La condition de chroniqueur rural n’est pas toujours facile et l’on éprouve parfois quelques difficultés à expliquer les arbitrages qui conduisent à traiter ou à ne pas traiter tel ou tel sujet. Cela peut même confiner au malentendu. Plusieurs sources me font ainsi remonter une rumeur insistante, selon laquelle votre serviteur aurait affirmé ne pas se préoccuper des « chiens écrasés ». C’est à proprement parler un « mal entendu », qui laisse supposer par ailleurs une sorte de mépris pour les faits divers ou les faits de société.
Ce contresens provient probablement de la déformation d’un autre choix, celui-ci totalement assumé, de ne pas traiter les informations miroir. En d’autre termes de ne pas relayer dans le journal le repas de l’amicale des joueur de fléchettes ou l’anniversaire de mariage de grand-maman. Ce type d’information, en jargon professionnel on dit une information miroir, n’a d’autre vertu que de permettre aux heureux élus de se mirer dans le journal, mais n’offre qu’une faible valeur ajoutée et n’apporte rien aux lectrices et aux lecteurs qui ne sont pas concernés.
En revanche, un simple chien écrasé ou une voiture qui brûle peuvent avoir un grand intérêt s’ils disent quelque chose du milieu dans lequel nous sommes, de l’espace public auquel ils participent A l’image de la vache communale dont le cuir a été lacéré une nuit par quelques jeunes gens désoeuvrés. Information qui n’avait pas été digne d’être communiquée au chroniqueur local. Or cette simple vache martyrisée dans la prairie qui jouxte l’école en dit beaucoup plus que de doctes déclarations sur les animations proposées à la jeunesse en milieu rural (je me permets ici ce commentaire, que je me suis gardé de relayer dans le journal, m’en tenant aux faits avérés). Au lecteur de se faire une idée.
On peut comprendre que les associations, les institutions, aient envie que l’on évoque exclusivement les bonnes nouvelles, quitte à les parer d’habits de lumière, pour faire bonne figure dans le journal. Mais le rôle de la presse n’est pas uniquement, me semble-t-il, de chausser des lunettes roses. Il est de dire le réel, la vie comme elle va, avec ses bons et ses mauvais côtés. Comme l’installation par la mairie d’un caillou empêchant l’accès au cabinet infirmier, qui a provoqué la colère des institutions mais suscité le débat et permis d’envisager une solution.