Si, dans l’ordre de l’esprit, nous voulons peser les réussites depuis la Renaissance jusqu’à nous, celles de la philosophie ne nous arrêteront pas, la philosophie occidentale ne l’emportant guère sur la grecque, l’hindoue ou la chinoise. Tout au plus les vaut-elle sur certains points. comme elle ne représente qu’une variété de l’ordre philosophique en général, on pourrait, à la rigueur se passer d’elle et lui opposer les méditations d’un Cankara, d’un Lao-Tseu, d’un Platon.
Il n’en va pas de même pour la musique, cette grande excuse du monde moderne, phénomène sans parallèle dans aucune autre tradition; où trouver ailleurs l’équivalent d’un Monteverdi, d’un Bach, d’un Mozart ? C’est par elle que l’Occident révèle sa physionomie et atteint à la profondeur. S’il n’a créé ni une sagesse ni une métaphysique qui lui fussent absolument propres, ni même une poésie dont on put dire qu’elle est sans exemple, il a projeté, en revanche, dans ses productions musicales, toute sa force d’originalité, sa subtilité, son mystère et sa capacité d’ineffable. Il a pu aimer la raison jusqu’à la perversité; son vrai génie fut pourtant un génie affectif. Le mal qui l’honore le plus : l’hypertrophie de l’âme. Sans la musique il n’eut produit qu’un style de civilisation quelconque, prévu… S’il dépose donc son bilan, elle seule témoignera qu’il ne s’est pas gaspillé en vain, qu’il avait vraiment quoi perdre.
Emil Cioran, La tentation d’exister. Pl, p 290/291.
Autre mauvaise lecture d’Onfray à propos de ses amis les sophistes : n’avoir pas mis en avant que, comme précepteurs de fils de familles riches en capacité de les rétribuer, les sophistes qu’il aime en raison de leur vertueuse tendance à déplaire à Socrate, donc à Platon, sont sacrément regardant sur leur public, ce qui leur évite d’être sacrément regardant quant à la vérité de ce qu’ils professent. La validité leur suffira bien. Elle est moins durable et plus malléable.
En plus, j’avais oublié, mais je viens de le relire , qu’il est même arrivé que Socrate prenne la défense de certains sophistes, ironiquement certes, mais la prenne quand même. Ce qui montre qu’Onfray n’a pas forcément tout bien lu. (Ménon, 91c et sqq). L’opposition n’est pas toute nette. C’est l’horrible Platon qu’il faut abattre, après tout, c’est lui qui tient la plume…. Il fait dire à Socrate (Protagoras, 313, c) par le biais d’une métaphore alimentaire qu’il faut se méfier de qui présente une nourriture dont on ne sait si elle peut empoisonner. Par principe, Onfray va demander qu’on se méfie plutôt de Socrate/Platon que des sophistes, cette détestation doit bien cacher quelque chose…. Mettons donc toute notre énergie -dans la “logique” de la contre-philosophie dont il se dit le père, l’inventeur, le dépoussiéreur (au secours Freud, Onfray n’a cessé de ripoliner son image de fils de femme de ménage…. bon, d’accord, je pousse un peu. Juste un peu….) mettons toute notre énergie à dire le contraire de ce qui se dit. Les sophistes sont fréquentables parce que Platon est leur ennemi juré et que je suis, moi, Michel Onfray, l’ennemi juré de Platon. Est-il aussi l’ennemi juré de Xénophon qui les traite ouvertement d’être des “maîtres d’imposture”?
Les Sophistes ne rament que dans le sens de ce qui leur rapporte. Pour de vrai (espèces sonnantes et trébuchantes) en symbolique (image, pouvoir, adulation du public qu’ils séduisent et retournent comme des crêpes)
Onfray est un sophiste, il n’a jamais prétendu l’être.
Je sais, je suis bête à manger du foin.
La réhabilitation (intellectuelle) des sophistes, elle est déjà chez Guthrie et chez J de Romilly, elle vient à point nommé pour en finir, en effet, avec une image tout droit venue du XIXème siècle qui faisait d’eux surtout les accusateurs de Socrate, quelque chose comme des garnements de la pensée, une image caricaturale qui ne tenait pas compte de leurs véritables compétences et savoirs. Une fois de plus, Onfray n’a rien inventé. Mais ce qu’il dit des sophistes il le dit au prisme de sa détestation de Platon. Comme tout ce qu’il avance, il le fait toujours aux verres déformants, grossissant ou rapetissant, c’est selon, de ce qui l’intéresse. Comme on dit, il tire la couverture à lui. Le passage “éloquent” l’est en effet : passer de la situation très particulière de l’agora athénienne d’il y a 2500ans à…. devinez quoi? l’Université Populaire d’Onfray! Onfray montre qu’Onfray a raison de dire ce que dit Onfray! il est en effet très fort! en ce sens, il est sophistique, dans ses procédés, ce que j’ai affirmé plus haut, et confirme. Mais il ne peut se revendiquer comme tel, -comme il se revendique athée par exemple- se serait se revendiquer ouvertement manipulateur. Ce que fait Onfray par pure posture, c’est placer les Sophistes historiques en avant de Socrate et/ou Platon, pour mieux se vendre lui-même. Pourvu qu’il trouve quelque chose qui le sert, il s’en sert. C’est ainsi pour tout. Donc ici les Sophistes sont fréquentables parce qu’ils ont fait du…. Onfray avant l’heure! Youpi! super!
(cet après-midi sur F.C, R.Enthoven parlant de Nietzsche, avec subtilité et nuances, expliquant finement et le citant précisément, rappelant que l’image détestable qui traîne encore d’un Nietzsche seulement “destructeur” vient des mauvaises éditions (partiales et partielles) et mauvaises traductions du début du XXème. Quand l’intelligence, le savoir, s’allie à une expression perlée et une pensée construite, on en oublie où l’on va et l’on fait -j’ai fait- 50 kms de plus, mais pas de trop!)
Philippe, nous sommes d’accord : je n’ai jamais dit qu’il en était vraiment un mais juste qu’il le prétend.
après il serait intéressant de voir pourquoi il ne l’est pas : pour moi il ne l’est pas parce qu’il rame dans le sens du courant de l’époque : ce que ne faisaient pas les sophistes (?).
quelqu’un a lu le livre de Barbara Cassin sur les sophistes ?
Vos pièces sont convaincantes sur un point, Puck, Onfray considère qu’il faut réhabiliter les sophistes, (disons arrêter de les prendre pour des clowns, ce qui, il est vrai, est abusif). Mais je ne suis pas certain qu’il se pare de cette toge.
