Il est des livres magiques dans lesquels on retrouve formulées clairement des intuitions confuses. Le Divin Marché est de ceux-là. Et je n’en suis qu’à la moitié. Je n’en éprouve pas moins le besoin de fixer par écrit quelques idées qui me viennent à l’esprit et qui pourraient s’échapper au fil de la lecture tant cet ouvrage est dense et copieux. Je voudrais surtout éclairer, à la lumière de cette réflexion, deux phénomènes : la résurgence d’un Islam radical dans le monde et l’incroyable fortune d’un parti d’extrême-droite en France qui ne laissent pas de susciter des colonnes d’analyses et de commentaires.
La thèse de Dany-Robert Dufour est, somme toute, assez simple. Les découvertes scientifiques ont bouleversé notre relation au monde, mais n’ont pas résolu nos problèmes métaphysiques. Une nouvelle croyance est donc née discrètement au XVIIIeme siècle, basée sur l’approche de Newton, selon laquelle l’univers est une splendide machinerie où les forces s’équilibrent naturellement. Le chantre de cette nouvelle doctrine, Adam Smith, a élaboré une théorie selon laquelle, ce qui est valable pour la nature l’est aussi pour l’humanité. Ainsi l’ensemble des intérêts égoïstes de tous les humains s’équilibre et produit une société assurant le bonheur de tous. C’est « la main invisible » du marché.
Cette théorie « libérale », principalement portée par les Anglo-Saxons, en particulier les Américains, a prospéré tranquillement au cours du XIXème siècle, tout en étant contenue en Europe et dans le reste du monde par une vision plus classique de l’organisation de la société, plus portée à la régulation, dans des pays dotés de pouvoirs politiques forts et interventionnistes. Mais elle a peu à peu gagné le reste de la planète, en s’appuyant sur une illusion partagée : l’idée que le bonheur est intimement liée au consumérisme, à la possession toujours plus grande d’objets apportant le susdit bonheur (relire à ce propos l’excellente Société de la consommation de Baudrillard). N’hésitant pas, au besoin, à utiliser les découvertes en psychologie pour promouvoir une « économie libidinale » fondée sur les instincts primaires de population, réduite à un « troupeau » de consommateurs aveuglés.
Cette relation au bonheur terrestre a, peu à peu, sonné le glas des religions (à l’exception notable du protestantisme, marchéo-compatible, aux Etats-Unis), au profit de revendications contemporaines qui s’expriment dans cette magnifique formule qu’est « le pouvoir d’achat » (magistralement mis en boite ici). Et créé un vide métaphysique qui commence à déstabiliser sérieusement les populations les plus fragiles, progressivement oubliées par cette « main invisible » au profit des plus malins, qui ont peu à peu dévoyé de système en faisant sauter, à la fin du XXème, les dernières barrières de régulation. En deux mots, le pouvoir politique a perdu la main, au profit des tenants d’une théorie qui s’est peu à peu transformée en religion.
Les perdants à ce petit jeu, cette fois c’est moi qui parle, commencent à donner de la voix. Ils se trompent, bien entendu, mais il est assez curieux que peu d’intellectuels et pratiquement aucun parti politique n’aient mis le doigt sur le fond du problème. Ce n’est pas la conduite des affaires publiques qui est en cause, mais la relation du « troupeau » à la consommation. Et de ce point de vue nous sommes tous coupables. Enchainés par cette croyance que l’objet fait le bonheur, et piégés en permanence par les stratégies toujours plus subtiles déployées pour nous fourguer une camelote jetable (la mode, l’air du temps, le progrès technique…).
Mais revenons sur les perdants. Une citation de Dany-Robert Dufour tout d’abord, éclairante en elle-même : “Le Marché, ce dieu postmoderne (…) est capable de concentrer sur lui la haine des dieux qui échappent encore à son influence. Certes, le monde est en voie de globalisation, mais il existe encore de vastes zones pré-modernes. Entre ces deux zones, pré- et postmodernes, c’est à une nouvelle guerre de religions que nous assistons. Les religions pré-modernes savent bien bien que si elles ne réussissent pas à détruire par tous les moyens possibles le Marché, c’est le Marché qui les détruira. On assiste donc à une radicalisation des religions pré-modernes au titre desquelles il faut évidemment compter ces pans de l’Islam prêts à en découdre avec le Marché et ses incarnations (la société occidentale, les multinationales etc…). Comment oublier que ce fut un des temples les plus visibles du Marché qui fut visé le 11 septembre 2001 avec la destruction des tours jumelles du bien nommé World Trade Center ?”
Les seconds perdants, plus proches de nous, voteront Front National aux prochaines élections (59% des ouvriers selon les dernières estimations). Laissés pour compte par le système, ils expriment ainsi leur colère contre ce Divin Marché qui ne tient pas ses promesses à leur égard. Mais, ne nous y trompons pas, leur rêve est bien de rejoindre le troupeau. Un plus petit troupeau certes, mais plus sûr, le troupeau national. Ces deux sortes de perdants ne sont pas méprisables par définition. Ils n’acceptent tout simplement pas les règles du jeu qui leur sont imposées. Ils se trompent évidemment d’adversaires et de méthodes.
La plus grande difficulté n’est-elle pas de mettre en lumière les causes profondes du trouble ? Décidément, les intellectuels, les grands esprits, nous manquent cruellement ces temps-ci.
Non bien sûr, Philippe, pas question de vs prendre autant de tps. D’autant moins que je viens seulement de m’apercevoir que ce livre, que je croyais plus récent, date lui aussi de 2007 …
Partons de ce détail matériel, l’absence d’un index simple, un index des noms, dont la réalisation (contrairement à celle d’un index des notions élaboré, hiérarchisé) est maintenant largement facilitée par les logiciels. La maison Denoël ne pouvait pas se le permettre ? Est-ce un parti pris ds cette collection ? Pense-t-on que le public visé n’en a pas besoin ?
Ceci pour faire le lien avec le malaise que suscite tjs en moi tte discussion un peu vive entre les spécialistes (héritiers & continuateurs dévoués des “générations de penseurs”) & … les autres.
Première difficulté : comment les appeler ?
• On disait autrefois “le gd public cultivé” mais l’expression suscite trop de pbl — il faudrait d’abord s’entendre sur une définition de la culture (!), préciser ensuite & son étendue (les domaines considérés — ex: je n’aurais jamais eu accès à l’académie, n’étant malheureusement pas géomètre) & à quelle hauteur on place la barre.
• Gd public éclairé ? Cela signifie-t-il “qui a qq lumières sur tt” ? Qui a reçu & assimilé une éducation suffisante pour “apprendre à apprendre” & donc qui ne sera pas bloqué d’emblée faute de bases &/ou de méthodes ?
Mais les méthodes (& donc les formations de base) ne sont-elles pas qq peu différentes selon les disciplines
Un ex. qui évitera peut-être des malentendus douloureux qui ne manquent pas de surgir, peut-être davantage en France qu’ailleurs, liés aux restes du prestige du savoir intellectuel & notamment philosophique : une constatation à propos de l’apprentissage des langues chez les adultes ; ceux qui n’ont jamais été initiés à une autre langue que leur langue maternelle avant la fin de l’adolescence (au cours de leur scolarité ou de transplantations familiales) rencontrent souvent d’énormes difficultés. (Je ne sais pas si le parallèle avec l’apprentissage tardif de la conduite automobile vaudrait qqch).
• Des amateurs, ce beau mot, vs. des professionnels ?
