Il fallait faire quelque chose, prendre une décision, mettre un peu d’ordre dans ce foutoir. Les notes de lecture, les réflexions, les quelques dessins qui rythment le quotidien tropical du polygraphe étaient en train de s’éparpiller joyeusement dans la foultitude de carnets qui peuplent le logis, les sacs et les poches. Toutes sortes de carnets, brochés, reliés, cousus ou agrafés. Sans compter les feuilles de blocs d’esquisses qui commencent à s’envoler au gré des humeurs du ventilateur. J’ai donc convoqué ce matin une grande réunion des carnets en cours d’utilisation (je vous passe la pile de carnets pleins).
Comme toute réunion qui se respecte, nous avons commencé par un tour de table. A tout seigneur tout honneur, c’est le carnet chic qui a ouvert le bal, avec son habit du XVIIIe. Acquis lors d’un précédent séjour à Mamoudzou – faute de modèle plus courant – ce carnet est bien joli mais difficile à transporter. Il se contente donc de sages notes de lectures, prises à la maison. Compliqué toutefois de le mettre au rebut, du fait que c’est, malgré les apparences, un autochtone. Le gros carnet relié de cuir, lui, vient de métropole, il est plus fantasque, pourvu d’un papier plus propre au dessin, les notes y sont moins soignées, moins sourcées, entrelardées de réflexions saisies à la volée. Ces deux-là sont donc appelés à constituer la base des futurs relevés, si je veux un jour retrouver mes petits dans ce fatras.
Nous passerons sur l’agenda 2021 de la Pléiade (pour la première fois depuis 20 ans, je n’ai pas renouvelé mon agenda) qui conserve la fonction de répertoire téléphonique. Le carnet coloré provient, lui, des Indes. Doté d’un étrange papier velu, il sert principalement de carnet d’esquisses au crayon. Il peut conserver cette fonction. Viennent ensuite les carnets de poches, truffés de références pratiques, de titres de films, de livres, de noms d’artistes. De ces recommandations d’amis que l’on ne pense jamais à noter et qu’on se maudit d’avoir oubliées le lendemain. Remplis également de notes de lecture parce que l’un ou l’autre se trouvait au bon moment à portée de main. Des notes, comme celles-ci, surgies de nulle part “des yeux, comme fatigués par leur propre beauté”.
La revue effectuée, nous sommes passés aux solutions d’avenir. Les deux élus vont récupérer les notes qui passent la rampe des carnets de poche, puis retrouveront leur liberté d’aller et venir. Quant aux dessins, que je commence à relever à l’aquarelle (exercice hautement périlleux) ils seront collés, quitte à être pliés, comme dans les bons vieux livres, histoire de dérouler le fil subjectif, baroque et illustré de remarques et scènes notables qui marquent ce séjour austral. Jusqu’à ce que le foutoir s’installe à nouveau. Ce qui ne saurait tarder.