Sur le fond, vous avez raison, c’en est un en quelque sorte.
merci Elena pour ce texte.
sur Onfray et le sophisme j’ai trouvé ça :
http://michel.onfray.pagesperso-orange.fr/19_nov.htm
et ici un résumé de ce séminaire :
trouvé ici : http://philonsorbonne.revues.org/571
“…Non, ils (les sophistes) ne sont pas condamnables, nous dit Michel Onfray dans une chronique nommée : « réparation faite aux Sophistes ». Il rappelle déjà les glissements sémantiques qui ne sont pas seulement propres aux sophistes. Le mot sophiste continue de véhiculer une connotation péjorative, de tromperie, de sophistication, de manipulation du langage, de propos spécieux seulement destinés à tromper l’interlocuteur. C’est nous dit-il la vindicte de Platon à l’égard des Sophistes qui a perduré dans le temps. Platon réfutait l’idée première de Protagoras qui faisait de « l’homme la mesure de toute chose », les Sophistes disaient alors qu’il fallait d’abord appréhender le monde comme il est, placer la réalité avant l’idée. (Tout comme l’élève de Platon, Aristote). Ils étaient pour cette époque un peu des nomades de la philosophie, ils n’enseignaient pas dans une école, dans des lieux réservés, mais directement près du peuple, ils sont craints car ils sont d’habiles rétheurs, ils ne défendent pas comme Platon les lois, ils ne vantent pas l’idée du roi philosophe. Leur enseignement s’en trouvait moins élitiste, ils enseignaient aux fils du peuple la rhétorique qui pouvait leur permettre d’accéder aux fonctions représentatives, ils enseignaient au plus grand nombre, avec eux on va philosopher dans la rue, il sont alors considérés comme subversifs, ils représente déjà l’idée d’éducation populaire, ce qu’on appelle aujourd’hui Université populaire, ce qui déjà mettait en danger les pouvoirs culturels et politiques en place, ceux qui sont les soutiens des dominants d’une époque. Et, ce que leur reprochait surtout Platon qui était un aristocrate, c’est qu’ils se faisaient payer, et qu’ils travaillaient plus sur la forme que sur le fond. De plus, leur philosophie se faisait hors d’Athènes, autre sujet de désagrément pour Platon pour qui tous les habitants des autres cités étaient pratiquement des étrangers, (le parisianisme d’aujourd’hui). Aujourd’hui ceux qui font profession de philosophie, profs enseignants, écrivains.., philosophe de plateau de télévision sont payés et nous n’y voyons rien d’anormal. (Fin du texte de Michel Onfray).”
passage éloquent : “les sophistes enseignaient au plus grand nombre, avec eux on va philosopher dans la rue, il sont alors considérés comme subversifs, ils représente déjà l’idée d’éducation populaire, ce qu’on appelle aujourd’hui Université populaire, ce qui déjà mettait en danger les pouvoirs culturels et politiques en place, ceux qui sont les soutiens des dominants d’une époque.”
les sophistes représentent l’idée d’une éducation populaire comme celle qu’il pratique.
mais je ne vois vraiment pas comment il pourrait en être autrement : de qui, mieux que les sophistes, peut se réclamer Onfray ?
quand on lit le soutien de Nietzsche (cf article d’Elena) je ne vois vraiment pas comment ce petit disciple pourrait aller contre la pensée de son Maitre.
NB important : cela dit, c’est ce qu”il se prétend être – mais il n’est jamais ce qu’il prétend être : il n’est pas le sophiste de notre époque dans la mesure où il est conforme à l’air du temps, il est même d’une conformité accablante.
l’écart chez Onfray entre l’image qu’il se fait de lui et qu’il veut renvoyer aux autres et la réalité de ce qu’il est gigantesque.
est-ce un jeu ? s’amuse-t-il ? ou bien arrive-t-il à se tromper lui-même sur ce qu’il est ?
il faudrait lui poser la question, dans tous les cas on est à des années lumières de l’idée que nous pouvons nous faire d’un philosophe, ou alors est-ce moi qui me fais une trop haute idée de la philosophie ?
ds cet article on retrouve la source des propos de Nietzsche sur les sophistes
http://philonsorbonne.revues.org/571
En ce qui concerne M.O., je ne suis d’aucune aide.
À quoi tient le jeu de bascule entre lucidité & égarement … cela me rappelle la balle en équilibre instable sur le filet ds Match Point de Woody Allen.
En somme il s’en est fallu de peu, j’aurais pu succomber comme tant d’autres à la séduction de cette attitude “anti-establishment”. Vieil attrait pour les sophistes (l’esprit de contradiction des adolescents, sans doute, la fascination devant l’équivalent textuel de l’image canard/lapin, l’énervement devant la tactique socratique ds certains dialogues tels qu’ils ns sont rapportés), tr ancien malaise vis-à-vis du côté “bien né” de Platon (je sais, je sais, le jeune esclave n’est aucunement fermé par nature à la géométrie) & de certains aspects de sa république …
Dieu merci (!), j’ai découvert le dit M. O. à travers son Traité d’Athéologie ce qui m’a permis de prendre immédiatement la mesure du personnage, de son envergure & son honnêteté intellectuelles. Un peu comme qd on tombe sur un article de journal qui parle d’un domaine que l’on connaît …
Par chance mon “passeur” à moi aura été Jankélévitch ; qui sait, si j’avais vu & entendu M. O. faire la promo d’un de ses bouquins au lieu de Janké à Apostrophes … De fil en aiguille, d’autres ont pris le relais (mon esprit de contradiction m’ayant entraîné vers Aristote, Aubenque par ex).
N’importe qui est capable de cette démarche, celle que l’on accomplit lorsque l’on “s’attaque” (au sens sportif & non guerrier) en autodidacte à un massif de connaissances inconnu ; je suppose que c’est la même qd on aborde le jazz, le jardinage, les moteurs ou la civilisation japonaise ou les sagas islandaises. On commence par tirer un fil, on sait qu’il y faudra du tps, de la patience & des efforts, mais on ne s’arrête plus car le bonheur de la découverte est un moteur efficace.
Si l’on n’a pas suivi un joueur de flûte qui vs promet des raccourcis & une randonnée sans peine — “aie confiance, crois en moi & suis-moi sans te poser de questions”. En somme, le principe du sé-ducteur est tjs le même (qu’en Gn 3, Mc 1:12-13, Mt 4:1-11 & Luc 4) : théorie du complot, jeu sur le ressentiment, tentation de la facilité, publicité mensongère & ce petit détail : prosterne-toi devant moi, je pense pour toi.
D’où tenez vous, puck, qu’Onfray se revendique comme sophiste ? Il vous faut préciser vos sources. Je ne l’ai , pour ma part, jamais lu lancer une telle affirmation, qui le discréditerait, ce qui n’est pas le genre du personnage.
Il est important que vous donniez ces sources parce qu’autrement votre raisonnement s’écroule.
non non, Onfray fait l’éloge des sophistes et se range lui-même dans cette catégorie. si on ne comprend pas cet aspect on ne comprend rien au phénomèe Onfray.
pourquoi ?
parce qu’Onfray est simplement une marionnette de Nietzsche.
N. dit d’emblée que son but est de démolir Platon (avant même de s’en prendre à Paul) et toute ce qui va suivre, à savoir de la pensée du Maitre qui détient une Vérité qu’il distille à ses élèves.
je ne sais où N. dit un truc du genre : “c’est la joute qui m’intéresse, elle fait de moi un poète, un rhéteur et un sophiste.”
Pour N. (et donc aussi pour Onfray) Platon est un “idéaliste” dont la pensée vise à stabiliser le monde (et la politique), par contre le sophiste est un “réaliste” qui n’ont pas peur de se confronter au réel, ce réel venant déstabiliser une pensée “établie”
pour N. Onfray cette pensée socratique engrangera une philosophie “scolaire – universitaire” visant à consolider la pensée établie et qui a fait de la philosophie l’équivalent de la pensée religieuse c’est là l’aspect révolutionnaire du sophistes qui n’a pas peur de mettre la bazar et donner un coup de pied dans la fourmilière de la ‘bien pensance”.
c’est justement ce refus d’entrer dans le jeu qui fait de N. Onfray un philosophe, pour eux le sophiste incarne l’image du “vrai” philosophe.