(Là le risque du mépris a longtemps plané sur le pôle opposé, celui des gens de métier, professions intellectuelles ou artistiques comprises, souvent considérés dédaigneusement comme rivés à leur spécialité, avec obligation de sérieux & de résultat, alors que ceux qui en avaient le loisir pouvaient “toucher à tt” & faire ainsi la preuve de leur aisance & de leurs talents variés. Sprezzatura vs. efforts rétribués. Peut-être aussi, c’est un pbl différent, liberté de choix si l’on se spécialise vs. dépendance vis-à-vis d’un “marché du savoir” avec ses priorités)
Alors quel type d’amateurs ? Passionnés ? Curieux ? Connaisseurs ? Dilettantes ? Ce n’est pas la même chose …
• Des citoyens concernés (vs. des savants dont certains vivraient retirés ds leur tour [d’ivoire ou non]/ vs. des politiciens de métier ? )
Des “applicateurs” de connaissances (historiques, économiques, etc.) vs. ceux qui travaillent aux avant-postes de la théorie (avec des contraintes différentes) ?
Car il y a bien évidemment une dimension politique au pbl du partage & de la transmission des savoirs & de l’analyse critique (rigoureuse & étayée) . Une dimension que la “personnalisation” de la politique sous le règne de la com’ tend à (ou tente de) dissimuler qd les campagnes électorales se sont transformées en campagnes de pub, qui s’efforcent de ns persuader que ns choisissons un “style” (celui de la personne pour qui l’on vote & celui qui est censé ns dicter nos propres choix) plutôt qu’un type de société lié aux véritables options politiques.
Ex. (qui est moins éloigné que le reste de l’article de Philippe) du référendum sur le traité européen : le débat a moins porté sur le vrai ou le faux, le bien-fondé ou non de ce qui était proposé à l’approbation des citoyens (dont on s’est passé, évidemment), ses éventuelles justifications théoriques & techniques, la réflexion sur ses conséquences possibles, donc des considérations rationnelles, que sur des préjugés sociologiques (de l’impensé ds tte sa splendeur) sur les éventuelles déterminations sociologiques qui censées affecter les votants.
L’unanimité médiatique était incroyable (ah, les informations sur France Culture !) mais aussi le mépris qui allait avec : le “non” était considéré comme le signe de l’ignorance, de l’archaïsme & de la bêtise la plus crasse. Un vote de pauvres qui n’étaient pas assez bien éduqués pour comprendre que l’Europe c’était la paix, le bonheur & le progrès.
Or ceux qui ont cherché à comprendre, à apprendre des ch qui paraissaient d’autant plus complexes qu’elles s’abritaient sous un jargon ésotérique, ne disposaient pas forcément de connaissances poussées en sc. politiques, en histoire ou en économie (domaine qui n’est évidemment pas “purement scientifique” & “non idéologique”) ont eu besoin de “vulgarisateurs”, de passeurs (je me souviens du blog d’E. Chouard).
On en revient tjs là qd il faut articuler “culture intensive” & “culture extensive”, savoirs spécialisés longs & difficiles à acquérir, demandant donc une certaine ascèse de l’étude & le vaste bagage nécessaire à l’honnête homme c.à.d aussi à celui qui souhaiterait éviter de remettre aveuglément son sort ds les mains des experts, de ceux qui sont censés savoir plus & mieux.
Le nœud, c’est la responsabilité (écrasante, déterminante) des “passeurs”, des intermédiaires, des “vulgarisateurs”.
On ne saurait les tenir pour responsables de tt comme ceux qui ont pour refrain préféré : “c’est la faute des profs !”
On ne pourra jamais empêcher totalement les mé- ou in-compréhensions.
On doit tenir compte de cette absence d’extériorité mentionnée par Puck lorsque par ex (mais je ne suis pas ici celle qui serait le mieux à même d’en parler) on considère les contraintes qui pèsent sur les journalistes & qui les empêchent de jouer ce rôle au sein des rédactions.
Mais ceux qui se situent en dehors des institutions ?
Il n’y a pas, Elena, de biblio en fin de volume dans le Divin marché. Les notes (nombreuses) sont en bas de page, une forêt impénétrable en qq minutes. Je n’ai pas eu le loisir d’intervenir dans les échanges ces derniers jours, échanges qui n’en sont pas moins fort riches.
Je retiens évidemment la citation de Kant (merci Pascale) “l’homme privé d’éducation ne sait pas se servir de sa liberté”. Puck, vous êtes un bon aiguillon, mais un peu trop expéditif et désespéré à mon goût : …”de plus, je n’ai jamais dit que ces auteurs se sont trompés, j’ai juste dit qu’ils n’ont jamais été capables de nous protéger contre le rouleau compresseur de la barbarie, alors oui : le dépit, une fois de plus l’histoire se rejouera à l’identique, et une fois de plus rien ne pourra entraver la marche de ce rouleau compresseur.” Personne, pas plus les philosophes que les politiques ne peuvent sauver les hommes contre eux-mêmes. Mais chacun reste autorisé à s’interroger, à se saisir des clefs qui lui sont proposées.
Il est évident que le marché, récupère, pervertit les initiatives qui tendent à le déstabiliser (pensons au green washing). Et qu’il est extrêmement difficile de s’en dégager. “Le mot d’ordre du bourgeoisisme est le principe inverti des forts : celui qui n’est pas contre moi est pour moi” disait déjà Hermann Hesse. Même les pseudo-révolutionnaires sont récupérés (le dépôt de la marque ZAD est de ce point de vue éloquent), mais s’il est vrai que la machine fonctionne toute seule avec l’assentiment en creux de la majorité de la population (on pourrait, de ce point de vue réinterroger le dogme de la démocratie représsentative, qui a ouvert un boulevard à la démagogie), un rapport au monde plus… intelligent dirons-nous n’en est pas moins en train d’émerger à bas bruit. Les jeunes générations nous en donnent, ici et là, de beaux exemples.
Désolé, je pars dans tous les sens. Merci, quoi qu’il en soit pour ces contributions, qui invitent à la réflexion. Bonne fin de semaine à tous. Pour ma part ce sera rangement de l’atelier et consolidation du poulailler qui en a grand besoin, depuis l’arrivée, cette semaine, d’un magnifique coq.
Je me demandais (ceux qui l’ont lu, P. & Philippe, pouvez-vs me renseigner ?) si D-R. Dufour citait ds sa bibliographie le livre de Christian Laval, L’Homme économique Essai sur les racines du néolibéralisme (nrf essais, 2007).
Après avoir relu la notice de Ph. j’ai repris ce livre (qui avait été pour moi une révélation) & il me semble qu’il y a énormément de pts communs (c’est sans doute pour cela que je n’avais pas acheté Le Divin marché). Je n’entretiens, évidemment, pas le moindre soupçon de plagiat.
Les analyses de Ch. Laval sont axées sur l’anthropologie utilitariste ; il s’agit pour lui de “rendre compte, au moins partiellement, du triomphe historique de la représentation du sujet humain comme un ‘moi’ intéressé en Occident”.
Ll’homme économique” ne désigne pas ici la part des activités spécifiquement économiques (production, circulation, consommation des biens satisfaisant des besoins) mais “une économie générale de l’humanité qui s’est imposée, selon laquelle ce sont TOUTES les relations humaines qui sont régies par la considération de l’utilité personnelle” ; “avant, pendant & après [Adam] Smith, un discours bcp plus intégral, une véritable anthropologie, complète, cohérente, de l’homme intéressé se déployait,”
[& vs comprendrez mon impression que les livres feraient doublon : ]
” offrant à la représentation occidentale un fondement normatif unitaire donné comme le pur & simple substitut du dogme de la religion chrétienne.”
