Tombé, par le jeu des liens sur les réseaux sur ces perles du bac 2015, compilées par Sarah Redon sur le site Terrafemina. Soit Sarah est une reine de l’enquête, puisque les copies sont à peine corrigées, soit ces perles sont un best of des années précédentes ou c’est une pure création. Dans tous les cas elles méritent d’être reproduites, parce que la rédactrice a du bien s’amuser.
Les perles de philosophie
Socrate est un bon exemple de choix car il aurait pu aller se cacher dans les milliers d’îles grecques, surtout qu’à lépoque elles n’étaient pas envahies par les touristes, mais il a choisit la cigue.
N’oublions pas le proverbe : la parole est d’argent mais le silence endort.
C’est plus facile de se connaître pour savoir ce que l’on fera comme métier plus tard. Par exemple j’ai renoncé à ma vocation d’être prof quand je vois le bordel qu’ils doivent gérer.
Des fois, je rencontre des textes où on peut lire des âneries comme ce connais-toi toi-même de je sais plus qui. Comme si on se connaissais pas.
C’est comme si on vous demande votre nom et que vous ne savez pas. Ça risque de mal finir et de vous conduire au poste. Conclusion : il vaut mieux savoir qui on est.
Après une visite à une expo d’art contemporain, j’ai changé ma perception de ma vie car j’ai compris que l’on pouvait gagner de l’argent avec n’importe quoi.
La calomnie se répand comme une traînée de poulpes.
La politique n’a rien à faire en philosophie. Tout le monde sait bien que Descartes était membre du Parti Socialiste, et pourtant il a écrit de très bons livres.
Le langage ne se limite pas à la parole. Si on prend l’exemple du Gangnam Style, c’est une dance qui est très connue dans le monde mais dont personne ne comprend les paroles.
Le bonheur, ça se gagne. Comme disait le philosophe Nicolas Sarkozy : Il n’y a pas de plaisir sans effort.
Voltaire disait “l’art de la citation est l’art de ceux qui ne savent pas réfléchir par eux-mêmes”. Par conséquent, je n’utiliserai aucune citation.
Enfin, il est à noter que nous devons également à l’État certains de nos états psychologiques : tristesse, déprime, rage, dégoût, envie de partir…
Le langage corporel devient un outil de survie quand il s’agit de la reproduction de l’espèce.
Les perles de français et de littérature
En rouge et noir et Stendhal.
Les auteurs du Moyen-âge se sont beaucoup inspirés des auteurs de la renaicance.
Parfois on se demande si certains écrivains comprennent ce qu’ils écrivent.
Le personnage du roman de Stendhal en fait, c’est un grand romantique, il est tellement love qu’il peut rester deux heures devant une fenêtre sans bouger.
Le titre de Giono est bizarre car s’il y en a qui ne manquent pas de divertissement c’est bien les rois avec les banquets et leurs maîtresses.
On peut comparer ce texte à l’Entonnoir d’Émile Zola.
Selon Platon les androïdes seraient la raison de l’amour.
L’utilisation du sonnet remonte au XVe siècle, où des auteurs comme Plutarque vont généraliser son utilisation.
Le XIXème siècle, siècle des Lumières, réuni beaucoup de mouvements & d’auteurs. (…) Paul Verlaine est connu pour ses romans tel que Le Tour du Monde en 80 jours.
La poésie satirique correspond à de la poésie qui parle de Satan. C’est un sujet très intéressant, mais pas toujours facile à traiter.
Probablement que Musset voulait que sa pièce soit lue dans un fauteuil et pas joué au théâtre, mais on ne peut pas lui demander parce qu’il est mort.
Les perles de mathématiques
On trouve le binôme, le trinôme et le polygone.
L’angle aigu a été trouvé par le savant Cosinus.
Le triangle est un rectangle avec un côté en moins.
Vu la complexité de ce sujet, la probabilité d’avoir la moyenne à cette épreuve diminue…
Si le nombre complexe est un nombre réel, j’en conclu par conséquent qu’une réponse est possible, néanmoins, je ne sais pas laquelle.
