Jean XXIII et Jean-Paul II canonisés, voilà qui porte à 82 sur 266 le nombre de super-papes, compte non tenu des variations saisonnières et des antipapes qui se glissent parfois dans la liste.
Cette canonisation fleure un peu la manœuvre diplomatique du nouveau souverain pontife. Elle risque, qui plus est, d’encombrer un peu plus un calendrier des fêtes déjà rempli plus que de raison. Cette canonisation traduit surtout une injustice flagrante à l’égard de certains papes oubliés, qui n’ont pas la chance de trôner au paradis des saints.
Qu’on en juge : Sylvestre II, pape de l’an mil (999-1003) ne figure pas au palmarès des super-papes. Ce n’est pourtant pas le dernier venu. Mathématicien émérite, astronome réputé, bricoleur de génie, grand politique, on ne lui doit rien moins que l’introduction des chiffres arabes en Europe, l’invention de la pendule à balancier, l’officialisation de la rotondité de la terre et la création de la France moderne (c’est lui qui, évêque, lance les capétiens en sacrant Hugues). Excusez du peu.
Le Monde avait déjà attiré l’attention il y a quelques années sur ce pape étonnant lors d’une série sur l’an Mil, lui attribuant l’invention de la pendule, un symbole troublant pour tout mécréant un peu superstitieux. Mais ce petit moine français, plus connu sous le nom de Gerbert d’Aurillac, n’était pas seulement un bricoleur facétieux, c’était également un grand mathématicien, un astronome réputé, qui a réussi à faire admettre à l’Eglise que la terre était ronde*, mettant ainsi un terme à près de quinze siècles d’obscurantisme coupable (les Grecs le savaient depuis Pythagore).
Certes, Sylvestre n’est pas allé jusqu’à imposer le zéro et à admettre que la terre tournait autour du soleil, n’exagérons pas. Mais ses trouvailles n’étaient quand même pas misérables et auraient pu justifier une petite place dans l’historiographie officielle à défaut du panthéon catholique.
Mais Gerbert semble avoir pêché par zèle politique. Après avoir mis les capétiens sur orbite, ce bon petit français s’est mêlé d’un peu trop près des affaires temporelles, créant des églises autonomes, et de fait des états souverains, en Pologne et en Hongrie. Ce qui a fini par agacer. Du coup, il est tombé dans l’oubli.
Il est possible que ce mot, pourtant envoyé dans les nuages par l’intermédiaire du cloud computing, ne suffise pas à réhabiliter la mémoire de Gerbert auprès des hautes sphères de l’Eglise. Mais sachez Sylvestre, si vous tombez sur cette humeur, que votre fan club n’est pas complètement mort. Après Jean XXIII et Jean-Paul II, il faudra sans doute attendre encore un peu, mais l’avenir dure longtemps, vous êtes bien placé pour le savoir.
*rappelons que le procès de Galilée portera sur le fait que le terre tourne et non qu’elle soit ronde.
suite de la série d’été : cette chronique a été publiée une première fois en octobre 2013
Retrouvé, en triant mes archives, le long portrait consacré à Gerbert d’Aurillac par Le Monde l’été 2000, dans la série “Douze héros de l’an Mil”(19 juillet 2000, p 10-11), portrait d’une quinzaine de feuillets, intitulé “L’horloger de Dieu”, signé Jean-Pierre Langellier, le quel précise que Gerbert…. n’a pas inventé l’horloge. Extrait :
“Plus qu’un philosophe, Gerbert est un savant. Il excelle dans le quadrivium, appris en Catalogne. Pour enseigner l’arithmétique, il manie un abaque inédit, une table à calcul qu’il a fait construire spécialement chez un fabricant de bouliers : une planche divisée en vingt-sept compartiments, mille jetons de corne représentant les chiffres dits “arabes” (en fait indo-arabes) apparus quelques années plus tôt en Espagne, et le tour est joué. Gerbert multiplie et divise à grande vitesse, mais, semble-t-il, sans recourir au zéro, encore inconnu. Son boulier perfectionné reconstitue la “numérotation de position”, découverte par les Chaldéens trois mille ans avant le Christ, mais en utilisant cette fois le dix comme base de calcul. Ainsi révoltionne-t-il les mats en Occident.