À propos de “prophète (de malheur)”.
J’ai encore une fois oublié que je ne parlais pas [à partir] du même endroit que ceux qui me liraient, & que cela provoquerait des malentendus.
Je pensais aux prophètes bibliques, qui ne sont pas des zozos pittoresques, ou d’inquiétants magiciens dotés de facultés paranormales, de “super-pouvoirs”. S’ils font des prédictions c’ est en s’appuyant sur une lecture du présent, auquel ils appliquent une “grille de lecture” différente des autres. Si a & b, alors c.
Ils tiennent souvent un discours “social” extrêmement virulent ; ils dénoncent le sort fait aux plus faibles & aux plus pauvres, à la veuve & à l’orphelin — & aussi l’idolâtrie (il suffit de mettre sous ce terme non pas une fâcheuse intolérance vis-à-vis des divinités de leurs voisins, mais la soumission à une autre loi — celle du marché — ou le culte de la marchandise, de la performance ou du travail 7/7 24/24, les bacchanales de la consommation débridée, pour que ça paraisse moins absurde).
Mais annoncer la catastrophe, c’est tenter de l’éviter. Cela ne suffit pas tjs, mais inversement c’est lorsqu’il n’y a aucun avertissement que la catastrophe est certaine.
Alors oui, le prophète de malheur paraît souvent ridicule, ses craintes exagérées. Surtout, paradoxalement, qd il réussit sa mission. Tt de suite les gds mots, ces lanceurs d’alerte !
Jonas l’a eu mauvaise …
“c’était une incompréhension plus que spirituelle”
c’est drôle comme je peux me faire honte : “une incompréhension intellectuelle”, désolé pour ce lapsus.
de la part de Kant, Spinoza, Montaigne et tous les autres….. 12 août 2015 à 22 h 52 min
misère de misère, j’ai l’impression d’être un petit légionnaire romain face à Obelix, à chaque fois je me prends un coup de massue qui m’enfonce de quelques centimètres dans le sol.
on peut faire une trêve ? j’agite un petit mouchoir blanc devant mon écran, vous le voyez ?
en plus mon dernier commentaire était écrit en vue de trouver un terrain de réconciliation, il semble que je me sois une fois de plus assez mal exprimé, j’ai droit à une seconde chance ?
je partage tout à fait votre avis et je comprends tout à fait (même si je suis pas assez élevé) qu’on puisse trouver dans ces oeuvres de quoi nourrir son esprit et en tirer un plaisir.
je me souviens, il y a très longtemps, j’avais un blog sur lequel venait une amie qui avait écrit un texte magnifique sur Empédocle, quand on avait demandé à plusieurs philosophes “àquoi ça sert la philosophie” chacun y avait été de sa réponse, et quand était venu son tour il avait répondu “à rien”, ce qui avait fâché cette belle assemblée d’utilitaristes.
il ne s’agit pas ça bien sûr, j’ai un profond respect pour ceux qui comme vous le dites lisent ces textes en silence et loin des projecteurs et des caméras.
moi je parlais des autres : ceux qui lisent devant les caméras et devant les micros de radio, parce que c’est eux qui ont un effet sur le troupeau, et quel effet ont-ils donc, ces philosophes de salon sur le troupeau ?
je vais prendre un petit exemple, mais surtout il faut bien comprendre ce que je veux dire, Montaigne, j’adore Montaigne, mais chez Montaigne il n’y pas de politique, c’est même le sens des Essais, d’être écrits en dehors du vacarme du monde, et aussi Nietzsche, idem pour lui, pas de politique chez Nietzsche, et ces philosophes de salon vont faire usage de tous ces auteurs qui ne permettent pas de créer un monde commun et une conscience morale politique, pourquoi à votre avis ? parce que ces philosophes de salon genre Enthoven, Ferry et les autres ne veulent pas de politique, ce sont des bourgeois et des nantis dont le seul objectif est de surtout ne pas parler de la réalité politique du monde.
il faut écouter une émission très amusante avec Enthoven et un jeune marxiste, un dimanche, il y a 3 ou 4 semaine sur FC, c’était très drole parce que Enthoven ne comprenait pas ce dont l’autre parlait, pourtant c’est un esprit brillant, genre premeir de la classe, un type capable de briller en société, mais là il ne pigeait rien, c’était une incompréhension plus que spirituelle, carrément biologique, dans la biologie d’Enthoven, dans son coprs, dans ses muscles, il n’y a pas de place pour la politique, pourtnat il a dû Zola, l’assommoir, ou Balzac, ou même Jack London avec ses descriptions des ouvriers de Londres, mais cette lecture a dû l’effleurer, des ouvriers considérés comme des machines pour produire des richesse dont ils ne voyaient pas la couleur, ça il ne comprend pas ce que cela peut signifier parce que c’est pas dans sa biologie, du coup c’était très drôle parce que un citait Marx et l’autre pour lui répondre citait Montaigne, autant dire que c’était un dialogue de sourds : à ce titre, Enthoven, pour avoir pousser cette compromission (cette trahison) à un aussi haut niveau incarne certainement ce que la philosophie peut avoir aujourd’hui de plus répugnant et de plus détestable,
et c’est là que je dis que pour ces philosophes de salon il est plus facile de regarder le troupeau que de faire une rotation de 180° et regarder ce qu’il y a de l’autre côté, parce que de l’autre côté il y a eux, et il comprendrait que ce troupeau c’est eux qui l’ont fait, à force de refuser de rejeter la politique.
alors maintenant c’est facile pour ces philosophes de salon , le système pédale dans la semoule, comme disait Rocard hier matin à la radio : les spéculateurs et les monétaristes ont réussi à prendre les commandes et ont enlever aux nations toute leur autonomie, et leur possibilité de décider de leur avenir.
je ne suis pas un prophète de malheur, les prophètes prédisent l’avenir, je parle du présent : aujourd’hui les nations appartiennent aux financiers et ont perdu toute leur autonomie.
résultat des courses : à quoi ça sert de former des citoyens éclairés, libres et autonomes dans la mesure où il n’y a plus de lieu pour exercer sa citoyenneté, c’est là où je dis que Dufour se met le doigt dans l’oeil jusqu’au coude : le troupeau on ne peut plus rien pour lui, c’est trop tard, c’est fini, game over.
Nos philosophes de salon ont gagné la partie, il faut leur rendre cet hommage, ils ont été les plus forts, ils ont réussi, il faut dire qu’ils ont bien été aidés par les médias et par l’université qui a regardé ça de loin, dans l’indifférence la plus totale, j’imagine qu’ils en avaient rien à cirer, et sans doute avaient-ils raison de rien n’en avoir à cirer, cette histoire était peut-être écrite d’avance.
“Moi-même, qui fais singulière conscience de mentir et qui ne me soucie guère de donner créance et autorité à ce que je dis, m’aperçois toutefois, aux propos que j’ai en main, qu’étant échauffé ou par la résistance d’un autre, ou par la propre chaleur de la narration, je grossis et enfle mon sujet par voix, mouvements, vigueur et force de paroles, et encore par extension et amplification (…)
Il n’est rien à quoi communément les hommes soient plus tendus qu’à donner voie à leurs opinions. Où le moyen ordinaire nous fait, nous y ajoutons le commandement, la force, le fer et le feu. (…) Qui établit son discours par braverie et commandement montre que la raison y est faible.” Des boiteux
(orthographe moderne hélas!)
Ah, j’ai l’impression d’arriver un peu tard …
Si je peux me permettre ?
