Il faut se pincer pour y croire. C’est sur une coque de noix de la dimension d’un gros chalutier qu’une vingtaine d’équipiers de Magellan a bouclé en 1522 le premier tour du globe terrestre, réalisé la première circumnavigation de l’histoire. La réplique du Nao Victoria, rescapé de la flottille ayant quitté Séville en août 1519 pour prendre possession des Moluques au nom de la couronne d’Espagne, s’est amarrée durant quelques jours au ponton Belem dans le port de Nantes. Votre serviteur n’aurait manqué pour rien au monde la visite de ce navire mythique dont il a suivi les péripéties jour après jour à travers le récit des survivants – dont le chroniqueur Antonio Pigafetta – réunis dans le magnifique ouvrage réalisé par les éditions Chandeigne, évoqué ici dans une chronique intitulée Quand l’Eglise distribuait le monde.
On comprend en posant le pied sur le pont de cette “caraque” que l’on est à peine sorti du Moyen-Âge lorsqu’on se lance à la découverte de la planète. Il n’y a pas même une barre à roue pour diriger le navire, à la conception et aux équipements extrêmement sommaires, qui devaient rendre les manœuvres particulièrement difficiles et périlleuses. La nef disposait d’une seule cabine, réservée au capitaine, et d’un seul réduit fermé pour se mettre à l’abri pendant les tempêtes. On a peine à imaginer les conditions de vie des dizaines de marins qui cohabitaient sur ces petits navires, pourris d’humidité – l’un des bateaux a dû rebrousser chemin aux Moluques tans ses bordés étaient vermoulus – qui se réchauffaient aux feux de cuisine allumés sur le pont.
Les visiteurs de l’atelier me pardonneront, je l’espère, la médiocrité des images prises à la volée lors de ce passage, qui s’explique sans doute par l’émotion et la fascination provoquées par cette visite. Je n’avais pas l’intention de me voler le présent à moi-même comme le font trop souvent les visiteurs de lieux remarquables, privilégiant la photographie à la jouissance de l’instant présent.
Il faudrait évidemment revenir plus avant sur cette incroyable équipée, qui se déroule à la charnière de deux époques, au moment de la construction effective d’un monde nouveau. Mais il faudrait pour cela proposer un livre entier. Ce que Chandeigne a fort bien fait dans un ouvrage que je ne cesse de recommander. Allez encore une petite louche : Le voyage de Magellan, la relation d’Antonio Pigafetta et autres témoignages.
Bonnes semaine
On doit ajouter que les caravelles de Colomb n’étaient pas plus spacieuses!
Chandeigne déplacé? J’ignorais.
Bien à vous.
MC
Hors-sujet.
Si d’aventure, passant dans une Librairie, vous trouvez -en ce moment il doit être encore accessible- le petit livre “Marcher droit, tourner en rond” d’Emmanuel Venet, prenez! 13€. Chez Verdier, maison d’édition de grande qualité, dont je m’aperçois que les couvertures (jaune orangé) et le format me font penser aux Editions Belles Lettres…. bon, avançons.
Et pourquoi? donc juste en quelques mots.
L’autopsie des liens familiaux et sociaux et de toutes les formes de liens d’ailleurs, par le petit-fils de Marguerite, tandis qu’elle se fait inhumer en présence des autres membres de la famille. Dissection, passage au microscope, scalpel de la formule, le texte est incroyablement juste et précis, il dézingue et nous rappelle à nos petit(e)s compromis(sions) de vie. Parce que le petit-fils de Marguerite est “Asperger” -cette forme d’autisme très troublante qui mêle intelligence et cérébralité supérieures, à l’incapacité d’établir une “socialité” qu’on dit normale. C’est parfaitement drôle, effroyablement lucide. Le petit-fils de Marguerite -qui n’a pas de prénom ici- dit pour nous, ce que nous n’osons dire à quiconque, à commencer par nous-mêmes, -et peut-être surtout à nous- ce que nous avons forcément tous un jour osé penser, et vite, vite, très vite voulu oublier. Style comme un stylet. Perfection de la logique “Asperger” qui vient se fracasser à ce qu’elle ignore, la complexité des existences. Ce qui donne des moments irrésistibles… car toujours décrits dans une quotidienneté où chacun se reconnaît. Petites grandeurs et immenses misères de la vie ordinaire.
Ce serait dommage de manquer ces quelques 122 pages drôlement cruelles…
Très intéressant ce billet, à plusieurs titres pour moi. L’un de mes amis , breton, a vu la réplique du “nao victoria”; impressionné; dommage qu’il ne connaisse pas un plus grande célébrité. J’ignorais ce qu’était une caraque, deux châteaux, fichtre! Je pense au “château” dans le “soulier de satin”…J’aime les livres qui parlent d’aventures exceptionnelles, et de héros exceptionnels . Et ce livre est publié par Chandeigne. Il n’y a pas si longtemps Chandeigne logeait en haut de la rue Tournefort, à gauche, 3 petites marches…Il s’est un peu déplacé, mais l’atmosphère n’a pas changé. Un endroit propice à la lecture, où l’on peut faire des découvertes dans le calme. Je ne parle pas le portugais, cela ne m’empêche pas de lire les écrivains portugais. Et aussi les voyageurs. J’achète le livre;si les photos ne sont pas très nettes,le texte lui,est une invite. J’ai lu, il y a peu, le récit d’un voyageur,19°, français, qui part de Marseille pour gagner la Chine, et revenir par le Pacifique et l’Amérique; carnet de croquis . Le monde était une énigme, il n’est plus qu’un cortège d’aéroports. Je termine Alain Borer. En fait le nom du blog n’est pas menteur !
Y’a du bateau dans l’air, si je puis dire, en ce moment!
Il s’agit d’une réplique? un peu comme la désormais célébrissime -et très jeune! frégate Hermione, pensez donc, fin du 18ème!
Parce que ce qu’on voit sur la seconde photo, ce sont en effet des cordages, des filins? plutôt proprets, et il doit falloir y mettre ce qu’aucune image ne peut restituer, les odeurs d’époque… Une terreur quand j’y pense!
Pour le XVIème siècle, j’ai toujours pour repère la vie de Montaigne. Donc, la boucle fut bouclée que notre gentilhomme -qui avait le mal de mer partout sauf sur son cheval- n’était point encore né!