Patron de presse n’est pas un métier facile. Comment virer un pigiste* à qui l’on n’a pas grand-chose à reprocher sinon un billet impertinent sur un blog improbable, tout en s’asseyant sur le droit du travail. La solution est un peu byzantine mais peut s’avérer efficace. Il suffit de faire comme si de rien n’était et de ne plus lui donner de travail. Juridiquement, l’animal ne peut rien reprocher à son employeur, il est toujours officiellement collaborateur du support, comme en atteste sa présence dans la liste des journalistes maison. Il suffit de laisser s’éteindre progressivement ses revenus pour qu’il ne puisse plus arguer d’une collaboration régulière (l’une des particularités du statut de journaliste-pigiste étant que ses bulletins de paie font office de contrat de travail).
En publiant le 14 février, un billet d’humeur intitulé « Les sous-doués de la presse parisienne » dont les familiers de ce blog se souviennent peut-être, je ne méconnaissais pas le risque de déplaire à la rédaction parisienne du Point, pour laquelle je travaille – travaillais devrais-je dire – depuis plus de douze ans. Mais je ne m’imaginais pas que les choses prendraient une tournure aussi curieuse : viré dans les faits mais non pour la galerie. La rédaction en chef du Point n’est pas avare de critiques acerbes à l’égard de la terre entière, mais supporte très mal la critique à son auguste encontre, sans oser l’avouer.
Bien que l’on ne m’en ait pas informé, mon affaire était pliée au lendemain de la publication du billet (je suis au passage flatté par la puissance de feu de ce modeste blog). Cet impertinent devait être licencié sans autre forme de procès. Problème toutefois : quel motif allait-on invoquer ? Douze années de collaboration régulière attestée par autant de bulletins de paye, sans pouvoir arguer d’une faute grave, voilà qui risquait de faire grimper l’ardoise des indemnités. La meilleure solution était donc de ne pas bouger et de faire comprendre, en creux, au coupable, qu’il était désormais indésirable.
Intrigué par ce licenciement qui ne disait pas son nom, j’ai dans un premier temps tenté d’en savoir plus auprès de mon chef de service, sans succès. Silence radio. Je viens de mener une petite enquête qui confirme le scénario : « Tu n’es pas officiellement viré parce qu’ils ne veulent pas te payer d’indemnités. Ils jouent la montre. » Mes amis pigistes me conseillent de monter au créneau, bulletins de paye en bandoulière et lettres recommandées au poing. Je ne le ferai pas. Pour avoir déjà mené un combat comme celui-ci, je sais toutes les prises de tête, les nuits sans sommeil qu’impliquent une guerre de tranchées. Montaigne a raison quand il dit qu’il vaut souvent mieux « perdre sa vigne que la plaider ».
Et puis me lancer dans une procédure m’aurait muselé. Le droit est une matière subtile, où l’intox joue un grand rôle. Alors qu’aujourd’hui je peux allègrement me libérer d’une étiquette devenue de plus en plus pesante, de plus en plus infernale à assumer. Les patrons du Point, reclus dans leur tour d’ivoire, avenue du Maine, ne le mesurent pas encore mais, à coup de Unes grotesques et méprisantes, l’image du journal s’est singulièrement dégradée ces dernières années. Confessons-le : je serai content de ne plus y être associé quand le journal aura l’amabilité de me rayer de ses tablettes.
*Le pigiste est un journaliste indépendant payé à la ligne.
Merci M Court. Je vais essayer de le trouver cet après-midi à Nantes. Je ferai le point (pardon) sur cette affaire dans un prochain billet.
quelque cjhose hier dans Libé à propos d’une de vos consoeurs d’Elle, mais les statuts sont ils comparables?
MC
(éphémère pigiste!)
Vous tombez bien Lalo. Je redeviens pugnace en cette rentrée (et accessoirement ruiné). Une galère arrivant rarement seule, mes employeurs se semblent ligués pour faire lanterner leurs paiements. Je suis au taquet chez le banquier, racketté comme la Grèce.
