Il est des livres qui font souffrir comme l’escalade d’une montagne, dont on abandonne cent fois la lecture, et que l’on reprend cent fois, sentant confusément que le paysage se dégagera un jour, que cette montée conduit quelque part, même si l’on peste régulièrement contre l’auteur, ses manies, ses digressions, ses envolées, les impasses où il nous fourvoie.
On pourrait citer Au dessous de volcan de Malcolm Lowry, ou la Recherche de Proust. Je vis actuellement ce genre d’épreuve avec Un prêtre marié de Barbey d’Aurevilly. Dix fois abandonné, dix fois repris, ce livre diabolique, dont l’issue dramatique est écrite depuis la première ligne, vous cannibalise l’esprit, vous fait porter la malédiction qui pèse sur le héros dont on ne sait comment on finira, un jour, par se débarrasser.
On est ici exaspéré par la nature butée de Sombreval, ce prêtre défroqué à la Révolution, qui revient hanter un château délabré au pays de son enfance, en compagnie de sa fille. Laquelle, après avoir compris qu’elle était le fruit d’amours interdites, a décidé de consacrer sa vie à Dieu, au risque de rendre fou son jeune voisin, ensorcelé par sa beauté. On n’en est pas moins ébahi par l’inventivité des images “… je ne sais quel tremblement dans la mâture de cet homme…” et l’acuité du regard de l’auteur sur la nature humaine, les prisons mentales qu’il se construit. Même si Barbey le porte avec des lunettes catholiques, quelque peu obscurcies par l’idée récurrente de péché.
Le style de Barbey, mélange singulier de brutalité et d’élégance, ses images qui sentent l’écurie et les salons décrépis de l’aristocratie finissante, ses fulgurances, comme celle-ci, extraite des Diaboliques (citée de mémoire), « Les premiers cheveux blancs dans sa toison annonçaient la fin de l’Empire et l’arrivée des barbares », font de ce dandy réactionnaire, défenseur de Baudelaire, un auteur inclassable, relégué au purgatoire des lettres, aux côtés de Mirbeau, de Huysmans et de Bloy. Mais quelle langue et quel diable d’homme ! Le lecteur n’est pas ménagé, il doit suivre, en dépit des détours, des bourbiers et des chemins creux. Sinon tant pis pour lui. Qu’il aille se faire pendre ailleurs. Nous n’en tâcherons pas moins de nous accrocher aux flans de la colline dans cette Normandie du XIXème, imperméable au cours du temps. Même si l’on doit encore souffrir un peu.
Le Chevalier des Touches et Les Diaboliques me semblent les portes la plus engageantes pour entrer dans cette oeuvre.
On signale au Feu Follet à Paris l’introuvable Du Dandysme et de George Brummel dans une édition sur Hollande avec envoi de Trébutien, et l’ autre édition de 1845, celle-là imprimée à Caen. Attention, prix stratosphériques.
Les livres surgissent quand on en parle, c’est bien connu!
MCourt
ah oui, je l’ai lu celui-là l’autre jour, Philippe.
Pas de souci M. Court! vous pensez bien que, comme vous, tout cela me dépasse, je parle des courriels disparus. et autres mystères du genre!
Pax les amis. Je n’ai malheureusement pas le temps de me lancer dans des recherches sérieuses mais cette histoire commence à me chiffonner, d’autant que les informations se bousculent et se contredisent sur cette histoire. Retrouvé ceci par exemple, de mon confrère Stéphane Pajot : http://www.nantes.maville.com/actu/actudet_-Machiavel-sejournait-au-Bouffay-_loc-689852_actu.Htm. Je vais essayer de lancer un appel à contribution dans un nouveau post. On verra bien.
Pascale
J’aurais du etre plus clair. Si,J’ai bien précédemment envoyé une demande de précision ce matin! Bref, celle-ci devrait etre la seconde. Vous n’etes pas responsable de ce mystère informatique.
