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Cerveau disponible

Depuis le fond des temps, la perception humaine combine l’auditif et le visuel, mais il lui a fallu des millénaires pour en perfectionner l’expression par le langage et par l’écriture, bref par une symbolisation toujours plus exactement liée à son sujet. Cette symbolisation, faite de deux modes complémentaires – mais le second est relativement récent -, a toujours laissé chaque individu libre de les interpréter à sa façon en faisant un effort de conception et d’imagination. Par rapport à cette longue histoire, l’enregistrement mécanique des images d’où naît l’audiovisuel a tout l’air d’une brusque et envahissante précipitation, qui amplifie son effet depuis un demi-siècle. (…)

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image piquée sur le blog de Gaëtan Pelletier

Toutes les œuvres créées jusque-là et dans tous les domaines étaient discrètement incomplètes : elles comptaient sur l’interprétation, l’imagination, donc l’intelligence pour atteindre leur achèvement. Le spectacle audio-visuel se suffit à lui-même parce qu’il est totalement figuré quelle que soit sa qualité ou sa médiocrité. Qu’ils soient originaux ou banals, ses thèmes se valent pourvu qu’ils déclenchent une assimilation rapide et entretiennent un appétit de consommation. Tout cela est désormais bien connu et dénoncé, loin d’avoir un effet disssuasif et populaire, en est réduite à constater que l’image mouvante et augmentée de quelques bulles de discours ssert maintenant de programme et de pensée politique. (…)

Si l’on admet que le passage de la vue à l’image mentale de la vue, qui est la base de la représentation, est aussi la base de la pensée, cette opération, autant dire originelle, suppose, pour se développer, un effort constant de réflexion générateur d’intelligence. Dès lors, si, dans un premier temps il a suffi de voir, il a fallu bien vite savoir ce qu’on voit, comparer déduire, projeter, et même articuler sa vue. Il ne s’agit pas de rêver l’inconnu mais d’agiter du probable dans la mesure ou l’œil, et lui seul, paraît bien être l’unique fondateur de l’humain pensif, même si l’on n’oublie pas l’apport de l’oreille. et si le pensif est attaqué par une agression mentale qui passe par l’œil, n’est-ce pas une raison de se demander ce qui fait de lui l’entrée principale de cette région intime ?

Chaque jour des millions d’yeux sont envahis par un flot d’images audiovisuelles qui s’en va occuper l’esprit dans lequel ce flot se précipite. Entre ces-images là et celles qqui viennent du quotidien, du travail, des rencontres ou des activités, il y a une différence de nature qui, généralement, n’est pas perçue. Les images ordinaires alimentent normalement l’esprit en représentations qu’il analyse et réfléchit ; les autres, celles de l’écran, suscitent en lui une sorte de paralysie mentale que l’ancien directeur de TF1 a parfaitement caractérisée en parlant de « cerveau disponible ».

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Le cerveau disponible, Bernard Noël, les Editions libertaires, 29 p. 5€.

Il faut encore interroger cette disponibilité ? Elle suspend l’activité du cerveau – mot préférable maintenant à esprit – en la neutralisant. Les images défilent à une vitesse normale et en apparence comme d’habitude, sauf qu’elles sont à elles-mêmes leur propre représentation pour une raison que cette normalité dissimule. Ce qui occupe votre cerveau ne cesse à aucun moment de faire que vos yeux confondent le symbole (l’image) et son contenu de telle sorte que la représentation devient la réalité ambiante. Une réalité totalitaire qui ne laisse pas la moindre marge à l’imagination ni, bien entendu, à l’intervention, sauf à couper court. La raison de cette occupation totale de l’espace mental est liée à l’occupation simultanée du circuit visuel et du circuit auditif avec, pour conséquence, que le spectacle n’est plus perçu comme tel, mais entièrement vécu.

Ces remarques sont extraites d’un tout petit livre « Cerveau disponible » du poète Bernard Noël, invité des Rendez-vous du Bois Chevalier le week-end dernier. C’est l’évocation des « Vingt leçons de journalisme » de Robert de Jouvenel par Elena sous le précédent billet qui m’a donné l’idée d’en proposer ces extraits. C’est aussi la lecture glaçante d’un sujet sur l’évolution de l’algorithme de facebook, qui va dorénavant privilégier les vidéos au détriment des textes et, par conséquent, envahir un peu plus l’espace mental des utilisateurs des réseaux sociaux, anesthésiant un peu plus leur imagination ou confortant les représentations toutes faites. Certes, ce petit essai (29 pages) fait essentiellement référence à la télévision, mais ouvre évidemment sur la fréquentation de tous les écrans qui font désormais notre quotidien.

