Autant le dire d’entrée, « Le passage de Vénus » ne marquera pas l’histoire de la bande dessinée. Cette relation illustrée du voyage de Bougainville s’appuie sur un scénario trop convenu, des dialogues trop pauvres pour figurer dans une quelconque anthologie. La singularité du dessin et surtout la mise en couleur pondèrent toutefois l’agacement que l’on peut ressentir à la lecture de cette saga inachevée* en deux tomes.
Mais l’essentiel n’est pas là. L’aventure que met en lumière cette bande dessinée maladroite est proprement invraisemblable. Et je dois confesser ne pas y avoir cru dans un premier temps – n’ayant jamais relevé de traces de cette affaire dans la relation de Bougainville, pas plus que dans le supplément de Diderot. Une femme, Jeanne Barret, assistante et compagne du botaniste de l’expédition, Philibert Commerson, a effectué clandestinement le voyage autour du monde, devenant ainsi la première femme à boucler une circumnavigation, à la fin du XVIIIe.
Mieux, c’est elle, cette orpheline, qui rapportera au roi de France les 30 caisses de plantes exotiques rassemblées au cours de cette circumnavigation, après la mort de Philibert Commerson sur l’île de France, l’actuelle île Maurice. Les quelques notices biographiques qui traînent ici ou là, précisent qu’elle était devenue, au fil du temps, une botaniste émérite et qu’elle fut saluée comme une « femme extraordinaire » par Louis XVI.
Disparue dans un angle mort de l’Histoire, Jeanne Barret, dont la véritable nature fut découverte par Bougainville deux ans après le départ de l’expédition, à Tahiti, n’a fait sa réapparition sur la scène historique que récemment, par le biais de cette bande dessinée et de quelques ouvrages confidentiels, dont « La clandestine du voyage de Bougainville » de Michèle Kahn, qui vient de paraître. Et c’est seulement en 2012 qu’une fleur a été baptisée en son hommage, elle qui avait découvert plusieurs centaines d’espèces.
On imagine à peine ce qu’a pu vivre cette femme durant les deux premières années du voyage, au milieu d’un équipage de matelots, dans une espace contraint, pour échapper à la vigilance et à la sagacité de l’équipage. Mais plus encore, on reste sans voix devant la persévérance et la de cette femme qui, livrée à elle-même sur l’île de France, montera une taverne pour subvenir à ses besoins tout en conservant ses précieuses plantes qu’elle rapportera, quelques années plus tard, en France.
A l’heure où l’on cherche désespérément des femmes pour garnir un Panthéon quasi exclusivement masculin, on serait bien inspiré de se souvenir de figures de cet éclat, victimes d’une négligence coupable d’historiographes borgnes ou hémiplégiques.
*Le décès du dessinateur a interrompu la série, dont le deuxième volume a été achevé par François Bourgeon, en noir et blanc.
Illustrations : Extrait du passage de Venus , Dethorey et Autheman et Bourgeon, Air Libre ; « La clandestine du voyage de Bougainville » Michèle Kahn, Le Passage.
bonjour
sur ce site dédié à Jeanne, nous avons rassemblé les références des textes qui la concernent, et ils sont nombreux, elle est (un peu ) connue du monde entier …
http://jeannebarret.24.free.fr
bonne lecture
réponse à Court. Reine Lepaute n’est nullement une inconnue, loin de là.Ce qui m’intéressait, une histoire de fleurs, une histoire de femmes. J’avais découvert Isabel Godin des Odonais, par le biais de Marthe Bonnard et de Maurice Garçon. Elle était– et est–totalement inconnue. J’avais découvert Jean G des O, lors d’une expo ,superbe, de fuschias, au Museum .Les deux se sont trouvés réunis, avec la publication du petit livre de J G des O, puis du roman “dona Isabel”. Deux vies , plutôt deux destins, de femme, à la même époque, différents et passionnants. On peut suivre Reine Lepaute sans difficulté; Isabel échappe de toutes les façons, elle est l’héroïne parfaite, mystère et réalité. J’avais pensé qu e sur un blog où l’on parle voyages, dépaysement, quelque blogueur en aurait entendu parler. En même temps, j’ai eu des remords; il est si facile qu’un écrivain s’empare d’un individu peu connu, et en fasse le héros d’aventures romanesques, à bon marché; très fréquent par les temps qui courent. Ce qui peut se trouver dans les archives m’intéresse, à son sujet; et son diable de mari, aussi. Reine Lepaute , grand esprit, peu de mystère. Irai-je à Quito ? il est sûr que je ne descendrai pas l’Amazone sur un vieux rafiot..
