L’Arabie Saoudite est le seul pays au monde qui porte le nom d’une famille. La famille Séoud ou Saoud, c’est selon. Quand j’étais petit on disait d’ailleurs d’Arabie Séoudite. Mais les Anglais semblent avoir gagné et Saoudi Arabia s’est imposé. Ce n’est pas scandaleux puisque l’Arabie Saoudite a une autre singularité : c’est l’un des deux pays au monde, avec le Congo de Stanley, qui doit son existence à un aventurier anglais : Thomas Edward Lawrence, plus connu sous l’appellation Lawrence d’Arabie.
Cette histoire incroyable : l’unification des tribus de bédouins qui peuplaient la péninsule arabique en 1916 pour briser le joug de l’empire Ottoman, allié de l’Allemagne, est racontée par Lawrence lui-même dans un ouvrage d’anthologie Les sept piliers de la sagesse. Aujourd’hui encore on ne fait pas bien la part entre la réalité historique et les aspects romanesques du récit. Mais peu importe, le fond est bien là. En persuadant le Chérif de La Mecque, Hussein ibn Ali, de prendre la tête de la rébellion contre les Turcs, l’agent anglais Lawrence, réussit à unifier la péninsule sous la souveraineté hachémite. Le récit de la guerilla menée dans le désert avec Faiçal, le fils d’Hussein, contre les troupes ottomanes, ne laisse aucun doute sur la réalité de l’engagement de Lawrence, qui disparait pendant trois ans dans le costume de bédouin, se déplace à dos de chameau et dort sous la tente. Il accompagne ainsi le fils du Chérif jusqu’à Damas.
Malheureusement pour Lawrence, le grand état panarabique qui aurait pu voir le jour suite à la chute de l’empire Ottoman, en 1919, ne sera pas créé. Les Français et les Anglais préférant conserver chacun une partie du gâteau, respectivement la Syrie et l’Irak. Pire, quelques années plus tard, en 1924, Hussein ibn Ali est déposé par le chef d’une famille rivale, Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud, qui donne naissance à l’Arabie Saoudite. L’Abdelazzziz en question, qui n’était pas précisément un modèle de décontraction en matière religieuse, est d’ailleurs le père du nouveau roi qui vient d’être intronisé. Il est permis, au passage, de ne pas être très enthousiaste à l’idée de voir le président de la République française se précipiter pour féliciter le nouveau souverain d’un pays qui professe un islam délirant, où les femmes n’existent pas et où la justice se règle à coups de sabre et de fouet.
Les sept piliers de la sagesse est l’un de ces rares ouvrages qui se lit à la fois comme un document historique et comme une œuvre littéraire. Il fait partie de ces quelques grands récits, avec celui de Bernal Diaz del Castillo, dont on dit désormais qu’il a été écrit par Cortès lui-même, qui racontent l’histoire en marchant. Nous disent quelque chose des hommes qui ont façonné le monde tel qu’il est aujourd’hui, comment en ont été dessinés les contours, physiques mais aussi mentaux. Ce n’est pas rien, en ces périodes où l’on s’interroge beaucoup sur le retour en force de certain islam. Quoi qu’il en soit, c’est un grand souvenir de lecture (attention c’est un pavé). Je l’ai pour ma part lu dans la collection Payot voyageurs, traduit par Charles Mauron. Mais il semble que ce soit la « version d’Oxford » publiée en 2009 par Phébus (traduction d’Eric Chédaille) soit celle qui fasse aujourd’hui référence.
Les sept piliers de la sagesse, T.E. Lawrence, Phébus, 2009. Broché, 25,35€, poche 11,50€.
et j’ai oublié, le coach, pour quel résultat? A quelle réussite amoureuse peut-il prétendre amener, ou doit-il promettre de mener, celui qui rémunère sa prestation coachesque…
Quand même, quand même, qu’une société ne s’émeuve pas plus que ça de ce genre de clownerie n’est pas rassurant, et pire, qu’elle donne bénédiction à de telles pratiques comme solution miraculeuse à la misère affective -pour ne pas dire plus- ressemble à quelque chose comme une extrême onction, pour filer le vocabulaire de l’illusion religieuse comme ciment de l’idéologie dominante et largement opiacée.