Voilà une belle invitation à se déprendre cet été de ces écrans cannibales au profit d’un effort de « conception et d’imagination » auquel nous invite la lecture. Pour ma part, c’est pour l’heure la (re)lecture d’un essai vivifiant, « Les sceptiques grecs » de V. Brochard, publié la première fois en … 1884.

Tout le monde sait bien que Descartes était membre du parti socialiste

Tombé, par le jeu des liens sur les réseaux sur ces perles du bac 2015, compilées par Sarah Redon sur le site Terrafemina. Soit Sarah est une reine de l’enquête, puisque les copies sont à peine corrigées, soit ces perles sont un best of des années précédentes ou c’est une pure création. Dans tous les cas elles méritent d’être reproduites, parce que la rédactrice a du bien s’amuser.

descartesLes perles de philosophie

Socrate est un bon exemple de choix car il aurait pu aller se cacher dans les milliers d’îles grecques, surtout qu’à lépoque elles n’étaient pas envahies par les touristes, mais il a choisit la cigue.

Je pense avoir démontré dans mon exposé qu’à part les masochistres, on vit pour être heureux.

N’oublions pas le proverbe : la parole est d’argent mais le silence endort.

C’est plus facile de se connaître pour savoir ce que l’on fera comme métier plus tard. Par exemple j’ai renoncé à ma vocation d’être prof quand je vois le bordel qu’ils doivent gérer.
Des fois, je rencontre des textes où on peut lire des âneries comme ce connais-toi toi-même de je sais plus qui. Comme si on se connaissais pas.

C’est comme si on vous demande votre nom et que vous ne savez pas. Ça risque de mal finir et de vous conduire au poste. Conclusion : il vaut mieux savoir qui on est.

Après une visite à une expo d’art contemporain, j’ai changé ma perception de ma vie car j’ai compris que l’on pouvait gagner de l’argent avec n’importe quoi.

La calomnie se répand comme une traînée de poulpes.

La politique n’a rien à faire en philosophie. Tout le monde sait bien que Descartes était membre du Parti Socialiste, et pourtant il a écrit de très bons livres.

Le langage ne se limite pas à la parole. Si on prend l’exemple du Gangnam Style, c’est une dance qui est très connue dans le monde mais dont personne ne comprend les paroles.
Le bonheur, ça se gagne. Comme disait le philosophe Nicolas Sarkozy : Il n’y a pas de plaisir sans effort.

Voltaire disait “l’art de la citation est l’art de ceux qui ne savent pas réfléchir par eux-mêmes”. Par conséquent, je n’utiliserai aucune citation.

Enfin, il est à noter que nous devons également à l’État certains de nos états psychologiques : tristesse, déprime, rage, dégoût, envie de partir…

Le langage corporel devient un outil de survie quand il s’agit de la reproduction de l’espèce.

Les perles de français et de littérature

En rouge et noir et Stendhal.

Les auteurs du Moyen-âge se sont beaucoup inspirés des auteurs de la renaicance.
Parfois on se demande si certains écrivains comprennent ce qu’ils écrivent.

Le personnage du roman de Stendhal en fait, c’est un grand romantique, il est tellement love qu’il peut rester deux heures devant une fenêtre sans bouger.

Le titre de Giono est bizarre car s’il y en a qui ne manquent pas de divertissement c’est bien les rois avec les banquets et leurs maîtresses.

On peut comparer ce texte à l’Entonnoir d’Émile Zola.

Selon Platon les androïdes seraient la raison de l’amour.
L’utilisation du sonnet remonte au XVe siècle, où des auteurs comme Plutarque vont généraliser son utilisation.

Le XIXème siècle, siècle des Lumières, réuni beaucoup de mouvements & d’auteurs. (…) Paul Verlaine est connu pour ses romans tel que Le Tour du Monde en 80 jours.

La poésie satirique correspond à de la poésie qui parle de Satan. C’est un sujet très intéressant, mais pas toujours facile à traiter.

Probablement que Musset voulait que sa pièce soit lue dans un fauteuil et pas joué au théâtre, mais on ne peut pas lui demander parce qu’il est mort.

Les perles de mathématiques

On trouve le binôme, le trinôme et le polygone.

L’angle aigu a été trouvé par le savant Cosinus.

Le triangle est un rectangle avec un côté en moins.

Vu la complexité de ce sujet, la probabilité d’avoir la moyenne à cette épreuve diminue…

Si le nombre complexe est un nombre réel, j’en conclu par conséquent qu’une réponse est possible, néanmoins, je ne sais pas laquelle.

Cette question est tellement facile que je n’ai pas pris le temps de recopier la réponse (j’ai fait le calcul dans ma tête).

Les perles d’histoire

Le président américain a rencontré son monologue français Hollande…

Margaret Tadechair n’était pas bien vue par les Anglais.