Mais bon, je vais bouger en septembre. J’ai eu un bref échange de recommandés avec le journal, qui considère que j’ai “publiquement fait savoir” que je ne souhaitais plus collaborer au titre.
J’ai répondu que le malentendu se situait “à la croisée de la liberté d’expression et du droit du travail” et que je leur serais reconnaissant, à tout le moins, de me délivrer le certificat de travail qu’on me réclame ici ou là. Mais la direction n’a pas bougé depuis juillet.
J’assure d’abord pour un nouveau boulot (presse professionnelle, plus confort) et je m’en occupe. Mais il me faut auparavant prendre quelques conseils du côté de quelques juristes amis.
Pas d’accord cher confrère. l’absence de réaction pour se battre pour NOS droits n’aide ni toi, ni les autres. 2 raisons:
1: en ce qui concerne notre métier, les jugements font office de jurisprudence (et donc de loi, faute d’en avoir une claire à notre égard)
2: justement, Le statut de pigiste est illégal, de fait il s’agit juste d’un mode de paiement et non d’un statut. De plus: un contrat déguisé lorsqu’il dure 12 ans comme toi pour un même support. Si personne ne s’en plaint, aucun changement possible.
Faire un procès aux prudhommes implique inéluctablement et au minimum 12 mois d’indemnités (1 par année d’ancienneté) plus 3 mois de préavis, et l’accès à l’assurance chômage (pour lequel je te rappelle nous avons cotisé). Les syndicats ne nous défendent pas ou mal. Reste juste… NOUS. Après, on est blacklisté ? Et alors. De toutes façons , on l’est. La faute à un esprit par trop journalistique.
Pour infos, l’ayant fait par deux fois, le résultat est obligatoirement positif. Tu ne seras muselé comme tu le dis que si tu passe un accord avec ta rédaction à l’amiable. Enfin c’est ce qu’ils te diront. Car ds les faits, tu as parfaitement le droit de t’exprimer dans tous les cas. La feuille que tu devras signer pour assurer ne pas entamer de procédure ultérieure à l’accord et ne rien divulguer étant considéré écrit “sous la contrainte” pour obtenir tes subsides dus.
PS: Ce statut est aussi débile que celui de vacataire pour l’université (tu connais:)
bon courage
Lalo
Pas sûr que Eldé revienne vous répondre voire lire les commentaires.
Il y a comme ça des oiseaux qui volent sur la large toile et se sauvent après avoir marqué leur passage…
Vous êtes ici, Elde, dans l’atelier d’un polygraphe. Un atelier ouvert, où l’on entre que si on le souhaite. J’y donne parfois quelques clefs sur les aspects concrets du métier, il m’arrive d’ouvrir les cuisines, comme ici sur l’exercice de la pige, méconnu du grand public, quand un épisode me semble exemplaire.
Etant mon propre éditeur en ce lieu, j’y exerce ma liberté, en mesurant les risques que cela implique. Et j’accepte le débat pourvu qu’il soit civil. Il faut supposer que ce type d’éclairage intéresse quelques lecteurs puisque cet atelier bénéficie d’une fréquentation honorable.
Il est vrai que l’approche est ici plus personnelle et donc plus subjective qu’elle ne le serait sur un support plus classique. C’est à la fois la force et la faiblesse de l’exercice.
Pour revenir à ce billet, ce que vous ne mesurez peut-être pas c’est l’isolement dans lequel se trouvent des bataillons de pigistes (de plus en plus nombreux) en France, ce soutiers de la presse qui ne connaissent même pas pour certains, la tête de leur commanditaires. Ce billet est aussi une façon de leur faire un clin d’oeil de mettre en lumière leur condition, leur soumission à des règles qu’ils n’ont pas nécessairement choisies: http://philippedossal.fr/de-lhabillage-de-la-copie/. Et plutôt que de brasser des généralités je m’appuie sur un exemple concret. On ne parle bien, me semble-t-il, que des choses que l’on connaît et que l’on comprend.