Pour Camille Mellinet, je vais me renseigner. 1840 est une date entre érudition romantique et érudition plus sérieuse, mais il arrive qu’on cite déjà à cette date scrupuleusement les documents.
Je vais chercher de mon coté Machiavel dans Morice et Lobineau.
Bien à vous, qui n’etes pour rien, je le confirme, dans les errements de ce blog!
Cordialement.
MCourt
On ne se fâche pas, Monsieur Court! d’autant que la réitération n’est pas exactement de mise, puisque, sauf erreur, c’est votre première demande… pour tout vous dire, j’avais affiché cette source, pendant quelques heures, mais j’ai demandé à notre hôte d’en ôter les références, car je m’y entends si peu en liens informatiques qu’avec elles arrivaient sur l’écran bien d’autres choses qui n’avaient vraiment rien à y faire. Et depuis, j’ai vécu….
Camille Mélinet, 1840, “La Milice et la Commune de Nantes”. Au chapitre “XVème siècle” (p 20) on y rencontre tout ce que Nantes pouvait rencontrer, dans les années 90 dudit siècle, de prélats, conseillers, courtisans, familiers et autres entregents…. dont Machiavel. Mais pas au mariage.
J’ai particulièrement aimé la description des noces, des invités et des curieux dans les pages suivantes, jusqu’aux descriptions des tenues tant des chevaux que des cavaliers… (p 30). Lire aussi p 38 la liste de ceux qui assistent à la bénédiction nuptiale (“Louis XII a quitté les vêtements de guerre, ce n’est plus qu’un roi….”). Dont un protégé de la Reine nous dit-on “le vieux poète Meschinot”….
Suis absoute?
Votre avis sur Mélinet nous importe.
Je réitère: Quelle source? Ce n’est pas infamant, je crois, de la nommer!
MC
Acheté des Barbey, ce midi (classé par la libraire à la lettre “A” comme Aurevilly)… de guerre lasse entre mon fouillis et moi!
Ai trouvé une source du XIX dont je ne peux attester la fiabilité, qui raconte le mariage royal de Nantes, sans nommer Machiavel, dont la présence est cependant attestée lors de diplomatiques conciliabules portant sur l’acquisition du Milanais par la couronne de France.
Cela dit, le Prince parait bien fade devant le Testament Politique de Richelieu….
Bien à vous.
MCourt
Philippe
Ah, les Mémoires apocryphes! Ah, Courtil de Sandras! Cela dit, d’après Petitfils, in Fouquet, il est arreté alors qu’il se rend chez lui, Rue Haute du Château ,actuelle Rue Mathelin Rodier. C’est Madame de Motteville qui sous-entend une fuite, Fouquet ayant pu etre prévenu par La Feuillade.
Pour Machiavel, je vais regarder dans Le Roux de Lincy et son Anne de Bretagne.Après tout, Nantes a accueilli Saint Vincent Ferrier, et a bien du avoir quelques prélats italiens après le Concordat de Bologne établissant la Commende, et avant la Ligue!
Bien à vous.
MCourt
A vrai dire, Pascale, je n’ai pas assez creusé la question. Qui plus est, déstabilisé par la série sur les Borgia, qui ne respecte pas la chronologie. Mais je ne vois pas ce que venait faire Machiavel à Nantes. De mémoire, il y a rencontré des émissaires du roi (un évêque effectivement) mais pour quelle raison, je n’en sais rien. La mémoire locale, vous le savez, a tendance à s’accaparer l’histoire. C’est humain. Mais bon, nous sommes ici en conversation.
Rencontré ce soir dans le train une vieille connaissance, du temps de la Ducherais, qui vient régulièrement sur le blog. Un message aussi de Johann, bouquiniste d’Alençon, qui publie un catalogue; Je tâcherai de le mettre en ligne d’une manière ou d’une autre. Demain fac et marché aux livres, je tâcherai d’y glâner une idée pour le prochain papier. J’aime me faire attraper par un livre.