Le régime de Vichy a toujours été très bon pour la santé.

Finalement, les Chinois sont punis de confectionner tous nos objets car ils ne peuvent plus rapporter de souvenirs Made in France à leurs amis car en dessous c’est marqué “Made in China”.

Jacques Chirac a dit que le gouvernement précédent a été laxatif dans la conduite de l’État.
La Chine a trois religions : le taoïsme, le kungfusiannisme, le bouddhisme.

En 1792 les Français déclarent la guerre à plusieurs pays d’Europe, pour leur apporter la paix.

L’ONU est une institution qui permet au pays riche de contrôler les pays pauvres tout en douceur. Cela évite des guerres et des morts, ce qui est plutôt positif.

Aux États-Unis, on ne voit pas pourquoi leur 14 juillet tombe le 4 juillet. Preuve qu’ils veulent toujours se faire remarquer.

Les perles de géographie

L’Amérique du sud ne peut pas lutter avec l’Amérique du Nord, à part le Brésil qui s’en sort grâce au football et à son carnaval.

On voit que l’Union Européenne occupe une place centrale dans les échangismes internationaux.

L’Afrique du sud a été créée en 1815 par Nelson Mandela.

Les pays pauvres se sont quasiment tous rassemblés en Afrique. Il aurait plutôt dû se rapprocher des États-Unis, comme l’ont fait le Mexique et le Canada.

La Russie est un grand pays qui possède d’importantes réserves de pétrole, mais également de barils de vin. C’est important pour attirer de nouveaux investisseurs tels que Gérard Depardieu.

Au Japon, le manque de place oblige les autorités à construire des aéroports sous-marins.
Actuellement, la population chinoise s’élève à plus de 20 milliards d’habitants.

On voit bien le racisme dans le nom que l’on a donné aux pays africains comme le Monte-Negro.

La culotte glacière fond et fait dévier les ours polaire.

La prochaine coupe du monde de football aura lieu au Brésil, juste à côté de l’Afrique du Sud.

Les perles de physique-chimie

Les ondes sismiques ne se déplacent pas le lundi.

Tous les GPS ne sont pas en orbite autour de la Terre. Il y en a beaucoup qui restent dans les voitures afin de trouver la route plus facilement.

Les bombes atomiques sont inoffensives quand elles servent à produire de l’électricité.
Nous savons par exemple que les satellites de Jupiter ont une trajectoire épileptique.

Une lumière monochromatique est une lumière qui n’a qu’un seul chromosome.

L’eau dissée d’Homer est un concept physique écrit dans un livre encore très connu de notre temps.

Il faut prendre garde à ne pas confondre la fiction nucléaire et la fission nucléaire.

On l’a appelée bombe H car elle a été inventée par l’ingénieur Hiroshima.

Le mercure est si lourd que la tonne de mercure peut égaler 100kg.

Le mur du son est dépassé ; maintenant on peut écouter des films et de la musique dans les avions.

Le robot Curiosity est soumis à la traction gravitante du Soleil.

Le cheval transpirait et faisait de la vapeur quand il tirait les wagons, d’où le cheval-vapeur.

Les ondes électromagnétiques : les ondes les ultra violées, les micro-ondes, les grandes ondes (comme RTL).

 

de l’art dans l’espace public

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À l’occasion de la sortie du livre Réenchanteur de ville, Jean Blaise et à quelques jours de l’ouverture de la quatrième édition du Voyage à Nantes, la librairie des Machines de l’île, propose une rencontre informelle sur les années Blaise à Nantes et ailleurs.

librairie les machines

Ce sera l’occasion d’évoquer avec Jean Blaise (directeur du Voyage à Nantes), Philippe Dossal(journaliste, auteur), Eric Chalmel (journaliste et dessinateur de presse), Pierre Orefice (directeur des Machines de l’île) et d’autres leurs regards et impressions sur la culture à Nantes.

Jeudi 25 juin, à partir de 18h30
Librairie-boutique des Machines de l’île

Entrée libre

Couverture livre Philippe Dossal

Réenchanteur de ville, Jean Blaise

Éd. Ateliers Henry Dougier
Collection Le Changement est dans l’R
Auteur : Philippe Dossal

L’histoire de la transformation d’une ville-théâtre hors normes (Nantes), menée par un insatiable agitateur. Alors que certains y voyaient le stéréotype parfait de la ville de province des années 1970 – sombre, grise, industrielle – Jean Blaise a vu, lui, une ville qui avait un fort potentiel et a su la réinventer afin d’en faire l’immense théâtre de manifestations culturelles. Malgré les nombreuses difficultés auxquelles il a été confronté, Jean-Blaise n’a pas hésité à tout remettre en cause. Son apport principal a été l’investissement du culturel dans l’urbain ; il marque alors les débuts de l’art dans l’espace public.

