L’illusion de la gratuité

La semaine dernière c’était un cyclone, cette semaine c’est un seau d’eau qui a mis le feu à la prairie. Radios, télévisions et journaux sont brusquement montés en température autour d’une information capitale. Emmanuel Macron aurait décidé de dormir sur un lit de camp et de prendre sa douche avec un seau d’eau au petit matin lors de son passage à Saint-Martin. Scandale interplanétaire immédiat, abondamment relayé par les réseaux sociaux : Macron met en scène son intervention aux Caraïbes.

Sauf que… l’information était fausse. Issue d’une supposée confidence de l’entourage du PR à un journaliste de RTL. Ce que révèle le lendemain deux journaux papier. Macron a tout simplement dormi chez un gendarme. La femme d’icelui s’est d’ailleurs montrée fort marrie que l’on mette en doute la qualité de son hospitalité.

Mais passons, cet épisode met en lumière la tragique dérive de ce qu’il était jusqu’alors convenu de qualifier de “grande presse”. Les journalistes, envoyés spéciaux et reporters de terrain, soumis à la pression de réseaux sociaux qui, tels twitter, se posent en agences de presse parallèles, réagissent comme des lapins pris dans les phares d’une voiture, ils plongent au jugé dans le premier interstice  venu. Histoire de montrer qu’il existent. Il fut un temps ou une erreur grossière de ce type eut été sanctionnée. Ce n’est plus le cas. On n’a plus le temps. Un phénomène étrange est en train de se produire. A l’image de ce qui se passe aux Etats-Unis ce n’est plus la réalité de l’information qui importe c’est son incandescence, sa capacité à déclencher un incendie, à générer du clic.

A l’opposé de ces tempêtes qui se déchainent régulièrement, un support consacré aux enquêtes au long cours vient de voir le jour à Nantes. Mediacités, se veut “un journal en ligne d’enquête et de décryptage consacré aux principales métropoles françaises.” Déjà implanté à Lille, Lyon et Toulouse, il ouvre à Nantes. Un pari insensé à l’heure où l’illusion de la gratuité est souveraine ? Pourquoi payer une information puisque je peux me faire une idée de l’actualité qui importe  aujourd’hui simplement et rapidement sur internet ? C’est oublier un principe simple : quand c’est gratuit c’est toi le produit.

L’idée n’est pas de faire la morale ce dimanche matin, mais d’attirer l’attention sur le fait que les véritables sources d’information se raréfient, faute de moyens, au profit d’un océan de clichés survendus, fabriqués pour chatouiller nos émotions.

On pourrait par exemple, en ce dimanche 17 septembre au matin, plutôt que de s’indigner à peu de frais sur le sort des Rohingas, qui envahit nos journaux sans que l’on y comprenne grand chose, se préocccuper de la situation des 27 mineurs isolés qui débarquent chaque semaine à Nantes, et que tentent de prendre en charge un collectif d’hébergeurs solidaires. Florence Pagneux, est allée à la rencontre de quelques familles qui accueillent discrètement ces jeunes gens, dont le souhait le plus cher n’est autre, pour l’un des garçons rencontré, que de devenir plombier. Des jeunes gens qui se réjouissent devant une trousse remplie pour aller à l’école. Mais pour prendre connaissance de cette enquête, il faut payerun peu  de sa personne, accepter de verser son écot à Médiacités, qui en retour rémunère correctement ses collaborateurs, lesquels réalisent de véritables enquêtes de terrain. C’est tout bête, ça s’appelle du journalisme.

 

 

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