Les fonctionnaires fantômes de Mayotte

Les fonctionnaires de la préfecture de Mayotte ont des titres étonnants. Il existe par exemple un “Chef de la mission fraude départementale, Secrétaire général”. Il s’agit peut-être d’un titre honorifique ou d’un ornement sur une carte de visite, parce que le susdit fonctionnaire, s’il est doté d’un titre à rallonge, n’est pas extrêmement véloce lorsqu’il s’agit de faire preuve de ses talents.

La préfecture de Mayotte

 

Il étudie ainsi depuis dix-huit mois, le dossier d’une voiture – feu la mienne en l’occurence, une première main munie de tous ses papiers  – expédiée par bateau en 2019 depuis Saint-Nazaire – pour savoir s’il va daigner lui accorder une carte grise. Il n’était pas certain que c’était que c’était la bonne voiture. Scrupuleux, il a donc diligenté un inspecteur des services de l’Etat,  pour ausculter l’animal, vérifier les caractéristiques, les numéros de plaque, de moteur, la couleur de la robe, le moëleux des sièges. Il a eu accès au carnet de santé de la machine, ses révisions, ses vaccinations. Tout était parfait.

Un an plus tard, en dépit d’incessantes relances, d’heures d’attente au téléphone, de courriels inquiets, pas l’ombre d’une nouvelle, pas la moindre trace de vie dans le bureau de ce secrétariat général fantôme. De passage sur l’île, j’ai tenté ces dernières semaines de débrouiller l’affaire (cette voiture qui n’est plus la mienne, mais pas encore celle de mes enfants, roule sans papiers, faute de carte grise). Et en l’absence de réponse du secrétariat général de la mission fraude départementale, j’ai confié mon désarroi à un confrère, rencontré lors d’un précédent séjour, journaliste sur l’île.

Voilà deux semaines, les “Nouvelles de Mayotte” ont relaté l’affaire (accroche de Une “L’impossible carte grise”, pleine page expliquant le malaise, et évoquant même la possibilité d’un trafic de cartes grises), à la suite d’un entretien avec Dominique Voynet, la directrice de l’ARS (Agence Régionale de Santé). Rien, pas une réaction de la préfecture, en dépit d’une relance quelques jours plus tard de la directrice de cabinet du préfet.

Que faire de plus, que dire, qui alerter ? Pour l’heure la solution adoptée est simple. En lieu et place de la carte grise (la voiture est assurée), les gendarmes trouveront une copie de ‘L’impossible carte grise” des Nouvelles de Mayotte. Peut-être auront-ils plus de chance qu’un citoyen ordinaire et sauront-ils trouver, voire réveiller le Secrétaire général de la mission fraude départementale. En théorie il n’est pas à la plage parce que l’île est confinée. Mais il ne faut jurer de rien dans cette île aussi jolie que fantasque.