Bonne soirée
Je trouve dans “Les Décennales, I” :
“C’est alors qu’évènement de non moindre importance, la mort de Charles fit don joyeux de sa couronne au duc d’Orléans.
Et le pape, incapable à lui seul de rien faire de grand accorda sa faveur au nouveau Roi.
Prononça son divorce et lui donna la Bretagne, le Roi lui promettant en retour la souveraineté sur la Romagne.”
Pléiade, p 40
Il me semble que si Machiavel eût quelque part à cette affaire, il l’aurait fait savoir…
Il y a encore deux indications en ce sens dans les notes des Histoires florentines, où d’ailleurs l’évêque de Séez est nommé pour avoir participé à la chose, puis empoisonné sur ordre du Valentinois pour avoir trahi le secret avant qu’il ne fût connu.
Que Machiavel ait été au courant oui, qu’il participât à l’affaire, non.
(cf ibidem p. 1409 et 1411)
Il semblerait, Philippe, que la dissolution du mariage de Louis XII se fût faite avant l’arrivée de Machiavel, dont la mission en France, de toute façon ne relevait pas de cela. Alexandre VI, le pape, aurait accédé à cette demande du souverain français dès 1498, en remerciement de la nomination de son fils César comme duc de Valentinois par ledit Roi. A vérifier, c’est de mémoire.
Non, la question n’est pas sans objet M Court : Pascal Prunet est bien le fils de Pierre Prunet, qui fut également architecte des bâtiments de France. Pour Richemond je n’ai pas de réponse, et je ne remets pas la main sur l’histoire de la Bretagne en 3 volumes qui traîne ici. Une anecdote en revanche : c’est dans des mémoires apocryphes de d’Artagnan que j’avais benoîtement localisé l’arrestation de Foucquet au pied de l’escalier du grand gouvernement. Or Foucquet a été arrêté un peu plus loin dans une rue qui mène à la cathédrale (les historiens ne sont pas tous d’accord sur le lieu, mais cela ne s’est pas passé dans la cour du château, sans doute parce qu’il sortait d’un rendez-vous avec le jeune Louis XIV).
Les historiens sont également imprécis sur le passage de Machiavel au château. Est-il venu négocier l’annulation du premier mariage de Louis XII pour épouser Anne de Bretagne ? Sa présence est attestée en 1500. Une chose est sûre, on relève toujours les armes de Louis XII, un porc-épic, sur la façade du grand logis. Nantes était d’évidence une place qui comptait au XVIe, en atteste la saillie prêtée à Henri IV, en découvrant le château (qui signera l’édit de Nantes quelques jours plus tard dans la pavillon construit par François 1er) : “Ventre saint gris, nos cousins de Bretagne n’étaient pas de petits compagnons.”
Pardon, question sans objet pour les Prunet. En revanche, il serait inéressant de savoir si le Richemond vient de ce Comté qui, par la grace de Jean IV et de la Couronne Anglaise, fut le titre du dernier Connétable de Richemont, futur Arthur III de Bretagne et compagnon de Jeanne d’Arc!
Bien à vous
MC
Dans les dégâts du XIXeme, si j’interprète bien Jules Verne, il y a eu aussi l’explosion de munitions dans une tour, entrainant la ruine de la Chapelle Ducale. Je me demande si votre architecte n’est pas le fils de Pierre Prunet, autre ABF à qui on doit la talentueuse restauration du petit hotel Tubeuf, rue de Richelieu, et de la Tour Jean Sans-Peur.
Pour le contexte, l’idéal serait de rétablir la circulation du fleuve, mais ne revons pas.
Sur Anne de Bretagne, l’émouvant récit de ses obsèques et du voyage du corps avec le fidèle Héraut Orris a été publié chez Aubry autour de 1860. C’est un texte d’une grande émotion malgré l’éloignement qui nous sépare du personnage.
Bien à vous.
