Comment résister à un titre pareil ? a fortiori s’il évoque les premiers temps de l’imprimerie et l’itinéraire de François Villon, l’une des figures les plus attachantes de la littérature françoise.
Je viens de refermer, étourdi, La confrérie des chasseurs de livres, dévoré en une journée et demie. Etourdi oui, par ce polar ésotérique haletant et agaçant, érudit et désinvolte, mais au bout de compte assez jouissif. On sent que l’auteur a pris plaisir à balader Villon dans les replis caillouteux de Terre sainte à la recherche des textes anciens qui vont bouleverser la chrétienté.
« La confrérie des chasseurs de livres » est un exercice d’uchronie assez malin, qui prend appui sur l’évaporation de François Villon en 1463, lequel disparait des radars à trente-deux ans, au lendemain de son bannissement par le Parlement de Paris. De fait, le brigand poète n’a laissé aucune trace dans l’Histoire après cet élargissement, et laisse sur leur faim ses « frères humains » qui après lui vivent. L’auteur, Raphaël Jerusalmy, intellectuel franco-israelien (ou l’inverse), au parcours presque aussi fantasque que Villon, imagine que cette libération (Villon était condamné à « être pendu et étranglé ») est le fruit d’un marché avec le roi de France, qui cherche à déstabiliser le Vatican contre lequel il est en conflit.
En deux mots Villon et son acolyte Colin – une brute sympathique, on retrouve là les codes du polar médiéval – ont pour double mission d’exhumer des textes antiques qui vont remettre en cause l’autorité de l’église, notamment la République de Platon, et d’inciter les tous premiers imprimeurs à arroser le pays de copies de ces textes. Une sorte de révolution culturelle à bas bruit qui préfigure les lumières. On apprend au passage que Louis XI, plutôt connu pour sa cruauté, était avec les Médicis un esprit éclairé qui combattait à sa manière l’obscurantisme de l’Eglise.
C’est indéniable, Raphaël Jerusalmy est un authentique érudit, qui a parfaitement intégré le bouleversement culturel que va provoquer la généralisation de l’imprimerie et la fin de la confiscation du savoir par les clercs. L’auteur se laisse parfois emporter par sa plume, au fil d’une intrigue assez complexe où tout le monde est le jouet de tout le monde, mais il propose au bout du compte une lecture poétique de l’Histoire qui n’aurait peut-être pas déplu à Villon : « Quoi qu’en pensent Jerusalem et les Médicis, ce sont les rimailleurs qui changeront la donne, pas les docteurs et les métaphysiciens. Les humanistes ne sont que les papes d’un nouveau genre, pontifiant de même, briguant chaires de faculté et rentes à vie tout autant que les clercs. »
Raphaël Jerusalmy, Normalien puis espion (sic) est aujourd’hui marchand de livres anciens à Tel Aviv. Ce qui donne à « La confrérie des chasseurs de livres » un bienvenu parfum d’encre et de cuir. C’est aussi un fin connaisseur des traditions catholiques et juives ainsi que des querelles religieuses et politiques qui agitaient l’époque, de Paris à Florence, de Gênes à Saint-Jean d’Acre, de Lyon à Jérusalem.