” je ne suis donc pas formate pour m’epancher et raconter publiquement, alors que vous c’est la base de votre metier ”
S’il y a de mauvais journalistes, il y a aussi de mauvais lecteurs dont vous pourriez être.
Mauvais lecteurs les gens qui se font une opinion sur un seul texte alors que sur l’ensemble de son blogue notre hôte aborde cent sujets où il ne parle pas de lui.
Mauvais lecteurs les gens qui confondent article de presse (soit une commande) et article de blogue.
Sans doute êtes-vous un cador dans un secteur qui ne connait pas la précarité ? Dans un monde aussi précarisé que celui des pigistes, bien évidemment on ne peut pas se payer le luxe de dire merde à un employeur indélicat (ils le sont tous, il suffit de lire “Journaliste précaires”, d’Alain Accardo, édition Agone, pour s’en rendre compte) pour aller voir ailleurs.
Vous avez raison de parler de différences de mentalité. Tout le monde n’a pas une mentalité de larbin qui s’écrase en rasant les murs. Certains peuvent avoir envie de cracher dans la soupe quand elle est dégueulasse.
Disons que j’ai une ethique personnelle differente.
Lorsque je suis en desaccord avec mon employeur a un point qui me rend penible de continuer, je pars de moi-meme.
Je n’attend pas d’etre econduit pour pouvoir me plaindre et demander reparation.
Cela m’est arrive par le passé, la politique menee ne me convenait plus, je suis parti sans critiquer, simplement en signifiant que je ne me retrouvais plus dans le visage de la societe.
C’est la reconnaissance du ventre, c’est aussi admettre qu’une methode qui ne me convient pas n’est pas forcement une mauvaise methode.
Mais il est vrai que je n’exerce pas dans le journalisme, je ne suis donc pas formate pour m’epancher et raconter publiquement, alors que vous c’est la base de votre metier.
Des differences de mentalites qui font des differences d’attitude.
Merci Denis, ton soutien me touche. Tu sais mieux que personne que ce n’est pas affaire de loyauté, mais de gestion des ressources humaines. Je suis frappé par les soutiens amicaux qui me proviennent du journal même.
Je n’en vais pas moins passer à autre chose, ne souhaitant pas m’auto-intoxiquer avec cette affaire. Si le journal ne bouge pas, je demanderai des explications lorsque le fièvre sera retombée. Et si la direction ne fait pas preuve d’un minimum d’élégance, j’aviserai.
Pour information, cette affaire a fait exploser la fréquentation de ce blog. Dans un premier temps grâce à la viralité des réseaux sociaux, dans un second grâce au relais pris par les médias en ligne. Merci encore à toutes et à tous.
Courage Philippe ! J’avais espéré que cela se passerait bien pour toi, dans la continuité des collaborations de ces douze dernières années. Une récente pratique des “ressources humaines” de ce média, basée sur le “silence” que l’on peut qualifier de mépris, pratique que nous connaissons hélas tous deux, mérite une vraie
réparation financière. L’impact provoqué par ce blog devrait faire bouger les lignes…
Nous sommes tous derrière toi
Amitiés
et si la chose est quasi entendue, ce que je crois, pourquoi attendre alors? car même dans ses droits, ce n’est pas une partie de plaisir, il faut apurer la situation dès que possible, finir et en finir, couper les ponts.
3 ans c’est long! faut avoir les moyens d’attendre!
Vous avez raison. Vous avez trois ans pour aller devant les Prud’hommes. Si ça peut vous aider, je vous précise que j’ai vécu un peu la même chose que vous. J’ai été licencié d’un grand quotidien régional dont je tairais le nom (je ne dirais pas non plus qu’il est du Sud-Ouest ;-)) alors que j’étais supposé être pigiste permanent. Bien entendu, j’ai gagné devant les Prud’hommes parce que pigiste permanent, ça n’existe pas, un pigiste permanent est considéré comme étant en CDI.