En astronomie, sa science est encore plus stupéfiante. Certaines nuits Gerbert sort à la belle étoile en décrivant le cours des astres à ses élèves. Il manipule quatre sphères de son invention. Sur l’une il a dessiné les constellations, sur l’autre les parallèles, sur une troisième, le mouvement des planètes. Une quatrième est creusse et munie de plusieurs tubes. A l’époque il ignore l’astrolale des savants arabes, dont il diffusera l’usage un peu plus tard. Dans sa vieillesse, il fabriquera un nocturlabe – qui sert à connaître l’heure la nuit. Un chroniqueur prendra à tort cet instrument pour une horloge. Une erreur que Michelet propagera.”
C’est curieux, ce gout de Jean XXIII pour un homme qui dut son élection largement à des prélats compromis entre 1940 et1945 et dont De Gaulle voulait les tetes! Mais qui était nonce à Paris alors? Et qui leur permit de se maintenir? L’entiaré de Vatican II.
Oui, c’est Lebesque, que PMB fait beaucoup servir pour Jean XXIII, ses pompes et ses œuvres!
Bien à vous.
MC
Alors tentons une réponse : Morvan Lebesque ?
Né à Nantes, il fut condisciple de Gracq à Clems.
(Je ne vais quand même pas lâcher le morceau tout de suite !)
Très beau texte PMB, même si je sèche sur l’auteur. Pourriez-vous donner un indice. Une date ?
A propos de Saint Jean XXIII, alias le bon pape Jean,; l’hommage funèbre d’un auteur dont je laisse à l’assistance publique le soin de trouver l’auteur :
Pour un incroyant, un pape qui meurt n’est qu’un vieil homme qui accomplit son destin naturel. Rien de plus. Mais rien de moins. Et c’est pourquoi celui-ci qui était, sa vie et ses actes en témoignent, un homme intelligent et bon, un juste et un pacifique, on doit le saluer quand il s’en va. Sans souci des malentendus et des ricanements. Sans rien abdiquer, sans rien désavouer. Et pour l’essentiel, l’unique certitude, que je dirai tout à l’heure.
Les dieux vivent plus longtemps que les papes. A qui survole l’Histoire, il apparaît que leur carrière dure environ deux mille ans. Les dieux ? Les religions, plutôt. Celle du Christ – c’est une vérité contre laquelle personne, pas même un prêtre, ne peut s’insurger – a beaucoup emprunté, non seulement à Israël mais à tous les cultes antiques. Mort, résurrection au bout de trois jours, symbole de la manducation, de la Vierge-Mère, tout se retrouve dans les croyances les plus anciennes : le message christique lui-même s’appuie sur un idéal éternel né d’une révolte de l’esprit contre le chaos des forces. Cela dit, prétendre que le christianisme n’a rien apporté au monde serait grotesque. Nous sommes ses héritiers. Et ce n’est pas abaisser la raison que d’admirer la beauté et l’audace de ses paraboles. Qu’on croie au Christ ou non, qu’on doute même de son existence historique, il y eut, voilà deux mille ans, un énorme scandale dont l’homme a profité.
Puis vint l’Église. C’est-à-dire l’instauration d’un pouvoir qui, niant le mouvement général de l’univers, décréta que l’Histoire était désormais fixée. Le monde avait sa loi et n’en pouvait plus changer : nous connaissons cette affirmation criminelle. Pendant deux mille ans, elle censura la pensée, refusa la science, alluma des bûchers et peupla des bagnes. Par-dessus tout, elle divorça l’homme de la nature en repoussant sa victoire à un monde futur, en désavouant son effort pour faire de cette terre la terre de son cœur et de ses rêves. Est-il besoin d’ajouter que cette action allait parfois jusqu’à la parodie ? Nous connûmes une Église à la solde des puissants, des violents et des riches, une Église qui eût recrucifié son propre Dieu s’il avait reparu devant elle. Et le pire : une Église consentante, « prudente » comme elle disait. Certes, prudente ! Lorsque les guerres d’enfer se déchaînèrent sur le globe, aucun pape ne fit le geste attendu : excommunier les belligérants et au besoin s’en aller, seul et pauvre, sur les routes. Les mots mêmes avaient perdu leur sens, la charité n’était plus amour, « agapè », mais pharisaïsme, honteuse aumône aux pauvres résignés. Jusqu’au jour où, dans certains pays du moins, l’Église se laissa enfin toucher par les idées « modernes » qui, en fait, avaient repris la mission tombée de ses mains. Alors, dans les combats que nous croyons justes, nous retrouvâmes des chrétiens fraternels. Ruse, calcul ? J’ai déjà vécu assez pour croire à la sincérité des hommes : c’est une sagesse qui vient avec l’âge. Et, en tout cas, je crois à celle de ce vieux Pape qui vient de mourir et qui fut, très évidemment, et selon les termes de sa religion, un homme de bonne volonté.
