C’est une île minuscule perdue dans l’océan indien, un banc de sable entouré d’une ceinture de récifs coralliens. Tellement perdue qu’elle ne figurait pas sur les cartes marines, en 1761, lorsqu’une frégate française de la Compagnie des Indes, chargée d’esclaves malgaches embarqués clandestinement, s’y brisa les côtes par une nuit sans lune. Ce naufrage donnera lieu à l’un des épisodes les plus fous de l’histoire de la navigation.
L’île Tromelin, confetti inhospitalier de l’empire français, en permanence balayé par les vents, mais peuplé par trois fonctionnaires de Météo France, refait ces jours-ci surface dans l’actualité, en raison d’un accord contesté avec Maurice, qui en revendique la propriété.
Ce joli conflit territorial m’a renvoyé à un livre étonnant, “Les naufragés de l’île Tromelin” publié il y a deux ou trois ans, que j’avais dû lire, un peu à reculons confessons-le, pour animer une causerie avec son auteur, Irène Frain, à l’occasion de Plumes d’Equinoxe, la manifestation littéraire du Croisic. Et quelle ne fut pas ma surprise, de découvrir, au fil de ce récit somme toute bien conduit, une histoire incroyable, tirée de faits réels, digne de l’aventure de la Méduse.
Les rescapés de l’Utile, dont le capitaine est devenu fou au lendemain du naufrage, ont en effet construit deux villages de fortune sur cet îlot de sable qui culmine à sept mètres d’altitude, l’un pour les blancs, l’autre pour les esclaves, et reconstruit en deux mois, de toute pièce, une embarcation pour tenter de rejoindre Madagascar. Problème : au moment de partir, le navire s’est avéré trop petit pour embarquer tout le monde, et les soixante esclaves survivants, ont été abandonnés sur place avec quelques vivres et la disposition d’une vague source d’eau saumâtre.
Quinze ans plus tard, la Corvette du capitaine Tromelin aborde l’île et y trouve sept femmes vêtues de plumes d’oiseau et un bébé de huit mois. Elles avaient réussi à entretenir une flamme pendant quinze ans sans le moindre bout de bois, se nourissant d’oeufs d’oiseaux et de tortues. Un récit poignant, qui s’inspire des travaux d’un chercheur, Max Guérout, qui a travaillé des années sur l’histoire de ce naufrage et réussi à en reconstituer l’essentiel grâce aux témoignages écrits des marins et à des recherches minutieuses conduites sur le site.
Avouons-le, je n’avais pas une bonne image d’Irène Frain, dont j’ai découvert à cette occasion qu’elle était agrégée de lettres classiques, mais surtout qu’il s’agissait d’une femme charmante, pas pimbèche pour un sou, et qu’elle était, au moment de la sortie su livre, totalement imprégnée par son sujet.
Mais au-delà de l’anecdote, c’est un vrai beau récit d’aventures, qui remet en perspective certaine histoire noire du XVIIIe.
http://www.clicanoo.re/364950-un-depute-obtient-un-debat-sur-la-cogestion-de-tromelin.html?utm_medium=twitter&utm_source=twitterfeed
Voilà ce qu’en dit le Journal du coin, càd, le quotidien réunionais.
A l’époque, en effet, le bouquin d’I Frain avait fait quelques vagues, que je crois dues surtout au sujet, un vrai trésor de guerre. Il y avait tout dans cette occasion d’une nouvelle robinsonade revue et corrigée pour faire un honnête succès de librairie.
Suis allée lire l’article et regarder la carte! ouahhhh! j’avoue, à ma grande honte, être assez friande de ces petites choses insolites, politiquement minuscules, qu’il va falloir pourtant prendre très au sérieux!