* merci à Ph. Dossal, d’avoir accepté mon post, après l’heure de fermeture du courrier; l’écrire m’a permis de réfléchir. J’aime les carnets reliés à la japonaise ou à la chinoise; et les moleskine, dans tous les formats, histoire de famille.Votre blog est très intéressant.
Reine Lepaute n’est pas tout à fait une inconnue, étant alliée à la plus prestigieuse dynastie horlogère de la fin de l’Ancien Régime. C’est par ce mariage avec un des frères qu’elle connaît Lalande. C’est l’époque ou, dans ce milieu, les femmes de bonne maison étudient, dans le sillage d’ Emilie dui Chatelet ou des égéries du vieux Fontenelle.
Bien à vous.
MC
Par hasard, il y a peu, j’ai découvert l’Atelier du Polygraphe et j’ai lu “200 ans pour une fleur” “la clandestine, jeanne Barret”. J’ai aussitôt pensé à Isabel Godin des Odonais, dont l’histoire extraordinaire pourrait intéresser quelques uns d’entre vous. En 2 mots! Isabel de Grandmaison, très jeune beauté,dont le grand-père était français, naît(1728) et vit au Pérou.Elle rencontre en 1741 Jean Godin des Odonais, qui fait partie de l’expédition au Pérou,dirigée par La Condamine,chargé de mesurer le degré de l’arc du méridien terrestre,à l’équateur.Coup de foudre. Isabel ,14 ans, épouse Jean,28 ans.La Condamine rentre en France, et le couple va connaître une vie d’aventures entre Pérou et Cayenne.Lui est parti pour Cayenne , elle veut le rejoindre, passant seule les Andes, remontant l’Amazone…le voyage durera 20 ans dit-on. C’est cela que racontent 2 livres (entre autres) L’un, intitulé “la naufragée des Amazones” paru en 2009 ,77 p. est la réédition du récit fait par Jean Godin des O. à la Condamine, qui s’inquiétait….paru en 1775 …L’autre intitulé “Dona Isabel…” est le roman écrit par Christel Mouchard, paru en 2011 chez Robert Lafont. C.Mouchard indique sur son site “dona isabel” très bien documenté, comment passionnée par le personnage d’Isabel et ses aventures elle est allée consulter les archives à Quito, car de nombreux mystères planent sur cette histoire. Bon roman, qui tient en haleine.
Pour comprendre mieux , il faut lire le livre de J.P.Luminet, vrai savant, astrophysicien et remarquable conteur ” le rendez-vous de Venus”, paru en 1999. Récit passionnant du transit de Venus en 1761, et de l’expédition française chargé de l’examiner; où il est question des rivalités, des difficultés rencontrées par les savants et où il est question d’une femme, Reine Lepaute, qui mena à bien tous les calculs nécessaires pour que Joseph Lefrançois de Lalande mathématicien, puisse s’y retrouver !
En résumé 3 livres fascinants,qui ont trait au 18°, des savants,des aventuriers, des aventures, 2 femmes exceptionnelles et…
des fleurs ! car Jean Godin des Odonais a écrit une douzaine de livres dont au moins 15 vol avec illu sur les plantes, les fleurs du Brésil, du Pérou etc…Il a légué toutes ses collections dont un herbarium de 4000 espèces de plantes, au Museum d’histoire naturelle où elles sont encore aujourd’hui conservées…Il a aussi écrit 5 livres sur les langues Quichua et une grammaire comparée des langues indiennes, au 18° siècle…J.P. Luminet parle aussi de fleurs..la même dont il a été question..Peut-être ces histoires intéresseront-elles quelque blogueur qui passe, comme elles m’ont passionnée; il faut aller à Quito,bien sûr, et au Museum, apprendre le quichua, pourquoi pas ? et appréhender le climat de cette époque privilégiée.
