Archives mensuelles : novembre 2013

Satané Barbey

Il est des livres qui font souffrir comme l’escalade d’une montagne, dont on abandonne cent fois la lecture, et que l’on reprend cent fois, sentant confusément que le paysage se dégagera un jour, que cette montée conduit quelque part, même si l’on peste régulièrement contre l’auteur, ses manies, ses digressions, ses envolées, les impasses où il nous fourvoie.

 barbey prêtreOn pourrait citer Au dessous de volcan de Malcolm Lowry, ou la Recherche de Proust. Je vis actuellement ce genre d’épreuve avec Un prêtre marié de Barbey d’Aurevilly. Dix fois abandonné, dix fois repris, ce livre diabolique, dont l’issue dramatique est écrite depuis la première ligne, vous cannibalise l’esprit, vous fait porter la malédiction qui pèse sur le héros dont on ne sait comment on finira, un jour, par se débarrasser.

 On est ici exaspéré par la nature butée de Sombreval, ce prêtre défroqué à la Révolution, qui revient hanter un château délabré au pays de son enfance, en compagnie de sa fille. Laquelle, après avoir compris qu’elle était le fruit d’amours interdites, a décidé de consacrer sa vie à Dieu, au risque de rendre fou son jeune voisin, ensorcelé par sa beauté. On n’en est pas moins ébahi par l’inventivité des images “… je ne sais quel tremblement dans la mâture de cet homme…” et l’acuité du regard de l’auteur sur la nature humaine, les prisons mentales qu’il se construit. Même si Barbey le porte avec des lunettes catholiques, quelque peu obscurcies par l’idée récurrente de péché.

Le style de Barbey, mélange singulier de brutalité et d’élégance, ses images qui sentent l’écurie et les salons décrépis de l’aristocratie finissante, ses fulgurances, comme celle-ci, extraite des Diaboliques (citée de mémoire), « Les premiers cheveux blancs dans sa toison annonçaient la fin de l’Empire et l’arrivée des barbares », font de ce dandy réactionnaire, défenseur de Baudelaire, un auteur inclassable, relégué au purgatoire des lettres, aux côtés de Mirbeau, de Huysmans et de Bloy. Mais quelle langue et quel diable d’homme ! Le lecteur n’est pas ménagé, il doit suivre, en dépit des détours, des bourbiers et des chemins creux. Sinon tant pis pour lui. Qu’il aille se faire pendre ailleurs. Nous n’en tâcherons pas moins de nous accrocher aux flans de la colline dans cette Normandie du XIXème, imperméable au cours du temps. Même si l’on doit encore souffrir un peu.

Le Chevalier des Touches et Les Diaboliques me semblent les portes la plus engageantes pour entrer dans cette oeuvre.

Ecrire et ne pas se taire

Moment de plaisir ce dimanche au salon du livre de Guérande. La compagnie d’Eva Nodari, qui vient de publier un délicieux recueil de poésies érotiques, a enchanté cette après-midi automnale où les auteurs de Bretagne et d’ailleurs avaient rendez-vous dans le joyeux brouhaha de l’espace Athénor.

eva nodariPour être franc, je redoute un peu ce genre de manifestation, où les auteurs sont alignés derrière des tables comme autant de bêtes curieuses auxquelles on n’ose pas adresser la parole. N’étant pas un adepte de l’apostrophe anonyme, je passe en général le plus clair de mon temps à lire et à bavarder avec mes voisins, en attendant le passage de quelque lecteur fidèle ou de quelque connaissance en promenade dominicale. Mais les livres du Petit Véhicule, avec leur reliure « à la chinoise », cousue main, leur facture artisanale, ont ceci de plaisant qu’ils intriguent le passant et suscitent la conversation.

 Et puis, nous approchons des fêtes de fin d’année, ce que je n’avais pas intégré, toujours en retard d’un train. Et ces jolis petits livres, pour peu que l’on prenne le temps d’en présenter l’argument, obtiennent dans ce genre de circonstance, où l’on se laisse volontiers séduire par un bel objet, un succès qui peut ravir l’éditeur. Sans compter que cela contraint les auteurs à extraire la moelle de leur travail pour le présenter en quelques phrases. Même si comme le dit facétieusement Daniel Morvan dans Lucia Antonia funambule, « j’écris pour me taire ».

 moto rouge 2« Découverte géographique, voyage initiatique, parcours littéraire… ». Il n’en faut pas moins parler un peu et se résoudre aux formules lapidaires pour présenter ses ouvrages, en résistant à certaine forme de facilité qui voudrait que l’on évoque plus avant la relation père-fils parcourant chacun des récits. Mais ma charmante voisine, traductrice dans la vie, m’a en quelque sorte libéré, en évoquant avec élégance et retenue un travail autrement plus intime.