Cette question est tellement facile que je n’ai pas pris le temps de recopier la réponse (j’ai fait le calcul dans ma tête).
Les perles d’histoire
Le président américain a rencontré son monologue français Hollande…
Margaret Tadechair n’était pas bien vue par les Anglais.
Le régime de Vichy a toujours été très bon pour la santé.
Finalement, les Chinois sont punis de confectionner tous nos objets car ils ne peuvent plus rapporter de souvenirs Made in France à leurs amis car en dessous c’est marqué “Made in China”.
Jacques Chirac a dit que le gouvernement précédent a été laxatif dans la conduite de l’État.
La Chine a trois religions : le taoïsme, le kungfusiannisme, le bouddhisme.
En 1792 les Français déclarent la guerre à plusieurs pays d’Europe, pour leur apporter la paix.
L’ONU est une institution qui permet au pays riche de contrôler les pays pauvres tout en douceur. Cela évite des guerres et des morts, ce qui est plutôt positif.
Aux États-Unis, on ne voit pas pourquoi leur 14 juillet tombe le 4 juillet. Preuve qu’ils veulent toujours se faire remarquer.
Les perles de géographie
L’Amérique du sud ne peut pas lutter avec l’Amérique du Nord, à part le Brésil qui s’en sort grâce au football et à son carnaval.
On voit que l’Union Européenne occupe une place centrale dans les échangismes internationaux.
L’Afrique du sud a été créée en 1815 par Nelson Mandela.
Les pays pauvres se sont quasiment tous rassemblés en Afrique. Il aurait plutôt dû se rapprocher des États-Unis, comme l’ont fait le Mexique et le Canada.
La Russie est un grand pays qui possède d’importantes réserves de pétrole, mais également de barils de vin. C’est important pour attirer de nouveaux investisseurs tels que Gérard Depardieu.
Au Japon, le manque de place oblige les autorités à construire des aéroports sous-marins.
Actuellement, la population chinoise s’élève à plus de 20 milliards d’habitants.
On voit bien le racisme dans le nom que l’on a donné aux pays africains comme le Monte-Negro.
La culotte glacière fond et fait dévier les ours polaire.
La prochaine coupe du monde de football aura lieu au Brésil, juste à côté de l’Afrique du Sud.
Les perles de physique-chimie
Les ondes sismiques ne se déplacent pas le lundi.
Tous les GPS ne sont pas en orbite autour de la Terre. Il y en a beaucoup qui restent dans les voitures afin de trouver la route plus facilement.
Les bombes atomiques sont inoffensives quand elles servent à produire de l’électricité.
Nous savons par exemple que les satellites de Jupiter ont une trajectoire épileptique.
Une lumière monochromatique est une lumière qui n’a qu’un seul chromosome.
L’eau dissée d’Homer est un concept physique écrit dans un livre encore très connu de notre temps.
Il faut prendre garde à ne pas confondre la fiction nucléaire et la fission nucléaire.
On l’a appelée bombe H car elle a été inventée par l’ingénieur Hiroshima.
Le mercure est si lourd que la tonne de mercure peut égaler 100kg.
Le mur du son est dépassé ; maintenant on peut écouter des films et de la musique dans les avions.
Le robot Curiosity est soumis à la traction gravitante du Soleil.
Le cheval transpirait et faisait de la vapeur quand il tirait les wagons, d’où le cheval-vapeur.
Les ondes électromagnétiques : les ondes les ultra violées, les micro-ondes, les grandes ondes (comme RTL).
Merci beaucoup pour ces extraits, Elena, qui donnent une furieuse envie de se procurer le livre (ce que je vais faire dès que possible). Outre le fait que ces remarques, (vieilles d’un siècle !), restent d’actualité pour la presse papier (notamment sur l’emboîtement des responsabilités et des attentes des uns et des autres), certaines s’appliquent parfaitement au journalisme en ligne :
“Les deux méthodes essentielles dont dispose un journaliste d’information pour obtenir un succès sont aléatoires. Elles consistent :
1° à se hâter avec excès,
2° à attribuer une importance disproportionnée à une information banale.