Il me semble que vs pourriez être d’accord, à condition Puck-le-prophète (de malheur, forcément) de bien vouloir envisager la possibilité de plusieurs guerres ou d’une énorme guerre, certes mondialisée, mais se déroulant simultanément sur plusieurs fronts.
Pascale, si j’ai bien compris (la tête me tourne un peu, je suis une lente, une besogneuse — donc si j’ai bien compris une partie du contenu & si j’ai bien identifié les protagonistes), s’adresse à vs depuis l’un de ces fronts, où elle se trouve en première ligne, au cœur des combats, où elle paye de sa personne.
Vs lui répondez, Puck (si j’ai bien compris), en lui parlant d’un autre front — je comprends que vs ayez à cœur de l’informer de ce qui se passe ailleurs & qui par un pernicieux effet de perspective peut sembler minuscule vu d’ici mais que vs jugez d’autant plus grave & menaçant.
Échanger des nouvelles des différents fronts c’est en effet essentiel, cela évite de se faire prendre à revers ou d’épuiser imprudemment ttes ses forces en un seul pt sans conserver de ressources pour le combat d’après.
Fort bien, parfait, mais pourquoi le faire en disant à Pascale que sa guerre à elle n’existe pas ou n’a pas d’importance ? Et pourquoi supposer ainsi que votre interlocutrice pourrait basculer ds l’autre camp ?
Combien de tps encore les dominants considéreront-ils une certaine culture comme un luxe désirable, une marque de distinction ? On peut désormais parvenir au plus haut niveau de l’état comme de l’entreprise en étant totalement désinhibé vis-à-vis du fric, de la politesse la plus élémentaire, de la syntaxe & de l’élocution, mais aussi de ce que l’on avait coutume d’entendre par culture. Et de s’en vanter, de le revendiquer, d’en faire un argument.
À l’ancien modèle aristocratique ou gd-bourgeois peut succéder le modèle démagogique : “intello” est déjà devenu un gros mot, & il suffit de traiter d’ “archaïque” un modèle de société, une façon de faire ou des intérêts culturels pour les déconsidérer. Les “élites” formées ds les gdes écoles comme notre actuelle ministre de la culture savent sur quoi il convient d’être incollable & ce que l’on peut se permettre d’ignorer (qu’importent les quolibets de qq dinosaures, ce n’est qu’un mauvais moment à passer). À un niveau plus modeste — non, décidément ce n’est pas le mot — à un niveau hiérarchiquement subalterne des institutions de la république, un de vos interlocuteurs sur la Rdl qui se pense & se vit certainement en tte sincérité comme un ardent défenseur de la culture, revendique ses ignorances, ses désintérêts, ses refus a priori en mode binaire, comme ses élèves de 5ème doivent le faire sur Facebook : j’aime/ j’aime pas — & en mode circulaire & narcissique : ce qui me plaît d’emblée est nécessairement bon, & constitue la “vraie” culture puisque ça me plaît — c’est bien la preuve ; ce qui ne m’est pas familier & que je refuse de découvrir, ce à quoi je refuse de m’intéresser, ce pour quoi je n’ai pas de talent, ce qui m’obligerait à des efforts non immédiatement gratifiants, n’est qu’un snobisme, un pan inutile des connaissances humaines — j’ai un témoin qui pourra le confirmer, un témoin irréfutable, le seul qui vaille : MOI-MÊME en majesté. Cela s’appelle de l’originalité, du panache, du courage contre le conformisme culturel, la bien-pensance ; d’ailleurs, c’est bien connu, il y a un sombre complot contre les germanistes (en France ! le pays qui a eu pour Heidegger les yeux de Chimène !) & les prosélytes des extra-terrestres.
[Entendons-ns bien : je ne me prétends pas plus savante ; il a certainement davantage lu que moi & mieux retenu ce qu’il a lu ; mais ce n’est pas parce que je suis ignorante ds un domaine que je m’autorise à prétendre que celui-ci n’aurait rien à m’apporter]
Oui, il y avait de quoi pleurer de rage, de dépit, hurler au scandale qd qqn comme Le Lay, qui appréciait la culture pour lui-même & les siens, faisait de la daube sur TF1 pour des raisons d’audience & de vente de “tps de cerveau disponible”.
Mais je suis loin de penser que ns gagnions au change avec la génération suivante, celle par ex de l’inénarrable “Nono” Lagardère dont les intérêts culturels se limitent au sport . Il me semble que le nombre des abonnés aux concerts de musique de chambre (pas aux premières d’opéra) ne connaît pas une inflation spectaculaire. Que les thèmes des expos sont de moins en moins exigeants & de plus en plus racoleurs. Qu’il y a aussi un snobisme des “mauvais genres”, du nième degré qui permettent trop souvent de dissimuler l’abandon pur & simple de ce que l’on baptisera “prise de tête”.
Sans parler de la culture personnelle & sans témoins, celle sur laquelle on ne “communique” pas, & qu’analysait Lahire ds un précédent livre. Autrefois il fallait assumer ses choix qd on faisait la queue pour aller au cinéma ou à un tour de chant — mais bien à l’abri (sauf de la NSA, d’accord) devant son ordi ou l’écran de sa liseuse (qui annonce moins franchement la couleur que la couverture du livre) … Et à vue de nez, cette part-là de “consommation culturelle” croît au détriment de la culture “socialisée” (ds sa pratique). Et donc son influence.
Voilà pourquoi il serait dommage de tirer sur ses amis & ses alliés.
surtout qu’elle se double (l’insidieuse et malveillante hypothèse)
La réponse n’est pas la bonne. Il ne s’agit pas du tout de “culture” (mot absent de nos lignes) que l’on pourrait lire dans un écrin, une “belle bibliothèque”, bref, un salon mondain! Faux sens et même contre sens, nous ne parlons pas de cela. A ce jeu là, en effet, même quelques nazis avaient un peu de goût -cet argument est vraiment usé jusqu’à la corde!
Nos remarques à l’endroit du sieur Puck visaient juste à lui demander d’avoir un peu de retenue et de respect à l’égard non des lectures publiques ou privées que d’aucuns ont fait, font ou feront en leurs demeures, la belle affaire, ce n’est vraiment pas l’enjeu! mais à l’égard du travail invisible des générations de penseurs qui n’ont pas à être renvoyés au néant par une chiquenaude méprisante.
L’insidieuse -et décidément très malveillante- hypothèse du camp dans lequel nous serions déjà, et qui serait celui des forts contre les faibles, est totalement insupportable et outrageante, surtout qu’il se double d’une pernicieuse morale nous invitant à ne pas nous trahir. A quand les menaces?
Nous, Kant, Montaigne, Spinoza et tous les autres…. ne connaissons le sieur Puck et n’envions pas la belle certitude dans laquelle il se drape et dont il s’autorise pour juger du passé, mais maintenant aussi de l’avenir. Aussi nous le renvoyons à notre indifférence.
“de la part de Kant, Spinoza, Montaigne et les autres….. 12 août 2015 à 0 h 39 min”
bien vu, je l’avais bien cherché, sauf que je ne pensais pas mériter une réponse aussi dense et intelligente, aussi, qui que vous soyez, je vous en remercie.
la seule chose que j’aimerais toutefois rectifier, c’est sur le côté méprisant, calomnieux et condescendant de mon commentaire, je regrette que vous n’y ayez pas vu plutôt une forme de dépit mélancolique devant le rapport de force entre ces auteurs et le rouleau compresseur de cette nouvelle forme de barbarie capitaliste dont il ne faut surtout pas sous estimer la puissance.
