On a beau se tenir à distance de l’étal des nouveautés chez les libraires, détourner le regard devant les critiques de rentrée, fuir tout ce qui ressemble au prêt-à-porter littéraire du moment, il y a toujours un ou deux ouvrages récents qui finissent par entrer par la fenêtre et s’installer près du feu. C’est encore le cas cette année, avec deux romans publiés ces dernières semaines Un enfant plein d’angoisse et très sage de Stéphane Hoffmann et Sauve qui peut (la révolution) de Thierry Froger. J’ai dévoré le premier et n’en finis pas de déguster le second.
Un enfant plein d’angoisse et très sage est un livre léger, hors sol, flottant à quelques centimètres du réel, qui hésite entre le conte et la fable contemporaine. C’est l’aventure d’un gosse de riches, élevé par une grand-mère fantasque, qui se joue de ses parents avec un cynisme et un détachement déroutants mais au bout du compte assez jouissifs. On se laisse volontiers emporter par ce scénario loufoque, piqueté de traits d’esprits, qui fait du père – Britannique – un désinvolte collectionneur de chaussettes et de la mère une ambitieuse entrepreneuse de travaux publics dont le rêve est de devenir ministre. L’apparente désinvolture dans la conduite de ce récit foutraque, masque en fait un chapelet de réflexions, de pépites semées ici ou là – “Baladine a négligé la femme qui était en elle jusqu’à en ronfler – Il ne nous prendrait pas un peu pour des demeurés le Saint-Ex avec son nom d’eau minérale et de soutien-gorge“- pensées habillées par le regard de l’enfant, le dialogue muet avec son chien. Un enfant plein d’angoisse et très sage vient de remporter le prix Jean Freustié. C’est une bonne nouvelle pour Stéphane Hoffmann, par ailleurs grand ordonnateur des Rendez-vous de La Baule. Chapeau bas, mon cher Stéphane.
Le second ouvrage est une montagne au sommet de laquelle je ne suis pas encore parvenu. Un objet non identifié dont l’argument est aussi inattendu que casse-gueule : le déroulé parallèle de deux récits, l’un contant les efforts du cinéaste Jean-Luc Godard pour monter un film sur la Révolution française à l’occasion du bicentenaire, l’autre l’exil de Danton – épargné par Robespierre à la dernière minute – sur une île de Loire… où JLG rejoint régulièrement un historien de ses amis, spécialiste de la Révolution, qui écrit justement… un ouvrage sur Danton. Ajoutant pour le piquant la présence d’une troublante jeune fille sur cette île et nous voilà partis. C’est diablement érudit, assez malin, plutôt drôle. Honnêtement je ne pensais pas tenir cent pages la lecture de ce pavé au prétexte aussi fumeux. Eh bien, j’y parviens et je vais sans doute aller au bout de cet ouvrage étonnant. Pour le plus grand plaisir de Marie, qui me l’a recommandé. L’auteur Thierry Froger est professeur d’arts plastiques, formé à l’école des Beaux-Arts de Nantes, nous dit la quatrième de couverture de Sauve qui peut (la révolution). C’est un bon début.
Un enfant plein d’angoisse et très sage, Stéphane Hoffmann, Albin Michel. Sauve qui peut (la révolution), Thierry Froger, Actes Sud.