à partir de là il n’est même pas utile d’écouter ce qu’il a à dire de Spinoza, c’est écrit d’avance, comme pour Camus et tout les autres : il fera (comme pour tout le reste) l’éloge de ce qui entre dans cette opposition Socrate/sophistes.
une fois qu’on a compris comment fonctionne cette mécanique fonctionne il ne sert à rien de l’écouter, il suffit de comprendre les “systèmes d’oppositions nietzschéens” et hop ! c’est comme un magnétophone, on appuie sur le bouton et c’est parti.
c’est l’avantage d’Onfray : comme il n’y a jamais de surprises dans sa pensée il nous fait l’économie d’avoir à l’écouter, et si vous voulez je peux vous dire d’avance tout ce qu’il va dire sur Spinoza.
c’est une pensée sans surprise, une pensée mécanisée, une pensée robotisée, de la pensée motorisée : donc tout le contraire d’une pensée philosophique qui justement est là pour nous surprendre, voire pour surprendre celui qui la pense, comme quand on lit Descartes, ce qui fait toute la beauté et la grandeur de Descartes quand il retrouve devant une idée qu’il n’avait pas prévue et devant laquelle il ne sait plus comment s’en dépatouiller, c’est la pensée de tous les philosophes qui n’ont pas peur de s’engager sur des chemins dangereux pour eux : Onfray est un trouillard qui n’osera se mettre en danger, il s’est construit des remparts, des hauts murs pour se prévenir de toutes surprises.
ce faux semblant de pensée courageuse qui ose dire ce que personne ne veut entendre c’est en fait la pire pensée de pantouflard : les sophistes n’avaient pas peur de penser contre eux, Nietzsche n’avait pas peur de penser contre lui, et Onfray s’imagine qu’en étant nietzschéen il va jouer le rebelle alors qu’il ne sort jamais du copié collé, et tout le monde applaudit son merveilleux courage.
vous comprenez comment ça marche ? c’est hyper important de le comprendre parce qu’on est là au coeur de la supercherie : faire passer du copié collé pour de l’aventure.
c’est lamentable.
Je choisirais bien, Philippe, votre proposition “ivre de son image”…
Pour Spinoza, comme je sais par avance qu’il va ignorer les pointures universitaires sur le sujet (je pense à Pierre-François Moreau par ex) et qu’il n’est pas latiniste pour s’arrêter sur quelque usage particulier au XVIIème de telle occurrence, son Spinoza va revendiquer, allez, je prends les paris, la joie, la nature naturante et la nature naturée…. c’est son leitmotiv… Va-t-il, là aussi, réécrire sa pensée politique dans l’encre de ce qu’il veut lui faire dire, plutôt que de ce qu’il dit vraiment? c’est aussi à parier. Ah oui, il y a aussi la question de la liberté, pour laquelle je parie aussi qu’il va la réduire à celle du déterminisme, faisant fi de la subtilité de la proposition spinoziste sur la compatibilité entre Nécessité (sens premier) et indépendance. N’empêche que, là encore, il est franchement culotté de s’en prendre à un tel monument, alors que ceux qui y consacrent leur vie choisissent de se mesurer à leurs pairs, avec prudence et humilité. Pour Spinoza, il faudrait aussi, ça aide, une plus que bonne culture hébraïque.
Je sais qu’on a essayé de le faire taire, sur France Culture, en raison de son manque de rigueur, de précision, de maîtrise des questions qu’il traite, d’absence de travaux donc de confrontation de haut vol avec les spécialistes. Je ne sais pas qui le soutient ni comment il fait, en cela c’est un sophiste à l’ancienne : se faire payer pour prodiguer un savoir dont la forme et le succès l’emportent sur la véracité.
Non, Onfray ne se revendique pas comme sophiste. Le mot a, aujourd’hui, mauvaise réputation, et comme, une fois encore, sa signification originelle est déformée, oublieuse de ce qu’elle doit à la magnificence de l’Athènes du Vème siècle avant JC, il ne vaut mieux jamais dire qu’on est sophiste. C’est moi qui qualifie ainsi notre normand. C’est une sorte de Protagoras, que Socrate, d’ailleurs, lui-même admirait. Il n’y a qu’à lire le passage dans le Dialogue platonicien du même nom, où Socrate plante là ses amis et interlocuteurs pour aller écouter Protagoras qui vient d’arriver en ville, dit-il. De mémoire, pas le livre sous les yeux. Historiquement les sophistes sont d’authentiques savants, ils maîtrisent des connaissances que peu de leurs contemporains ont. Ils sont précepteurs, professeurs, orateurs. Ils proposent leurs leçons, leurs services, leurs discours au plus offrant, (ledit Portagoras était devenu richissime) mais ne sont candidats ni au lynchage, ni à l’inimitié du peuple qui les écoute très favorablement. Etrangers à Athènes, mais de langue grecque (venus de Sicile par exemple, pour Gorgias, un autre très célèbre et très riche à l’époque de leur gloire, soit moins d’un siècle), ils ne soulèvent pas les foules pour leur proposer de sujets polémiques, mais pour faire montre de leurs talents. Courage non, pas exactement, ni lâcheté d’ailleurs, ce n’est pas de ce registre. A l’époque de Socrate, c’étaient eux les célébrités! C’est en ce sens, et seulement en ce sens, que je dis d’Onfray qu’il est un sophiste : quelqu’un qui use de séduction par le langage, pour en tirer gloire, profit, puissance, reconnaissance, et bénéfices très lucratifs. Qui n’hésite pas, si cela peut servir son image, à déployer des thèses contraires. Là encore aucun pugilat à l’horizon, aucune antipathie envers eux. Ils n’en avaient tout simplement pas les moyens, c’eût été leur mort politique (à la dimension de la cité, de la polis). A une époque et au seul endroit de la péninsule grecque où la parole pouvait être publique, c’est-à-dire quasi libre (faisait pas bon être à Sparte, à Thèbes par ex….) les sophistes étaient respectés. Pourtant Socrate va dénoncer l’imposture du détournement de cette parole publique aux fins d’intérêts privés et la postérité retiendra la figure du philosophe contre celle du beau parleur, serait-il savant. L’un des meilleurs livres sur la question est celui de l’Allemand Guthrie, mais il y a toujours l’inoxydable Jacqueline de Romilly (Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès), plus littéraire, mais aussi plus “lisible”. Du travail de spécialistes.
Onfray, sophiste. Oui au sens moderne c’est-à-dire celui qui vise les effets qu’il produit ; oui, au sens grec (athénien), celui qui préfère séduire et satisfaire celui qui l’emploie ou le soutient, en raison de ses réelles connaissances dans un domaine donné (la logique, la grammaire, la rhétorique, l’art oratoire) devrait-il y perdre son âme, comme on ne disait pas à l’époque. Mais jamais Onfray ne s’est revendiqué lui-même comme étant l’un ou l’autre, l’ancien ou le moderne, car, dans les deux cas, et il le sait très bien, ce n’est pas une belle image!
Pas certain, Puck, qu’Onfray se revendique comme sophiste. Ce n’est pas vraiment un compliment de nos jours. Mais peu importe, c’en est un à bien des égards. La question est ailleurs, me semble-t-il. Est-il conscient de son imposture, est-il un joueur, qui s’amuse en ayant compris la mécanique des medias (de ce point de vue il est devenu un virtuose), ou est-il ivre de son image ? Auquel cas il s’expose au dérapage (comme celui cité). C’est un peu dommage de dilapider ainsi une belle intelligence (c’est quand même une sacrée mécanique).
Je suis allé voir le programme de ses cours qui seront diffusés sur France cul cet été. Il va longuement évoquer Misrahi, le spécialiste de Spinoza. Pas con, du pain bénit. Je ne sais pas si j’aurai le réflexe ou le temps de l’écouter, mais si je tombe dessus je jetterai une oreille.