Or voici la certitude unique, voici l’essentiel, oui. On court après des idées, des croyances, des chimères ; une religion succède à l’autre ; on se bat pour des vues de l’esprit avec des armes de nuées ; et pourtant dans ce monde où rien n’est sûr, il existe un point d’appui. C’est l’homme, tout simplement. J’entends, celui qu’on regarde en face et en qui on reconnaît, quelle que soit la foi à quoi il les rapporte, les principes non écrits sur lesquels nous vivons.
Et qu’importe que cet homme soit un pape ? Et qu’importe qu’il croie en Dieu ou n’y croie pas ? Et qu’importe qu’il soit inconnu ou célèbre ? L’unique preuve que nous aurons jamais – preuve de quoi ? Ah ! simplement, de notre raison d’être – est cet homme qu’on croise en chemin. Et plus encore : la certitude qu’il y en aura toujours un, au moins un. Dans les pires moments. Au plus noir de la haine, de la violence et de la bêtise. Et vous cherchez Dieu, après cela ? Pour moi, je n’en vois pas l’urgence. Cet homme me suffit et je le préfère à n’importe quelle puissance qui ne daigne pas se montrer et joue avec nous à cache-cache. Regardez-le, au lieu de regarder en l’air !
Ce vieux pape Jean XXIII, juste et pacifique, qui d’une main déjà mourante écrivit Pacem in terris, je me moque bien que son Église en fasse un saint, en compagnie de M. Ignace de Loyola et quelques autres. Et je me moque bien qu’il aille rejoindre dans une crypte des pontifes plus que douteux. Et je me moque bien qu’il ait représenté sur terre un groupe humain attaché à une mythologie à laquelle je ne puis croire. Avec ou sans tiare, avec ou sans plumes pharaonesques au-dessus de sa chaise, ce vieil homme a retrouvé sa vraie famille. Elle comprend des êtres de toutes races, de tous pays, de toutes professions, Des sages qui contemplaient les étoiles à une époque où le Christ n’était pas inventé. Des martyrs brûlés par son Eglise même pour avoir affirmé la vérité que voyaient leurs yeux. Et d’innombrables inconnus qui choisirent l’honnêteté, la justice, l’amour du prochain. Ils croyaient en des dieux-taureaux, des dieux-béliers, des dieux en croix, ils croyaient au stoïcisme, au platonisme, au marxisme, et après ? Des millénaires viendront et on croira encore en autre chose. Mais la main qui relève un malheureux, le cœur qui ne bat pas que pour lui-même, l’esprit qui souhaite le rassemblement des hommes et leur unité dans le respect de leurs différences, la lucidité qui refuse la guerre et prêche la réconciliation, tout cela est l’unique religion, la religion éternelle qui a précédé toutes les autres et ne passera jamais. Elle témoigne que cette terre est vivable, quoi qu’on fasse. Elle dit que l’homme est moins inutile, sous le soleil, que tous les dieux qu’il s’est donnés. Elle nous enseigne à nous passer d’eux pour nous consoler de mourir.
En fait, j’avais rectifié. IIl semble que cette suggestion à Laurent soit un effet de la mémoire de la machine qui m’a placé devant le fait accompli en réutilisant sans crier gare l’intitulé de mon dernieret ancien message! Bref, la suggestion vaut pour tout le monde!
Bien à vous.
MCourt
Je ne sais pas M.Court, je ne suis pas intervenu, mais votre suggestion à Laurent est toujours là, un peu plus haut.
