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Les sept vies d’un grand port maritime

C’est compliqué un titre. Ce ne doit être ni trop long ni trop court, résumer en quelques mots le contenu du papier, éviter si possible les lieux communs et inviter à la lecture. Inviter au voyage pourrait-on presque dire pour un article de 12 000 signes qui prétend embrasser une aventure millénaire (rassurez-vous celui-ci n’en fait pas 3 000). J’ai longtemps tourné autour du titre de la contribution que m’a demandée l’automne dernier la revue 303 sur l’histoire du port de Nantes. La revue vient de paraître et je ne me souvenais plus si j’avais choisi Les sept vies d’un grand port maritime ou les sept vies d’un grand port maritime et fluvial. Cette seconde option eût été plus juste, mais le titre un peu long.

Cet atelier me donne la possibilité de revenir sur cette dimension capitale dans l’histoire du port de Nantes et de la plupart des grands ports européens. Sans fleuve pas de véritable port. Il faut se souvenir que jusqu’à l’avènement du chemin de fer, le transport de marchandises s’effectuait principalement par voie fluviale. Les grands ports, et Nantes en premier lieu, étaient en réalité des places de marché, des charnières entre la terre et la mer. Nantes a d’ailleurs longtemps compté deux ports, de part et d’autre du château, séparés par une ligne de ponts. Une ligne que les navires hauturiers ne pouvaient franchir avec leurs grands mâts. Sur les quais s’échangeaient le sel de la baie de Bourgneuf, le vin de Loire, les toiles de chanvre ou la laine d’Espagne.

C’est lors de me plus belles aventures journalistiques, un tour des côtes France que m’avait confié en 1992 le quotidien Libération pour un hors série consacré à la renaissance des bateaux traditionnels, que j’ai découvert l’importance oubliée de la navigation fluviale. Les difficultés de naviguer à contre-courant sur les grands fleuves, même si la batellerie de Loire avait la chance de bénéficier de vents dominants. Ce qui n’empêchait pas, parfois, les vins de tourner sur des gabares encalminées, expliquant la raison pour laquelle Orléans est devenue la capitale du vinaigre. De découvrir aussi la longue tradition de bateaux à usage unique qui descendaient le fleuve depuis sa source chargés jusqu’au plat bord pour finir en bois de chauffage dans l’estuaire.

L’Hermione, photo Rochefort-Océan

La réplique de l’Hermione, la frégate qui conduisit La Fayette en Amérique à la fin du XVIIIe, n’était pas encore en construction lors de ce tour des côtes de France. Mais je la visiterai avec grand plaisir lors de son passage à Saint-Nazaire et Nantes, fin mai. Je conserve un souvenir extasié de la venue de la Victoria, la réplique du dernier navire de l’expédition Magellan, pas plus grosse qu’un chalutier, ne disposant pas même d’une barre à roue, lors de son passage à Nantes il y a deux ou trois ans. Pour revenir à 303, ce numéro spécial est un véritable bijou d’édition. Je ne sais pas si le thème a été choisi dans la perspective de la grande exposition sur la mer, prévue fin juin à Nantes, mais c’est fort possible. Ce me semble en tout cas une bonne idée, à l’heure où l’on commence – enfin – à se préoccuper de l’état des océans, que nous continuons, en puérils apprentis sorciers que nous sommes, à saloper allègrement.