C’est un exercice étrange et délicieux que de composer son bagage pour un long voyage. La contrainte est ici de faire entrer dans quatre cantines métalliques (soit un mètre cube) le nécessaire et le suffisant pour vivre un an ou deux sous d’autres cieux, en l’occurrence Mayotte. J’adore ce genre de contrainte, qui oblige à s’interroger sur ce que l’on considère comme indispensable pour couler des jours paisibles.
La priorité va à la bibliothèque et au bureau. Pour des raisons pratiques et parce que je ne sais pas si je disposerai d’un logement meublé, j’ai choisi d’utiliser des caisses de vin en bois, héritées de mon passé de bouquiniste, pour transporter les livres. Cela permettra au besoin de composer une étagère verticale avec ces quatre caisses empilées. La caisse de littérature est déjà saturée, celle de philo hésite encore un peu, tout comme celle de voyages et la caisse dévolue à l’histoire. A qui fera-t-on appel le moment Venu. A Montaigne, à Cioran, à Nicolas Bouvier ou à Tchekov ? Pour l’heure Proust est de la partie mais reste encore un petit mois pour effectuer les derniers arbitrages, avant de livrer les malles au transitaire maritime. Côté bureau, le matériel de dessin va occuper une place de choix. Mon ami Claude m’a appris à rehausser les dessins à l’aquarelle et j’entends bien illustrer les carnets que je ne manque pas d’emporter. Quelques petits objets symboliques vont aussi prendre place dans cette malle, histoire d’être entouré de quelques figures familières, tel un petit buste de Borgès ou un bouddha cambodgien.
Une seconde cantine devra contenir le nécessaire pour cuisiner. De ce point de vue pas d’inquiétude, il y a l’embarras du choix, la maison en est pleine. Les garçons devront toutefois se priver de ma magnifique sauteuse et de mon légendaire couteau de cuisine. Pour le reste je n’entends pas piller le patrimoine commun, et me contenterai de vaisselle et d’ustensiles de second choix. Ne pas oublier un petit mixer, et une passoire. On en trouve à Mamoudzou, mais c’est hors de prix et je risque d’être éloigné de la capitale, que je n’ai pas l’intention de fréquenter assidûment.
La vieille cantine sera, quant à elle dédiée aux outils. Histoire de pouvoir construire, au besoin, quelques étagères, ou un peu de mobilier sommaire en utilisant du bois de palettes. La dernière devrait être consacrée aux jeux et aux jouets que tout hôte qui se respecte doit détenir pour recevoir de jeunes enfants. Ce qui sera le cas avec ma tribu de petites filles. Le linge de maison, quelques coussins et peut-être un fauteuil pliant seront répartis dans les différentes malles pour caler l’ensemble du matériel, appelé à descendre les côtes de l’Afrique en porte-conteneur. Les vêtements – il en faut très peu – pourront quant à eux voyager en avion avec leur propriétaire le moment venu.
J’oublierai certainement quelque ustensile capital (damned un tire-bouchon), c’est le jeu (penser à un sèche-cheveux pour combattre l’humidité chronique dans les chaussures à la saison des pluies). Mais c’est un grand plaisir que de composer ainsi son bagage. On s’imagine Stevenson partant pour les Samoa ou Stanley préparant son expédition en Afrique. C’est, certes, un peu exagéré, mais tellement sympa à préparer.
Bon été à tous. Le départ des malles est prévu fin juin, celui de l’animal mi-septembre.