« Ignorer qu’on ignore, c’est ne pas savoir du tout. Mais savoir qu’on ignore, c’est vraiment savoir, car cela suppose de savoir tout ce qui est déjà su et d’être capable de détecter ce qui fait trou dans la connaissance. C’est croire savoir sans vraiment savoir qui constitue la vraie pathologie du savoir. C’est pourquoi, au fond, l’ignorance est la grande affaire des savants. Elle est le pays dont le savoir est le pays limitrophe. A ce titre, elle est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls ignares : c’est une affaire de spécialistes. (…)
Aujourd’hui, alors même que plusieurs centaines de particules ont été découvertes grâce aux accélérateurs du Cern ou ailleurs, les physiciens savent qu’ils ignorent la nature des éléments principaux du mobilier de l’univers : ils ont constaté que la matière telle qu’ils la connaisssent ne constitue qu’une part très faible du contenu de l’univers, et que tout le reste leur échappe. En somme, ce qu’ils ont appris leur permet de dire qu’ils en savent moins qu’avant, quand ils croyaient savoir. »
Extrait du Monde selon Etienne Klein, Champs, Flammarion.