Je sais que tu es ombrageuse et qu’il faut te parler avec douceur, mais notre relation dût-elle en souffrir, je ne vois pas d’autre solution que de m’adresser à toi avec franchise aujourd’hui : tu devrais arrêter de boire ; ça ne te réussit pas du tout, et ça devient infernal pour ton entourage. Tu tiens des propos incohérents, tu deviens irascible et menaçante sans raison, bref tu te fais du mal et ça m’embête.
Tu m’as ainsi envoyé deux courriers le 9 octobre, le premier m’indiquant que tu m’accordes la remise totale des majorations et pénalités que tu me réclamais indûment depuis des mois, le second m’informant que tu ne peux examiner ma demande de remise, et que j’ai intérêt à payer majorations et pénalités au plus tôt, sinon ça va chauffer pour mon matricule.
Je suis d’autant plus perplexe que j’avais reçu quelques jours auparavant, une « mise en demeure » m’invitant à te régler une autre somme, qui ne correspond à rien de ce dont tu m’avais parlé auparavant, me menaçant d’engager des poursuites « sans nouvel avis, dans les conditions indiquées au verso » en cas de non-paiement dans le mois. Ces conditions indiquées au verso me glacent le sang tu l’imagines et je n’ose pas même les consulter.
Lorsque tu seras à jeûn, peut-être pourrais-tu consulter mon dossier, qui te montrera que tu ne me reproches rien d’autre que ta propre incurie. Tu me réclames en effet des pénalités couvrant la période où tu ignorais superbement mes demandes réitérées, que dis-je mes supplications, pour être immatriculé dans tes augustes registres. En d’autres termes tu voudrais me faire payer tes propres retards. Ce n’est pas bien, ma chère, ça ne se fait pas.
En attendant, je suis bien embarrassé. Dois-je croire ton courrier du 9 octobre ou celui du 9 octobre ? Dois-je me préparer à une saisie sur mon compte en banque ou à une visite d’huissier ? Je suis bien embêté parce que devant un tribunal j’ai peur que ton intempérance ne soit mise à jour. Mais surtout, permets-moi de te le confier, je commence à être fâché contre toi en pensant à mes frères cotisants qui n’ont pas le temps de t’écrire les réponses rigolotes comme je m’emploie à le faire depuis dix-huit mois.
Prends conscience que certains d’entre eux prennent ces « mises en demeure » pour argent comptant, et que tu terrorises ainsi des travailleurs indépendants qui ne comprennent rien à tes incohérences. D’autant que tu ne réponds pas au téléphone – payant qui plus est – ni évidemment aux courriers, même recommandés, sinon par des menaces pré-rédigées. Je ne serais pas surpris que ta coupable désinvolture ne fasse le lit de certaines postures extrémistes sur des esprits faibles et désarmés.
Alors un effort, il y a des consultations contre les addictions au CHU, et pour toi ce doit être gratuit.
Soigne-toi bien,
Philippe
L’album d’Astérix en question est intitulé ” Astérix légionnaire” (1967). Un excellent opus.
La scène se déroule dans les bureaux de recrutement de la légion romaine, à Condate (Rennes),
Astérix y évolue dans un dédale labyrinthique, à la recherche de renseignements relatifs à l’enrôlement du fiancé de Falbala . Une scène éminemment Urssafienne….
Voici le texte que j’ai fait parâtre dans la presse locale pour dé-noncer les procédés malgracieux du Crédit Agricole :
Conte rural
Il était une fois un garçon et une fille. Ils venaient de racheter une auberge dans un petit village de campagne. Mais, comme ils possédaient moins de louis d’or que d’espoir, ils en avaient empruntés à la banque de la grand’ville. Au milieu de cette auberge, avant, coulait une source magique : il suffisait d’entrer une formule de quatre chiffres dans un boitier noir pour que la source donne des louis d’or aux clients, leur permettant d’acheter boisson et nourriture aux jeunes gens, et à ceux-ci de pouvoir rembourser la banque.
Mais celle-ci était en fait une sorcière, qui buvait le sang de ses victimes après les avoir séduites. Trouvait-elle que les jeunes gens et leurs clients ne donneraient pas assez de sang ? Toujours est-il qu’elle décida soudain de tarir la source magique, au grand désespoir des jeunes gens, qui craignaient de perdre des clients et d’avoir du mal à rembourser la sorcière.
C’est alors qu’un lutin, pris de pitié pour eux et furieux de ne plus pouvoir venir à la source, leur conseilla de lancer une pétition de clients menaçant de quitter la banque. Ceux-ci s’y préparèrent avec enthousiasme, car ils aimaient bien les jeunes gens et trouvaient pratique cette source leur évitant d’aller loin chercher des louis d’or. Les serviteurs de la sorcière, impressionnés, promirent de refaire couler la source magique. Soulagés, les jeunes gens annoncèrent la bonne nouvelle aux clients, qui burent à leur santé et à celle de la sorcière, finalement peut-être pas aussi méchante qu’on le disait.