Tiens, ma réponse a sauté?
pour le Spinoza d’Alain, je vous conseille d’attendre un geste du destin….
je me relis, étonnée de ce “bon rangement” final et sympa mais dont je ne voyais pas la cause. En fait, j’ai été sacrément foutraque dans mes dernières lignes, la colère sûrement à l’endroit de l’incompétence crasse d’une “responsable” des clés (!!!) infoutue de trouver celle dont on a besoin, et m’obligeant, depuis ma léthargie bien méritée à me déplacer pour prêter la mienne. C’était évidemment sans le moindre intérêt, sinon d’illustrer, à la française, et tellement multiquotidien, un effet du principe de Peter qui bouffe la cervelle de ceux qui ne rentrent pas dans le jeu. Du moins qui essaient.
Belle surprise en effet que la découverte de Colette, dont les oeuvres complètes attendaient patiemment sur les étagères du bureau depuis la fermeture de La Forge. Plongé, un peu au hasard, dans “De ma fenêtre” une chronique de la vie à Paris durant la guerre. C’est sensible, intelligent et diablement bien écrit.
Pas trouvé en revanche le Spinoza d’Alain (la dernière édition chez Gallimard, Tel, est épuisée et les bouquinistes nantais n’en avaient pas sous la main). Acquis, du coup, le “Spinoza, une philosophie de la joie”, de Robert Misrahi. Une introduction assez lumineuse, qui devrait me convenir, et qui pourrait me permettre -enfin – d’attaquer le philosophe dans le texte.
Pour le principe de Peter, je vous concède Pascale, une relecture un brin complaisante d’un texte qui m’avait marqué, mais illustré d’exemples qui datent. Pour ma part le fait que ces exemples soient américains ne me gène pas.
Bon rangement. C’est souvent l’occasion de retrouver des textes égarés. Je vous souhaite de retrouver une perle ou deux.
De l’aveu même d’Alain son Spinoza est un “résumé bien sage”. Mais Alain aime Spinoza et c’est déjà beaucoup. La cohabitation des deux noms sur la couverture est en soi un challenge. L’écriture fluide et les formules ondoyantes, parfois frisant l’incantatoire de l’un, la rigueur et l’économie du verbe de l’autre! Peut-être approche-t-on plus Alain que Spinoza dans ces pages, mais c’est le beau risque de toute monographie.
Avec Colette c’est un vrai plaisir littéraire. Oublier toutes les préventions, tous les jugements à l’emporte-pièce, toutes les mièvreries qu’on a pu dire sur cette femme, sa vie, son oeuvre, qui étaient tout sauf mièvres. C’est pourquoi, il ne faut jamais s’en tenir à un texte, jamais. Pour ma part, je porte très haut sa correspondance aussi soignée dans l’expression que tout le reste, le “poids” c’est ainsi qu’elle considérait son rapport “professionnel” à l’écriture, de l’obligation en moins.
Autre chose, c’est déjà passé pour les billets donnés à relire, je suis dans le principe de Peter. Bon, je croyais que j’allais trouver quelque chose d’aussi léger que l’Ecologie en bas de chez moi (de mémoire, je n’assurerai pas l’exactitude du titre….) et là je suis quand même plutôt déçue. D’abord, il a fallu perséver jusqu’à la trentième page environ, et la Préface…. euh…
Mais la plupart des exemples sont terriblement étasuniens.
Et surtout, en effet, ne déclenchent aucun véritable étonnement quand on bosse dans des structures (bureaux, administrations, institutions etc…) où l’on est employé, salarié, fonctionnaire -ceux-là sont les grands gagnants- grand ou petit sous fifre, (ce qui exclut aussi une bonne partie de la population active), et où l’on constate, chaque jour, ce que Peter dit assez laborieusement parfois.
Bien sûr il y a quelques passages savoureux qu’on a plaisir à rapporter à ses propres réflexions sur la marche du monde : ” J’ai cessé d’être surpris qu’une fusée reste clouée au sol parce qu’on a oublié un détail, que quelque chose casse, ne marche pas, ou explose trop tôt”. Les exemples se ramassent à la pelle dans les faits divers de la presse quotidienne : les rames trop larges des nouveaux trains, les escalators trop étroits pour leurs marches à la RATP….. les fax qui n’ont plus d’encre….