Onfray se dit “sophiste” sauf que les sophistes n’avaient pas peur de tenir des discours qui mettaient le public en colère, ils prenaient le risque de se faire lyncher, au moins les sophistes faisaient preuve de courage, même si ensuite, dans le même discours ils changeaient de cap et démontraient de la plus belle façon des idées totalement contraires à celles qu’ils défendaient un instant plus tôt, et là le même public, oubliant qu’un instant plus tôt il voulait le lyncher se mettait à l’applaudir : c’était toute la beauté de la mise en scène des sophistes, montrant par là qu’il ne fallait pas mettre la forme au dessus du fond, et qu’un beau parleur pouvait aussi bien enfumer son auditoire dans un sens que dans l’autre.
nous en avons quelques beaux spécimens en politique qui savent adapter leur voilure au vent.
le problème d’Onfray c’est qu’il représente le niveau zéro du sophisme, il n’a aucun courage, qui sont les adversaires contre lesquels il boxe : l’état, la politique, la démocratie, l’université, le sujet transcendant kantien, la religion, Freud, le socialisme, les anti hédonistes, les anti individualistes ? tous des moribonds, tous ces adversaires nous leur avons déjà réglé leur compte depuis longtemps,
Onfray tire sur des ambulances et boxe contre des manchots moribonds tétraplégiques
c’est ça l’idée que nous devons nous faire de la philosophie ? boxer contre des culs de jatte ?
le problème est qu’en étant la honte de la philosophie il devient notre honte à tous parce que la philosophie, me semble-t-il, selon la définition de Kant des Lumières, vous me corrigerez si je me trompe c’est aussi ce qui permettait de sortir de l’état de tutelle, parce que Kant nous imaginait non pas comme des individus capables de penser par eux-mêmes mais des sujets capables de faire appel à une raison commune partagée par tous.
à quoi ça sert de sortir de l’état de tutelle si c’est pour se remettre sous la tutelle d’un demi sophiste à la noix ? pourquoi cette remise sous la tutelle du premier imbécile venu ? simplement parce que les gens sont totalement perdus dans leur tête et ne savent plus ce qu’ils doivent faire.
il ne faut surtout pas sous estimer le phénomène Onfray : il représente lui-même la preuve de notre fragilité, et surtout ce qui plus grave c’est que cette remise sous tutelle de tout un peuple peut se faire dans l’indifférence générale, nous pouvons du jour au lendemain tous devenir des Orgon et nous laisser enfumer par un discours qui nous renvoie une belle image de nous-mêmes, et ça sans que personne ne bronche, pas un seul intellectuel n’ose dire “hého attention !”, et voilà le processus qui va permettre de remettre au pouvoir demain les régimes totalitaires en Europe dont Onfray n’est que le signe avant coureur, et où sont nos Thomas Mann d’aujourd’hui ? piouf ils sont partis en fumée, nada il n’y en a plus la queue de la moitié d’un à l’horizon, Jourde réagit dans son article parce qu’Onfray s’en prend encore aux universitaires, mais les universitaires ne représentent que la partie la plus infime de nos problèmes, croyez-moi cette histoire est bien plus grave qu’elle n’y parait, bien bien plus grave, et nous allons avoir l’occasion de nous en apercevoir très vite.
Ce qui signifie, in fine, qu’éducation, savoir, connaissances, travail au scalpel de l’analyse, de la logique et de l’étymologie, sont nécessaires si l’on ne veut pas être victimes de ce que l’on dénonce. Pour ma part, ce n’est pas parce qu’une signification s’est avachie que je vais choisir d’en user en cette posture. Le signifié l’emportant sur le signifiant dont il n’est cependant jamais indépendant, ne vaut-il pas mieux résister à cet affadissement, ce gauchissement, plutôt que participer, collaborer à le répandre, y compris en accusant les pseudo philosophes de se proclamer philosophes. Résister à cette reconnaissance, c’est prendre le combat d’un autre bout. Mais c’est le mien. Montrer ce que la philosophie est et doit être, précisément, sans concession (raisonnement désintéressé, et non pas “art de vivre au quotidien” et empilement de références non enracinées dans une exigeante rumination, exilé en soi-même).
L’usure des mots au profit des sophistes de tous poils, c’est contemporain de l’émergence du Logos. Onfray est un sophiste -il sait des choses (sophos, il n’est pas ignorant) tels les rhéteurs du Vème avt JC, qui n’étaient pas des imbéciles, mais il fait de ce qu’il sait un moyen au service d’autre chose (en l’occurrence sa “petite usine” comme l’a si bien montré récemment le n°1 de la revue Crieur, dans le long article lui est consacré, et encore, tout n’y est pas dit!)….. Il doit avoir les oreilles qui lui chauffent en ce moment! C’est vrai que cela fait un peu longtemps que dure l’arnaque, mais plus la dénonciation sera fortement argumentée et étayée (comme l’article relayé par Elena) plus dure sera la chute.
justement, puisque la philosophie est avant tout affaire de langage, la première étape n’est-elle pas de bien choisir le mot lorsque nous qualifions un auteur ?
première leçon de philosophie : pourrions-nous nous fier à un monde qui nomme une poire un abricot et un chat une grenouille… ?
un petit jeu, cherchez l’erreur (rayer les propositions fausses) : Spinoza est un philosophe – Ferry est un philosophe – Kant est un philosophe – Enthoven est un philosophe – Platon est un philosophe – Onfray est philosophe – Descartes est un philosophe….
à l’évidence non.
qu’est-ce que Onfray est s’il n’est pas philosophe ?
il faut aller chercher la réponse chez Molière.
dire simplement d’Onfray qu’il est un imposteur comme Tartuffe n’aide pas.
Molière n’a pas voulu démolir Tartuffe mais Orgon. qui est l’Orgon d’Onfray ?
c’est nous ! c’est notre société qui a besoin d’entendre les discours plein de dévotion du Tartuffe Onfray.
c’était fatal : nous ne pouvons pas vivre sans curés, et sans religion, nous avons viré nos anciens curés il fallait qui nous en trouvions de nouveaux pour nous consoler, parce que nous avons besoin d’être consolés de ce que nous sommes, parce que d’un côté nous sommes fiers de ce que nous sommes, mais d’un autre, l’autre nous regardons le monde qui nous entoure notre fierté s’évapore, et il est important qu’elle ne s’évapore pas sinon c’est tout notre édifice qui s’effondre.
alors nous nous sommes trouvés de nouveaux curés et pour ne pas avoir totalement idiots nous les avons appelés “philosophes”, c’est tellement plus à la hauteur de l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes .
c’est une affaire de langage, quand on commence à se mélanger à ce point les pinceaux au niveau du langage cela cache forcément quelque chose.
Le philosophe à la botte du pouvoir…. pas les philosophes “authentiques”, ceux qui ne la ramènent pas, comme je les appelle. Ceux-là sont par vocation intellectuelle des contempteurs de la domination de l’homme par l’homme, qu’elle soit de force physique, ou de mots, pour faire vite, (ce qui ne devrait pas se faire, car dans la généralisation on trouvera peut-être quelques hiatus…) Si “philosophe” est, en revanche, une appellation autoproclamée sur le seul critère du nombre de pages, de livres -quelle qu’en soit l’imposture- sur le coefficient de “popularité”, de nos jours étalonnée au nombre de passages en plateau-télé, alors la formule convient, si l’on peut dire. Mais, nous ne parlons pas des mêmes sous le même mot. Tout vient de là.
Il y eut beaucoup de philosophes médiatiques, si c’est la définition que vous en donnez, et au moins autant d’hommes de lettres, entre 1789 et mettons 1866. Les nippes du fantome de Victor Cousin habilleraient bien Michel Onfray. Et l’enseignement de la philosophie en France ne s’est jamais relevé de ce fantome là,
Bien à vous.
