mis à jour le 24/04/16 à 16h40
Il y a une forme de romantisme, d’attachement à la culture technique et scientifique que les opposants à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes semblent ne pas comprendre, préférant réduire le conflit à une bataille entre défenseurs de la nature et bétonneurs. L’invention, l’innovation, la résolution de problèmes techniques apparemment insolubles sont consubstantiels d’un bassin industriel où l’on a conçu les premiers vapeurs, fabriqué les premiers avions. Où l’on planche aujourd’hui sur les EMR (énergies marines renouvelables). Le supposé aveuglement des populations ne suffit pas à expliquer l’attachement à ce projet, redouté par des opposants qui multiplient les obstacles pour que les électeurs soient consultés.
On n’échappe pas à l’histoire pour comprendre cet attachement. Et le travail sur le guide « S’installer à Saint-Nazaire » m’en donne l’occasion. L’aventure industrielle de cette ville passe en effet, très tôt, par la construction aéronautique. Dès 1923 les Chantiers de Penhoët débutent la fabrication d’un premier hydravion. Le Richard-Penhoët, un pentamoteur, n’aura pas un grand avenir – le prototype explose en vol – mais enclenchera une mécanique qui, depuis lors, n’a cessé de tourner et de marquer l’imaginaire local. Une de grandes questions à Saint-Nazaire est de savoir si l’hydravion jaune qui emporte Tintin et le capitaine Haddock dans « Les 7 boules de Cristal » a été fabriqué sur les bords de la Loire ou non.
La suite sera plus convaincante, les Ateliers et Chantiers de la Loire mettent au point un monoplan, le Gourdou-Lesseure 32. Cet avion, à structure bois recouverte de toile, est assemblé près de l’aérodrome d’Escoublac à La Baule. Il en sera fabriqué 257 exemplaires. Quelques années plus tard, la décision est prise de construire un aérodrome sur la commune Montoir. Il s’agit notamment de répondre à la demande d’une compagnie aérienne britannique qui choisit Saint-Nazaire comme escale sur une ligne régulière desservant l’Afrique et les Indes. Les grands espaces n’ont jamais fait peur aux Nazairiens, c’est une ville de pionniers.
En 1934 Louis Bréguet reprend la société Wibault-Penhoët, issue de Chantiers, et s’installe à Bouguenais, près d’un champ d’aviation créé en 1928, où est aujourd’hui installée l’une des deux usines Airbus du département. L’autre étant naturellement située à Montoir près de la piste de Gron.
Autre histoire facétieuse déjà évoquée ici, c’est Notre-Dame-des-Landes que les Américains choisissent en 1944 pour installer un petit aérodrome de campagne d’où décollent leurs avions d’observation qui surveillent la poche de Saint-Nazaire jusqu’en mai 1945. La ligne de démarcation se situe à quelques kilomètres entre Fay-de-Bretagne et Bouvron. Il s’agit de Piper, vraisemblablement du modèle Grassshoper.
On pourrait ainsi dérouler l’aventure jusqu’à nos jours et notamment évoquer le Beluga, familier des habitants du département, ce gros nounours qui transporte les pièces des Airbus entre les différentes usines. Mais là n’est pas la question. Allez dire à cette région d’inventeurs, qui a toujours cherché des solutions pour adapter, améliorer ses productions – Nantes a allégé les Airbus avec ses caissons centraux de voilure en carbone, dotés d’une structure en nid d’abeille – allez dire que le transport aérien est condamné.
Cette peur de l’avenir ne lui ressemble pas. Les ingénieurs préfèrent inventer les hydroliennes et les avions du futur, qui mangeront moins d’énergie évidemment. Et si la régression qui consiste à refuser un équipement plus adapté aux contraintes du jour les étonne, ils ne la cautionneront vraisemblablement pas, comme le montrent toutes les enquêtes d’opinion. Même s’ils ne se déplacent pas en foule. C’est ce qui fait peur aux opposants, pour la plupart venus d’ailleurs, de régions où ne construit pas d’avions, et prisonniers de représentations bucoliques. Souhaitons malgré tout que la population puisse s’exprimer et que son vote soit respecté.
Images : DR
On pouvait aussi continuer à construire des avions en bois sur l’aérodrome d’Escoublac Al Ceste. On peut aussi rouler sur des routes en ciment. Tout est toujours possible.
De toute façon, la question ne va bientôt plus se poser, les tritons parisiens sont beaucoup moins susceptibles : https://www.francebleu.fr/infos/societe/un-aeroport-en-pleine-beauce-d-ici-20-ans-1458254362
Heu… tous ces progrès peuvent fort bien être réalisés sur l’aéroport actuel !
(Certes, mais papa Vinci sera vénère, là)
Cher Philippe, parmi tous les romantismes, j’avoue de la tendresse pour celui des inventeurs et des aventuriers de la technique, comme toi.
Eric fb