Moi aussi, je me suis laissé aller, en attendant mon procès, à dire ce que j’avais sur le cœur. Le tribunal a cependant considéré que je n’ai pas porté préjudice au journal en racontant ma mésaventure et que je n’avais aucune intention de nuire à mon employeur. Je pense qu’il en est de même pour vous, je trouve que vous avez été plutôt mesuré dans vos propos. Si je devais vous donner un conseil, c’est de consulter un avocat qui pourra vous dire si c’est jouable ou pas. Si je devais vous en donner un deuxième, dans le cas où vous iriez devant les Prud’hommes, prenez un avocat. Au pire il vous prendra 10 % de ce que vous gagnerez.
// la direction du journal, qui semble familière de ce genre de pratique, va peut-être se méfier un peu plus la prochaine fois //
C’est bien, et c’est beau, entièrement d’accord pour que nos expériences profitent aux autres, mais pas au prix de soi-même. J’enlève alors “masochisme” et je mets “goût du sacrifice”, c’est plus chrétien…. que cela fasse un bien fou, n’en doutons pas, mais eux…. “même pas mal” en revanche!!!!
Le droit c’est d’abord les faits. Lesquels sont traduits dans des mots. Il faut juste trouver le bon causeur, le bon traducteur.
Les conseils de retrait viennent d’une bonne intention, mais totalement irréalistes, il n’y a aucun droit à l’oubli sur internet, et tout propos retiré en devient deux fois suspects, la première parce qu’il a été dit, la seconde parce qu’il a été effacé.
Ce n’est pas une question de masochisme, mais de choix. J’en dis deux mots dans le billet. Quand on se lance dans une procédure juridique il faut peser chacun de ses termes (le droit c’est de la langue) pour donner un minimum de prise à la partie adverse. Chaque formule que vous employez peut se retourner contre vous, surtout s’il y a une trace écrite (ce qui est le cas sur internet). En optant pour la liberté de parole, j’affaiblis à chaque intervention ma défense (certains amis syndicalistes m’ont d’ailleurs conseillé de retirer certaines informations, comme le fait d’avoir “décliné l’invitation” de participer à certains dossiers). Ce que je n’ai pas souhaité faire. Ce peut être considéré comme une rupture unilatérale de contrat (même si j’ai quelques biscuits sur cette affaire). Qui plus est, en règle générale, la négociation d’un départ est généralement assortie d’une clause de confidentialité.
L’avantage de cette liberté de parole, peu souvent exercée par les journalistes pour des raisons tout à fait compréhensibles, c’est que la direction du journal, qui semble familière de ce genre de pratique, va peut-être se méfier un peu plus la prochaine fois. Sans compter le fait que ça fait du bien.
//Mais je suis aussi conscient d’avoir donné des bâtons pour me faire battre en publiant ces humeurs.//
Je me trompe ou il y a comme un aveu de culpabilité qui ne dit pas son nom? autoflagellation aussi? la chose est pourtant claire à défaut d’être facile à régler : ou la cessation brutale de votre participation au Point après tant d’années, tant d’articles, tant de fiches de rémunération, valent juridiquement pour contrat de travail et le licenciement est illégal dans ses formes, ou pas.
//Je crois que vais laisser refroidir les choses avant de décider//
Et battre le fer pendant qu’il est chaud (plutôt que laisser refroidir) est aussi un bon moyen pour que le dossier avance, la publicité sur des pratiques douteuses n’est pas le fort des employeurs. Tous ceux qui vous soutiennent sont dans les starting-blocks je suppose, ne les laissez pas se faire distraire par d’autres affaires qui ne manqueront pas de les occuper.
Il n’y a jamais d’immoralité (donc stop aux reproches narcissiques) à faire respecter ses droits, les faire valoir. Mais s’asseoir dessus est un tantinet masochiste, cela dit avec clin d’oeil…
A vrai dire je suis embarrassé. Ce billet était une sorte de baroud d’honneur. Histoire de ne pas être viré comme un malpropre sans réagir. Mais les soutiens qui se multiplient (je tiens à ce propos à saluer la réactivité des délégués du personnel du Point), le relais qui est donné de cette affaire (désormais Rue89 http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/20/vire-point-impertinence-253063, le relayeur se reconnaîtra) et surtout le rappel des uns et des autres me signalant qu’une jurisprudence constante est de mon côté, vont peut-être m’inciter à être un peu plus combatif.
