. Qui ont rendu à tant de grandes personnes, leur regard d’enfant, les a projetées du fond d’elles-mêmes dans un univers qu’elles avaient coupablement oublié. Mais il est aussi autorisé de le dire au présent. Et c’est un plaisir de le faire. Amen.