MC
merci pour le lien, ça y est c’est fait ! j’ai mis un commentaire sur le blog de Jourde (il modère les commentaires…), dans lequel je lui explique en deux mots que c’est tout à fait normal, qu’à toutes les époques on a toujours trouvé des philosophes à la botte du pouvoir, avant du temps où le pouvoir était politique les philosophes étaient à la botte des princes et des rois, mais qu’aujourd’hui le pouvoir a changé de camps, il n’est plus politique, il est médiatique, et du coup les philosophes à la botte du pouvoir d’aujourd’hui étaient les philosophes médiatiques, qui produisent une pensée qui rame dans le sens du courant général, en fait si on y réfléchi 2 secondes tout ça c’est d’une logique très simple, même un gamin de 4 ans pourrait la comprendre, c’est bien que des types comme Jourde commencent à réagir mais le problème est que ça arrive beaucoup trop tard, le mal est fait, ça fait plus de 10 ans qu’Onfray et les autres avec leur esprit bourgeois réactionnaire et ultra libéral nous dépolitisent les gens, et maintenant avec son dernier bouquin et sa philosophie du terroir Onfray nous normandise Heidegger, la seule chose qu’il faut espérer, pour qu’Onfray et son ami FOG obtiennent la reconnaissance qu’ils méritent, c’est qu’une fois élue Marine le Pen baptise de leur nom une rue ou un boulevard, ce serait pour eux une véritable consécration, et tellement méritée.
Lu cela en effet. Son pote F.O.G a les yeux de Chimène pour lui…. Je suis quand même scotchée de son aplomb.
Sévère effectivement. Mais notre bulldozer national n’a peur de rien. L’encre de son dernier bouquin n’est pas encore sèche qu’il se lance dans une contre-histoire de la révolution française : http://www.lepoint.fr/histoire/onfray-ma-contre-histoire-de-la-revolution-francaise-1-08-07-2015-1943206_1615.php. Tant que ça marche…
Extra! Super! Merci Elena.
A diffuser encore, et encore.
Je pense que Philippe va être ravi!
Je ne fais que relayer — là je crois que ns serons ts d’accord :
http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/07/08/onfray-escroc-intellectuel-565830.html#comments
Difficile de rebondir : le menu de la conversation est trop copieux et mon état de concentration trop misérable pour ajouter quelque chose de pertinent à l’heure qu’il est (je vais toutefois revisiter la lecture des dix plaies d’Egypte à la lumière de l’éclairage d’Elena). Merci au passage, Elena, d’voir ressuscité ce match de foot d’anthologie entre philosophes.
Je mesure, une nouvelle fois, à quel point il est difficile de tenir une conversation entre interlocuteurs qui ont des approches si différentes. Pour ma part, la posture de puck, en histrion patenté, ne me dérange pas. La provocation a parfois du bon, si elle reste civile et s’exonère de jugements définitifs. Et cette soudaine bousculade amicale dans l’atelier me fait le plus grand plaisir.
Poursuivi la lecture de Cioran, entre deux rendez-vous, par Histoire et Utopie, très beau texte également,, prémonitoire à bien des égards mais surtout fort instructif sur l’histoire de l’Europe orientale.
Bonne journée. Je dois, de mon côté me replonger dans la réforme territoriale pour le dernier numéro de Courriercab avant les vacances (ou comment faire surgir un peu de clarté de l’imbroglio législatif dans lequel cette réforme est engluée : il semble que l’on parte pour une 3ième lecture des deux Assemblées!). Mais je vous épargne volontiers les détails.
Bonne journée à tous et au plaisir.
Pour assister régulièrement à des rencontres où bien plus de dix philosophes sont présents dans le même espace/lieu, je peux affirmer qu’il n’y a pas beaucoup de circonstances de nos jours où les échanges sont plus policés, plus polis, plus respectueux de ce que l’autre peut avoir construit, lentement, passionnément, silencieusement, et que rien n’est plus étranger à la philosophie que le solipsisme, la pensée érigée seule, qui pour survivre a besoin de faire le fier-à-bras et de montrer les dents.
Souvenirs, par exemple, des Rencontres Philosophiques de Langres, rendez-vous annuel des enseignants de philosophie de tous grades, (prochaine édition début octobre) où personne ne la ramène parce que chacun sait ce qu’il faut engager de soi pour se frotter humblement aux plus grands. La générosité de ces spécialistes des textes, parce que, justement, il n’est pas facile de se frotter à des développements qui ne vont pas de soi, est expérience de l’apprentissage de la patiente application qui doit précéder toute explication. Et expliquer n’est pas commenter. Pour avoir beaucoup assisté, et quelque fois participé moi-même, pour avoir bûché, et trébuché aussi, sur telles traductions croisées, tel mésusage, tel hapax, tel anachronisme sémantique, je peux témoigner, pour fréquenter de très près depuis des…. décennies la littérature philosophique, qu’il n’y a de pugilat que dans les mythologies personnelles ou collectives, et que même si certains ont la dent dure, Descartes contre la scolastique, Aristote contre Platon, Gassendi contre Descartes, Rousseau contre Hobbes, comme intelligemment tout cela est construit! et jamais ne se règle à la hussarde. Il faut d’ailleurs une excellente connaissance et maîtrise de son interlocuteur adverse pour pouvoir l’affronter. Faute de quoi c’est masques et bergamasques.
Bien sûr que non Eléna, vous ne vous êtes nullement emportée, vous lire à propos de ces lignes était un gage de précision, de références, de connaissances de haute lutte. C’est pourquoi je ne peux que souscrire, au-delà de tout, à ce que vous dites : “c’est un peu comme si je faisais en majesté, c’est-à-dire auréolée de mon autorité acquise dans un autre domaine, une communication sur Hegel (ou Nietzsche ?) en considérant que j’en sais bien assez sur la question (je peux citer qq livres qui figurent ds les bonnes bibliographies) pour pouvoir trancher sur des pts délicats auxquels des spécialistes ont consacré des dizaines d’années d’études, voire toute leur vie. ” Ajoutons que ces spécialistes ne sont pas de ceux qui se montrent. Différence de nature et non de degré entre le solipsisme dont je parlais tout à l’heure, qui a impérativement besoin de crier à un moment donné sous peine d’étouffer, et la solitude vraie du penseur, loin de tout isolement, mais très loin aussi du bruit et de la fureur comme on dit…..
les profs d’EPS vs diraient qu’il suffit de canaliser leur énergie avec un référentiel rebondissant (on le connaît par cœur, mais ça fait tjs plaisir) :
https://www.youtube.com/watch?v=92vV3QGagck
enfin tout ça pour dire que c’est marrant de voir certains (comme les philosophes) donner des leçons d’herméneutique, de bonne pratiques et de sagesse aux croyants, quand on sait qu’il suffit de réunir 10 philosphes dans la même pièces pour être obligé d’appeler le samu dans les dix mlinutes qui suivent vu qu’ils auront très vite trouvé un tas de bonnes raisons de se mettre sur la figure, que dis-je 10 mn, 10 secondes, avant de les retourver dans un bain de sang, l’un étouffer par un autre avec sa Critique de la Raison pure de Kant, un spinoziste avec dans l’oeil le crayon d’un cartésien, un voltairien étranglé avec la ceinture d’un rousseauiste, sans compter les révolutionnaires d’extr^me gauche tirant à la mitrailleuse lourde sur les réactionnaires d’extrême droite …. ils ont beau avoir lu les même textes, pour eux : pas la peine de Coran et de Bible pour trouver des raisons de se mettre sur la figure…
on touche là toutes les limetes de l’herméneutique, sinon, si l’herméneutique avait déjà herméneutisé un texte et les gens étaient raisonnables, depuis le temps ça se saurait, depuis le temps.