Cher Crédit Mutuel

Je ne te félicite pas. Un certain Zalongo, dont je n’ai jamais entendu parler, vient de siphonner   1 495 euros (mille quatre cent quatre-vingt quinze euros)  sur mon compte courant alors que ce compte affichait poussivement un solde  de 750 euros. En d’autres termes tu as donné à un pirate de l’argent qui n’existe pas. Mais que tu t’es empressé d’inscrire en rouge, en somme négative sur le dit compte, ajoutant au passage des pénalités !

On croit rêver. bXp0y4gGAdlXVl3w3u9RS8O_uZ8

Hélas, non. Après m’être fait éconduire par l’opératrice de la touche 3, qui peut uniquement frapper d’opposition, au lendemain du forfait, la carte bancaire utilisée, j’ai découvert avec l’opératrice de la touche 9 (le temps d’attente est naturellement payant) qu’il allait me falloir entamer un long marathon pour espérer un jour recouvrer ces 1 495 euros (il semble que je sois assuré). Première étape : me présenter à mon agence (évidemment fermée le samedi aprem et le lundi) et commencer à constituer un dossier. Ensuite il faudra sans doute porter plainte et poursuivre une longue procédure. Tout ce que j’aime.

 

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En attendant, je reste dans le rouge et à moi de me débrouiller. J’ai quand même pris soin de m’enquérir auprès de la touche 9 du montant de mon découvert autorisé, me faisant ainsi confirmer que ce découvert est de 310 euros. Tu as donc allègrement explosé ce plancher, sans t’en préoccuper, ni m’en avertir. Moi qui pensais bêtement que cette limite était valable pour nous deux, je constate qu’il n’en est rien. Quand c’est moi qui dépasse tu m’envoies la facture, lestée de pénalités, quand c’est toi qui dépasses, c’est moi qui ai tort.

Cher Crédit Mutuel, on ne peut donc pas avoir confiance en toi. Il suffit qu’on agite trois numéros devant ton nez pour que tu ouvres ton portefeuille avec l’argent de tes clients. La touche 9 m’a expliqué les raisons de cette étrange désinvolture. Alors que pour payer un parking, le terminal consulte la banque pour autoriser le paiement, elle ne s’en préoccupe pas pour les achats en ligne, fut-ce l’acquisition d’une automobile. Et paye les yeux fermés, sans vérifier si le compte est approvisionné. C’est ainsi. Circulez, nous ne pouvons rien de plus pour vous, cher monsieur. Bon week-end.

Un autre monde

La silhouette effilée du MV-Liemba s’annonce au large de Kagunga, village tanzanien situé à 5 km de la frontière burundaise. Bastingages tordus, pont branlant, le plus vieux ferry du monde pousse la sirène du bord et jette l’ancre dans les eaux hypnotiques du lac Tanganyika. Amenés depuis le rivage par des barques de pêcheurs, près de 600 passagers burundais embarquent sur le bâtiment, qui reprend aussitôt la direction de Kigoma, son port d’attache en Tanzanie, une quarantaine de kilomètres plus bas.

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MV Liemba. Photo : DR

 

Pas de temps morts : la situation sanitaire de Kagunga ne cesse d’empirer avec l’afflux massif de nouveaux arrivants. Manque d’eau, épidémies, premiers décès. Plus de 50 000 réfugiés ont déjà rejoint ce village depuis le début des violences politiques liées au coup d’Etat avorté contre le président burundais, Pierre Nkurunziza, fin avril. Beaucoup d’entre eux n’iront pas plus loin à pied : une chaîne de montagnes escarpées rend toute fuite vers le sud hasardeuse. « Le MV-Liemba joue ici un rôle crucial, souligne Joyce Mends-Cole, représentante du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) en Tanzanie. En deux voyages, il nous permet d’évacuer 1 200 personnes par jour vers Kigoma. »

C’est ainsi que débute un long reportage publié le 2 juin par Le Monde.  Outre le fait que le Burundi connait actuellement une crise majeure, ce papier rappelle à celles et ceux qui ont un peu pratiqué l’Afrique que nous ne vivons décidément pas dans le même monde. Il se trouve que j’ai traversé le lac Tanganyka il y a une vingtaine d’années sur ce vapeur*, construit par les Allemands à la veille de la première guerre mondiale, alors que le Tanganyka était encore une colonie germanique. C’était déjà un magnifique château branlant, possédant le charme pénétrant des ruines, où l’on pouvait louer une cabine au prix de quatre heures d’attente assorties de l’inévitable bousculade dans les files d’attente africaines.