J’aime particulièrement cette dernière phrase, Soplyak, qui joue avec les comptes que l’argent pourrait apurer…
Vu l’autre jour à la télé, oui, oui, que certains de nos contemporains rémunèrent des coaches en amour, oui, oui…. Ce mot (coach) autre mot de “expert”, me ramène toujours à une question que je (me) pose souvent, et donc qui fait radotage, qui expertise ces experts? je n’ai pas de réponse.
Que peut-on demander, et exiger, d’un coach en amour? quelles études, quelles compétences, quels savoirs, théoriques, pratiques, quelle expérience, quel CV? Il y a un moment où le ridicule qui aurait tendance à me faire pleurer, m’oblige à rire. Pas longtemps quand même, car je pense à tous ceux qui s’y livrent. Esclaves des objets, esclaves du travail, esclaves de nos élus, esclaves de la doxa, des médias et de l’avoir, en effet, nous/les voilà en passe de devenir de manière flagrante, esclaves des coaches et autres experts de l’ignorance et du m’as-tu-vu le plus obscène et le plus misérable.
Bon, ben, c’est la faute à la pluie, ce type de pensées moroses…
à condition de distinguer entre culture véritable & consommation de produits de l’industrie culturelle. Entre ce qui relève de l’être & ce qui relève de l’avoir.
Le long terme & le court terme.
L’effort & la gratification immédiate.
L’activité & la passivité.
La mise en jeu & remise en cause de soi & la vanité (le souci constant du regard que les autres portent sur soi), les effets de mode & donc de distinction sociale (avant-gardes) mais aussi le conformisme — les livres qu’il faut avoir lus, le top des galeries parisiennes, l’expo de l’année.
Le passage de la culture à son Ersatz industriel, aux faux-semblants, aux bouche-trous, a sans doute (doublement : œuf & poule, synergie) à voir avec le renoncement au politique.
Et aussi avec la ” technologisation ” de ttes nos activités étendue ici à la reproduction : marchandisation & culpabilisation/intimidation. Tt ce que vs faisiez vs-même il faut le sous-traiter (à la techno-science, aux machines ou aux experts, coaches de tt poil, aux spécialistes — économistes, politiciens de métier). Donc ds l’espoir de faire mieux ou moins mal ce qui était naturel (mais dont on vs a convaincu que c’était archaïque) on vs dépossède & rend totalement passif. On vs désincarne — mais évidemment les promesses de progrès sont difficiles à refuser si on vs les présente comme la fin de la fatigue, de la souffrance & surtout, surtout, la fin de tte responsabilité. On ne vs demandera plus de comptes, ça vaut la peine de payer, non ?
Philippe, désolé, vous avez raison.
RD Dufour ? il est un des rares auteurs français a avoir abordé la question de la néoténie chez l’homme, de son inachèvement (on achève bien les chevaux…), et des grands récits de la modernité comme moyen de palier à cet inachèvement, et aussi (ce que je crois intimement) de l’échec programmé de ce processus, le transfert de ” l’économie de marché” à une “société de marché” avec la culture comme bien de consommation est le signe d’une régression néoténique de l’homme moderne, une forme d’infantilisation ayant comme aboutissement l’avènement de l’animal culturel au détriment de l’animal politique, nous vivons aujourd’hui (dans nos sociétés modernes) la fin de l’homme comme animal politique, et aussi la fin du politique, Dufour n’est pas le seul à l’avoir vu venir, la petite fable que je vous avais envoyée (inspirée par Dufour) essaie d’évoquer cette question, ce déséquilibre inquiétant entre culture et politique.
j’écoutais aujourd’hui les réponses d’Onfray aux questions du public, il se dit républicain : républicain libertaire et nietzschéen, c’est bien le genre de ratatouille indigeste que peut nous cuisiner notre époque.
je ne sais pas à quel moment nous nous sommes mélangés les pinceaux, l’Europe, la globalisation… sont des prétextes inopérants, la dimension néoténique chez l’homme représente une force anthropologique bien trop forte et bien trop attirante, il est facile de tomber dans son piège….
bien à vous.