Elena, c’est drôle parce que ce que vous dites, on le retrouve exactement la même chose avec Nietzsche, et la religion nietzschéenne.
quand vous lisez les textes de N. vous vous rendez compte qu’il tout et son contraire.
après s’il y a un type qui vous dit qu’ils est nietzschéen dans un premier temps vous ne pouvez rien en déduire parce que vous ne savez pas avec quel versant (quels versets) il adhère.
ensuite quand il vous explique pourquoi il est nietzschéen, là vous comprenez mieux.
si vous lui faites remarquez que dans d’autres textes N. dit le contraire des idées auxquelles il adhère il vous répond soit : non ça c’est pas le vrai Nietzsche ou : non ça c’est pas la bonne lecture.
comme pour le Coran où on trouve un Mahomet poète et pacifique, et un Mahomet guerrier et belliqueux, on trouve un Nietzsche avant Wagner (ex : antisémite) et un autre après Wagner (ex : philosémite),
et là vous vous rendez compte que suivant les prédispositions naturelles du nietzschéen que vous avez en face de vous il n’aura retenu que le Nietzsche qui l’intéresse, soit avant wagner si lui-même n’aime pas les juifs ou après les Wagner si lui même est juif.
tout ça pour dire qu’il me semble que ces histoires où l’on à faire à des textes qui partent dans tous les sens, cela tient plus aux prédispositions naturelles du lecteur et à ses projets quant aux idées qu’ils veut propager qu’au texte lui-même.
cela remet même en cause le sens et la pertinencee du mot “herméneutique” : c’est comme rassembler des nietzschéens d’extrême droite et d’extrême gauche et leur dire : maintenant on va se mettre d’accord sur une lecture de Nietzsche…
tout ça pour dire que partir de l’idée qu’il y a une violence dans la Bible ou dans le Coran et que c’est pour cette raison que les gens seraient violents me semble être une approche limitée, le mieux serait de commencer par changer les individus eux-mêmes et leurs prédispositions et ensuite, s’ils n’ont plus de bonnes raisons de se mettre sur la tronche avec les autres, hop ! ils liront le texte différemment !
c’est une autre forme d’herméneutique où au lieu de partir de la lecture du texte on part de la lecture du lecteur, une approche plus freudienne.
j’ai pas raison ?
YHWH, ce n’est pas sans importance (pas seulement ds le cadre des polémiques liées à la naissance c’est-à-dire à la séparation du christianisme, mais aussi parce que cela détermine une certaine conception de la divinité).
Ce n’est pas que le texte ne mériterait pas cette analyse, mais plutôt qu’une immense lassitude m’envahit. À chaque fois, à chaque nouvel interlocuteur, tt est à recommencer ; il n’y a pas tellement de “raccourcis” & comme cela n’intéresse pas gd monde, on se dit “à quoi bon ?”
Après une douche fraîche (pour revenir à l’équanimité nécessaire à une conversation productive sur blog), car Paris cuit tjs, qq compléments :
— (1) j’ai laissé une phrase incomplète (si je ne multipliais pas les incises & les parenthèses, aussi !)
“seule l’approche historico-critique …” & l’on attend la fin.
J’avais d’abord écrit “… trouve grâce à ses yeux”. J’avais aussi pensé à “hors l’approche historico-critique point de salut” mais ces 2 formules ne me satisfaisaient pas.
On peut sans doute se contenter de “seule l’approche historico-critique est envisagée”.
— (2) je lis assez régulièrement & généralement avec profit le blog de C. Kintzler. Toutefois il me semble que tt ce qui touche aux textes bibliques constitue son “angle mort” ; ns en avons ts, quelles que soient par ailleurs nos qualités intellectuelles. Point n’est besoin, me semble-t-il, de prétendre rivaliser ds ce domaine avec C. K. pour le déceler ; un parcours différent y suffit.
Je parle à dessein des “textes bibliques” & non de la “religion” ; ce sont deux ch différentes. On peut avoir une approche “confessante” des textes bibliques & maintenir une vision critique de la religion (nourrie précisément de la pratique des textes bibliques !)
— (3) Je suis aussi combative “en interne” (y compris, à l’occasion, vis-à-vis de moi-même)
— (4) L’Église Réformée (je devrais dire Église Protestante Unie de France Communion luthérienne et réformée, mais je parle plus particulièrement de la tradition Réformée) m’a tjs laissé une gde liberté en dépit du fait que je n’étais pas forcément représentative. C’est à la suite d’une décision personnelle que je n’ “officie” plus & ne prêche plus (ce que je ne faisais que ponctuellement : je n’étais que “prédicatrice laïque” & non pasteur)
J’espère que l’on me fera donc le crédit de considérer ma réaction comme une réaction intellectuelle personnelle & non corporatiste ou “communautaire”.
— (5) Je ne suis pas rentrée ds les détails du texte de A. Perrin (détails qui n’en sont pas ; en la matière le choix des mots est essentiel. Parler, comme il est certes courant & comme il m’arrive de le faire, par négligence ou par souci de brièveté, d’ “Ancien Testament” implique un certain pt de vue — ici, largement confirmé par d’autres choix. Choisir la vocalisation habituelle au lieu de
Pour une fois qu’il s’agit d’un domaine que je connais — d’habitude je dirais “que je connais un peu” (à juste titre : par rapport aux biblistes ou aux traducteurs ou aux rabbins que j’ai pu rencontrer mes connaissances sont bien petites), mais dans un monde où la profondeur de l’ignorance biblique et théologique me surprend tous les jours je me rends compte que c’est un tort. Cette ignorance-là n’est jamais complexée et se sent forte de ses droits, et surtout présuppose chez les spécialistes des textes bibliques une bêtise, une crédulité, une allergie à la raison, une naïveté (notamment épistémologique), une incapacité à penser.
Lorsqu’elle est relativement bienveillante elle vous explique doctement ce qui vous semble le b-a-ba, le point de départ ; et elle le fait de façon biaisée sans même s’en apercevoir. C’est un peu comme si je faisais en majesté, c’est-à-dire auréolée de mon autorité acquise dans un autre domaine, une communication sur Hegel (ou Nietzsche ?) en considérant que j’en sais bien assez sur la question (je peux citer qq livres qui figurent ds les bonnes bibliographies) pour pouvoir trancher sur des pts délicats auxquels des spécialistes ont consacré des dizaines d’années d’études, voire toute leur vie.
Ah, selon que votre discipline sera considérée comme “sérieuse” ou “folklorique” (ou “caduque”, “archaïque”) …
Le biais est ici patent : tout le savoir, la réflexion hautement élaborée du judaïsme sur lui-même, ses traductions, ses commentaires, commentaires de commentaires, toute la réflexion aussi sur les conditions d’appropriation du texte et de son application à l’ici et maintenant sont passés à la trappe (à part Philon, ce qui est en soi significatif). Opposer l’esprit à la lettre n’est pas neutre : cela fait partie d’une polémique religieuse (qui se reflète déjà ds certains textes du Nouveau Testament), cela va avec la notion des juifs “charnels” et de la synagogue aux yeux bandés. (Pour résumer grossièrement : l’interprétation “allégorique” est l’une des quatre approches interprétatives complémentaires pratiquées dans le judaïsme qui n’a pas attendu le christianisme pour confronter & faire “jouer” des passages contradictoires des textes bibliques).
Nous sommes là sous le haut patronage de Spinoza et seule l’approche historico-critique (pratiquée depuis belle lurette, et dont je ne dis pas qu’elle n’a aucun intérêt bien sûr — il est évident que l’on doit l’utiliser — mais à laquelle on ne saurait se limiter sans dommage. L’approche narrative des textes la complète et évite de tomber dans le positivisme forcément réducteur).
