N’avoir point de programme établi, pouvoir lâcher prise deux jours durant et se laisser aller doucement à la préparation de l’hiver.
Peigner un peu le jardin, tailler une haie ici, ranger doucement le mobilier d’été, mettre le bois à l’abri. Ne pas se presser, goûter la maison rouge et l’éclairage d’automne, se laisser glisser dans ce temps suspendu, qui n’a pas encore décidé de se mettre au frais. Officier tranquillement, ranger le canoë entre deux pages de lecture, tailler un morceau de haie entre deux navettes au bourg, une visite chez Marie.
Etaler son (modeste) matériel de dessin sur la grande table du bas pour donner forme au château d’Alençon au début du XVIe, compiler les rares sources iconographiques disponibles. Construire physiquement l’un des cadres dans lequel se déroule la fiction au long cours que l’on a décidé de remettre sur le métier (trouvé un nouveau titre : L’atelier du typographe). Se concentrer sur un dessin, choisir l’emplacement du logis, s’inspirer des dernières visites aux châteaux du XVIe (Ancenis, Chateaubriant…). Ne pas se formaliser de sa maladresse, de son manque de technique. Placer Clément Janequin ou Roland de Lassus sur la platine, au grand dam de garçons qui digèrent la rentrée en jouant les pommes-de-terre de canapé.
Retrouver des notes, confronter les sources. Rendre visite aux poules. Se plonger dans les mentalités de l’époque, lire l’article « Indulgences » dans La France de la Renaissance, précieux dictionnaire débusqué dans la semaine à Nantes. Penser à la préparation du repas. Et s’exonérer de prendre des nouvelles du monde comme il va, lequel nous rattrapera bien assez tôt.
Bonne semaine.
Visiter ce qui reste du château d’Ancenis : rude épreuve (et c’est un ex-Ancenien qui le dit).
Château qui soufre depuis des décennies si pas de siècles (ni photos ni peintures ni gravures, si anciennes soient-elles, n’en montrent l’état d’origine). Le dernier outrage est la verrue moderne du Conseil Général, qui va au site comme une verrue à la Vénus de Boticelli.*
Et s’il n’y avait que là ! Cette ville est un concentré de massacres patrimoniaux (gloriettes rasées, façades maquillées, halles en bois carbonisées, lampadaires intrusifs), de bâtiments modernes sans congruité avec le préexistant. Votre serviteur en a écrit des articles là-dessus dans la presse satirique locale, qui lui ont valu de solides inimitiés.
* Je n’ai rien contre les voisinages ancien-moderne : chaque fois que je passe à Châteaubriant, je m’arrête pour contempler le trio Théatre de Verre – Office de Tourisme – Château.
(Il me semble avoir vu passer quelqu’un avec son mot de miel…)
Johann, dont l’érudition m’épate, me signale discrètement par mail, un article évoquant Clément Marot, valet de chambre et poète attitré de Marguerite d’Alençon. Quelques épisodes révélateurs de l’atmosphère de l’époque, que je me fais un plaisir de relayer ici : http://www.refletsdutemps.fr/index.php/thematiques/culture/litterature/item/reflets-des-arts-une-querelle-quelques-figures-mancelles
Quel délice cette page… Merci, Philippe.
Il y a donc encore en ce monde des îlots préservés du bruit et de la fureur…
Savourez cette chance-là, Philippe, encore que je sois certaine qu’il n’y a là-dedans rien de hasardeux, mais une volonté tranquille et une ferme conviction d’y inscrire son existence et celle de ses proches.
(avez-vous remarqué que des caractères (pseudo)asiatiques ont encore frappé, à propos du billet d’Août 2014! Ce n’est pas très gênant… mais même pas drôle!)