L’Arabie Saoudite est dans Le Monde de cet après-midi en rang et place de la rubrique “attentats terroristes” : 13 morts et des blessés dans une mosquée.
J’ai bien sûr cherché depuis quelques jours chez les historiens et géographes des siècles que l’on dit anciens, ce qui peut recouvrir des textes allant du VIème avant, jusqu’au II, IIIème après… (Comme quoi, quand on dit… non, c’est un autre sujet….) à propos de la Péninsule Arabique d’avant l’islam, donc.
C’est fichtrement compliqué. Pausanias est l’un des plus bavards. Mais je suis bien incapable de faire une synthèse. Épineuse est aussi la question de savoir ce que le mot “arabe” signifiait précisément selon les uns, les autres, les époques. Même l’étymologie semble plurivoque, il y a, en tous cas, de très nombreuses propositions d’explications desquelles toute option précipitée serait une faute….
Oui Pascale, en fouillant dans les archives de l’année je me suis dit que ce papier résonnait avec l’actualité. L’une des vertus de ce récit est de nous rappeler que ce pays est une création de l’Occident. Un obscurantisme que nous avons, en quelque sorte, promu pour contrer l’empire ottoman, tout comme nous avons soutenu les Talibans en Afghanistan pour contrer les soviets. C’est compliqué la géopolitique, et cela devrait nous aider à mesurer nos emportements.
Quant à la fnac, Puck, il y a bien longtemps que cette maison est sortie de la sphère de la culture au profit de celle du commerce, et s’est inscrite dans le “divin marché” comme dirait Dany-Robert Dufour.
Il y a longtemps que les sept piliers de la sages se sont effondrés dans ce pays à la fois très moderne et très arriéré, esclavagiste, propagateur d’un islam des ténèbres.
Devant lequel sont agenouillés diplomates et politiciens.
Et vendeurs de tape-à-l’oeil à Cannes-la-braguette (merci Léo).
oui, cette histoire est très drôle (!), je veux dire celle du prince saoudien à Vallauris.
d’autant qu’il a l’intention de construire une pilier en béton (un des 7 piliers de la sagesse ?), pour faire aménager un petit ascenseur.
c’est comme l’histoire du bonus du pdg de la fnac, je ne sais pas ce qu’il faut en penser, je veux dire ce qu’il faut penser du peu de réactions du monde culturel,
ce bonus représente quand même 600 fois le salaire d’un vendeur de la fnac.
je suis étonné de l’indifférence du monde de la culture, une espèce de nonchalance, du genre “nous sommes au dessus de ces basses histoires de fric”.
ou alors faut-il y voir de la résignation ? du genre : c’est comme ça, personne n’y peut rien….
je me demande jusqu’à quel point nous pourrons pousser la démesure, ce que les grecs anciens appelaient l’hubris, qui était un de leurs piliers de la sagesse, à l’époque quand un type dépassait la mesure Némésis venait l’embrocher, ou le pétrifier (?),
nous avions déjà l’obscénité des salaires des sportifs, cette minorité de gamins surpayés pour occuper l’esprit de cette majorité de gamins qui ne trouvent pas de boulot.
je ne sais pas jusqu’où nous pousserons cette obscénité de la démesure ?
il me semble que nous sommes formatés pour en encaisser pas mal (pas de fric mais d’hubris), je veux bien que notre conscience morale soit en berne, mais il me semble qu’il doit tout de même y avoir une limite à cette obscénité, mais laquelle ?
C’est par hasard ou en écho direct avec l’arrivée -puis le départ- de nos amis saoudiens du sud de la France votre choix Philippe?
C’est l’été. Le temps de faire le plein de lectures, sans nécessairement avoir envie de les commenter à chaud. Je profite donc de cette parenthèse, comme chaque année, pour republier quelques billets de l’année. Celui-ci date du 24 janvier.
Merci à Pascale et Elena pour leur présence chaleureuse et leurs échanges éclairants durant le mois de juillet.