C’est une petite librairie de rien du tout. Une boutique discrète dehors et lumineuse dedans, que l’on remarque à peine au détour de l’église. Et pourtant c’est une vraie librairie, qui fait la part belle à la littérature, où Montaigne et Kerouac sont chez eux. Où Léonard de Vinci dresse le doigt à l’entrée.
On pensait les créations de ce genre révolues, qui plus est dans les petite villes de campagne, où les supermarchés se chargent désormais de commercialiser quelques best-sellers « vus à la télé » entre deux vêtements fabriqués au Bangladesh. Et pourtant elle l’a fait. Julie Beauparlant-Routier a ouvert « La Plume » en juin dernier dans le bourg de Blain, chef-lieu de canton de Loire-Inférieure.
Pour ne pas être noyée par la marée des nouveautés, cette jeune libraire lettrée a renoncé aux bons « offices » des éditeurs. Elle compose elle-même son fonds, où la littérature classique est bienvenue, où Maupassant et Proust ont toute leur place. Mais pas que. La littérature étrangère y est aussi bien représentée, tout comme le roman policier et la littérature enfantine. Et puis quelques coups de cœur, dans la production récente évidemment, parfois assortis de notes de lecture. Pour le reste, « La Plume » travaille sur commande.
On n’attendra pas plus longtemps à La Plume un livre qu’on ne l’attendra chez Amazon et on fera vivre ce rêve fou de conserver une librairie de chair et de papier à deux pas de chez soi. On aura même le loisir désormais de se procurer les récits de voyage du polygraphe, qui ont trouvé ici le havre qui leur manquait dans cette « campagne au sommeil épais » moquée par Julien Gracq dans La forme d’une ville. Un sommeil pas si épais que ça finalement.
Illustrations : Toute l’oeuvre peinte et graphique de Vinci, chez Taschen pour 20€, Julie Beauparlant-Routier dans sa librairie (photo Ouest-France).
Pas beaucoup de temps ce matin, mais je repasserai plus tard.
Envie de répondre à ce que dit Marie, mais impossible d’approfondir dans l’instant. Bref, vous l’aurez compris, je ne dispose pas pour le moment “d’un temps de folie”… L’arrivée de la Plume, qui plus est dans un lieu préservé des foules et des bousculades, n’aurait-il pas aussi quelque chose à voir avec cette sage décision de revenir, -comme pour la consommation domestique-, à des comportements disons moins frénétiques, moins urgents, moins rapides?
Ta remarque sur le contrôle social (ou plutôt la peur de certains lecteurs d’être jugés sur leurs choix) dans les petites librairies est recevable Marie. Je l’ai expérimentée à mes dépends dans ma bouquinerie. Et les libraires n’en tiennent peut-être pas assez compte.
Que des lecteurs approchent la littérature par quelques best-sellers n’est pas un problème en soi. Ce qui pose question dans la montée en puissance de la grande distribution, c’est la modification de l’équation économique qu’elle implique. En pompant les volumes les plus faciles à écouler, elles assèchent les revenus des librairies, bousculés par ailleurs par internet, qui voient leur chiffre d’affaires d’effondrer. La conséquence c’est la disparition des plus fragiles et par conséquent une rétraction de l’offre. Les supermarchés peuvent, certes, proposer des choix de qualité, c’est de fait parfois le cas, ils ne s’embarqueront jamais dans la constitution d’un fonds. Les stocks doivent tourner, c’est la règle. Et la durée de vie d’un livre dans leur rayons est très courte. Ce qui implique une course permanent à la nouveauté et… aux livres jetables.
Bien sûr tu as raison de célébrer ces officines indépendantes, mais ce serait généraliser abusivement que de cracher sur toutes les grandes surfaces qui cherchent à vendre des livres. J’en connais une en particulier dans laquelle manifestement on s’est attaché les services de quelqu’un du métier et qui propose un choix tout à fait intéressant et parfois même remarquable d’ouvrages variés. J’y rencontre régulièrement des tentations auxquelles je ne peux pas ne pas céder. Et je trouve ça formidable de penser que cette offre se fait au plus grand nombre. C’est une voie d’accès à la culture qui peut ne pas en rebuter certains parce qu’elle ne semble pas réservée, élitiste, et je trouve que l’organisation de ce(s) rayon(s) en eux-mêmes et à l’intérieur du magasin est plutôt judicieuse et bien pensée. C’est important, non ?
Partant de la situation d’aujourd’hui, je pense qu’il est illusoire d’imaginer que les deux modes de distribution sont susceptibles de capter le même public. Il y a quelque chose d’extrêmement intimidant à entrer dans une petite boutique, à être confronté au regard, peut-être au jugement de l’occupant des lieux. Et pour moi la première qui pourtant ai quelque familiarité avec ce type d’objet. Bien sûr, c’est peut-être un peu différent là parce que je suis terrorisée à l’idée de rentrer dans n’importe quelle boutique si je sais que je vais devoir y affronter un vendeur, mais je peux néanmoins facilement comprendre les réticences d’un public peu lettré et naturellement un peu complexé de cet état de fait. La grande distribution leur offre l’avantage de l’anonymat et permet donc à des gens qui ne l’auraient pas osé autrement un type d’achat qui, s’il commence par les bestsellers, pourra peut-être les mener à force vers une littérature plus pointue, qu’ils iront plus tard, si tout va bien, chercher dans de petites librairies. Lesquelles existeront toujours puisqu’il y a encore des gens comme toi qui les font vivre avec régularité.
Ceci dit, je comprends l’inquiétude ambiante concernant le sort de ces petites officines. Et si tu veux bien accepter que des moins initiés aient le droit d’aller en grande surface faire leurs achats, je veux bien moi faire un effort pour fréquenter plus assidûment le petit commerce. Mais c’est pourtant bien pratique de faire toutes ses courses en même temps quand on ne dispose pas dans la vie d’un temps de folie.
Alors ça, c’est ce qui s’appelle une bonne nouvelle.
Vraiment.
Dans le flot ininterrompu des fatrasies insipides qui ruissellent de nos écrans.
Longue vie à La Plume!