MCourt
J’en ai peur, M. Court, mais à vrai dire, je n’ai lu de Marc Elder que le petit ouvrage qu’il avait rédigé en 1911 sur le château des ducs. Ouvrage que j’ai eu le plaisir d’offrir à l’architecte en chef des monuments historiques, Pascal Prunet, qui a présidé à la restauration du château qui, curieusement, ne le connaissait pas. Pour les amateurs de restauration je viens de retrouver en ligne l’enquête publiée il y a quelques années sur cette restauration (la magie des archives en ligne), à laquelle j’avais pris grand plaisir http://www.lepoint.fr/actualites-region/2007-02-01/un-chantier-monumental/1556/0/111355;
extraits :
Son premier chantier a été la façade du Grand Gouvernement. L’architecte l’évoque devant l’éclatant bâtiment dont la blancheur inonde la cour. Son exposé n’est pas toujours facile à suivre pour le profane, mais il affûte le regard et facilite la compréhension de ce monument composite et parfois déroutant. Cet expert explique comment le Grand Gouvernement, mutilé en 1800 par l’explosion de la tour des Espagnols, a été doté, du côté droit quand on lui fait face, d’une fausse travée (…).
Sur cette partie droite, les ouvertures ont la sobriété de l’époque classique, tandis qu’à gauche du grand escalier elles sont, à l’évidence, d’inspiration gothique. « C’est un choix qui avait été fait par mon prédécesseur », ajoute Pascal Prunet, qui souligne toute la difficulté de restaurer un bâtiment qui a connu divers états, ayant été plusieurs fois remanié. Au XIXe siècle, par exemple, en plein retour du gothique, on a remplacé les lucarnes classiques de 1680, qui avaient pris place sur les lucarnes du XVe. Il a donc fallu étudier chaque pierre en détail pour comprendre l’histoire du bâtiment et recomposer un nouvel ensemble. « J’ai eu l’occasion de voir les plans de l’entreprise Lefèvre, qui restaure les façades, commente Patrick Régnier. Chaque pierre est notée, et colorée en fonction de sa nature précise, de son origine. On sait si elle est en tuffeau, en creuil, en richemond ou en granite. »
Quoi qu’il en soit, pour le visiteur, le résultat, assez probant, permet de se faire une idée des différents habillages qu’a connus le palais ducal au cours des siècles. Est-ce bien au pied de ce grand escalier que d’Artagnan a arrêté Fouquet en 1661 sur ordre de Louis XIV ? Pascal Prunet confesse ne pas le savoir précisément, ce grand escalier ayant été construit peu avant ou peu après cette période à la place d’une tour préexistante. Il regrette qu’aucune étude historique d’ensemble n’ait été réalisée avant d’entamer les travaux. Curieusement, en effet, il n’y a pas eu de projet global de restauration (…)
A l’articulation de celui-ci et du Grand Logis, l’architecte désigne ensuite la tour de la Couronne d’or. Cette magnifique élévation, percée de loges, qui donne au palais ducal son aspect Renaissance et le rapproche de certains châteaux de la Loire, comme Blois notamment où vécut Anne de Bretagne. « Je ne serais pas surpris que l’inspiration soit italienne », note Pascal Prunet, qui relève que les loges sont tournées vers le royaume de France. Montrant d’infimes incises dans l’arête de la tour en tuffeau – « une pierre qui ne supporte pas la pauvreté architecturale » -, l’architecte plaide pour l’éclatante blancheur que la restauration a redonnée à l’ensemble. « A l’origine, les joints n’étaient pas apparents, la mode de la pierre nue et patinée nous vient du XIXe siècle. A l’époque, on travaillait sur de grands pans blancs, c’était une lecture lisse avec des arêtes vives, rehaussées de dentelles. Il faut se souvenir que le tuffeau est un parement. Plaqué sur un mur de schiste, il n’excède pas 20 ou 25 centimètres d’épaisseur. » Il est vrai que restaurée, blanchie, surmontée de ses flèches, la tour a très belle allure. Elle redonne à l’ensemble l’apparence de palais qu’il devait avoir à l’origine. Les bâtiments résidentiels à l’intérieur du château se sont, de plus, débarrassés de leur « gangue militaire » pour retrouver leurs atours de palais princier. La verticalité originelle d’allure plus altière restitue ce qu’avaient souhaité les ducs de Bretagne, qui inscrivaient ainsi leur pouvoir sur la ville et rivalisaient avec la cathédrale voisine.