De plus, je n’ai jamais dit que ces auteurs se sont trompés, j’ai juste dit qu’ils n’ont jamais été capables de nous protéger contre le rouleau compresseur de la barbarie, alors oui : le dépit, une fois de plus l’histoire se rejouera à l’identique, et une fois de plus rien ne pourra entraver la marche de ce rouleau compresseur.
alors je veux bien troquer le mot “inutilité” employé par les Mann, Steiner et autres pour désigner la fatalité de cette défaite systématique de la culture face à la barbarie (cette fois incarnée par le capitalisme) par le mot “fragilité.
cet édifice est fragile, c’est sans doute ce qui fait sa valeur, il demande une oreille posée et attentive, dans le camps d’en face on ne connait pas la fragilité mais seulement la brutalité, mais nous savons aussi que si ces gens aux commandes du rouleau compresseur capitaliste sont brutaux, ils n’en sont pas moins de grands amateurs des textes fragiles, nous savons bien que jusque-là, dans ces combats contre la barbarie, cette belle fragilité a servi de trophée pour les vainqueurs, eux seul auront droit à profiter de cette richesse fragile, les autres (le troupeau) auront été broyés par le rouleau compresseur capitaliste, c’est comme ça dans toutes les guerres et nous avons tous en mémoire ces images des hauts dignitaires allemands se rendant à l’opéra, dans les bibliothèques ou aux expos.
aussi, lorsque la guerre sera finie seuls les puissants aux commandes des divisions de rouleaux compresseurs capitalistes pourront profiter des bienfaits des richesses fragiles de cette culture que vous dépeignez si bellement, ce jour-là, vous qui possédez cette belle culture, il ne faudra vous tromper de camps (à moins que vous apparteniez déjà au camp de ces futurs vainqueurs ou bien que vous soyez déjà prêt à les recevoir et leur faire une lecture de ces textes dans une belle bibliothèque), parce que, ce jour-là il ne faudra pas oublier que continuer de vanter les beauté de cette richesse fragile qui sera désormais l’apanage des seuls vainqueurs sera la plus belle manière de trahir ces auteurs.
ce jour approche à grand pas, il faut déjà commencer à y réfléchir.
bien à vous.
Au temps où le cliquetis des claviers et des souris l’emporte sur le silence des penseurs, l’ancienneté, la préhistoire, l’antiquité, ne se mesurent plus qu’en jours, en heures même! Il y a une éternité, soit environ une bonne dizaine de semaines…( qui se souvient d’un bon article de journal, charpenté, puissant, le contraire de l’eau tiède au-delà de 24H ?) un homme intelligent et cultivé comme il est de l’honneur de notre République d’en avoir formé, rappelait à très juste titre ce que l’on doit aux Anciens…. Il le fit à l’adresse de ceux qui nous gouvernent, ceux qui sont censés tenir le gouvernail, et porter les plus jeunes en des rivages où ils grandiront et non en des culs-de-basse-fosse où ils risquent bien de se dévoyer.
On peut dire que, de clic en clic, comprenons de semaine en semaine, une telle voix, relayée pourtant par bon nombre d’autres, s’est perdue dans le désert. Déserté, le désert, de toute sagesse, de toute loyauté à l’égard de la dette d’intelligence et de savoir que nous devons à nos prédécesseurs :
« Au livre III de son Metalogicon (1159), Joannis Saresberiensis (Jean de Salisbury) évoque la figure de Bernardus Carnotensis (Bernard de Chartres), philosophe contemporain du grand érudit et historien anglais du XIIe siècle auquel le Guillaume de Baskerville du Nom de la rose d’Umberto Eco doit bien des traits. Pour expliquer la nécessité des arts du trivium (grammaire, rhétorique, dialectique – les arts du discours oral et écrit -, que complète le quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie, musique) – le domaine mathématique -, il rappelle le mot de son ami : “Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos, gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine, aut eminentia corporis, sed quia in altum subvenimur et extollimur magnitudine gigantea.” Comme dit l’admirable Mr Chips de James Hilton (1934), “I need not – of course – translate…” “Bien entendu, je n’ai pas besoin de traduire…”
Hmm… Les lecteurs assidus de cette chronique n’en ont certes pas besoin. Mais Najat Vallaud-Belkacem ? Traduisons donc à son intention : “Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux.”
Ou si vous préférez, un élève n’est grand que si on le hisse sur les épaules des géants qui nous ont précédés. Pas leurs maîtres, qui sont essentiellement des passeurs, mais tous les géants des arts, de la littérature et des sciences qui ont bâti, pierre après pierre, depuis des siècles, l’édifice de la culture commune.
Que sont justement ces pierres ? Ce sont les τόποi, pour parler grec, les lieux communs où nous nous retrouvons – le terme à l’origine n’avait aucune des connotations négatives modernes, idées reçues ou clichés. Pourquoi Montaigne, qu’Antoine Compagnon a mis à l’heure d’été il y a deux ans (Un été avec Montaigne, France Inter / Éditions des Équateurs, 2013), appuie-t-il ses Essais d’un nombre considérable de citations ? Parce qu’il sait être original en s’appuyant sur les citadelles construites par ceux qui l’ont précédé. “Rien de plus soi que de se nourrir d’autrui, dit Valéry : le lion est fait de mouton assimilé.” Nous autres modernes, pour parler comme Finkielkraut, sommes bâtis de pierres anciennes. Nous nous juchons sur les épaules de nos devanciers – et c’est au prix de cet effort que nous voyons plus loin. »
Fin de citation, sinon c’est moi qui serais citée en justice pour n’avoir pas demandé l’autorisation de reproduire ces lignes. Descartes, Pascal, Epicure étaient aussi convoqués après Montaigne donc, et Finki, qui n’est pas ma tasse de thé, mais dont je reconnais l’immense culture au service d’une expression fine, précise et rigoureuse…
Sûrement que cet homme-là est le représentant honni d’une culture bourgeoise dépassée parce que du passé, et que rien ne sert à rien, et que nous avons besoin d’autre chose pour changer les choses….
Je n’ai ni la réponse, ni la solution. Mais, à tout prendre, j’aime mieux vivre dans un monde où l’on ne jette pas les penseurs loin de soi, -si ça ne change pas le monde, ça peut changer des individus- que vivre dans un monde où l’on croit –ou veut faire croire!- que la culture et le savoir ne sont d’aucun effet.
“et ce pauvre Kant, il est comme Montaigne et Spinoza : des lapins que la culture bourgeoise nous ressort de son chapeau pour endormir les gens.”
alors là, bravo, clap, clap! on dirait une remarque de potache de lycée qui se croit malin de jouer les fiers à bras. On avance, on avance….
“sérieux pourquoi parler de Kant ?”
sûrement pour “rebondir” comme on dit, avec la citation de Dufour qui précédait!
“on ne peut pas tolérer des types comme Onfray et d’autres qui vous bourrent le mou dans l’indifférence pendant des décennies avec leurs slogans individualistes nietzschéens et faire sortir Kant d’un chapeau comme un lapin”
Quel rapport? mais quel rapport? on ne peut pas non plus tolérer de toujours tout mélanger et fustiger dans l’invective, le mépris, voire l’insulte. C’est un concours de slogans?
“mais ça le troupeau l’a bien compris, les gamins ne sont pas complètement idiots, en tout cas ils savent que ni Montaigne, ni Kant et ni Camus ne peut rien faire pour eux”
pour comprendre quelque chose, encore faut-il le connaître et s’il n’y a pas de honte à l’ignorance, la revendication de l’ignorance est une faute pour qui se pique de savoir, de culture, et de connaissance comme vous…. et vous proposez quoi?