Dans le premier cas il s’expose à tromper le public. Dans le second il le trompe également.
Mais qu’importe cela ? En définitive il s’agit bien moins de renseigner le public que de le tenir en haleine. Les trois quarts du temps, la simple vérité n’y suffirait pas. (62) – “
Encore plus hors sujet :
j’ai pensé à vous, Philippe, en lisant Le Journalisme en vingt leçons de Robert de Jouvenel (dans la famille, je demande le frère de ou l’oncle de … ) : texte brillantissime (par sa drôlerie, son acuité et la qualité de son écriture), réédité aux (petites) éditions La Thébaïde (9 €) L’ironie ravageuse y côtoie l’amour du métier, juxtaposition aussi rare que plaisante, mais surtout l’ouvrage présente fort méthodiquement des aperçus qui semblent n’avoir rien perdu de leur pertinence aujourd’hui.
Quelques extraits :
Leçon liminaire
« Qu’est-ce qu’un journal ? »
La faculté de prononcer sur tout — fût-ce en dehors de tout système — de juger tout le monde — fût-ce en l’absence de toute autorité morale — dut être, dans tous les temps, un prodigieux moyen d’influer sur les faits et sur les hommes. (7)
Ce qu’il y eut de véritablement original dans notre siècle, c’est que les mobiles qui dictaient ces jugements n’importaient à personne. […] La tâche auguste de régenter l’opinion publique se trouvait mise de la sorte, sinon à la portée de toutes les bourses, du moins à la portée de toutes les moralités. […] Ils souhaitent moins éclairer l’opinion que la diriger. (8)
En attendant [l’]heure bénie [de la renaissance des apôtres dans la presse — et ailleurs], sachons nous satisfaire s’il subsiste dans les journaux d’honnêtes professionnels. Car c’est aussi une forme de la probité que de savoir fabriquer le produit que l’on vend au public. (9-10)
Leçon II
« Du directeur »
Le directeur d’un journal n’ignore pas l’importance de la tâche commerciale qui lui incombe. Il sait que la spécialité pharmaceutique la plus lucrative n’est point celle qui guérit le mieux, mais celle est le mieux mise en vente […] Évidemment, il n’est pas inutile qu’un remède guérisse, ni qu’un journal soit bien fait. Mais c’est l’accessoire.
[…] C’est seulement quand il en aura fini avec ses comptables qu’il pourra commencer à s’occuper de ses rédacteurs. (14)
Leçon III
« Du commanditaire »
Le commanditaire d’un journal tente une spéculation ou s’accorde un luxe : il ne fait pas un placement.
Cet entrepreneur de travaux publics veut des concessions. Cet homme du monde entend régenter les théâtres. […] Aucun n’a souhaité tirer un revenu normal d’un capital enfoui.
[…] L’état d’esprit du Monsieur qui « met de l’argent » dans un journal ne ressemble donc pas du tout à l’état d’esprit de celui qui achète des fonds d’État. Celui-là veut, avant tout, exercer une autorité sur le directeur de journal auquel il a confié son argent.
Le jour où ce mandataire le rétribuerait, au lieu d’être rétribué par lui, quelle autorité le commanditaire garderait-il sur le journal ? (16-17)
Leçon IV
« De l’administrateur »
Il est surtout préposé aux contrats de publicité et à l’organisation de la vente. (19)
L’administrateur du journal, qui n’a pas le moyen d’influer sur la recette, s’efforce, pour justifier sa présence, de découvrir des occasions d’économie.
Mais les dépenses essentielles sont subordonnées à des contrats. Seul, le budget de la rédaction est élastique et susceptible de compression. (21)
Leçon XII
« De la politique »
Le malheur veut qu’il ne soit pas si facile d’être impartial qu’on affecte de le croire.
