[Note sur l’Islam] 3 juin 1956
C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains, cette montée de l’islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. A l’origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant par des solutions partielles. Ni le christianisme, ni les organisations patronales ou ouvrières n’ont trouvé la réponse. De même aujourd’hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam. En théorie, la solution paraît d’ailleurs extrêmement difficile. Peut-être serait-elle possible en pratique si, pour nous borner à l’aspect français de la question, celle-ci était pensée et appliquée par un véritable homme d’Etat. Les données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de dictature musulmane vont s’établir successivement à travers le monde arabe. Quand je dis «musulmane» je pense moins aux structures religieuses qu’aux structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet. Dès maintenant, le sultan du Maroc est dépassé et Bourguiba ne conservera le pouvoir qu’en devenant une sorte de dictateur. Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard ! Les «misérables» ont d’ailleurs peu à perdre.
André Malraux, le 3 juin 1956.
Elisabeth de Miribel, transcription par sténographie. Source Institut Charles de Gaulle. http://www.malraux.org/index.php/textesenligne/1116-islam1956.html
Texte prophétique… J’y trouve l’écho d’un commentaire écrit il y a quelques années (malheureusement perdu dans mes innombrables archives), où je voyais des similitudes entre l’islamisme et le communisme tel qu’il a commencé à exercer le pouvoir en URSS : même capacité à prospérer sur le fumiers des injustices, même obsession de la propagande, même embrigadement et gare aux déviants, aux tièdes, aux apostats. Il n’a pas encore fait autant de morts, mais ça en prend le chemin.
Je vois dans cette similitude une des explicitations de la complaisance d’une partie de l’extrême-gauche pour les barbus (même si c’est le fin collier du beau Tariq). Orphelins inconsolés de Staline, de Mao, de Pol Pot, d’un fonctionnement binaire organisé par des gens qui pensent et décrètent à votre place, d’un monde confortable où on doit ne pas dormir sur la dure couche du doute…