Mayotte : c’était écrit dans le paysage

photo Marianne

 

Comme le rappellent volontiers un certain nombre d’analystes, la catastrophe qui vient de frapper Mayotte était écrite. Elle était inscrite dans le paysage à la vue de tous, sur les hauteurs de Mamoudzou, où se déployait un immense bidonville aujourd’hui rasé. Où plusieurs centaines, peut-être plusieurs milliers de personnes ont perdu la vie samedi, ensevelies sous les tôles et la boue, après avoir refusé de se rendre dans les centres d’hébergement, de peur d’être expulsées.

Qu’il me soit permis d’esquisser trois causes principales à ce drame, qui ne sont pas toujours avancées sur les plateaux télé, et pour cause. La première est politique : la Communauté internationale (l’Onu), qui ne reconnait pas le référendum d’auto-détermination de 1976, considère que le rattachement de Mayotte à la France est le fruit d’un démantèlement abusif de la République des Comores. Les Comoriens, du même avis, se considèrent donc chez eux à Mayotte et s’adonnent depuis une quarantaine d’années à une immigration stratosphérique (vraisemblablement la moitié de la population totale, soit 200 ou 250 000 clandestins). Tant que cette affaire ne sera pas réglée au plan international, le problème ne peut pas être résolu.

Seconde raison, me semble-t-il, la piètre administration du territoire, qui s’explique par la mécanique administrative française. En gros, sont nommés à Mayotte les fonds de tiroir des fonctionnaires français, qu’on ne sait pas où caser, que l’on punit pour une raison ou pour une autre ou qui sont attirés par l’appât du gain (c’est notamment le cas des profs). Et les trous dans la raquette sont nombreux entre des administrations tatillonnes à l’excès dans certains domaines (les papiers d’identité) et permissives à l’excès dans d’autres (pas de cadastre, pas de permis de construire…). Le seul personnage qui devrait avoir une vision panoramique des problèmes est le préfet. Or, les préfets nommés à Mayotte ne sont guère que des préfets de police, submergés par les urgences qui ne cessent de se succéder (immigration, expulsions, délinquance, barrages routiers, crise de l’eau…).

Enfin troisième raison, le plaquage d’une démocratie élective sur une culture clanique, qui produit des élus locaux clientélistes en diable, plus enclins à satisfaire leur entourage qu’à se soucier du bien public. Les condamnations on beau se multiplier (le pompon a été décroché l’an dernier par un maire qui pratiquait le tourisme sexuel à Madagascar sur les deniers publics), rien n’y fait. On embauche toujours la cousine illettrée comme secrétaire ou plus fort, on loue au noir l’espace public à des immigrés pour qu’ils y construisent leurs cases et travaillent comme quasi-esclaves à vil prix.

Bref un beau bordel, que cette catastrophe a tragiquement mis en lumière. Et ce ne sera pas, cette fois, en proposant une sucette au président des Comores que l’on résoudra ce problème de fond. Mais on peut rêver : envoyer des administrateurs compétents et motivés dans ce territoire magnifique, encadrer sérieusement les pratiques fantaisistes de certains élus et enfin s’atteler à la résolution de la question internationale.

 

 

 

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