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the-MV-Liemba DR

 

Coulé à deux reprises, renfloué, réparé, rafistolé il assurait à l’époque  la liaison entre la Zambie et le Burundi, via Kigoma, sur la rive orientale du lac (face au Zaïre, devenu la République Démocratique du Congo). Il continue donc son service, les flancs chargés de bois, de ballots et de passagers et assure en ce moment l’exfiltration des Burundais qui fuient le pays. A l’image des chemins de fer tanzaniens, dont les wagons partent en lambeaux, le MV Liemba reste un des seuls moyens de transport collectif dans la région. L’une des régions de la planète les mieux pourvues en métaux rares et précieux, exploitées par des compagnies occidentales,  (le Katanga, de l’autre côté du lac est l’objet d’une guerre permanente entre bandes armées qui assurent la “protection” des mines) n’a pas même les moyens d’entretenir un matériel qui part en charpie.

Les mécaniciens du MV Liemba rigoleraient sûrement un bon coup en nous entendant parler de développement durable, eux qui rafistolent – faisant preuve d’un génie époustouflant du bricolage – des engins qui mériteraient à peine la ferraille chez nous. Nous ne vivons décidément pas dans le même monde, accrochés que nous sommes à un mode de vie confortable et dispendieux  (nos batteries de téléphones portables viennent en partie de là-bas) et imperméables au coût humain de ce confort. Certes on voit bien quelques images de réfugiés se jetant sur des rafiots en Méditerranée, mais cela reste une vision abstraite et vaporeuse qui provoque une compassion passagère, vite balayée par l’information, l’émotion suivante.

Une pensée donc aujourd’hui pour tous ces Africains qui piétinent sur un quai d’embarquement sous un soleil de plomb, ne sachant pas de quoi demain sera fait. Et un coup de chapeau à ces géniaux rafistoleurs, dont l’ingéniosité permet à des centaines de personnes de sauver leur peau, et desquels nous aurions de belles leçons à prendre.

*L’homme blanc, Joca Seria, 2007. http://www.librairie-nantes.fr/9782848090801-l-homme-blanc-recit-de-voyage-philippe-dossal/

 

 

Divertissement pascalien

Au courrier, ce mot d’Alain-Pierre Daguin à propos du petit dernier : “Jean Blaise, réenchanteur de ville”. Cette lecture d’Alain-Pierre, latiniste émérite et ancien responsable du service culture du quotidien Presse-Océan, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, me ravit parce qu’elle interroge, en toute légèreté, la dimension philosophique du travail du bien nommé Blaise sur l’espace public.
Nantes jardin des plantes œuvres de Claude Ponti. Photo : Nantes.fr

Nantes jardin des plantes œuvres de Claude Ponti. Photo : Nantes.fr

Bonsoir Philippe,

Ton “Réenchanteur de ville, Jean Blaise” m’a rajeuni… Autant dire captivé !
Non seulement, j’ai revécu avec intérêt des événements que j’ai suivis au fil des années, mais j’ai aussi retrouvé bien dessiné le personnage de Jean Blaise. Tu en fais un portrait très juste : directement en racontant son action volontariste pour ne pas dire autoritaire, et indirectement en donnant la parole à celles et ceux qui ont travaillé avec lui et l’ont soutenu.
Je retrouve le Jean Blaise malicieux dans la provocation, têtu dans ses  choix, décidé à provoquer le débat sur sa conception de ce qu’il est convenu d’appeler  “la culture”.
Autrement dit, une fois fermé ton livre, j’en conclus que c’est en flirtant à sa façon avec le plus pur divertissement pascalien que Jean Blaise a amené le citadin à sortir de chez lui et donc de lui-même, autrement dit de sa solitude.
Jean Blaise est de la sorte parvenu à faire du Nantais, en particulier, un flâneur des deux rives de la Loire, l’incitant à retrouver le bonheur de bernauder en ouvrant les yeux sur l’ici et le maintenant de l’art renversant.
Les Nantais ayant répondu nombreux à sa sollicitation, ont manifestement fait de Jean Blaise un pionnier du ” vivre ensemble “.
Mais j’ignore toujours si la démarche de Jean Blaise amène les citadins en question à ” philosopher ” autrement dit à ” apprendre à mourir ” comme disait ce cher Montaigne.
Bref, à l’évidence, il y a du Merlin chez Jean Blaise, mais je me demande encore aujourd’hui si son action incite les gens de la ville “réenchantée” à cultiver sagement leur jardin comme l’a suggéré Voltaire.
Ce jardin me demeure donc…secret.
Bravo et merci à toi puisque tu me fais me poser des questions, autant dire me conduis à me cultiver, et… à philosopher ! Et que philosopher, c’est…
Amitiés.
A.P.D.
P.S. J’aime beaucoup la photo de J.B. en couverture. Son regard entre extase, interrogation et méditation, évoque pour moi celui des personnages mystiques que sut peindre en son temps la Renaissance italienne. Finalement, J.B. doit être un mystique !