Ah, la littérature des Conservateurs! On peut invoquer dans les poètes involontairement drolatiques Edmond Haraucourt, dont un recueil, L’Espoir du Monde, je crois, ambitionne de traiter les sujets laissés libres par la Légende des Siècles, t qui se révèle un Homère de la platitude.
La Troisième République, bonne fille, le nomma Conservateur à Cluny. D’une toute autre envergure, de Nolhac, l’Auvergnat qui releva Versailles après 1914, ne sut pas refuser de préfacer les poésies du bougnat Arséne Vernemouze, dont un square parisien Rue vMouffetard s’honore de porter le nom. Enfin, Quimper crut trouver son Heredia dans son Bibliothècaire, Frédéric Le Guyader, dont l’Ere Bretonne est une belle catastrophe.
D’une manière générale, on aimait bien, et ce n’est pas perdu, les bretonneries. Estce qu’Elder rentre dans cette catégorie, comme Savignon et ses “Filles de la Pluie”, gentiment moquées par Fourest?
Bonne soirée;
MCourt
On peut citer dans le même ordre d’esprit, Marcel Tendron, alias Marc Elder, qui emporta le prix Goncourt en 1913 avec “Le peuple de la mer”, éclipsant “Du côté de chez Swan” et “Le grand Meaulnes”. Il n’y a plus guère que la place éponyme, qui conserve le souvenir de cet ancien conservateur du château de Nantes.
D’Alembert, à qui pourrait répondre Rivarol:
“Un livre qu’on soutient est un livre qui tombe”. J’avoue avoir souvent cette citation présente à l’esprit quand je suis confronté à la production livresque et laurée d’une librairie moderne.
Et puis il y a les nanars des libraries anciennes. Ce qui s’est vendu pour de mauvaises raisons et qui devient invendable parce qu’illisible. Picciola de Saintine, Fabiola de Wiseman, Fanny de Feydeau père, totalement éclipsée par Bovary ,le théatre de Coppée…Monde de spectres parfois involontairement comiques. Parfois exhumés pour une étude, plus jamais lus pour eux memes.
Le miroir du passé renvoie le reflet de la condition des œuvres du présent, sitot parues, vite oubliées, peut etre exhumées un jour , mais pour des raisons extra-littéraires. La socio-littérature, par exemple.
C’était,à batons rompus, la pensée du moment!
A bientôt.
MC
“Malheur a tout roman qu’on a pas envie de relire” a dit quelque part d’Alembert, JC (de mémoire). Bienvenue dans le secteur (dois-je trembler ?). Un peu plus bas un papier sur l’urssaf qui pourrait vous inspirer.
Privilégier ce qui est neuf : lire ce qui n’a pas été lu.
Evidemment, relire est un acte neuf, si le temps entre deux lectures…. !
Intéressant ce désir de batailler avec le livre que l’on veut et ne veut pas lire, que l’on reprend comme un emprisonnement délicieux. Beau billet de lecteur-mousquetaire !
“De fait, le meilleur de Barbey est souvent dans la nouvelle, le roman bref, des Diaboliques à l’Histoire sans Nom, via l’Ensorcelée ou meme le Chevalier Des Touches ; un Pretre marié ou Ce qui ne meurt pas sont plutôt atypiques .” D’accord avec vous M.Court. Les nouvelles des Diaboliques ont le nerf qui semble faire défaut dans Un prêtre marié, où l’on s’embourbe un peu trop à mon goût. Le Chevalier Des touches ne souffre pas non plus de cet enfermement en vase clos. Peut-être parce qu’il ouvre sur un univers plus aéré, ces guerriers perdus de la chouannerie, alors qu’avec Sombreval on explore plutôt des prisons intérieures. Il est plus Court aussi. Vous me pardonnerez la pirouette.