Il se trouve que pendant des années j’ai souvent pris comme sujet de prédication (je ne me facilitais pas la vie) des textes “qui n’allaient pas de soi” et ainsi j’ai eu l’occasion d’aborder ce thème de la violence dans les textes bibliques. Chacun sait que l’on peut faire dire ce que l’on veut à un texte en isolant des petites phrases de leur contexte, en citant de façon partielle et partiale — rien n’est plus simple que d’ignorer ce qui ne va pas dans le sens de ce que l’on entend démontrer. Quel soulagement aussi pour le lecteur à qui l’on dit implicitement (ce doit être un cas unique tt de même) : pas la peine de vous coltiner la lecture de TOUT le livre en question, y compris les chapitres (en l’occurrence les livres) les moins attrayants (sans même parler de la littérature secondaire, car là effectivement une vie n’y suffirait pas) ; quelques prélèvements, un peu de bon sens, et hop le tour est joué. Pas la peine de vous immerger dans une façon de penser fort éloignée de la nôtre, de vous intéresser aux spécificités de la langue (des langues) dans laquelle elle naît et se façonne ; vous en savez bien assez comme ça pour juger du haut de la supériorité de notre présent et de ses progrès accumulés. L’herméneutique (qui doit évidemment sa naissance aux difficultés rencontrées ds l’étude des textes bibliques) vue comme ça, c’est assez simple en effet.
Un exemple parmi ceux qui sont utilisés : la présentation tronquée (forcément, vu le format de l’article ; on ne peut pas tout dire en qq lignes — mais alors il faut être attentif à la façon dont on dit les ch, aux limites de son entreprise de survol orienté de la Bible, faire preuve d’une certaine prudence ds ses affirmations) de la dernière des dix plaies d’Égypte. On se trouve au sommet d’une sorte de crescendo d’avertissements donnés à pharaon (ou si vs voulez au pouvoir absolu et exploiteur — et sur ce pt peu importe que cet exode-là ait eu lieu ou non, que Moïse ait existé ou non, ce qui m’intéresse c’est la force du texte). Or ds les avertissements précédents (dont certains ressemblent à une sorte de bulletin météo) certains ont été pris en compte par une partie de la population. Ce n’est pas seulement (& à mon sens pas du tt) “mon peuple” à moi, Dieu étroitement nationaliste, que je vais honteusement favoriser aux dépens de tous les autres ; les messages s’adressent à qui accepte de les entendre. Il y a sortie de l’exploitation (ds une société à la fois fascinée par la mort et la jouissance matérielle), consentie après que dix catastrophes se sont abattues sur le pays (& qu’il n’est pas nécessaire de lire comme des “punitions” divines ; on peut y voir sous une forme imagée et poétique les conséquences logiques et prévisibles d’un état de fait — pollution, déséquilibre écologique, épidémies … sans pour autant “traduire” chaque plaie sous forme scientifique, ce qui n’a aucun intérêt et bcp d’inconvénients car cela fige la signification & donne au texte un statut de monument, ce qui a pour conséquence d’empêcher tt nouveau rapport vivant avec lui, tte nouvelle interprétation).
Et ce n’est pas un hasard si la sortie de l’exploitation sera confirmée par les “Dix Paroles” (meilleure traduction que les “10 commandements), dont l’une et non des moindres, institue le repos hebdomadaire. (Je n’ai malheureusement trouvé personne pour venir manifester avec moi en scandant Macron/ Pharaon — mais Jérôme Leroy a tt à fait raison : ce serait un combat plus conséquent pour les chrétiens que la défense de l’école privée ou la manif pour tous).
Je me suis un peu emportée (sans aucune volonté d’agressivité envers vous, Pascale) alors que le texte a tt de même plus de tenue que certain traité d’athéologie — mais il y a néanmoins qqch de semblable ds la démarche qui m’a agacée : “braves gens illusionnés, qui ne vous êtes jamais posé de questions, super prof (qui en sait tellement plus que vous) arrive pour vs éclairer”, sous les applaudissements de la foule impressionnée (la foule n’est pas la même pour Onfray et pour A. Perrin, la seconde est plus relevée).
chrétiens = crétins ? Un préjugé qu’il faudrait combattre de temps en temps.
P.S. En ce qui concerne l’islam je n’ai pas de lumières particulières. Je ne parle donc pas de cette partie de l’article.
Pas vraiment dans le cadre, mais un nouveau et toujours excellentissime article sur le non moins excellentisssime blog Mezetulle , – sujet pourtant rebattu. Comme quoi, ce n’est pas le sujet qui compte mais son traitement. Des références éclairantes, précises et précisées, qui donne cette impression formidable de s’être hissé à une hauteur qu’on n’aurait pas atteint tout seul mais, ainsi marche le vrai savoir, auquel modestement on arrive “sur les épaules” de ceux qui l’ont constitué, avançant eux-mêmes sur les épaules de ceux…. qui, sur les épaules de…. les épaules….
Eléna, si vous passez…. c’est toute la question herméneutique qui est posée là.
Ouh là là, les esprits s’échauffent. Ce n’est pas très bon par ces chaleurs. Bien incapable d’entrer dans le débat. Et un peu écrasé par une longue excursion en Normandie.
Pas mécontent, toutefois, que ce texte de Cioran ait mis un peu d’ambiance dans l’atelier pendant mon absence.
““signe la fin de la création musicale occidentale” avec de telles généralités, on a réglé son compte à tout ce qui, justement est création, mais n’a pas l’heur de ressembler à ce qu’on avait coutume d’entendre, l’atonalité et/ou le dodécaphonisme, pour ne citer que les plus “classiques” des créations qui furent un jour très… modernes. La fin de la création musicale occidentale! qu’est-ce qu’il ne faut pas lire! ”
désolé j’y reviens, parce que c’est un peu gonflant de lire des trucs pareils : “l’atonalité et le dodécaphonisme s’inscrivent dans la grande histoire de la création musicale occidentale blablabla”
Thomas Mann le dit et je suis d’accord à 100% avec lui : cette soi disant modernité ne s’inscrit pas dans l’histoire de la musique, elle marque la fin de cette histoire.
pourquoi ? parce que Thomas Mann ne balance pas des trucs à l’emporte pièce comme Cioran en opposant la raison et l’affectif, il regarde de près le sens de ce changement de cap, et il essaie de comprendre ses conséquences politiques, parce que pour Mann l’esthétique ne peut être séparé du politique, et qu’est-ce qu’il voit dans cette évolution : le retour d’un mysticisme, une musique qui ne nous dit plus rien mais dans laquelle il faudrait aller chercher le sens caché de ce qui est dit, le problème est que cette époque était baignée dans une esthétique mystique dont les créateurs n’ont pas mesuré à quel point ce mysticisme nourrissait la pensée politique de l’époque, à quel point ce mysticisme rompait justement avec une pensée occidentale fondée sur la raison, parce que l’affect chez Mozart, Bach ou Beethoven est un affect humaniste qui repose sur la raison et va dans le sens du pensée occidentale humaniste, alors que cette musique ésotérique, incompréhensible pour Mann elle était du même ordre que la musique de Wagner : un retour à des croyances mystiques et grégaires, voilà pourquoi Thmoas Mann dit dans ce maginfique roman que cette musique signe la fin de la grande histoire de la musique occidentale, parce que le seul soucis de cette histoire de l’occident était de mettre à distance la mystique et l’ésotérique, c’est là où Cioran se met le doigt dans l’oeil en opposant affect et raison, parce qu’il ne faut pas parler d’affect mais d’humanisme qui lui même repose sur la raison.