Je compte, à tout le moins, demander au Point ce qu’il compte faire des 129 articles signés de mon nom qui sont en ligne sur son site, et pour lesquels je n’ai signé aucune cession de droits.
Mais je suis aussi conscient d’avoir donné des bâtons pour me faire battre en publiant ces humeurs. Je crois que vais laisser refroidir les choses avant de décider.
Bonjour,
Est-ce que vous avez l’intention de faire valoir vos droits ou vous exprimer sur votre blog suffit à vous soulager ?
Je trouve dommage, alors que votre cas est loin d’être unique, que les pigistes restent dans un splendide isolement au lieu de s’organiser.
Cordialement
// Minuscule d’ailleurs, puisque ce blog n’a pas le millième de la puissance de feu du Point. //
Certes, mais vu le bruit grandissant que fait cette affaire, le feu va peut-être monter aux grègues du Point ! Qui va finir par devoir réagir, car au début il n’était qu’odieux et maintenant il devient en sus ridicule !
Le club de la presse de Nantes aussi, sous un autre angle : http://club-presse-nantes.com/2014/06/19/le-point-special-nantes-un-numero-pour-quoi-faire/
Arrêt sur Images évoque ton cas :
http://www.arretsurimages.net/breves/2014-06-19/Pigiste-vire-du-Point-car-trop-critique-id17600
Bravo Philippe pour ton courage, ta plume…
Tout ceci est si juste…
Non, non “conscience professionnelle” c’est très bien. Hygiène a un petit côté “propre sur soi” pas forcément visible de suite, même si c’est bien le sens approprié ici, alors que “conscience” apporte une dimension, hélas devenue invisible, parce qu’elle relève des valeurs (quel gros mot!) ce que “hygiène” ne reflète pas, bien plus tournée, ce me semble, vers quelque chose de normé, de conforme, voire d’aseptisé, quelque chose qui sent l’aseptisé, oui, finalement le Monsieur Propre du Point. Bien sûr, Philippe, je comprends le sens de cet hygiénique terme : vous ne vous serez sali ni les mains ni la conscience, justement, mais la “conscience professionnelle” c’est juste ce que l’on a à opposer à ceux nous qui prennent pour une serpillère, et qui s’essuient les pieds sur ce qu’on a de mieux. Là c’est moi qui donne dans la grandiloquence. Et alors? je trouve que l’on en manque furieusement parfois….
Un petit correctif, à la relecture, il est sans doute plus juste de parler d’hygiène professionnelle, que de conscience, un peu grandiloquent.
Enfin un peu de controverse. Il ne vous a pas échappé, Elde, que le billet s’intitule “de l’art de virer un journaliste”. Nous nous situons bien sur un plan professionnel. Restons-y si vous le voulez bien.
Que Le Point publie à des centaines milliers d’exemplaires des Unes humiliantes ou démagogiques, c’est son droit le plus strict. Cela fait vendre de la copie. Mais quand on s’inscrit dans ce type de registre, on a, en général assez de classe ou d’humour pour accepter un petit retour de volée. Minuscule d’ailleurs, puisque ce blog n’a pas le millième de la puissance de feu du Point.
Ce retour de volée, voyez-vous, est la conséquence d’une lente dérive du journal, qui ne ressemble plus guère aujourd’hui à celui qui est venu me chercher il y a douze ans. Pas de quoi invoquer la clause de conscience, certes, encore que. De newsmagazine se présentant comme neutre, il s’est peu à peu radicalisé politiquement sans demander l’avis de ses collaborateurs, mettant bon nombre de journalistes en porte-à-faux.