“le mieux pour y répondre est de relire Kant”
alors là, bravo! c’est un conseil précieux qu’il faut vite vous appliquer à vous même, mais tout Kant hein? à la loupe, sinon, c’est pas du jeu, je n’ose ajouter en version originale, une bilingue peut suffire, et plus qu’une fois hein? parce que c’est vraiment pas facile, même pour les habitués.
“dans le contexte actuel j’ai bien peur que plutôt tirée d’un bouquin de Kant, cela ressemble à une boutade de Pierre Dac.”
eh! non, on peut toujours botter en touche, mais puisque vous semblez avoir parcouru tout l’univers du savoir et dominer toutes les œuvres majeures au point de les fustiger d’une formule, vérifiez!
” la comptabilité du monde, qui, entre parenthèses, sont (sic) des endroits fréquentés par des gens très éduqués, qui sortent de grandes écoles, tellement bien éduqués qu’ils savent parfaitement bien faire usage de leur liberté, ils font tellement bien usage de leur liberté que même nos politiques, qui eux aussi sont des gens bien éduqués, disent qu’ils sont impuissants devant la liberté des autres si bien éduqués, ils sont sous le joug de ces autres gens bien éduqués, les politiques bien éduqués ne sont plus libres de mener leur politique, ils ont les poings liés par ces autres, sans doute mieux éduqués qu’eux, à tel point que leur liberté d’agir empêche les politiques, sans doute moins bien éduqués, ces pauvres politiques qui se tiennent la tête à deux mains en pleurant que ces autres sont si bien éduqués qu’ils font usage de leur liberté pour placer leur argent dans les paradis fiscaux pour échapper à l’impôt : les paradis fiscaux sont des paradis de gens si bien éduqués dans nos écoles… ” :
c’est quoi votre problème? vous ne voyez pas ce que “éducation” (scholé) signifie, et qu’il s’agit de “rebondir” sur le texte de Dufour à partir, d’ailleurs, de ses propres sources ; vous voulez faire un numéro (très réussi, clap, clap) de derviche tourneur, au lieu de vous poser un peu et de respecter, sans rugir, ce que d’autres que vous ont lu, aimé, eu envie de dire, sans les fouetter? vous montrez précisément, en mésusant du sens des mots “éducation” et “liberté” dans le contexte kantien, que vous n’avez rien compris à Kant. Ce ne serait pas grave si vous ne vous posiez en justicier.
Vous valez sûrement mieux que ce que vous montrez de vous, Puck/Dexter et autre….!
N’avez-vous pas envie d’être un peu plus modeste dans vos imprécations (il y a du Savonarole en vous), à moins que vous ne soyez expert en tout, docteur honoris causa de tout et sur tout, pour avoir tant de certitude, et embrasser en quelques mots envoyés dans la fureur, les raisons de tout sur tout….
Que cache donc tant de volonté d’en découdre, là où il suffirait de (se) parler?
Nous attendons tous vos analyses complètes et pertinentes, et posées, adossées à une lecture pointue et savante (la vôtre) des grands textes!
Vous devriez postuler pour remplacer tous ces abrutis, présents et passés, qui, dans le silence de leur misérable bureau ont travaillé, sans gloire, sans plateau télé, sans reconnaissance, sans blog! pour que les textes, leur appareils critiques, leurs traductions, leurs commentaires, leurs exégèses, leurs notes en bas de page, vous aient été accessibles, au point que vous les dominiez d’un mot, d’une phrase, d’une quasi insulte!
Bis repetita, c’est quoi votre problème?
Ne pas s’étonner du mépris qui recouvre, aujourd’hui, tout travail dit “intellectuel” si, ceux qui devraient, par leurs capacités y accéder, sont les premiers à le fouler aux pieds.
Alors peut-être que… vous n’avez pas voulu dire ; peut-être que… c’est pas ça ; peut-être que….. c’est la saloperie d’éducation bourgeoise qui parle en moi ; peut-être que…. vous avez tout simplement raison contre tout le monde. Mais je me sens, à ma place et à ma mesure, dépositaire de toute cette peine (sens premier) et ce travail, cette éducation (sens noble) qui a transmis, depuis des siècles tout ce que vous pouvez, aujourd’hui, lire d’un clic sur internet et mépriser sur les blogs, et je m’en sens héritier, ce qui ne veut pas dire dans l’adulation. Même ce qui ne m’a pas construit, intellectuellement, à quoi je n’ adhère pas, pour des raisons essentielles, est respectable par le travail, la volonté silencieuse, de ceux qui y ont consacré toute l’énergie de leur passion. Je parle des authentiques penseurs, bien sûr, pas des faiseurs d’illusion.
Donc, si Kant, Dufour, Montaigne, Spinoza, Camus, et tous les autres, bien sûr… se sont tous trompés à l’aune de votre propre raisonnement et de vos savoirs, au point qu’on ne doive ni ne puisse s’y référer, il serait grand temps, pour l’avenir même de l’humanité, de produire et répandre votre parole qui saura les mettre nuls, une fois pour toutes. Ce pourrait être de l’ironie. C’est juste une supplication!
Dexter, Puck…….. l’humanité qui, bien avant l’imprimerie, déjà à la plume d’oie, mais aussi le calame, et sur les parchemins, les papyrus, les tablettes (d’ardoise!) en palimpsestes ou pas, a tout fait, pendant des siècles et des siècles, pour garder les textes, les auteurs, les recopier, les commenter, travailler sur les sources, les originaux, recouper les traductions, les notes, les remarques, l’humanité silencieuse, qui ne la ramène pas, mais dont votre ordinateur comme le mien est rempli…. si cette humanité n’a pas votre respect, puisque vous vous permettez de l’insulter en insultant ceux qui s’en réclament, cette humanité est impatiente de vos exégèses de Kant, de Spinoza, de Montaigne, et des autres….
Si c’est juste de la provoc, un numéro bien rôdé que vous promenez partout, de blog en blog, sachez, cher Puck/Dexter, qu’il est particulièrement blessant de se faire ramasser en permanence, se faire mettre plus bas que terre, se faire massacrer au nom de ce que l’on connaît, pratique et aime, en quelques mots juste pour vous amuser un peu derrière votre écran.
Signé : Kant, Spinoza, Montaigne et les autres….. et leurs lecteurs attentifs, attentionnés, concentrés, passionnés, leurs connaisseurs honnêtes, pointus, têtus, et silencieux…. mais qui en ont marre d’être massacrés pour rien.