J’ai fini par finir La Clandestine de M.Kahn… faut dire que je l’avais laissé(e) en cale sêche! Sêche c’est l’impression que me fait ce récit tout sauf haletant, je confirme donc mes premières impressions. C’est lisible. C’est tout. Le personnage de Jeanne semble avoir été plus connu que de nos jours, on finit par lui rendre hommage, sous forme, par exemple de pension royale. M.K prétend que Diderot écrit à son propos dans son Supplément “Ces frêles machines-là renferment quelques fois des âmes bien fortes.” J’irai bien voir, mais pas de suite. Une journée m’attend, un peu!
Mes références, Pascale, viennent de Pays-de -Bergerac- -Jeanne-Barret, aisément accessible par” gogol”.
D’après ce que j’ai compris, on manquait alors de document pour les dernières années de JB.
Je ne peux juger le livre lui_meme, seulement le signaler.
Bien à vous.
MC
Vous avez une référence Mr Court?
Suis en train de lire La Clandestine de Michèle Kahn. C’est gentillet. Lisse. Aucun risque, ni littéraire, ni biographique, ni historique… du prêt à lire pour tous.
Mais je ne nie pas un effort (comme on le dit d’une copie d’élève studieux qui fait tout pour traiter le sujet sans génie) pour être dans le siècle, et faire dans l’ambiance. En effet, Philippe, ce que cette femme a vécu au milieu des matelots lors de traversées qui ressemblaient à celles de l’enfer finit par faire ‘couleur locale’ assez bien rendu. L’auteur s’est bien documenté pourrait-on dire. Je n’ai pas fini car j’ai toujours plusieurs casseroles ou plats sur le feu, et un peu de travail aussi, accessoirement.
Je déconseille à Mr Court la lecture de La Clandestine, ça lui évitera des désagréments, mais on peut le conseiller, je n’irai pas jusqu’à le recommander, pour voyager un peu, dans le temps et dans l’espace, si l’on en a besoin.
Il semble qu’il y ait une Jeanne Barret antérieure par Nicole Cryestey, Professeur agrégé aux IUFM -pour une fois qu’ils serviraient à autre chose qu’aux Trissotins et Vadius de l’éducation, c’est à souligner!
MC
Ah, on respire de nouveau! Les deux Larousse sont revenus!
A bientôt.
MC
J’ai en effet vérifié à de nombreuses reprises que la technique est plus lente que l’humain…. bien qu’il l’ait conçue! Combien de fois n’ai-je trouvé le montant d’un article doté d’une remise ou autre déduction pourcentée (n’existe pas je crois bien) avant que la préposée (pourquoi “la?”) à l’écran ait achevé de cliquer la référence de l’article, puis la référence de la remise, puis le jour, la date et l’heure (j’exagère à peine)…
A cette heure, tout va bien, l’atelier a retrouvé sa lumière et son énergie, et recouvré la vitalité de sa présentation initiale. Comme quoi, toutes les nouveautés n’ont pas que du bon…
La Clandestine du voyage de Bougainville est arrivée dans ma petite librairie, ô combien précieuse! qui m’en avertit sur le champ. J’y cours dès demain…
C’est une histoire de “cache” Pascale. Les modifications qui apparaissent sur mon écran ne sont pas immédiatement prises en compte par le serveur. Mais les choses devraient progressivement rentrer dans l’ordre. Enfin je l’espère.
Cela étant, cela montre qu’on ne joue pas impunément avec la technique. Et qu’elle trouve toujours de moyen de se rebeller.
Bonne rentrée.
Moi pas comprendre, l’ancien habillage apparaît quand la page s’ouvre, mais quand on veut poster, on retombe sur l’ancien, et impossible d’y lire la dernière contribution de Philippe…… bon, c’est la rentrée, faut reprendre ses esprits!
Votre argument s’entend M Court, Jeane Barret est sûrement mieux là où elle est que dans ce sépulcre sombre et glacial.
Je me rends, par ailleurs, aux arguments des familiers quant à l’habillage de l’atelier. Nous ouvrons donc les fenêtres pour laisser la lumière éclairer à nouveau la table de travail.
