L’Histoire est injuste envers Nicolas Fouquet, homme de goût, découvreur de talents, protecteur des arts, à qui Louis XIV doit tout ou presque. Certes le surintendant des finances avait pris quelques libertés avec la collecte des impôts mais, intelligent et généreux, il entendait bien faire profiter le roi de ses largesses. La seule fête d’inauguration de Vaux-le-Vicomte aura suffi a le discréditer et à le condamner dans l’esprit du jeune Louis, qui n’aimait pas trop qu’on lui fasse de l’ombre. Arrêté à Nantes quelques semaines plus tard, Nicolas, en dépit d’une défense acharnée, finira ses jours dans un cul de basse-fosse, alors que ses protégés, de Lenôtre à Molière, entameront la carrière que l’on sait.
François Fillon a sans doute commis un pêché d’orgueil comparable a celui de Nicolas Fouquet. Ce n’est certes plus le roi qui décide de la vie ou de la mort des grands commis de l’Etat, mais cela ne change pas grand chose à l’affaire. Celui qui prétend gérer les finances du pays peut difficilement encourir le soupçon de se servir dans la caisse. Un homme d’affaires, un footballeur (tout comme un prince ou un grand duc pouvait le faire par le passé) peut afficher une fortune arrogante, plus difficilement un homme politique en charge de la gestion des deniers publics. Cette photo du château familial des Fillon publiée par Paris Match voilà quelques années et ressortie récemment, est, dans cette perspective, ravageuse, après les révélations sur l’organisation du train de vie de la maisonnée. C’est, toute proportion gardée, le Vaux-le-Vicomte de Fillon.
François aura beau tempêter, arguer de sa bonne foi, il est d’ores et déjà condamné au tribunal de l’opinion. Celle qui fait et défait les princes en démocratie. C’est peut-être injuste, mais c’est ainsi. Entre le pouvoir et l’argent, les hommes politiques sont autorisés à choisir.