Un tramway nommé traquenard

Monsieur le Président, cher Pascal

Extra-urbain responsable et un brin écolo, conscient des nuisances provoquées par l’automobile en centre-ville, j’ai eu la mauvaise idée vendredi dernier d’utiliser un parc-relais pour garer ma voiture et circuler en tramway pendant la journée. Je devais, le soir, animer une rencontre avec la charmante Kerry Hudson, dont je vous recommande la lecture, au Lieu Unique. Catherine, qui organisait la rencontre, avait eu la mauvaise idée de me convier à dîner dans la foulée.

parc relaisManifestant une légère inquiétude  quant à la possibilité de récupérer ma Dacia au terme de la soirée, j’ai été rassuré par tout le monde : “s’ils ferment le soir, c’est avec la dernier tramway, c’est logique, puisque ce sont des parkings tramways”. Erreur grave. Débarquant donc avec l’un des derniers trams, aux alentours de 23h 45, aux abords du parc Orvault-Morlière, j’ai dû écarquiller les yeux en apercevant un immeuble clos comme une prison, défendu comme un bastion Tchétchène devant l’armée Russe. Pas un chat, pas un chien naturellement, pas un hôtel dans le secteur. Un no man’s land total et glacial. Je n’étais évidemment pas vêtu pour passer la nuit dehors.  Précisons que je réside à 35 km de Nantes.

Je vous passe les détails, les coups de fil en pleine nuit à la recherche d’un havre, l’appel d’un taxi avant l’arrivée d’un sauveur en la personne d’une petite voiture blanche siglée Sécuritas, qui effectuait une ronde de nuit. Sourire du chauffeur : “votre voiture est dedans ? Il y a peut-être une solution, en cherchant bien vous allez trouver un petit panneau avec un numéro de téléphone. Il vont nous appeler et je pourrais revenir avec les clefs, mais ça va coûter un bras.” Après quelques minutes de patientes recherches je finis par débusquer ce minuscule panneau et à appeler le numéro en question, où l’on m’explique que le déblocage va prendre une demi-heure et que la facture sera de 30 euros.

prisonSur ce, naturellement, arrive le taxi, que je dédommage pour son déplacement inutile, en pleine nuit. Mon agent Sécuritas revient un bon quart d’heure plus tard et nous passons à la partie administrative du délit : nom, prénom, adresse, immatriculation du véhicule, signature de trois documents, dont l’amende. “Vous savez, vous pouvez contester”, me précise mon sauveur, avec qui j’ai fini par sympathiser (il refusera le billet de 5 euros que je lui tends en franchissant la porte) trop heureux de m’échapper après une heure de galère nocturne. “C’est très mal indiqué, il y a plein de gens qui se font piéger. Notre record, un dimanche, c’est 14 voitures”. J’apprends ainsi à l’occasion qu’il faut à tout prix éviter le dimanche.

Monsieur le président, cher Pascal, je ne contesterai pas cette amende. Peut-être d’ailleurs la Semitan n’est-elle pas gestionnaire de ces parcs-relais. Peu importe. En revanche je vous invite soit à faire coïncider les horaires avec ceux du tram, soit à revisiter votre politique de communication, qui ne cesse d’inciter, d’encourager la fréquentation de ces merveilleux parkings. De deux choses l’une soit les paysans de mon bois n’ont pas le droit de dîner à Nantes, soit ils doivent inventer des stratégies de sioux pour ne pas se retrouver ainsi piégés,

 

Sans rancune et bien à vous,

Philippe

 

 

Extrémisme religieux et dictature

extremisme“Il suffit de savoir que, dans les langues occidentales, on en est venu maintenant à employer le terme djihad dans le sens d’opérations meurtrières armées et que l’on emploie en français, même dans les milieux universitaires, le terme islamisme dans le sens de terrorisme. J’ajoute à cela qu’en Occident la plupart des mosquées sont financées par les fonds de cheikh wahhabites du pétrole et que ces derniers proposent une lecture salafiste rigoriste de la religion, qui contribue grandement à la dévaloriser dans l’esprit des Occidentaux. ” Ces quelques lignes sont extraites d’Extrémisme religieux et dictature, un recueil de chroniques d’Alaa El Aswany , parues dans la presse égyptienne entre 2009 et 2013.

