Bonsoir Philippe,
Ton “Réenchanteur de ville, Jean Blaise” m’a rajeuni… Autant dire captivé !
Non seulement, j’ai revécu avec intérêt des événements que j’ai suivis au fil des années, mais j’ai aussi retrouvé bien dessiné le personnage de Jean Blaise. Tu en fais un portrait très juste : directement en racontant son action volontariste pour ne pas dire autoritaire, et indirectement en donnant la parole à celles et ceux qui ont travaillé avec lui et l’ont soutenu.
Je retrouve le Jean Blaise malicieux dans la provocation, têtu dans ses choix, décidé à provoquer le débat sur sa conception de ce qu’il est convenu d’appeler “la culture”.
Autrement dit, une fois fermé ton livre, j’en conclus que c’est en flirtant à sa façon avec le plus pur divertissement pascalien que Jean Blaise a amené le citadin à sortir de chez lui et donc de lui-même, autrement dit de sa solitude.
Jean Blaise est de la sorte parvenu à faire du Nantais, en particulier, un flâneur des deux rives de la Loire, l’incitant à retrouver le bonheur de bernauder en ouvrant les yeux sur l’ici et le maintenant de l’art renversant.
Les Nantais ayant répondu nombreux à sa sollicitation, ont manifestement fait de Jean Blaise un pionnier du ” vivre ensemble “.
Mais j’ignore toujours si la démarche de Jean Blaise amène les citadins en question à ” philosopher ” autrement dit à ” apprendre à mourir ” comme disait ce cher Montaigne.
Bref, à l’évidence, il y a du Merlin chez Jean Blaise, mais je me demande encore aujourd’hui si son action incite les gens de la ville “réenchantée” à cultiver sagement leur jardin comme l’a suggéré Voltaire.
Ce jardin me demeure donc…secret.
Bravo et merci à toi puisque tu me fais me poser des questions, autant dire me conduis à me cultiver, et… à philosopher ! Et que philosopher, c’est…
Amitiés.
A.P.D.
P.S. J’aime beaucoup la photo de J.B. en couverture. Son regard entre extase, interrogation et méditation, évoque pour moi celui des personnages mystiques que sut peindre en son temps la Renaissance italienne. Finalement, J.B. doit être un mystique !
Je me doutais bien, cher Blaise Pascal(e), qu’un titre pareil allait vous titiller. Merci pour l’éclairage. Je ne sais pas si Alain-Pierre fréquente ce blog mais je précise (on m’a posé la question) que je lui ai demandé l’autorisation avant de le publier ici.
De l’importance non vaine de la relecture :
“Je sens bien que je l’aime un peu, du moins, je l’aime ainsi, votre siècle, dont j’entends, par delà l’infini où je suis dorénavant libéré des in-quiétudes du monde, les cris et les chuchotements, quand il offre l’insouciance vraie, et non l’industrieux souci dont nous souffrons tous, au-delà des ans et des siècles”
Je reste, Monsieur……
Cher Alain-Pierre Daguin,
Permettez, à la faveur de la publicité que votre ami Philippe a faite, à juste titre, à votre correspondance, de formuler quelques remarques sur ce divertissement pascalien dont nous aimons à dire, parfois, qu’il est le naturel de l’homme.
Point de polémique, j’ai déjà tant fait avec mes Provinciales, que j’en suis lassé pour longtemps. Une réflexion, une … pensée si j’ose!
J’entends le divertissement, non point exactement comme un loisir, un “otium”, ce que font les hommes pour occuper du temps disponible, du temps libéré du” negotium” et s’en trouver, quelle illusion! bien heureux, mais comme un trompe-la-mort qui nous guette tous et à laquelle il ne faut pas que l’on pense si l’on ne veut pas être trop mal heureux. Même les rois n’y échappent, c’est pourquoi ils chassent le lièvre, ai-je dit quelque part, mais comme je n’ai rien trié des petits bouts de papiers où j’ai noté mes réflexions comme elles me viennent, je ne puis retrouver où, d’autres s’en chargeront, après ma mort.
Ce Jean Blaise qui a belle figure me paraît avoir, non point délivré les hommes de leurs angoisses en les faisant sortir de chez eux, mais leur avoir offert de vraies occasions de méditer sur la Grandeur de l’Homme, capable de tant de choses, que d’aucuns appelleront, vous avez raison “Culture”, reconnaissant là l’exception du vivant qui pense, se détournant (faisant diversion alors?) de ses penchants les plus vils.
Ainsi la création des uns, partagée avec le désir des autres, fait une humanité plus légère, peut-être moins proche de ses pensées obscures, il est vrai, mais loin de l’inconscience du divertissement qui nous détourne de nous, puisque, si j’ai bien compris, l’intention de ces artistes d’un nouveau genre et de faire que les hommes se rencontrent et se sourient. Loin, bien loin aussi de cet esprit des Vanités que les peintres de mon siècle ont, avec génie cependant, exposé à tous, pour leur rappeler qu’ils sont, que nous sommes, mortels, mortels avant tout.
Je sens bien que je l’aime un peu, du moins, je l’aime ainsi, votre siècle, dont j’entends, par delà l’infini où je suis dorénavant libéré des in-quiétudes du monde, quand il offre l’insouciance vraie, et non l’industrieux souci dont nous souffrons tous, au-delà des ans et des siècles.
Croyez bien, cher Monsieur…..