Tant que ma copie était respectée, je n’ai pas bougé. Mais il se trouve qu’à l’occasion d’un récent numéro spécial, cette copie a été mise en scène de façon difficilement acceptable à mes yeux. Chose que j’avais relevé dans un billet intitulé “de l’habillage de la copie” que vous trouverez ici http://philippedossal.fr/de-lhabillage-de-la-copie/.
Il se trouve, voyez-vous, qu’un pigiste, qui plus est en province, n’a aucun contrôle sur le traitement de sa copie. La rédaction est souveraine et peut modifier comme elle l’entend la titraille des papiers. Quitte à en modifier le sens. Et là, il y a un vrai problème. La signature d’un journaliste est son seul patrimoine.
Ce billet du 14 février, qui s’inscrit dans un contexte qu’il serait laborieux de développer ici, est, en quelque sorte, un coup de sang, que j’assume totalement, devant la dérive de plus en plus criante d’une certaine presse parisienne qui se prétend sérieuse, billet qui m’a d’ailleurs valu le soutien appuyé de nombreux confrères.
Mais passons et revenons à notre affaire. Si la direction du journal avait jugé ce billet inacceptable, elle avait tous les moyens de me le faire savoir et, le cas échéant, de me sanctionner. Elle ne l’a pas fait. D’évidence parce qu’elle se serait ainsi ridiculisée en reprochant aux autres ce qu’elle pratique elle-même sans aucun scrupule et à grande échelle. Elle a donc préféré se cacher sous la table et jouer la montre. Me congédier sans le dire, comme un laquais que l’on éconduit.
En me comportant ainsi, voyez-vous, je ne préserve guère qu’un misérable rempart de conscience professionnelle. Il eut été plus simple de négocier discrètement un départ et de toucher une enveloppe.
Deux “points”, Elde, à rectifier dans vos propos bien peu nuancés : Vous avez mal lu, Philippe ne se plaint pas que cela se produise. Il raconte même qu’il s’y attendait, qu’il l’avait subodoré, il a juste eu la confirmation récente de la méthode. Et, deuxièmement, il ne peut pas continuer, comme vous le dites, à accepter des subsides de cet employeur, puisqu’on ne lui propose plus rien, et que justement, il avait refusé une proposition.
Pour le reste, vous semblez bien sûr de vous pour la question indemnitaire, qui ne semble pas, elle, contrarier notre hôte, il nous le dit. Une contribution régulière et attestée plus que décennale fait une collaboration contractuelle de fait. Je ne crois l’employeur élégant, il est tout juste prudent, et doit être bien informé, ne vous en faites pas pour sa vertu!
Vous ecriviez dans ce billet :
“Si quelque chef zélé du Point tombe dessus, ma collaboration à ce grand magazine pourrait faire long feu. Mais pour tout dire, je m’en moque un peu. Ce sont eux qui sont venus me chercher il y a un peu plus de dix ans et je suis fatigué de voir chaque semaine la tête d’Onfray déverser son fiel sur la terre entière. ”
Et aujourd’hui vous vous plaignez que cela se produise ?
Quel employeur pourrait tolerer un denigrement public tel que celui lu dans votre billet ?
Je trouve au contraire que Le Point se montre gentil en ne vous attaquant pas !
A coup sur c’est vous qui en seriez de votre poche, n’en doutez pas.
Et si vous aviez 10% de la moralite don’t vous vous revendiquez vous seriez parti de vous-meme plutot que de continuez a accepter des subsides de cet employeur tant honni.
C’est ca aussi, se regarder dans une glace.
Ce qui est ici fait partie des choses scandaleuses qui nourrissent le peu de considération que nous pouvons avoir des élites ou plutôt de ceux qui se considèrent ainsi. C’est bien de faire le point ainsi. Ces gens-là sont des personnages de la chanson précisément de Jacques Brel. Faire le point ainsi cela évite de le mettre sur la gueule…. Points de suspension. Nous éviterons à l’avenir de lire ces journaux qui bien sûr appelleront à manifester contre toute atteinte à liberté d’expression…
Alfred de la ponctualité
Pas étonnant. Maintenant si tu pouvais leur prendre un peu de thunes sans te prendre trop la tête.. Tu y as quand même droit, et il n’y a que ça qui leur importe vraiment …
Oui bien sûr PMB, vous pouvez partager. Ce billet s’est déjà échappé tout seul semble-t-il.
