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Grenier du siècle

Difficile de changer d’agenda sans avoir une pensée furtive pour le Grenier du siècle. J’ai appris récemment, à l’occasion d’un travail sur le Lieu Unique, que l’objet le plus représenté dans ce grenier du XXème siècle était la chaussure. Beaucoup de gens ont choisi le laisser une paire de chaussures – de l’escarpin à la chaussure de football – comme souvenir du siècle. C’est étonnant, ça ne me serait pas venu à l’esprit.

1956 DS 19 CHAMPAGNE

Une petite voiture oui (Roland Barhes n’a-t-il pas prétendu que l’automobile était la cathédrale du XXème siècle), une boite de pilules contraceptives oui, mais une paire de chaussures non. Chacun ses goûts d’ailleurs, chacun son rapport à la mémoire : il y a bien une jambe de bois, une poupée Barbie, et des tas de choses plus loufoques et inattendues les unes que les autres. C’est ce qui fera tout l’intérêt de la cérémonie d’ouverture de ce grenier singulier le 1er janvier 2100 à 17 heures.

grenierPlus que 85 ans à attendre donc. Finalement ça passe assez vite. Déjà 15 ans (enfin 14 révolus) que les 12 000 objets déposés par les Nantais dans la paroi translucide du Lieu Unique et stockés dans des boites de conserve et des bidons métalliques patientent sous le regard des passants. On ne sait pas trop si ce lieu de stockage est inspecté de temps à autres. Si on vérifie les conditions de conservation des objets, le taux d’hygrométrie, l’éventuelle présence de parasites. Ce serait bien.

Ce que l’on sait, en revanche, c’est que la pérennité de la collection est garantie par la collectivité, la ville de Nantes en l’occurrence. Et ça c’est super. Le Lieu Unique (l’ancienne usine de biscuits LU) peut devenir une caserne de pompiers, un complexe cinématographique ou un parking aérien, le grenier du siècle sera protégé. Pour ma part j’y ai laissé un recueil d’aphorismes qui débute par cette citation de Jacques Ellul, extraite de « L’exégèse des nouveaux lieux communs ».

« Peut-être ferions-nous bien de savoir quel visage nous sommes en train de nous constituer pour la postérité, ce qu’elle retiendra de nous, comment nous serons fixés dans l’histoire, dans un portrait aussi faux sans doute que celui que nous nous faisons de l’homme superstitieux et obscurantiste du moyen-âge ou de l’homme au cigare du XIXème siècle, mais aussi indestructible et certain du succès. Et de même que c’est au travers de leurs lieux communs que nous les voyons, de même c’est au travers des nôtres que nous serons perçus. »

Illustration : DS 19 ikonoto, Le grenier du siècle.