Bonne semaine et bonne rentrée.
Sur Jeanne Barret, rien d’apparent dans Le Grand Larousse du XIXeme, ni le Augé-Larousse fin de siècle. En revanche, si, Bougainville s’est posé la question, et le site le-pays-de- Bergerac-consacre un long développement à Jeanne Barret. Cette affaire de costume n’est pas très étonnante à une époque ou le travestissement est autant une réalité qu’un expédient théatral ou romanesque. Plus étonnante et plus belle est la fidélité manifestée aux Commerson. De meme la décision du Roi si l’on tioent compte qu’elle a été déposée à l’Ile Maurice par mesure disciplinaire, une fois que l’incognito n’était plus tenable…
Bien à vous;
MC
PS
Au Panthéon, cette femme ivre de découvertes et de fleurs?Vous n’y pensez pas. Déjà que Dumas n’est plus à Villers Cotterets….
PPS
Je préfère l’ancienne présentation, non parce qu’elle est ancienne, mais parce que je sais ce que c’est qu’une bibliothèque qui vit. Ici, c’est mortuaire…
Pas très fan du côté papier glacé. Ça a un petit côté de la boîte de pompes funèbres de Michel Vuillermoz dans Adieu Berthe, si tu vois ce que je veux dire. En plus, rien ne passe sur iPhone. Je préférais nettement l’ancienne version, c’était plus cosy, plus chaleureux.
C’est corrigé, Pascale. J’ai également rebaptisé la rubrique conversation, suite à une remarque d’Eric par mail, qui a essayé d’entrer dans la conversation par cette entrée. Or, il s’agit juste du rappel des derniers commentaires.
Dans ma réponse je lui expliquais aussi que sous wordpress, l’habillage est en prêt-à-porter, ce n’est pas du sur-mesure. J’ai donc assez peu de marge de manoeuvre sur chaque modèle.
Je laisse ce costume pour le week-end (qui sera normand) et je choisirai lundi, soit d’adopter cette nouvelle formule, soit de revenir au bureau, moins élégant mais peut-être plus chaleureux.
Je passais, par hasard… et je ne suis pas sur mon ordi perso, donc j’ai mis le changement de décor sur le dos de la machine inconnue (comme si c’était possible!) mais en fait, c’est le grand ménage d’automne, et franchement, c’est un peu austère…
(et mon Philibert Commerson n’en a pas pour autant retrouvé son prénom)
Pour ma part, je préfère avec la photo du bureau.
Il semble, mais ce n’est pas bien grave, que ledit Philippe Commerson (est-ce une injonction? “Commerçons!”) se prénomme en fait, Philibert….
Pour la qualité d’écriture de la bio en question, on jugera sur pièces. Mais que l’enquête soit exhaustive, et qu’elle ne soit pas écrite avec les pieds, c’est déjà pas mal…
Il est vrai que la relation du voyage de Bougainville n’est pas très excitante M.Court, à l’exception du passage à Tahiti. Je ne me souviens plus d’avoir lu sous sa plume la découverte de Jeanne Barret, mais certaines notices l’affirment. Le La Pérouse est plus lisible quoique copieusement lardé d’indications nautiques.
Je n’ai pas lu, Pascale, le bouquin de Michèle Kahn, et comme je connais vos exigences, je ne garantis pas sa qualité littéraire. Mais il semble le fruit d’une véritable enquête.
Quelle histoire!
Je vais lire le bouquin de M. Kahn, il est en 365ème position dans la pile. Mais comme la pile peut s’écrouler d’un geste maladroit, ou d’un acte manqué, on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise. En tout cas, la nouvelle est sympa. Et je suis ravie de n’avoir pas à consulter une BD, genre dont je n’arrive pas à m’approcher, alors, si, en plus, elle ne vaut pas tripette, pensez donc!
Portez vous bien comme ils disaient…..
Eh bien! une situation romanesque dans le récit le plus ennuyeux du Dix-Huitième siècle, ou le comble du lyrisme est atteint quand l’auteur aligne trois adjectifs! On l’ignorait, mais je ne crois pas que le soporifique auteur en parle!
Bien à vous.
MC