Les éditions du Petit Véhicule viennent de m’informer qu’elles procédaient à nouveau tirage de La Moto bleue, le récit du voyage en Inde avec Gauvain, 11 ans à l’époque. Mais cette fois la couverture sera rouge, comme celle d’Au Royaume de Siam (l’illustration est un photo-montage approximatif). C’est toujours un plaisir de savoir qu’un livre poursuit son petit bonhomme de chemin plusieurs années après sa publication (2010). D’autant que la mission confiée à ce récit, à ces récits, est celle de durer, d’être indifférents au temps qui passe, de ne pas être prisonniers de la nouveauté. “Derrière la Montagne”, le récit du voyage en Mongolie avec Louis, vient ainsi d’achever son existence, épuisé, après douze ans de présence, et trois éditions. C’est à la fois le prix (moins d’exposition spatiale) et le luxe (plus de profondeur de temps) de l’édition en province.
Un court extrait, pour fêter ce minuscule évènement. Il prend place à Madurai à l’extrême-sud du sous-continent :
“La bouillie sonore dans laquelle nous avions parfois l’impression de baigner depuis notre arrivée commence à s’éclaircir, et nous avons beaucoup progressé dans la lecture de ce paysage, qui s’avère plus subtil et contrasté que nous l’imaginions au premier abord. Chaque jour apporte ainsi une nuance dans la connaissance de la hiérarchie des avertisseurs sonores. A Madurai, les rickshaws n’utilisent pas de klaxon mais une bonne vieille trompe à poire, fixée à l’avant droit du véhicule. Ce qui les place au dessus de la sonnette des vélos dans l’échelle des priorités, mais au dessous des scooters et des motos. L’espace sonore est aussi un lieu d’expression privilégié des différents cultes religieux. J’avais remarqué à Kochi que les chants provenant de la basilique Santa-Cruz arrosaient allégrement l’ensemble du quartier, sans savoir s’ils étaient artificiellement amplifiés. A l’heure qu’il est, sept heures trente précises à Madurai, ce sont les chants des adeptes de Vishnu, provenant du temple voisin, qui occupent le terrain. Ils avaient été précédés à cinq heures par l’appel du muezzin, puis, aux alentours de six heures par le carillon d’une église. La présence de l’hindouisme est plus diffuse dans le paysage sonore, elle part de plus bas et s’exprime depuis de multiples sources, nichées dans les replis de la ville. Ces chants rituels ne cherchent pas à occuper l’ensemble de l’espace, insoucieux de leur effet sur le voisinage, à la différence des cloches ou du muezzin qui affichent, du haut de leurs tours de guet, une altière puissance de feu.”
NB : “La moto bleue” aujourd’hui disponible en librairie ou en ligne (fnac) est sous jaquette verte, cette première édition sera progressivement remplacée par la couverture rouge, disponible chez l’éditeur dans un premier temps.
Cette bonne nouvelle peut entrer en résonance avec le “papier” précédent. Cette Moto Bleue, disponible en librairie…. les “petites” bien sûr. Aussi. Surtout. D’abord?
Je me demandais, reprenant ici la réponse de Marie, si nous parlons des mêmes grandes surfaces. S’agit-il de celles où l’on trouve tout, c’est-à-dire aussi un rayon “livres”, ou s’agit-il des grandes surfaces de livres? car ce n’est pas du tout la même démarche. Les premières sont une catastrophe pour moi, autant pour les livres que pour les fruits et légumes. Les secondes, il m’arrive d’y entrer, pour satisfaire quelque pulsion boulimique voyeuriste devant ces amoncellements, ces montagnes, ces continents de tranches, couvertures, jaquettes, de livres. Et me dire que, de toute façon, je repartirai avec quelque chose. Elles (me) sont utiles mais non indispensables, et encore faut-il être dans une ville suffisamment peuplée pour en abriter une. En revanche, je ne crois guère à la capacité intrinsèque de ces lieux pour forger, former, construire, un lecteur, au sens où je l’entends, pour maintenir vivant un désir de lecture, oui.