Ces chroniques donnent toute la profondeur du malentendu en train de se propager sur la planète au bénéfice d’une secte religieuse bourrée de dollars qui impose une pratique locale archaïque (le Coran a un problème avec la modernité, ou plutôt certains interprètes du Coran ont buggé au XVIe siècle) en arrosant la planète avec ses chaines satellitaires. Ce recueil est un contre-champ précieux, puisqu’il invite à chausser les lunettes d’un musulman éclairé, doublé d’un grand écrivain, ouvertement hostile à la dictature comme à l’extrémisme religieux. Une ligne de crête périlleuse en Egypte. Alaa El Aswany n’hésite pas dénoncer l’hypocrisie mortifère qui s’est développée en Egypte sous l’influence – récente – du wahhabisme et le recul culturel que cette influence a provoqué. Il n’en dénonce pas moins les excès criminels de la dictature (sous Moubarak en l’occurrence), la corruption généralisée, qui conduisent une partie de la population au désespoir et jettent les jeunes gens dans les bras des extrémistes musulmans. Son premier roman L’immeuble Yacoubian est, de ce point de vue, particulièrement éclairant, où l’on voit un jeune homme injustement refusé dans la police finit dans la peau d’un terroriste.

Mais on ne peut évidemment réduire Alaa El Aswany à ce recueil. Les deux romans L’immeuble imm yacoubianYacoubian, et Chicago, que je viens de terminer, sont des bonheurs de lecture : intelligents, fins, assez chauds (ah la sexualité sous le voile !), et pénétrants dans l’exploration mentale des uns et des autres. en outre fort bien écrits (et traduits naturellement.)

Je découvre, à ma grande honte, cet auteur contemporain, qui nous parle du monde comme il va en jouant sur les deux visions qui s’opposent aujourd’hui et qui font la tragédie des musulmans (et la nôtre parfois). Il nous le dit sans prévention mais avec élégance. On a tellement besoin de clefs pour comprendre.  Il se trouve que la librairie Vent d’Ouest m’a demandé d’animer un échange avec Alaa El Aswany, que n’avais pas lu auparavant (trop suspicieux sans doute avec la littérature contemporaine) dans le cadre du festival des littératures Atlantide à Nantes. D’un côté je suis tétanisé de l’autre impatient, j’ai des tas de questions à lui poser. On verra, mais avec des livres pareils, il n’y a pas vraiment d’inquiétude. C’est à la librairie Vent d’Ouest jeudi à 19h 30 si mes souvenirs sont bons.

Je serai le lendemain au Lieu Unique avec une jeune écossaise, Kerry Hudson, qui peint le sous-prolétariat écossais avec une énergie et une fougue contagieuses. Une petite fille chez les junkies qui trace sa route. C’est assez réjouissant. L’annonce est sur la col de droite si j’ai bien réglé le backoffice comme disent les pros.  So long.

Extrémisme religieux et dictature, Alaa El Aswany, Actes Sud. Tony hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, Kerry Huson, Philippe Rey.

 

 

Pour saluer Zénobie de Palmyre

La tragédie qui se déroule à Palmyre invite à ouvrir Gibbon, l’historien favori de Borgès, et sa fabuleuse histoire de la chute de l’Empire Romain. Ici un extrait consacré à Zénobie, impératrice d’Orient et reine de Palmyre au IIIe siècle. Précisons que ce portrait est brossé par un auteur du XVIIIe.

Dans l’Europe moderne plusieurs femmes ont soutenu glorieusement le fardeau d’un empire ; et notre siècle a produit des héroïnes dignes des regards de la postérité. Mais, si nous exceptons Sémiramis, dont les exploits paraissent si incertains, Zénobie est la seule dont le génie supérieur ait brisé le joug indigne sous lequel les moeurs et le climat de l’Asie tenaient son sexe. 

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Elle se disait descendue des anciens rois macédoniens qui régnèrent en Egypte ; sa beauté égalait celle de Cléopâtre et elle surpassait de bien loin cette princesse en valeur et en chasteté. Elevée au dessus de son sexe par ses qualités éminentes, Zénobie était encore la plus belle des femmes. Elle avait (en parlant d’une reine les moindres détails intéressent) le teint brun, les dents d’une blancheur éclatante, une voix forte et harmonieuse, et de grands yeux noirs dont une douceur attrayante tempérait la vivacité. L’étude avait éclairé son esprit, et en avait augmenté l’énergie naturelle. Elle n’ignorait pas le latin mais elle possédait au même degré de perfection le grec, le syriaque et la langue égyptienne. L’histoire orientale lui parut si importante qu’elle en avait composé un abrégé pour son usage; et guidée par le sublime Longin, elle comparait familièrement les beautés d’Homère et de Platon.

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire Romain, Edouard Gibbon, vol 1, Paris, 1837, trad. J-A-C Buchon.