Dans bien des cas, raconter c’est se prononcer un peu. Reproduire une accusation, même avec une indifférence affectée, c’est déjà la colporter et même se taire sur un scandale, c’est quelquefois encore faire de la politique. (49)
Leçon XVI
« De l’information »
Le malheur veut que l’on ne traite pas, le plus souvent, les grands événements de la vie publique ou de la politique internationale autrement que le fait-divers.
[…] Le moyen le plus généralement connu pour obtenir une information rapide est de ne pas perdre de temps à la contrôler. […]
Les deux méthodes essentielles dont dispose un journaliste d’information pour obtenir un succès sont aléatoires. Elles consistent :
1° à se hâter avec excès,
2° à attribuer une importance disproportionnée à une information banale.
Dans le premier cas il s’expose à tromper le public. Dans le second il le trompe également.
Mais qu’importe cela ? En définitive il s’agit bien moins de renseigner le public que de le tenir en haleine. Les trois quarts du temps, la simple vérité n’y suffirait pas. (62)
Leçon XVIII
« Vanité de la documentation »
J’ai dit que le lecteur était homme d’habitudes. Quand il lit l’article d’un journaliste connu, c’est pour y trouver certaines idées déterminées et pour fortifier ses propres convictions. […]
Le lecteur, comme le journaliste lui-même, veut bien être renseigné sur tout, mais il ne consent à réfléchir que sur un très petit nombre de sujets. (71)
Leçon XIX
« Comment il faut raisonner »
Il n’est point très difficile de donner à son discours le caractère de l’évidence. Parmi les moyens le plus généralement employés à cette fin, deux surtout me paraissent recommandables : le raisonnement d’autorité et le raisonnement par analogie.
Le lecteur prend pour évident ce qu’il sait, c’est-à-dire fort peu de choses, qu’il a l’habitude d’entendre répéter et qu’il n’aura désormais, en aucun cas, l’audace de contrôler. Référez-vous le plus qu’il vous sera possible à des autorités incontestées, à des lois historiques, à des préjugés universels. (72)
Voulez-vous parler du suffrage universel ?
S’il s’agit pour vous de le combattre, écrivez comme Rochefort :
— Que penser d’un pays où l’on ne peut rien faire, sans consulter trente-huit millions d’imbéciles ?
S’il s’agit de e défendre, dites comme Voltaire :
— Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que M. de Voltaire, c’est M. Tout-le-Monde.
Les deux formules sont notoires, évidentes et elles sont exactes. (73-74)
Mais peut-être votre sujet ne vous fournit-il pas la citation, le souvenir ou la formule dont vous avez besoin. Dans ce cas, transposez votre raisonnement d’un domaine dans un autre et faites votre démonstration par analogie.
Assimilez, sans broncher, l’art de la guerre au commerce de l’épicerie et réduisez carrément les sciences politiques en équations algébriques. […] Rie n’est quelquefois plus faux qu’un raisonnement par analogie, mais rien n’est non plus commode. Et si vous avez des remords ou si vous avez besoin d’un raisonnement d’autorité, pour couvrir cette manœuvre, rappelez-vous le mot de Jean-Jacques Rousseau :
— La volonté générale est toujours droite, mais le jugement qui la guide n’est pas toujours éclairé. Il faut faire voir les objets tels qu’ils sont, quelquefois tels qu’ils doivent paraître. »
Et cela permet infiniment de liberté.
Simple coïncidence de lecture, mais je ne résiste pas (si j’ose dire) au rapprochement.
