Le nuage de fumée qui enveloppait l’opération wuambushu s’est un peu dissipé ces derniers jours. Les liaisons maritimes permettant de reconduire les résidents sans papiers aux Comores ont repris à petite vapeur et les bulldozers appelés à raser quelques bidonvilles ont commencé à oeuvrer. Mais que s’est-il donc passé pour cette opération, qui semblait paralysée en raison du refus des Comores de récupérer leurs ressortissants et de l’opposition de la justice française à la destruction des bangas, puisse démarrer comme par magie ?
Il faut pour cela revenir à un opportun papier du Monde, daté du 22 mai : “Le ministre comorien des affaires étrangères soupçonné de 251 000 euros de fraude aux prestations sociales à La Réunion”. Comme indiqué dans le précédent billet, une bonne moitié des ministres Comoriens jouit en effet de la double nationalité franco-comorienne, et ne se prive pas d’en tirer quelques avantages pratiques. La République française s’est donc chargée de rappeler par voie de presse aux responsables du pays voisin, qu’ils étaient autorisés à reconsidérer leur position au risque d’entendre résonner quelques rutilantes casseroles.
Côté justice française, c’est la cour d’appel de la Réunion qui a sauvé la mise du préfet en validant ses arrêtés de destruction. Il faut préciser, en l’espèce, qu’un procès public en partialité, avait été intenté à la juge oeuvrant à Mayotte, qui avait retoqué en référé les susdits arrêtés. Argument invoqué par les élus Mahorais : la juge en question était une ancienne responsable du syndicat de la magistrature, lequel s’est publiquement prononcé contre l’opération de décasage. Elle était donc accusée d’être juge et parti. La cour d’appel de la Réunion a manifestement préféré calmer le jeu.
Côté forces de l’ordre, on se prévaut d’avoir démantelé quelques bandes de coupeurs de routes, ce qui est difficile à vérifier, même si les affrontements semblent se calmer ces derniers temps. Bref, wuambushu va pouvoir se poursuivre, avec des objectifs malgré tout revus à la baisse. Mais les positions des uns et des autres vont rester inchangées : la gauche et les Comoriens vont continuer à dénoncer ce qu’ils considèrent comme une opération inhumaine et injustifiée, la droite et les Mahorais à encourager ce qu’ils estiment comme une opération de salubrité et de sécurité publiques.
Le drame est que tout le monde a raison et tout le monde a tort. Il est facile d’un côté d’afficher des positions de principe quand on ne vit pas quotidiennement dans la peur d’une violence redoutable et incontrôlée. Même les écoles sont attaquées à la machette ces derniers temps. Et il est vain de l’autre, de croire qu’un nettoyage de surface va régler le problème. Il est un questionnement qui n’apparaît toutefois pas dans le débat public : si l’on met volontiers en cause la responsabilité de la France dans cette affaire, et il est vrai que la méthode Darmanin est sérieusement contestable, quid de la responsabilité du gouvernement Comorien, qui laisse son peuple vivre dans une misère noire, le soumet à une discipline islamique de fer, et le conduit à fuir en masse son pays, tout en se servant dans la caisse ?




Comment comprendre, depuis Paris ou Nantes, où l’on s’indigne légitimement de la préparation d’une telle expulsion industrielle, le décalage de perception entre Mahorais (les habitants de Mayotte) et métropolitains. Il faut pour cela se pencher sur l’histoire et la géographie des quatre îles qui composent l’archipel de Comores, dont Mayotte fait partie (1). A grands traits, Mayotte, île pauvre et peu peuplée, a été, durant de longues périodes, vassalisée par les souverains successifs basés sur l’île principale de l’archipel, Grande Comore. Les Mahorais étaient un peu considérés comme les ploucs de l’archipel. Misérables, peu éduqués, ils sont encore l’objet d’un certain mépris d’une partie des Comoriens. Il est d’ailleurs toujours étonnant, en prenant des passagers en auto-stop à Mayotte, de constater que les Comoriens parlent souvent un français plus pur, plus élégant, que la plupart des Mahorais, bien souvent illettrés. La colonisation n’a d’évidence pas laissé les mêmes traces sur toutes les îles.