Je ne suis pas sur que le catholicisme soit pour grand chose chez Barbey. Je pense meme que le mot adressé à Bloy? je vous vois écrire pour l’Eglise catholique et Romaine” n’est pas exempt d’une certaine vacherie. Ne pas oublier non plus qu’il lèguera ses droits à parts égales à la catholique Madame de Bourlon, et à la très protestante Louise Read.
Je suis davantage convaincu par l’aspect ultra du personnage. Nous avons une perception très négative de ce milieu, c’est oublier, comme Benoit Yver le rappelle dans ” La Restauration ” qu’il pouvait etre intelligent. S’y ajoute un phénomène bien connu de crispation nobiliaire d’autant plus que la famille est de noblesse très récente , circa 1770. un autre cas analogue serait Saint Simon, qui tranche du grand alors que son duché ne remonte guère qu’à son père, qui le doit à Louis XIII.
Le phénomène de repli, chez Barbey, face au présent, c’est d’abord ce cycle sur la chouannerie Normande qu’il n’écrira que partiellement et tardivement, mais qui était conçu comme une réponse à Balzac; c’est aussi l’adoption du dandysme, denière parade possible du noble face au monde; Qu’ on songe un peu à Balzac et nà son aristocratie de boudoir; plus un refus ostensible du romantisme dans ses excès, de la mythologie de la courtisane rédimée (ces femmes tombées qu’il fallait relever comme des pots de fleurs) et bien sur du discours hugolien;
Je crois que c’est lui qui parle de la Conversation comme de la fille des monarchies expirantes. De fait, le meilleur de Barbey est souvent dans la nouvelle, le roman bref, des Diaboliques à l’Histoire sans Nom, via l’Ensorcelée ou meme le Chevalier Des Touches ; un Pretre marié ou Ce qui ne meurt pas sont plutôt atypiques;
“Ecole de l’illisible” écrira Pontmartin, citations à l’appui;
ce qui ne signifie pas qu’ils ne débouchent pas sur quelque chose; Elemir Bourges leur devra quelque chose pour son Crepuscule des Dieux et ses Oiseaux s’envolent et les Fleurs tombent;
Mauriac disait que” Villiers et Barbey sont des maitres, mais des maitres dangereux;de fait, je ne vois guère de prolongement réussi des Diaboliques que dans le Lorrain de “Monsieur de Bougrelon”, outre bien sur l’Histoire sans nom de Barbey; Huysmans, c’est autre chose; Péladan, parfois la parodie;
je crois qu’il faudrait s’intéresser à l’onomastique barbeyienne: de Sombreval, de la Croix-Jugan, etc ; entre mentir-vrai et authenticité, à défaut des archives de Valognes flambées par la guerre, on pourrait peut-tre faire des découvertes intéressantes;
Bien à vous, en m’excusant d’avoir surtout parlé autour du roman, etd’avoir omis Une Vieille Maitresse qui j’espère, ne m’en voudra pas!
MC
Trop loin dans mes souvenirs, Barbey, mais merci Philippe de raviver l’envie, d’ailleurs la citation laissée sous l’autre billet qui citait elle-même d’Aurevilly, avait commencé le boulot. Je vais ressortir les livres. En revanche, Mirbeau ne faiblit pas à mon panthéon personnel, toujours en belle et très bonne place. Mais comment faire, entre ceux qu’on veut relire parce qu’on le doit, comme dirait Kant, et ceux qu’on veut lire parce qu’il le faut…. entre deux impératifs si séduisants mais pratiquement inconciliables dans l’espace de notre temps disponible, je m’offre une petite légèreté qui, ma foi, se digère vite et bien, Jacques Expert “Adieu”.
Voilà une œuvre mille fois arpentée ; après “Un prêtre marié”, une suggestion de relecture : “La Lettre écarlate” de Nathaniel Hawthorne.