Un cauchemar contemporain

par Thierry Guidet *

Tout commence le 11 février 2015. Un peu avant 9 h, Yoann Barbereau, le directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk (Sibérie) est brutalement arrêté à son domicile par une dizaine d’hommes, en présence de son épouse ainsi que de la fille du couple, âgée de 5 ans. Certains des hommes ont le visage masqué, aucun ne porte d’uniforme. Yoann Barbereau est menotté, son visage est recouvert d’une cagoule. Il est transporté dans un endroit tenu secret. On le frappe, on l’insulte. Dans le même temps, le domicile du couple est perquisitionné.

yoann

 

Yoann Barbereau est né en 1978 à Nantes. Après de brillantes études de philosophie, il dispense des enseignements à Polytechnique et à Sciences-Po Paris. Sa passion pour la Russie, le pays dont son épouse est originaire, l’a conduit à Irkoutsk où il a efficacement œuvré à mieux faire connaître la langue et la culture françaises.

 

Yoann Barbereau est finalement conduit vers 12 h dans un commissariat. Il apprend qu’on lui reproche d’avoir mis en ligne, sur un site dédié aux jeunes parents trois photos intimes de lui-même et de son épouse ainsi qu’un selfie pris au sortir de la douche où lui-même et sa fille apparaissent nus. 
 Ces photos personnelles lui ont été volées. Leur mise en ligne relève du piratage de données informatiques. Yoann Barbereau pourrait déposer une plainte, cependant c’est lui que les enquêteurs accusent, contre toute logique. Comment imaginer qu’une personnalité en vue comme Yoann Barbereau se livre à un acte aussi absurde ? En outre, il a pu prouver qu’il était absent au moment où il est censé avoir mis en ligne ces images.

12-02-16 au soir fin garde à vue (2)Le lendemain, la fillette du couple Héloïse est à son tour interrogée. « Si tu veux revoir ton papa, réponds “oui” ». L’enfant finit par acquiescer aux policiers qui suggèrent des attouchements sexuels du père sur la petite fille.  Dès la sortie du commissariat, l’enfant explique à sa mère avoir eu la tête « embrouillée » et revient sur ses déclarations. Yoann Barbereau n’a d’ailleurs jamais été interrogé à ce sujet. Il est jeté en prison pendant 71 jours puis séjourne deux semaines en hôpital psychiatrique. Depuis, il est assigné à résidence, muni d’un bracelet électronique. En octobre 2015, la juge chargée de l’affaire ordonne sa mise en liberté. Elle est aussitôt blâmée, dessaisie du dossier tandis que le président du tribunal est muté. On se perd en conjectures sur les raisons de cet acharnement.

Agent du ministère des Affaires étrangères, Yoann Barbereau est pleinement soutenu par son administration, totalement convaincue de son innocence. L’ambassadeur de France à Moscou Jean-Maurice Ripert est fréquemment intervenu auprès des autorités russes. Ces dernières semaines, Jean-Marc Ayrault, le ministre des Affaires étrangères, a évoqué la question à plusieurs reprises en tête-à-tête avec son homologue russe, Sergueï Lavrov.

Mais les espoirs d’une solution diplomatique sont aujourd’hui déçus. Le procès de Yoann Barbereau s’ouvre. Il encourt vingt ans de prison. C’est pourquoi la famille et le comité de soutien ont résolu de rompre le silence qu’ils s’étaient imposés. Ils ont décidé d’alerter l’opinion et les médias français et russes.

En pratique

* Thierry Guidet, journaliste et écrivain, fondateur de la revue Place Publique, est le président du comité de soutien de Yoann Barbereau.

 

4 réflexions sur « Un cauchemar contemporain »

  1. Philippe Auteur de l’article

    Un message de Thierry Guidet ce matin au courrier :

    6 juin 2016 — Merci à tous pour votre soutien.

    En 3 jours, vous avez été plus de 500 à signer la pétition pour la libération de Yoann !

    Ce n’est qu’un début !

    Nous avons besoin de vous tous pour faire entendre notre voix. N’hésitez pas à faire circuler cette pétition.

    Le sénateur Yannick Vaugrenard est avec nous. Des projets médiatiques sont en cours (une manifestation publique du comité de soutien, des sujets sur de grandes chaînes de télévision française…). Nous vous tiendrons informés.

    Ensemble, nous obtiendrons justice.

  2. p.

    Signé! et pour le moment sans commentaire tant les mots m’en tombent.
    Merci Philippe d’avoir relayé.

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