Il est toujours délicat de composer une bibliothèque portative lorsque l’on est appelé à séjourner plusieurs semaines loin de ses repères, de ses livres et de toute librairie praticable. Même si, avec le temps, on s’est affranchi des contraintes que l’on s’imposait par le passé pour voyager le plus léger possible, à savoir un livre unique choisi dans la bibliothèque de la pléiade.
Le jeu est assez plaisant de faire entrer tel ou tel livre dans le sac, de le laisser quelques jours pour finalement le remplacer par un autre, et puis non, en relire quelques pages, le replacer, réfléchir à son voisinage, et parvenir à équilibre satisfaisant : une promesse le longues heures de lecture, qui sont comme chacun le sait des parenthèses de bonheur possible.
Première considération : emporter un essai et un roman. Le roman est choisi depuis un moment. Il s’agit de L’homme sans qualités de Musil. Le premier volume qui pèse ses 900 pages devrait être suffisant, même s’il est déjà bien entamé. C’est une lecture charmante, aérienne, un peu hors sol, mais assez addictive. Trés intellectualisante, peut être un peu trop, qui nous parle de l’empire Austro-Hongrois comme on nous parlerait de l’Europe aujourd’hui. Pour l’essai, ce sera Le miroir des Limbes de Malraux, en pléiade pour le coup, parce que ce recueil de textes n’existe sous cette forme qu’en pléiade. C’est une relecture. Et un autenthentique bonheur.
Je dois à Malraux la visite des temples d’Ellora en Inde, un série de temples sculptés dans la montagne, “un des sites anciens les plus sous-estimés de la terre” qui m’a profondément marquée. Relire ses conversations avec Nehru, replonger de façon aléatoire, comme il le propose dans ces mémoires, dans les souvenirs de ce témoin du XXème siècle, qui a eu dès les années 20 l’intuition de l’Asie, est un plaisir que j’entends bien m’offrir en Inde. Pour accompagner ce récit, un document, déjà lu lui aussi à plusieurs reprises, mais difficilement épuisable Approche de l’hindouisme d’Alain Danélou, aux éditions Kailash de Pondichéry. Un bouquin acheté au french book shop de Pondichéry lors d’un précédent séjour. Il s’agit d’un précieux bréviaire pour approcher cet univers mystérieux qu’est l’hindouisme. Pour tenter de comprendre ce “rapport à la fois retenu et souriant, familier et courtois, que les Hindous entretiennent avec les dieux, les fleurs, les parfums, les animaux, la musique, la beauté des rites, des statues et des cérémonies.”
Enfin, pour le travail, parce que le travail que le polygraphe s’assigne durant ce mois d’avril exotique est la reprise de l’ouvrage sur la naissance de l’imprimerie, le dictionnaire de la France de la Renaissance, dont le poids reste raisonnable. La multiplicité des entrées devrait convenir au besoin que l’on peut avoir de trouver un point d’appui à l’esprit à avant de laisser l’imagination vagabonder à son gré. Nous verrons bien. Quoi qu’il en soit, les livres sont dans le sac.