 L’une des qualités des petits éditeurs est de suivre ses auteurs, de les accompagner dans le temps, de faire vivre leurs livres. J’ai constaté avec plaisir ce dimanche, où la nouvelle édition de La Moto bleue, vêtue de rouge, a obtenu un succès comparable au Royaume de Siam, que ces récits étaient bien vivants et que certains lecteurs se réjouissaient de les offrir à l’occasion des fêtes. C’est un beau cadeau pour l’auteur.

Trois Continents, le journal

Le  journal des étudiants d’infocom Nantes sur le festival des 3 Continents, consacré aux cinémas d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, vient de paraître. A la Une un sujet sur le centenaire du cinéma indien. Pour y accéder cliquer sur la photo.

photo de couv #3

 A propos d’Inde, signalons que les bien nommées éditions du Petit Véhicule seront présentes ce week-end (23/24 novembre) au salon du livre de Guérande .  Vous y trouverez notamment  La Moto bleue, récit d’un voyage au pays de Ganesh, à pied, en train et en rickshaw, en compagnie d’un garçon de onze ans. Et naturellement mon dernier attentat contre la littérature  Au Royaume de Siam.

Fébrilité

Les trente-trois étudiants du Master 2 infocom de Nantes sont à pied d’oeuvre pour couvrir la trentième-cinquième édition du festival des 3 continents, consacré aux cinémas d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie.

 cigarettes

Organisés en rédactions web et papier ils réalisent le site web Preview, et préparent deux éditions papier du journal du festival. Avant la soirée d’inauguration, ce mardi 19 novembre, une image de la fébrilité de la rédaction, réalisée par Louise, sur le balcon qui fait office de fumoir. Et, en guise d’introduction, le papier de Clémence, sur The Lunchbox, le film indien  présenté lors de la soirée d’ouverture, que nous avons révisé ensemble.

Très chère urssaf

Je sais que tu es ombrageuse et qu’il faut te parler avec douceur, mais notre relation dût-elle en souffrir, je ne vois pas d’autre solution que de m’adresser à toi avec franchise aujourd’hui : tu devrais arrêter de boire ; ça ne te réussit pas du tout, et ça devient infernal pour ton entourage. Tu tiens des propos incohérents, tu deviens irascible et menaçante sans raison, bref tu te fais du mal et ça m’embête. verre

Tu m’as ainsi envoyé deux courriers le 9 octobre, le premier m’indiquant que tu m’accordes la remise totale des majorations et pénalités que tu me réclamais indûment depuis des mois, le second m’informant que tu ne peux examiner ma demande de remise, et que j’ai intérêt à payer majorations et pénalités au plus tôt, sinon ça va chauffer pour mon matricule.

Je suis d’autant plus perplexe que j’avais reçu quelques jours auparavant, une « mise en demeure » m’invitant à te régler une autre somme, qui ne correspond à rien de ce dont tu m’avais parlé auparavant, me menaçant d’engager des poursuites « sans nouvel avis, dans les conditions indiquées au verso » en cas de non-paiement dans le mois. Ces conditions indiquées au verso me glacent le sang tu l’imagines et je n’ose pas même les consulter.

Lorsque tu seras à jeûn, peut-être pourrais-tu consulter mon dossier, qui te montrera que tu ne me reproches rien d’autre que ta propre incurie. Tu me réclames en effet des pénalités couvrant la période où tu ignorais superbement mes demandes réitérées, que dis-je mes supplications, pour être immatriculé dans tes augustes registres. En d’autres termes tu voudrais me faire payer tes propres retards. Ce n’est pas bien, ma chère, ça ne se fait pas.

En attendant, je suis bien embarrassé. Dois-je croire ton courrier du 9 octobre ou celui du 9 octobre ? Dois-je me préparer à une saisie sur mon compte en banque ou à une visite d’huissier ? Je suis bien embêté parce que devant un tribunal j’ai peur que ton intempérance ne soit mise à jour. Mais surtout, permets-moi de te le confier, je commence à être fâché contre toi en pensant à mes frères cotisants qui n’ont pas le temps de t’écrire les réponses rigolotes comme je m’emploie à le faire depuis dix-huit mois.

Prends conscience que certains d’entre eux prennent ces « mises en demeure » pour argent comptant, et que tu terrorises ainsi des travailleurs indépendants qui ne comprennent rien à tes incohérences. D’autant que tu ne réponds pas au téléphone – payant qui plus est – ni évidemment aux courriers, même recommandés, sinon par des menaces pré-rédigées. Je ne serais pas surpris que ta coupable désinvolture ne fasse le lit de certaines postures extrémistes sur des esprits faibles et désarmés.

Alors un effort, il y a des consultations contre les addictions au CHU, et pour toi ce doit être gratuit.

Soigne-toi bien,
Philippe