” La rédaction en chef du Point n’est pas avare de critiques acerbes à l’égard de la terre entière, mais supporte très mal la critique à son auguste encontre, sans oser l’avouer ”
On peut réécrire votre phrase en remplaçant “du Point” par “de Médiapart”. Actuellement ça râle sec dans le Club (sorte de réduit octroyé par Plenel aux lecteurs pour les appâter) contre la différence de traitement entre Joël Martin (par ailleurs contrepéteur au Canard) et Antoine Perraud, peut marquis susceptible affilié à Plenel. Sec, et en vain.
Bon, puis-je mettre en lien votre article ici et là ?
(Leur procédé, ça fait très étranglement au lacet de cuir derrière une tapisserie)
Quand on a la chance d’avoir un collaborateur avec une si belle plume, et bien, on le garde, on le respecte et on lui donne du boulot. De tout cœur avec toi confrère !
Merci à toutes celles et à tous ceux qui expriment leur soutien sur les réseaux et par mail. Les plus guerriers me reprochent de donner ainsi des bâtons pour me faire battre, mais je suis fait de ce bois là. Désolé. Et ça fait un bien fou de pouvoir dire les choses. Une conséquence positive : cette affaire ne laisse pas indifférent dans les couloirs du journal et permet de mettre en lumière certaines douteuses pratiques.
Je parlais de la hauteur de la hiérarchie ou de l’organigramme bien sûr, pas de la hauteur de vue qui lui est inversement proportionnelle
” J’ai décliné l’invitation à participer aux dossiers que prépare Le Point sur les municipales,”
Ne cherchez pas Philippe, là est votre faute! on ne refuse pas! nonobstant l’impératif La Boétien “refusez de servir et vous serez libre”, on ne refuse pas, c’est l’affront suprême! A partir de là, tout ce que vous avez dit, ou plutôt écrit a été retenu contre vous. Certes, il n’y a pas de faute -au sens professionnel- mais, c’est bien pire…..
Et tant qu’on ne vous a pas dit votre fait, c’est peut-être une bonne stratégie de ne pas bouger, c’est aussi question de caractère et de personne, car le sentiment d’être pris pour un con est, dans mon cas, d’autant moins supportable qu’il vient de plus haut.
Voilà qu’en peu de mots ces choses-là sont bien dites!
La pratique du pourrissement est devenue un des beaux arts et ces messieurs de pouvoir en maîtrisent toutes les figures. A une près : ils pensaient que vous ne saviez pas! et puis quoi encore?
Dans une dialectique célèbre, en ce jour d’épreuve de philosophie, Hegel explique comment du Maître et de l’Esclave, le plus libre n’est pas celui qu’on croit, car c’est bien le Maître dont la survie dépend de l’esclave, et non l’inverse. Ce dernier sait comment s’y prendre, l’autre non. Gageons qu’en effet, la lente mais visible déliquescence de l’hebdomadaire inélégant se poursuivra, poussée par les remugles des racoleurs de service.
Il reste que les arguments en faveur du refus de la lutte -mais bon dieu, le droit est peut-être subtile et l’intox y est peut-être grande, mais en matière de droit du travail, les grands patrons ont rarement raison! – les arguments sont respectables et compréhensibles, mais, j’ai du mal avec le refus du combat quand il est légitime, j’ai toujours l’impression que c’est donner le dernier mot aux goujats, au petit pouvoir de ceux qui se croient puissants, et légitimer leur puissance par le silence. Je suis disciple irréfragable de La Boétie.
Reste à relire ce foutu article, j’y cours de ce pas.
Joyeuses condoléances !
Et longue vie à ta liberté
Gaëtan et Marine