Malheureusement, la sorcière découvrit la désobéissance. Elle entra dans une colère terrible, et jeta un sort sur la source. Heureusement, les jeunes gens et leurs amis tinrent bon et commencèrent à remplir la pétition. Les serviteurs locaux de la sorcière prirent peur, car ils seraient eux aussi privés de louis d’or si les clients fermaient leurs comptes. Il faut dire que le chef de ces serviteurs était un personnage humain. C’est lui qui réussit à faire fléchir la méchante sorcière et réalimenter la source aux louis d’or. Les habitants du petit village s’écrièrent alors : « Tout est bien qui finit bien », ils burent dans l’auberge à la mauvaise santé de la sorcière, les jeunes gens vécurent heureux et eurent beaucoup de clients.
(Celui qui a trouvé ce conte dans un vieux coffre – mais pas de banque – en a tiré une moralité : une banque reste une banque, une sorcière reste une sorcière, mais on peut conjurer leurs maléfices si on sait résister et être solidaires. Et il observe ceci : cette façon de faire, non, de défaire, relève d’une politique générale pratiquée par les princes de ce monde, qu’ils soient patrons ou politiciens. Politique qui veut tout concentrer dans des mégapoles et leurs satellites : services, commerces, établissements hospitaliers ou scolaires, etc. Cela aussi bien pour la rentabilité financière que le prestige et – mais on ne le dit pas – l’anonymisation des masses humaines, rendues de ce fait plus fragiles, plus égoïstes et plus manipulables. Vivre à la campagne, si ça continue, ne sera plus le fait que de très riches ayant les moyens de se déplacer et de très pauvres n’ayant plus que les moyens de crever dans l’isolement.)
Malgré l’humour et la combattivité de cette lettre voilà un bien sale moment à passer ! L’administration paperassière a l’art de faire passer le citoyen lambda dans le dédale de l’absurde. Kafka n’est pas loin … Bon courage !
En effet, j’ai également fait “plier” de très nobles maisons, publiques ou privées, par la force des mots. (je me souviens d’une lettre envoyée à Orange, sans connaître celle de Desproges, qui commençait par “Chère Orange”…)
Bon courage quand même, seule la ténacité (une sorte de harcèlement légitime et doux) peut être une arme contre ce genre d’embrouillaminis.
A l’instant, 11 nov, jour férié, un coup de fil d’un “partenaire EDF”…. je m’étonne de cette rupture dans le respect dû à nos poilus de tous poils, et je demande, perfidement aimable, pouvez-vous m’indiquer les coordonnées et les références de votre contrat de partenariat avec EDF?
Clic!
Je n’ai aucune idée, Pascale, de la façon dont ce genre d’affaire peut tourner. Mais il me semble qu’en restant ferme sur ses appuis et en conservant son sang froid (ce qui n’est pas toujours facile) on doit pouvoir finir par se faire entendre.
Dans ce genre d’affaire, la transparence d’internet peut être utile. Il sera plus difficile pour certains de se livrer à des abus de position dominante en se drapant derrière le secret des procédures.
C’est à pierre Desproges http://michel.buze.perso.neuf.fr/lavache/pierre_desproges_lettre_tresor_public.htm et sa lettre d’anthologie au Trésor public, que je dois ce rapport décontracté à l’administration. Et l’expérience m’a montré que la puissance des mots peut faire fléchir les administrations les plus obtues, même la Sacem, à qui j’ai réussi l’an dernier à faire baisser les prétentions pour notre ciné-club de village.
de la Normandie où je suis…. très, très drôle Philippe.
J’espère que ces lignes vont rameuter de nombreuses réactions, je veux dire de nombreux témoignages sur de semblables situations.
Inutile de vous suggérer quoi faire, mais l’envie de dire que, dans ce cas, je crois qu’il faut renvoyer la vieille dame sénile à son labyrinthique système, pour ne pas dire kafkaïen. Je suppose que vous avez tous les courriers : un joli petit dossier, bien ficelé par l’ironique cynique de celui-qui-paie-ses-impôts-sans-rechigner-mais-quand-même-faut-pas-pousser- à l’administration de tutelle, copie au chef du chef, puis à son chef, genre Astérix (je ne sais plus le nom de l’album où il se perd dans le dédale des bureaux et autres circulaires qui ne circulent pas) et encore au Chef, jusqu’au plus grand, je veux dire celui qui est payé le plus cher…. ah! quel soulagement d’emm… un peu l’administration qui nous le rend bien, à moins que ce ne soit l’inverse. Empapaouter l’empapaouteur…. Surtout tenez-nous au courant! c’est, en plus, vous avez raison, aider tous ceux qui ne peuvent.
Au fait, la simplification des démarches administratives n’était-elle pas un souhait (je ne sais s’il faut dire une promesse) de notre candidat devenu président bien aimé?
Allez, froid et pluie intempestive et glaciale en Normandie, basse de nom, haute de coeur!