Dans l’instant, je m’en vais “prêter” ma clé d’un placard contenant des volumes à rendre, parce que la responsable du matériel, dont c’est le boulot, n’a pas le temps de chercher dans les dizaines de doubles qu’elle retient par devers elle (on ne sait jamais dit-elle, il faut que je les aie!!!) celle dont on a besoin! Normal, elle a juste omis d’écrire le n° de la pièce où cette foutue clé opère en toute efficacité. C’est exactement, précisément, tout juste, ce qu’on lui demandait, à défaut de l’avoir trouvé elle-même! A quoi sert d’être “responsable” du matos si on laisse en vrac et indifférencié, ce qui a pour fonction d’éviter les dysfonctionnements comme on dit aujourd’hui parce que le terme “incompétence” est une quasi insulte. Incompétence, oui, organisée, oui, volontaire, dans certains cas, coûteuse, très coûteuse, et j’ajoute…. usante!
Merci M. Court pour cette recommandation. Il semble que Laurent, si l’on en croit sa dernière note http://brumes.wordpress.com/, soit parti en vacances. Les grands lecteurs n’en trouveront pas moins des idées de lecture singulières, étayées par des notes charpentées, sur son blog.
Pour ma part je m’offre une petite récré en découvrant Colette (De ma fenêtre) avant de me frotter au Spinoza d’Alain que j’espère trouver aujourd’hui à Nantes.
Puisque je passe par ici, il est paru il y au moins quinze ans une très complète monographie rédigée par une chartiste sur Gerbert d’Aurillac -Sylvestre II, qui taille en pièces la légende pré-faustienne du pacte et du cadavre jeté au Tibre.
Dans les monstres du XIXeme siècle;, à signaler aussi à Brassens un Thomas Basin bien résumé mais sans tradiuction. Et le latin en est redoutable! Voir pour ce siècle-ci le Livre d’Aurelius Florus (ou Quintus Aurelius?) en forme d’Histoire romaine composé par un écrivain qui ne sait plus la langue d’Auguste. cela se voit dans l’écriture, et plus encore la traduction!
Bien à vous.
MCourt
Cet article a quelques mois, mais si je peux me permettre quelques conseils de lecture :
Sur Gerbert d’Aurillac (et la figure, à mon sens fascinante du jeune Empereur Othon III), vous avez quelques très belles pages dans le livre de Pierre Riché, paru en 2008 chez Bartillat. Cet historien avait publié, chez Fayard, il y a bien longtemps, une biographie dudit Gerbert. Cela pourrait vous intéresser.
Je dois d’ailleurs toujours lire la biographie d’Othon III de Gerd Althoff, parue à la Pennsylvania State University Press en 2004, travail de référence sur lequel s’appuie la bonne page wikipedia qui lui est consacrée.
En revanche j’ai découvert tout récemment (dans une nouvelle fantastique d’Alberto Savinio dans le recueil Casa la Vita) le pape Formoso, élu à peu près un siècle avant Gerbert. Ce pape Formoso a bien été jeté, lui, dans le Tibre, mais à l’état de cadavre, après avoir été exhumé et avoir subi un jugement posthume. Macabre mascarade dans tous les sens du terme.
Ce qui n’empêche évidemment pas le texte de Savinio de constituer une véritable merveille (comme à peu près tout ce qu’il a écrit, manifestement).
Sur Gerbert, dont la mémoire fut longtemps occultée par une malfaisante chronique lui attribuant l’invention d’une tete parlante dont il prenait les conseils, et supposa&nt gratuitement le jetdeson orps par la populace dans le Tibre, il existe un travail paru autour de 2000 par une Historienne sérieuse dont le nom m’échappe. C’est moins méphistophélique, plus ennuyeux,mais aussi plus exact.
Je ne sais ce que vaut le travail de Koestler. J’espère qu’il est plus sérieux que ce qu’Huxley pouvait-écrire sur le Père Joseph….
Cordialement.
