Spinoza est un problème. Son grand œuvre L’Ethique est un fagot d’épines, impénétrable au commun des lecteurs, qui exige de se munir d’un coupe-coupe pour pénétrer phrase après phrase dans l’univers mental de l’auteur. Pour autant, tout lecteur un peu curieux, qui l’a croisé ici ou là, sent que cet homme a des choses à nous dire. Bergson n’écrivait-il pas « tout philosophe a deux philosophies, la sienne et celle de Spinoza. »
Comment faire alors ? J’ai tenté de l’aborder par la bande cet été, au grand dam d’amies philosophes, qui ne jurent que par le texte. « Le texte, Philippe, le texte ». C’est ça les filles, et si je ne comprends rien, comment je fais ? Le Spinoza de Alain, n’est pas mal, quoiqu’un peu laborieux. Plus convaincant, plus clair et plus abordable est le Spinoza, une philosophie de la joie de Robert Misrahi. On commence à toucher là à la pensée de ce juif iconoclaste, excommunié pour avoir remis en cause la représentation de Dieu au XVIIe.
Le propos n’est pas ici de résumer en trois lignes la philosophie de Spinoza, au risque de nous faire agonir par le premier érudit de passage. On peut toutefois esquisser l’idée que pour Spinoza, Dieu n’est autre que la nature, de laquelle nous procédons et à laquelle nous appartenons. Et que notre bonheur n’est pas à chercher du côté des passions mais du côté de la raison. Raison que l’on doit parvenir à hisser au rang de passion pour connaître une joie intérieure sans entrave et sans limite. Bref pour mourir réconcilié avec le monde.
Mais pour celles et ceux qu’une approche philosophique effraie ou ennuie d’avance, il est un roman qui conjugue plusieurs vertus, celle du plaisir de lecture, de la culture religieuse, historique et philosophique : Le problème Spinoza, paru cette année en poche, qu’une main amie a eu la bonne idée de m’offrir. Ce roman du psychiatre américain Irvin Yalom est un pur délice, en dépit d’une construction binaire qui peut paraître un peu téléphonée (il s’agit des vies parallèles de Baruch Spinoza et d’Alfred Rosenberg, théoricien nazi qui confisqua la bibliothèque de Spinoza).
Yalom, au fil d’un récit d’une désarmante limpidité, nous invite dans l’atelier de Spinoza, où ce dernier polissait des lentilles pour gagner sa vie, et nous permet de comprendre le parcours de ce génie – le mot n’est pas ici galvaudé – qui a consacré sa vie à bâtir une philosophie de l’existence, débarrassé de ses préjugés et du poids de la tradition religieuse. C’est à la fois simplissime et bouleversant. J’ai lu les 500 pages en deux jours, emporté par cette double biographie, par ailleurs fort bien documentée… et couru à la librairie me procurer La méthode Schopenhauer du même Irvin Yalom.
Illustrations : portrait apocryphe Spinoza (la Malleauxlivres),”Le problème Spinoza”, le livre de poche.
Beaucoup apprécié ce roman, même si j’ai eu beaucoup plus de mal avec Et Nietzsche a pleuré, qui a m’a surtout ennuyé.
A quoi il faut ajouter Lynn C Hynnes, Le Grand Pillage de L’Europe paru après et qui a bénéficié des archives américaines. Moins connu, mais peut etre plus intéressant s’agissant d’une Vue d’Ensemble.
Bien à vous.
MC.
PS
Je me doutais d’ne histoire de ce genre. A noter que les inventaires taisent souvent les livres les plus intéressants, ne laissant que la partie émergée de l’iceberg. C’est à tout prendre moins grave que de créer un faux ouvrage vers 1820 en le présentant comme l’œuvre d’un Carme du XVIIeme siècle, qui risque de n’avoir jamais existé….C’est la dernière de ces jours-ci. Je comprends le peu d’enthousiasme de la famille a laisser conulter ses archives!
Bien à vous.
MC
A propos du pillage des oeuvres d’art par les nazis (notamment Göring), je cherchais hier soir les références d’un ouvrage de référence sur le sujet, par un auteur sud-américain, journaliste au Washington post, qui a conduit une enquête de plusieurs années sur le sujet et entrevu lors d’un débat avec Pierre Michon aux rencontres littéraires de la maison des écrivains de Saint-Nazaire. Il s’agit du “musée disparu” d’Hector Feliciano :http://www.meetingsaintnazaire.com/Hector-Feliciano.html désormais disponible en folio.
En fait non, sa bibliothèque ne nous est pas parvenue. Elle a été dispersée à sa mort comme tous ses biens. Sa soeur a refusé sa succession. Mais on en connaissait précisément la composition. La bibliothèque saisie par Rosenberg dans le petit musée Spinoza est une recomposition (mais scrupuleuse, dans les éditions citées) opérée bien plus tard (je ne me souviens plus précisément, sans doute au XIXe).
Ah, Rosenberg confisquant la Bibliothèque de Spinoza? J’ignorais quelle nous était parvenue, compte tenu de l’exclusion lancée par la communauté Juive.
Cela étant, en matière de science-fiction raciste le principal écrit de Rosenberg vaut le détour pour voir jusqu’ou peut tomber un esprit.
Bien à vous.
MC
Champagne!!!!
Et la méthode Schopenhauer vous servira de caviar. C’est aussi un régal. Mais pas du tout, pas du tout, le même univers, je veux dire la même façon de dire. De dire, hein, pas d’écrire…