“l’homme privé d’éducation ne sait pas se servir de sa liberté”
cette phrase est tellement magnifique qu’il faudrait l’afficher, non pas dans toutes les écoles, mais dans tous les conseils d’administration des grandes entreprises, des institutions financières, des banques et tous ces endroits où s’écrit la comptabilité du monde, qui, entre parenthèses, sont des endroits fréquentés par des gens très éduqués, qui sortent de grandes écoles, tellement bien éduqués qu’ils savent parfaitement bien faire usage de leur liberté, ils font tellement bien usage de leur liberté que même nos politiques, qui eux aussi sont des gens bien éduqués, disent qu’ils sont impuissants devant la liberté des autres si bien éduqués, ils sont sous le joug de ces autres gens bien éduqués, les politiques bien éduqués ne sont plus libres de mener leur politique, ils ont les poings liés par ces autres, sans doute mieux éduqués qu’eux, à tel point que leur liberté d’agir empêche les politiques, sans doute moins bien éduqués, ces pauvres politiques qui se tiennent la tête à deux mains en pleurant que ces autres sont si bien éduqués qu’ils font usage de leur liberté pour placer leur argent dans les paradis fiscaux pour échapper à l’impôt : les paradis fiscaux sont des paradis de gens si bien éduqués dans nos écoles…
mais comme tous ces gens sont bien éduqués ils se retrouvent à l’opéra au festival d’Aix en Provence, le temps d’une réconciliation entre gens bien éduqués : la culture sert à ça : réconcilier les gens bien éduqués.
et la conscience morale dans tout ça ? et qu’est-ce qu’il reste d’humanité dans ce monde ?
le mieux pour y répondre est de relire Kant, et on s’apercevrait qu’il ne reste pas grand chose de bien humain dans ce petit monde de gens éduqués, et que leur conscience morale ne dépasse guère les limites de leur porte monnaie.
l’éducation pour apprendre à faire usage de sa liberté ?
dans le contexte actuel j’ai bien peur que plutôt tirée d’un bouquin de Kant, cela ressemble à une boutade de Pierre Dac.
effectivement l’école est devenue une vaste entreprise de dépolitisation, dans la mesure où la politique c’est du conflit opposant des classes sociales, les classes sociales ayant disparu il reste les classes d’écoles pour pacifier les individus.
la culture aussi est devenue une vaste entreprise de dépolitisation (depuis Jack Lang) pour pacifier la société, arrondir les angles.
et ce pauvre Kant, il est comme Montaigne et Spinoza : des lapins que la culture bourgeoise nous ressort de son chapeau pour endormir les gens.
sérieux pourquoi parler de Kant ? Kant c’est avant tout l’idée d’une conscience morale qui relève d’une transcendance, une conscience morale attachée à un devenir collectif qui est plus grand que le devenir de chaque individu : où est la transcendance aujourd’hui où règne en maitre la vertu immanente ? ? où est la conscience morale d’un devenir collectif aujourd’hui où règne en maitre l’individu roi ? d’individu qui sont eux-mêmes l’horizon de toutes leurs normes et valeurs ?
il faut arrêter de se raconter des fables, on ne peut pas tolérer des types comme Onfray et d’autres qui vous bourrent le mou dans l’indifférence pendant des décennies avec leurs slogans individualistes nietzschéens et faire sortir Kant d’un chapeau comme un lapin.
et puis il faut arrêter de penser que les gens sont tous des imbéciles, et que les lecteurs de Kant et de Spinoza auraient une quelconque supériorité d’âme sur ce troupeau de crétins qui se nourrissent aux émissions télés débiles, il n’y a pas que l’école : il y a aussi une société injuste et inégalitaire, il y a des gens qui travaillent avec la peur au ventre de se faire virer du jour au lendemain, la violence est toujours présent sauf qu’elle a pris des aspects sournois, hypocrites, le capitalisme est un système violent qui refuse de dire son nom.
la culture s’est désormais totalement décrédibilisée, au mieux elle est devenue un réconfort, un refuge bourgeois pour des gens qui refusent d’affronter les réalités du monde : les Montaigne, Camus, Nietzsche et les tous autres ont été dévoyés pour devenir aujourd’hui les meilleures armes d’une bourgeoisie éclairée refusant d’affronter le monde et au du système capitaliste le plus violent : et l’école n’en est que la partie visible de l’iceberg, le tout étant devenu un vaste mécanisme d’enfumage.
mais ça le troupeau l’a bien compris, les gamins ne sont pas complètement idiots, en tout cas ils savent que ni Montaigne, ni Kant et ni Camus ne peut rien faire pour eux, hormis bien sûr pour passer leur bac S, faire une prépa commerce pour entrer à HEC et devenir trader ou audit comptable, ils doivent se battre, les plus forts s’en sortiront et les autres pas, pour eux, bien apprendre les beaux textes de Kant et Montaigne est devenu un moyen parmi d’autres pour arriver à leurs fins.
” Un des plus grands problèmes de l’éducation est de concilier sous une contrainte légitime la soumission avec la faculté de se servir de sa liberté. Car la contrainte est nécessaire ! Mais comment cultiver la liberté par la contrainte ? Il faut que j’accoutume mon élève à souffrir que sa liberté soit soumise à une contrainte, et qu’en même temps je l’instruise à faire bon usage de sa liberté. Sans cela il n’y aurait en lui que pur mécanisme ; l’homme privé d’éducation ne sait pas se servir de sa liberté” Traité de Pédagogie, 1803
“Si nous ne prêtons pas sans délai toute l’attention nécessaire à cette question, ( le rapport au savoir, la scholé, l’école) nous allons construire de drôles de sujets, non seulement soustraits à la critique, étourdis, indomptés et fiers de l’être, mais aussi manquant de cet excès figural, de cet “impossible à dire”où se constitue le désir. Nous allons fabriquer des êtres sans désir, mais livrés à la jouissance. Le désir oblige à l’ascèse pour tenter de l’exprimer, la jouissance suppose la consommation immédiate. ”
(…)
En tout cas, cette faillite de l’école a irrémédiablement conduit les individus à se trouver abandonnés à eux-mêmes. Et, laissés à eux-mêmes, ils n’ont pu fonctionner que comme groupe égo-grégaire puisque c’est toute la latitude que donne le libéralisme. En fait de libération, nous vivons sous l’emprise d’une nouvelle doxa qui a contribué à présenter comme exécrable toute violence symbolique. Il est donc temps de repositiver ce terme et de dire que, de la violence symbolique, il en faut. Il en faut pour soumettre, comme le disait Kant, les hommes à la loi de l’humanité.”
Philippe, en allant relire les lignes que vous avez eu la générosité d’héberger à l’Atelier il y a bien des semaines maintenant, sur le livre de Dufour, je me suis promenée et j’ai retrouvé un billet qui invitait à l’enquête historique (pléonasme) sur la question du passage ou non, à quelle époque, éventuellement avec qui, et pourquoi, dudit Machiavel en français, dans la bonne ville de Nantes. Tout cela pour dire que je vais être largement hors sujet! Mais vous invitiez aussi à poursuivre les investigations sine die…..
Confectionnant un cours de philosophie politique dont Machiavel sera un axe important pour mes étudiants de second semestre, me voilà en mesure de faire le bilan suivant, après la consultation de moult ouvrages :
-impossible que Machiavel ait pu être aperçu ni en France ni à Nantes en l’an 1498 (pour des raisons objectives de mission diplomatique dans la péninsule italique à ce moment là)
-c’est bien César Borgia qui portera la bulle papale à Chinon (tout seul, même s’il en reviendra accompagné d’une dame,) le document d’Alexandre VI est donc rédigé, il annule le mariage de Louis XII et Jeanne de France.
-Machiavel, avec un certain della Casa qui est une sorte de supérieur, rejoint la Cour de France à l’été 1500, celle-ci était alors à Lyon. Il la “poursuit” en août du côté de Nevers. C’est là qu’il rencontre Georges d’Amboise, Cardinal de Rouen, qui le présente au Roi.
-tout le monde se retrouve à Montargis, trois jours plus tard (j’accélère) ; le Roi ayant chuté à la chasse, la Cour se rend à Melun. Nous sommes grosso-modo en Septembre.
-della Casa abandonne Machiavel pour se rendre à Paris. Notre ami, dorénavant esseulé, qui suit la Cour comme son ombre (il faut dire que la République de Florence le fait lambiner pour traiter des affaires de gros sous) se retrouve ensuite à Blois.