MCourt
Quelle tête ils ont imaginéE, puisque l’objet de ce pouvoir d’imaginer est directement placé avant…
Pas trouvé de Journal de Lisette au mardi du livre. En revanche approfondi mes recherches sur livre-rare-book, site que je vous recommande parce que c’est un site de bouquinistes, sans intermédiaires, et trouvé des journaux de Lisette d’avant-guerre et les albums des années 56,57, 58 et quelques numéros de 68. Mais ça ne semble pas correspondre à la période évoquée par Elena (encore que 68, j’étais abonné à Spirou, nous serions alors contemporains). Mais c’est une recherche plaisante. J’aimerais bien voir quelle tête ils ont imaginé(e)* à Gerbert.
* rayer la mention inutile, j’ai un problème récurrent (et vraisemblablement indécrottable) avec certains accords. Je ne vous parle pas des doubles consonnes.
Non Elena, je n’ai jamais lu Christophe Gailly, mais j’ai relevé l’émotion des chroniqueurs. Aujourd’hui fac et marché aux livres, peut-être me fera-t-il un clin d’oeil sur une table. Quoi qu’il en soit je m’enquiers de Lisette. Bonne journée.
Rien à voir.
Je viens d’apprendre la mort de Christian Gailly, je suis pleine de larmes mais je n’ai pas envie de les partager avec n’importe qui, alors c’est sur votre blog, Philippe, que je viens les répandre.
Si vous ne connaissez pas encore sa “petite musique”, charme et désespoir mêlés, lisez-le.
Je pense que c’était Gerbert et que la BD s’occupait plutôt de l’avant papauté (vu l’âge des lecteurs, on devait commencer à suivre le protagoniste quand il était encore enfant ou adolescent).
J’ai moi aussi cherché sur Google, sans plus de résultats.
(Du coup le doute me saisit : un souvenir-écran ? Mais connaissant mon peu de curiosité dans certains domaines, où serais-je allée chercher un récit sur un tel sujet ? )
Vous souvenez-vous Elena s’il était appelé Sylvestre II ou Gerbert d’Aurillac ? J’aimerais bien retrouver cette BD, je ne trouve rien chez monsieur google. Il faudrait sans doute consulter la collection de Lisette. Je vais demander à mes amis bouquinistes mardi.
Le pauvre pape Sylvestre II a été victime d’une légende qui attribuait son élection à un pacte avec le diable. Ensuite, le miracle du ruissellement de son tombeau à Saint-Jean de Latran annonçant la mort d’un cardinal ressemble beaucoup aux “miracles” italiens pour le moins douteux. D’autre part, tous les vieux cardinaux devaient trembler sous leurs soutanes et les survivants ont dû lui en vouloir à mort pour la trouille qu’il leur a causée… Mais rien ne nous interdit de le fêter avec son homonyme chaque 31 décembre !
Ce n’est pas pour me vanter (vous allez voir qu’en effet il n’y a pas de quo), mais je connais l’existence de ce pape et le trouve sympathique depuis … au moins quarante-cinq ans.
Par quel miracle, selon quel critère éditorial Le Journal de Lisette (ni feuille confessionnelle à l’usage des enfants, du moins que je sache, ni ancêtre de Sciences et vie Junior) a-t-il choisi ce héros pour l’une de ses BD ? Entre les aventures des jumelles Nicole et Colette, des rubriques de jeux, des devinettes, on tombait parfois sur des choses fort intéressantes (et qui, manifestement, étaient capables de marquer les esprits). En vous lisant je revoyais les cases en noir et blanc.
(Cela dit, mon “érudition”, notez les guillemets d’ironie, sur ce point n’a connu aucune augmentation depuis )
Nous ne canonisons pas, mais commémorons quand même — notamment le centenaire de la création de l’hôpital de Lambaréné.
Voici ce que dit Arthur Koestler de Gerbert dans les Somnambules : “c’était un homme exceptionnel, fort en avance sur son époque; sa papauté à la date symbolique de l’an 1000, marque néanmoins la fin de la plus sombre période du moyen-âge et l’ébauche d’une attitude nouvelle à l’égard de la science païenne de l’antiquité. Désormais la forme sphérique de la terre, et sa situation au centre de l’espace, entourée des sphères planétaires, fut de nouveau respectable. Mieux encore, plusieurs manuscrits, datant de la même époque, montrent que l’on avait redécouvert le système “égyptien” d’Héraclide (où Mercure et Vénus sont satellites du soleil), et que des dessins compliqués d’orbites planétaires circulaient parmi les initiés.”
