C’est un comportement assez partagé que de reprocher ses propres turpitudes à ses contemporains. Le Point, qui n’est pas avare de dénonciations enflammées, notamment contre les administrations, est pourtant atteint de phobie administrative aigüe. L’hebdomadaire, après m’avoir congédié sans autre forme de procès pour une humeur publiée sur ce blog après douze ans de bons et loyaux services, se refuse à me délivrer un certificat de travail, gentiment demandé par courrier recommandé le 29 juillet dernier.
Non que ce certificat me soit d’une grande utilité professionnelle, mais il se trouve que la maison qui conserve la misérable épargne salariale que le journal m’a fait souscrire d’office, exige ce certificat pour m’autoriser à récupérer mes billes. Ce dont le modeste pigiste que je suis a un besoin criant après s’être fait limoger sans le moindre fifrelin d’indemnité. Ajoutons que sans certificat de travail, le salarié est privé de toute prétention au chômage.
Selon la loi de la République, tout employeur est contraint de délivrer ce certificat à un employé dont il se sépare, quelle qu’en soit la cause (licenciement, démission, rupture conventionnelle…). Il est vrai que là on ne sait pas trop où on est puisque le journal me présente toujours comme faisant partie de ses effectifs, après m’avoir confirmé le fait qu’il ne faisait plus appel à mes services. Et donc ne m’emploie plus. Allez comprendre.
On peut toutefois esquisser une hypothèse. En refusant de me délivrer ce certificat de travail, l’hebdomadaire, propriété du milliardaire François Pinault – il est amusant de le rappeler – joue la montre, à l’image d’un Thévenoud, en tablant sur l’impunité dont il est sûr de bénéficier. Et économise ainsi « le solde de tout compte » dont il est redevable. Par bonheur, la loi n’est pas la même pour tous. Entre un malheureux pigiste, qui n’a pas même les moyens d’engager un procès et un grand journal, il n’y a pas photo. Continuons donc à donner des leçons à la terre entière, à dénoncer les chômeurs indélicats, l’incurie des administrations, la malhonnêteté des politiques à longueur de colonnes.
C’est ça le journalisme contemporain coco.
Illustrations : DR