Peu de perles rapportées, mais plutôt “l’escamotage des vraies questions” (Ch. Kantcheff), des oublis significatifs, de l’imprécision, des images d’Épinal, ‘des revendications d’ignorance [prononcées] d’un ton méprisant et goguenard”, des croyances présentées comme des savoirs “J’affirme avoir eu la conviction que …”, “une énumération de faits et d’actes isolés” accompagnée d’ “un sens aigu de la dialectique” (en l’occurrence ce n’est pas un compliment), “un assemblage de menus faits [exposés] sans commentaire” & destinés à noyer le poisson, des détournements de sens (l’appel au redressement devait être compris comme un appel à la résistance !), une citation de Paul Valéry, mais pas du meilleur, du mieux inspiré, des années d’activité politique et d’exercice du pouvoir réduites “à un seul fait, et si parfaitement isolé, qu’il en perdait toute signification”, la conciliation d’opinions incompatibles …
“Des hommes politiques, des généraux, tinrent des conférences à la barre ou s’abandonnèrent en toute liberté, à d’inutiles et tendancieuses confidences En ce tribunal de limbes, des événements appauvris, vidés de leur substance, s’assemblaient au hasard, comme une mauvaise copie de bachot. ”
Léon Werth, Impressions d’audience Le Procès Pétain (éd. Vivian Hamy)
Bonne nouvelle, Pascale. Comme quoi il ne faut pas désespérer de la jeunesse, ni … des cours de philo.
Je tiens à rassurer les éventuels passants.
Je viens de noter 20/20 une copie avec le commentaire suivant (commentaire dont il faut savoir que, sauf en cas de pb, ou de demande du candidat, il est, ad vitam aeternam ou presque aux archives de l’EducNat) : “C’est très bien! Philosophiquement correct, culturellement impeccable. Bravo!”.
Une telle note ne signifie pas que la copie est parfaite et sans reproche, mais que, compte tenu de ce qu’on peut attendre d’un élève de terminale, le niveau, tous critères confondus, est le meilleur possible.
Il s’agissait de l’explication du texte de Cicéron qui fait la distinction entre la notion de “cause” et celle d’ “indice” sur les conditions de possibilité d’une connaissance prévisible, donc rationnelle, ou si l’on veut, non contingente, non aléatoire. Non seulement le candidat fait preuve d’une finesse d’analyse remarquable, mais d’une culture philosophique de haut vol, se souvenant que Cicéron est stoïcien, ce qu’on ne lui demande pas de savoir, et développant, à propos du hasard, de belles remarques comme celles-ci : ” Il (Cicéron) propose ainsi un moyen de se libérer du joug de la destinée en démontrant (j’aurais préféré ‘montrant’) l’existence du hasard, il redonne une certaine liberté à l’homme, paradoxalement toute relative car suspendue aux caprices de ce hasard libérateur”.
Évidemment dans ce genre de copies -où je trouve autant de culture épistémologique que philosophique, et un bel et discret échantillonnage de réminiscence de religion romaine, pas une faute d’orthographe!
Cela sera-t-il suffisant pour baisser sensiblement mon coefficient de pessimisme généralisé?
Hors sujet (c’est le moment) bien venu :
Se procurer, chez Verdier, pour 4,50€ un petit (pour le format) livre de 135 pages de Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet : ‘ Prendre dates’ sous titré Paris, 6 janvier-14 janvier 2015. Acheté avant-hier, lu dans la foulée. Et hier, les attentats que l’on sait, comme un écho négatif et tragique à ces lignes. On ignore des deux qui écrit quoi, même si, quand on connaît un peu Boucheron (Léonard et Machiavel!) on peut deviner l’historien dans son style, qu’il a superbe.
Ces pages ont l’intelligence de dire qu’il y a de l’incompréhensible mais aussi tant de souffrance, et elles le disent dans une simplicité désarmante, parfois au bord des larmes. Aucune concession à la fragilité, mais aucune place non plus pour une certaine froideur -d’aucuns disent le ‘recul’ et ce mot m’énerve!- que l’analyse intellectuelle pourrait justifier. Non, rien de tout cela. Rien du tout. Juste l’incroyable audace de la simplicité d’un dire qui avoue son impuissance. C’est infiniment touchant.
Depuis hier je me demande s’il reste encore à ces deux là quelques mots pour nous réconcilier avec l’humain.