La fabrique à glace

image jean blaiseReçu le premier exemplaire du petit dernier. Le livre est annoncé en librairie pour le 21 mai. Un petit extrait pour fêter cette parution : un passage du chapitre consacré aux Allumées, manifestation qui a bousculé Nantes pendant six ans, durant six nuits, de six heures du soir à six heures du matin, et dont s’est inspirée la Nuit blanche parisienne.  Qu’il me soit permis de remercier ici Marie et Pascale pour leur amicale et bienveillante relecture. Et bien sûr tous les témoins qui m’ont permis de recomposer cet itinéraire singulier. Ce récit, forcément lacunaire, est une forme d’hommage rendu à Nantes par un petit gars d’Alençon qui a découvert sur les bords de la Loire comment l’art pouvait s’emparer de l’espace public, comment les cultures venues d’ailleurs pouvaient questionner, bousculer et enrichir nos représentations.

La singularité de la manifestation consiste à investir des lieux méconnus, oubliés ou carrément abandonnés dans les franges de la ville, dans les faubourgs peu à peu désertés par les activités laborieuses et pas encore gagnés par l’habitat. La reconquête éphémère de la Fabrique à glace, au sud de l’île de Nantes, près d’une grande sucrerie en activité, est de ce point de vue un pari qui semble, avec le recul, insensé. Jean Blaise décide en effet de transformer cette ancienne usine aux allures de grand blockhaus, que pas un Nantais sur dix ne sait situer sur un plan de la ville, en un gigantesque lieu de rendez-vous pour accueillir les festivaliers à partir de vingt-trois heures chaque soir. En trois semaines, Daniel Sourt fait débarrasser la friche de 500 mètres cubes de gravats et construit un espace pouvant recevoir plusieurs milliers de personnes : une scène pour le rock et un bar de 27 mètres dans la première partie, un sas de décompression où prend place une exposition sur l’architecture, et un restaurant de 2 800 mètres carrés au centre duquel il a conçu un gigantesque carré cuisine, enfermant les fourneaux, où s’agitent une dizaine de jeunes cuistots issus d’un chantier d’insertion. En trois semaines, il a fallu poser des portes, installer la plomberie, la piste de danse, les décorations.

La fabrique à glace. Photo Ouest-France

Outre la découverte de lieux inconnus ou inexplorés, Jean Blaise va s’évertuer à cultiver un autre genre de décalage durant ces longues nuits, celui des formes. C’est ainsi qu’à côté de spectacles monumentaux ou carrément monstrueux – comment ne pas évoquer La Véritable histoire de France de Royal de Luxe donnée à deux reprises sur le parvis de la cathédrale –, il tient à proposer de toutes petites formes, qui encouragent un commerce intime avec la création. Plusieurs plasticiens sont ainsi invités à exposer dans des appartements privés, qui restent ouverts toute la nuit, où le public défile, bon enfant, au fil d’un parcours que chacun compose à sa guise. Lors de la première édition, c’est l’hôtel de France qui est choisi comme repaire pour les auteurs et les amateurs de littérature. Mais les causeries nocturnes et les discussions enflammées viendront à bout de la patience des hôteliers et la manifestation migrera les années suivantes vers l’hôtel de la Duchesse-Anne, près du château.

La contagion gagne et une partie de la ville reste éveillée toute la nuit. « On assurait des départs de cars à quatre heures du matin, se souvient Thérèse Jolly. Il nous arrivait de ne pas dormir pendant trente-six heures. » Cette impossibilité de conjuguer la nuit et le jour conduira de nombreux Nantais à poser une semaine de congé dès la deuxième édition, pour ne pas terminer la manifestation complètement épuisés. Des Nantais, mais pas seulement : le bouche-à-oreille fonctionne à plein, et les aficionados venus de La Rochelle, de Brest ou de la région parisienne posent de plus en plus nombreux leurs valises à Nantes au cours de cette semaine d’octobre.

« Quand on a vu, lors de la première édition, la traînée de fourmis qui franchissait les ponts sur la Loire pour se rendre à la Fabrique à glace, on s’est dit que c’était gagné. C’est vrai qu’il fallait aller le chercher ce lieu, mais cette manière d’investir l’espace est un peu dans nos gènes », commentera plus tard Jean Blaise, qui décide de pousser le bouchon un peu plus loin pour la deuxième édition puisqu’il obtient de la ville de Leningrad, qui deviendra Saint-Pétersbourg quelques semaines avant la manifestation, la mise à disposition d’un équipage et l’envoi d’un navire pour convoyer les artistes russes. Plus de trois cents personnes. Navire qui sera amarré sur un quai près du terminal à bois de Cheviré. « Pendant la manifestation, c’était la panique totale, sourit Thérèse Jolly, les artistes ne dormaient pas sur le bateau, on les cherchait partout. À la fin, il en manquait trente ! »