le gros problème de nos jours, voyez-vous, c’est qu’on se dit que tous ces auteurs n’ont servi à rien, ils ont écrit leurs romans pour rien, nous sommes encore obligés d’expliquer comme à des élèves de maternelle des choses sur lesquelles il ne faudrait plus revenir, parce que tout ça a été dit, écrit noir sur blanc, et démontré, il n’y de devrait plus avoir à y revenir pour le réexpliquer à nouveau à des personnes qui vous balancent des débilités du genre que l’atonie s’inscrit dans la grande histoire de la musique, qu’est-ce que vous voulez prouver en disant ça ? que vous êtes un petit mail qui a tout compris de l’atonalité ? contrairement à tous ces imbéciles qui n’y connaissent rien en musique et dodécaphonisme ?
c’est désespérant.
bon, bon, alors respirons un bon coup et reprenons calmement et lentement.
commençons par relire le petit texte proposé par Philippe Dossal :
Cioran : Il (l(Occident) a pu aimer la raison jusqu’à la perversité; son vrai génie fut pourtant un génie affectif.
faut-il vous expliquer la signification cette phrase ? non elle parle d’elle-même : le vrai génie de l’Occident aura été un génie affectif.
je dis juste que justement c’est le sujet du livre de Thomas Mann “Dr Faustus”, l’histoire d’un musicien qui est prêt à pactisé avec le diable pour retrouver dans sa musique cet “affectif” dont parle Cioran.
vous me suivez jusque là ?
pourquoi ? parce que si nous regardons l’histoire de la musique nous voyons bien que la musique “contemporaine”, un tournant s’est produit avec Schoenberg, qui est justement celui dont nous parle Mann dans son livre, ce tournant c’est quoi : c’est justement un oubli de cet “affectif” dont parle Cioran au profit de la seule technicité musicale.
rien de très grave jusque-là.
maintenant pourquoi Musil : quel est le fond de commerce de toute la pensée réactionnaire, anti-moderne et décliniste depuis le début du 20è s. ? son fond de commerce c’est justement la perte de cet âme occidentale que Cioran appelle “le génie de l’affect” au profit d’une technique comme incarnation de la seule raison.
maintenant : qu’est-ce que cet “l’amour inconsidéré pour la raison” ?
vous voulez que je vous passe en revue toute l’histoire récente de ce procès fait à la raison ? de ce combat contre la raison ? ce mépris pour cet “amour inconsidéré pour la raison” comme le dit Cioran ? qui dans l’histoire de l’Europe a toujours son point d’orgue avec Nietzsche et se poursuivre allègrement chez d’autres.
à moins que vous n’en ayez jamais entendu parler ? ou alors si vous en avez entendu parler ça vous est rentré par une oreille et sorti par l’autre ?
dans ce cas au lieu d’agresser ls gens le mieux serait de dire : non, pour moi il n’y a jamais eu de critique et de remise en cause de la raison en Europe, toutes ces histoires c’est juste des poncifs sans intérêt, ça ne vaut même plus la peine d’en parle, auquel moi je ne vais pas vous agresser, je vais juste vous dire, si vous vous en tapez l’oeil c’est pas grave, faites comme vous voulez, mais il ne faut pas reprocher à d’autres d’y trouver un petit intérêt, et d’avoir l’oreille qui se dresse quand il entend parler Cioran de cet “amour inconsidéré pour la raison” parce que (sans doute à part vous) nous savons bien ce que signifient cesmots, ce qu’ils ont représenté dans l’histoire.
mon Dieu quelle misère, j’y crois pas.
“signe la fin de la création musicale occidentale” avec de telles généralités, on a réglé son compte à tout ce qui, justement est création, mais n’a pas l’heur de ressembler à ce qu’on avait coutume d’entendre, l’atonalité et/ou le dodécaphonisme, pour ne citer que les plus “classiques” des créations qui furent un jour très… modernes. La fin de la création musicale occidentale! qu’est-ce qu’il ne faut pas lire!
J’avoue ne pas saisir le lien entre Man, le sentiment, la raison, la musique, Musil comme réconciliateur incontournable de l’impossible, Spengler qui pointe son nez, les poncifs pour ne pas dire les caricatures sur les compositeurs, à moins que ce ne soit de l’ironie, que, bêtement, je ne saisis toujours pas, et les vérités tombées “ex cathedra” : l’antagonisme entre raison et sentiment “aurait” disparu de notre horizon! je n’avais pas remarqué!
En un mot, comme en trois, je suis perplexe!
dommage que sur votre blog on puisse pas revenir sur son commentaire pour corriger les fautes, en fait il faudrait le relire avent de cliquer sur “envoyer”, je le arpelle pour ceux qui n’y pensent pas :
l’occident a fait plus dans la voie de la raison que dans “celle” du sentiment… et les autres.
je crois qu’on retrouve cette même idée chez Mann dans Mort à Venise et Dr Faustus, l’idée que l’occident a fait plus dans la voie du sentiment que dans celui de la raison, dans Faustus de Mann le fait que la musique ait essayé de prendre, à partir d’une certaine, une voie conceptuelle (guidée par la seule raison) sans désir d’accrocher l’oreille de l’auditeur par le sentiment signe la fin de la création musicale occidentale.
Le seul (à ma connaissance) qui ait essayé de concilier la raison et le sentiment (en tout de ne pas éjecter l’un au profit de l’autre) c’est Musil, dans l’HSQ. Cet objectif de réconcilier l’Occident avec ses deux penchants que tout oppose, à cet époque où les thèses déclinistes de Spengler sur la fin prochaine avait pour but de ne pas tomber dans le piège de la nostalgie et du “c’était mieux avant”.
Par chance, nous avons réussi à surmonter ces problèmes grâce au grand marché de la culture que nous avons créé, il existe aujourd’hui une offre qui couvre toutes ales aspirations des individus : Bach pour les athées en manque de transcendance, Schubert et Beethoven pour ceux qui souffrent d’un déficit en romantisme, Wagner et Berlioz pour les adeptes der gross émotions, Schoenberg et Weber pour les intellos, Mozart pour les classiques aimant les choses simples, Boulez et Dutilleux pour les post modernes aimant les choses compliquées, il y en a pour tout le monde, à tel point que même l’antagonisme entre raison et sentiment a disparu de notre horizon, Musil avait raison : la modernité a réussi à nous tirer de ce bourbier, dans le grand supermarché des objets culturels il y a de quoi nourrir nos besoins en raison aussi bien qu’en sentiment, à tel point qu’on peut très bien lire Descartes en écoutant du Chopin, ou lire Musset en écoutant du Boulez, nous sommes devenus multi fonctions, il suffit de trouver la bonne prise usb, la bracher au bon endroit et hop ! c’est parti !
Cioran, Syllogismes de l’amertume : S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu.
Tout est dit!
Mais ajouter que les virtuoses et les interprètes les plus précoces et les plus talentueux sont aussi, plus souvent qu’à leur tour, non européens : chinois, coréens et autres venus d’Asie.
J’entends déjà les reproches….. il n’y a pas que la musique “classique” dans la musique. Certes, mais Cioran dit juste qu’il n’y a pas d’é-q-u-i-v-a-l-e-n-t.
Il était grand mélomane, et disait, je ne sais plus où, mais à plusieurs reprises, (Philippe, vous “tomberez” bien sur ces passages pour nous les faire savourer aussi) que la musique nous sauve de tout. Je pense à l’autre immense mélomane (plus connaisseur encore techniquement parlant) qu’a été Jankélévitch, autre grand penseur de la vanité et de l’inanité de toute chose. De là à dire qu’un certain désespoir lucide et métaphysique se repent et se reprend dans les chefs d’œuvre musicaux, ce serait aller trop vite pour beaucoup, pas pour moi.
Une cure de Cioran, c’est la confrontation assurée avec des évidences qu’on aurait aimé avoir formulées et qu’on enrage, dans l’admiration, de trouver tellement bien dites, ni trop, ni trop peu.