-il sera rejoint en Octobre par un nouvel ambassadeur, Pierfrancesco Tosinghi.
-et la cour arrive, in fine, à Nantes, où Machiavel finit par séjourner peu de temps, à cette époque. Nous sommes fin 1500. Il sera de retour à Florence en Janvier 1501.
Il fera trois autres séjours -1504 ; 1510 ; 1511- en France. Mais, dans ces six mois là, grosso modo, rien d’autres qu’une misérable traversée de la France par deux ambassadeurs florentins, qui faisaient patienter le Roi de France, à chaque étape, pendant que la République florentine tardait à envoyer les sous pour payer sa dette. Machiavel réussit à ce que cela fût fait. Et qu’elle ne se mît point la France à dos. Son épopée, fut, apparemment compliquée, notamment matériellement…. mais rien qui ressemble à une mission d’agent secret.
Monsieur Court, si vous repassez par là…
Ok, je sors….
,nous sommes dans une servitude volontaire d’un nouveau genre, que les choses seraient simples si nous en étions restés au temps de la Boétie.
ce nouveau genre fait que la critique du système appartient au système lui-même, il n’existe plus d’emplacement extérieur, mais dans un grand tout d’objets inspérables dans lequel est incorporé Dufour et sa critique, le fait d’écrire son livre “le Divin marché” le fait entrer dans ce grand tout qui inclue tout et son contraire, Dufour est en rayon au milieu d’autres objets humains et non humains, avec les produits de maquillage, les onnets de Shakespeare, la photo de Marilyn, les exoplanètes, les solos d’Hendrix, les phrases interminables de Proust, les films de Batman, le poster de Jim Morrison, le tapis rouge du festival de Cannes, les coups de gueule de Stiegler et de i am, les photos du mariage du prince Charles, les dribbles de Zidane, la découverte d’un nouveau vaccin, le réchauffement climatique, un attentat dans un marché de Bagdad, l’éthique de Spinoza, un tableau de Chagall, un poème de Verlaine, un billet d’avion pour les Galapagos…
un grand tout d’objets inséparables, une hydre qui avale tout ce qui passe à sa portée.
les gens ne sont pas des moutons heureux, la chanson de Souchon “foule sentimentale” est restée presque 2 ans n°1 des ventes disques, parce que les gens aimaient les paroles : foule sentimentale, nous avons tous soif d’idéal, de choses pas commerciales… : la commercialisation de ce disque a fait la fortune de la maison de disques et de son interprète, comme Delerm avant lui avec ses petits plaisirs gratuits de l’existence, le public achète ces produits parce qu’il y aspire, la critique du système marchand représente désormais une grosse partie du chiffre d’affaire, et la critique de Dufour en fait partie.
parce que Dufour n’a pas encore compris qu’il n’existe plus de place extérieure à ce grand tout indestructible.
nous pouvons bien nous lamenter, nous trouverons toujours un produit en rayon du grand supermarché pour nous consoler, nous abonner à Philo Mag pour comprendre comment fonctionne le monde, la philosophie est devenue le produit commercial vedette du grand système marchand, parce que les gens veulent comprendre, du coup ils apprennent à rédiger des dissertations sur le bonheur et le travail : le travail rend-il heureux ? un mauvais personnage peut-il faire un bon roman de l’existence ? les gens ont besoin de comprendre ce qui leur arrive, pour cela ils doivent commencer par faire la différence entre un épicurien et un scpetique, entre un hédoniste et un stoïcien, ils ont besoin de se situer, si la philosophie n’existait pas les capitalistes l’aurait inventée pour réconforter leurs consommateurs de biens culturels.
le marché est une religion ? génial, les éditeurs raffolent de ce genre de sujet, la demande est là.
désormais il n’existe plus d’extériorité, même ces gamins qui partent en Syrie égorger des infidèles font partie du grand tout, avec leurs vidéos sur youtube,
désormais personne ne peut s’échapper du système, il n’y a plus d’ailleurs, ni d’autre, désormais tout est du même, personne ne peut transgresser, subvertir, cette grande juxtaposition, cette grande inséparabilité,
même le fait de dire que nul ne peut s’échapper du système fait partie de cette vaste océanicité.
et bingo! quand je me relis, je m’aperçois, derniers mots, merci Freud, ou peut-être Lacan, que le “Ça” que je voulais bien évidemment mettre en évidence, je l’ai accompagné du verbe “marcher”…. marché conclu!
Merci, Philippe, pour cette revigorante et précise piqûre de rappel.
L’angle retenu pour ces quelques lignes pertinentes est peut-être l’un des plus importants, il est d’ailleurs formulé par le titre : la capacité incroyable de l’homme de se réfugier dans l’irrationalité de la croyance et ne pas exercer ainsi son autre capacité native, sa liberté de refuser, de contourner, de ruser, de dépasser…. ce qui se présente. Ce qu’on lui présente, ce qu’on lui impose. Plus fort encore, comme tout principe religieux, la mutation (je dirais bien la transmutation) du Marché en Divinité à adorer et à laquelle se soumettre en lui faisant offrande de son âme, est posée comme une occasion d’être soi, de trouver sa ‘personnalité’, d’être ‘authentique’ etc… cette formulation paradoxale -à l’occasion un tantinet spinoziste, ça c’est pour le clin d’œil- est toujours gagnante, il n’y a qu’à regarder les slogans publicitaires et leurs arguments fallacieux ou sophistiques : vous serez la plus belle avec notre crème anti-rides, 95% des femmes l’approuvent!
Pour tomber dans un tel panneau (!) il faut manquer -sans en être à titre personnel nécessairement responsable- des apports élémentaires et fondateurs de ce qu’il faut bien appeler l’éducation, je veux dire, de tout ce qui permet l’analyse, la logique, la construction d’une pensée solidement arrimée au raisonnement. En lieu et place, nous avons des propositions ‘pédagogiques’ sous formes ‘ludiques’, pour apprendre ‘sans effort’, le doigt sur la souris qui clique. Et quand je dis ‘apprendre’…. je ne dis ni savoir, ni retenir, ni, a fortiori, ‘comprendre’. Une partie importante du bouquin de DRD est consacrée, parfois avec malice et humour (grinçant) à cette épineuse question de l’éducation, du rapport à la culture, et même, quelle horreur! à l’instruction.
Pour être schématique, parce que le format n’autorise pas de trop longs développements, et je sens que cela vaut peut-être mieux, les dictatures et tyrannies de tout poil ont toujours condamné les ‘intellectuels’ de tout rang, et dans les pays les plus abandonnés (économiquement, socialement, politiquement, rejoignant le plus souvent les premiers) ceux où tout système d’éducation nationale ressemble à un vide sidéral, des adultes, des enfants, obstinément, bravent tous les dangers pour aller à l’école. Intimement, viscéralement convaincus que là est la seule voie d’humanisation de leur existence.
Dans le bouquin de DRD la question de la déshumanisation de l’homme par lui-même est une sorte de colonne vertébrale invisible et d’autant plus terrifiante. Nous sommes tombés dans nos propres pièges et entraînons avec nous tout ce que nous touchons. Mais nous sommes dans la Servitude Volontaire, nous sommes victimes consentantes, nous avons fabriqué les illusions compensatoires qui nous perdent, comportement grégaire et sublimatoire, il est d’autant plus performant, qu’en effet, enraciné dans nos pulsions les plus noires, et donc, inconscientes. Sinon, cqfd, “Çà” ne fonctionnerait pas….. Or, “Çà” marche!
Chez nous il pleut (encore) et chez vous?