Koestler n’avait pas manqué, auparavant, d’évoquer Aristarque de Samos, comme vous le relevez Pascale, le premier à avoir pensé l’héliocentrisme. Ce bouquin est passionnant en ce qu’il montre comment les découvertes grecques ont été, paradoxalement, écrasées par Platon et Aristote (ce dernier ayant inventé un système assez confus). Puis oubliées par les premiers chrétiens. Mais l’essai s’ensable ensuite dans les querelles de chapelles de la Renaissance, au lendemain de la (re)découverte de Copernic, ce chanoine prudent comme un sioux qui bénéficiait pourtant d’oreilles attentives au Vatican.
Je ne sais pas si Gerbert était “bon”. Quoi qu’il en soit c’est un personnage étonnamment négligé par l’Histoire qui, quelque part, montre que l’Eglise n’a pas, à toutes les périodes, fait preuve d’obscurantisme. Il est vrai que ce genre de personnage dérange notre représentation du moyen-âge, que l’on a tendance à considérer comme un bloc monolithique, où l’inculture le disputait à l’étroitesse d’esprit. Comment souvent, la réalité est plus complexe et plus contrastée.
Il y a, sur le site Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France, les Oeuvres de notre désormais ami Gerbert, dit Syvestre II. C’est une édition, fallait s’y attendre, du XIXème siècle, les textes sont en latin, non traduits. Mais le tout est précédé d’une Préface et d’une “Vie de Gerbert” bien plus digestes puisqu’en français, et dans l’incomparable style de l’époque. Bien sûr on peut télécharger. Ah que voilà un usage intelligent de l’internet! Ce bon Gerbert à l’heure de huîtres et de l’apéro!
…et même qu’elle tourne deux fois! autour du soleil et autour d’elle-même! mais si génial qu’ait été le grand Galilée, il a été surtout plus têtu et moins discret que Copernic d’un siècle son aîné dont l’hypothèse héliocentrique a fait moins de bruit . N’oublions pas aussi, puisque l’heure est à rendre à César ce qui est à lui et aux autres ce qui est à eux, l’intuition (sertie de calculs et de schémas très sérieux) d’Aristarque de Samos -3ème siècle avt- pour lequel la Terre “circulait” autour du Soleil, seule possibilité selon lui pour rendre compte de certains phénomènes. J’aime bien l’idée que ce fût une intuition -éclairée- car elle me fait penser à la tentative, assez désespérée, de Galilée auprès des autorités ecclésiastiques pour imposer sa cosmologie sans les brusquer dans leurs options aristotéliciennes et dogmatiques, en disant de l’héliocentrisme qu’il est une hypothèse “élégante”!
Sur la rotondité de la sphère terrestre, si l’on peut dire, il y a malheureusement beaucoup moins de certitude quant aux noms précis de ceux qui l’auraient imposée. Je crois qu’on mélange deux idées. L’idée que la Terre est ronde, qui s’est imposée assez rapidement, par simple observation empirique, comme la lune ou le soleil qu’on pouvait voir ronds comme une assiette dans le ciel, la terre a depuis longtemps été pensée ronde. Thalès la voyait comme un disque…. mais voilà! plat! il a surtout fallu la penser sphérique! mais là encore, peu ou pas de paternité officielle, plusieurs pères putatifs. Ciel! quelle histoire!
En tout cas, très sympa ce Sylvestre II dégoté de derrière les fagots!
Mais le pape François est-il bien conscient du rôle qu’il joue dans la frénésie consumériste religieuse, sa participation au développement du capitalisme des marchands du temple, et son consentement (involontaire espérons-le) à faire que le touriste moyen doit aligner ses dates de séjours dans la Ville de toutes les Antiquités en fonction des rassemblements Place Saint-Pierre, et de l’impossibilité de circuler Urbi et presque Orbi (Assise, le Brésil et autres lieux). Bon, malgré tout cela, y compris la manœuvre de la double canonisation, on l’aime mieux que les autres. Car il revient de plus loin, et il y va….
(posé une petite réf. livresque sous l’autre post)