Ce sont, évidemment, des perles du passé. Les copies sont encore en souffrance chez les correcteurs. Je rectifie, les correcteurs sont encore en souffrance devant leurs copies.
Voici, extraits de la même composition, fautes d’orthographe respectées, un échantillon : “Les oeuvres d’arts sont des objets variés, il est déjà difficile de deffinir ce qu’est une oeuvre d’art car tout objet ou toute chose faite par l’homme peut être, d’un certain point de vue, une oeuvre d’art. La deffinition d’une oeuvre d’art dépent en effet de la personne qui le deffinit. (10 pages plus loin, oui, vous avez bien lu! 10 pages…. d’indigestion de cet acabit) “On peut donc dire que les oeuvres d’art on toujours un certain sens mais que c’est ce sens même qui pour nous n’a plus aucun sens. De même les oeuvres d’art contemporaines n’on pa de sens sans nous mais pourait en avoir un pour ceux qui chercherai à nous comprendre.”
Autre copie : ” C’est pourquoi la science d’aujourd’hui continuents et effectuent des recherches sur des cultures bien différentes de la notre. J’en conclue que les véritables oeuvres d’art sont nombreuses à ne pas encore été découvertes par les scientifiques du XXIème siècle. Il faut donc que ces derniers s’écarte de la civilisation occidentale”.
Deux copies de candidats de Série S!
No comment. Ou plutôt si : il y a, bien sûr nécessité de maîtriser un programme, des connaissances, des outils. Que la question de l’art, d’un point de vue philosophique, qui est bien celui sollicité ici, ne déroge pas à cette obligation intellectuelle préalable à toute tentative de raisonnement maîtrisé. Que, bien sûr, on peut pardonner à un candidat d’être maladroit, mais pas de faire du charabia. Qu’il y a trois sujets au choix (même en mathématiques et physique en S il n’en ont pas tant) et donc que ceux qui écrivent ainsi ne tombent pas sous le coup de “pas de chance”, ils ont délibérément opté pour ce sujet.
Peu importe, à ce niveau, le libellé de départ, mais, accessoirement “Une oeuvre d’art a-t-elle toujours un sens?”. Impossible de broder, mieux vaut avoir fréquenté un peu Kant et Hegel. Platon peut être d’un grand secours aussi. Et bien d’autres… il n’y a ni obligation ni exclusive, le professeur de philosophie étant concepteur de son propre cours, nos candidats anonymes à corriger n’ont pas forcément les mêmes références, mais ils ont l’obligation de fournir un travail de construction et d’expression philosophique et non un concours de blagues ou une prime à l’ignorance. Une culture artistique qui nous épargnerait La Joconde (de Michey l’Ange of course!) et Guernica serait bien venue.
Bien sûr, il y a aussi dans l’ensemble quelques vraies perles, je veux dire, des copies intelligentes, fines, bien écrites, qui articulent raisonnement et connaissances et qui construisent quelque chose, non pas en vue de répondre, c’est contingent, mais de réfléchir. Elles sont exception. Mais elles sont.
Il faut quand même prendre conscience du déficit orthographique, syntaxique, réflexif, cognitif, culturel, déficit de logique, de capacité à conceptualiser -au sens strict- à articuler des propositions… etc…. atteint par des élèves qui entrent dans 3mois dans l’enseignement supérieur, puisqu’à plus de 85% ils seront bacheliers. Lequel doit maintenant mettre en place, dans les filières choisies par les bacheliers parce qu’ils sont censés y réussir, enfin débarrassés de tout ce qui pouvait les “gonfler” dans le secondaire, des semestres de (re)mise à niveau!
Mais tout va bien…. le bateau coule!
La ségrégation par l’origine sociale et/ou culturel des parents n’a jamais été aussi prégnante, l’écart entre les ‘nantis’ de l’éducation et les autres jamais aussi grand, depuis que l’école, ou plutôt l’enseignement est obligatoire pour tous les enfants de France.